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Genre & mobilisations sociales: étude de genre des mobilisations féministes radicales et LGBT à  Istanbul

( Télécharger le fichier original )
par Adèle PRUVOST
Université Rennes 1 - Master 2 Sciences Politiques 2011
  

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Conclusion, critiques & apports

Après ce rapide aperçu des théories des mouvements sociaux, qui ont apporté des nouveautés significatives, mais qui ont aussi leurs failles.

Les théories comportementales collectives nous ont apporté le concept de frustration utile pour comprendre l'émergence des mobilisations. Les théories des mobilisations des ressources l'analyse des organisations, le regard sur le « comment » ces agents sociaux se mobilisent-ils. Néanmoins le trop grand objectivisme de ces théories peut être critiquable, et la grande distance avec le vécu des agents sociaux acteurs de l'action collective aussi. Les NMS nous ont apporté des concepts tels que la logique identitaire différente des rapports de classe sur lesquels se fondent les actions

collectives, et le rapprochement avec les acteurs. Les théories de Gaxie sont intéressante du point de vue de la prise en compte de la subjectivité des vécus militants, et donc des économies de coûts et de rétributions qui rentre en jeu dans la manière d'entrer, de s'investir dans le militantisme.

Après avoir passé brièvement en revue les théories classiques des mouvements sociaux, nous allons maintenant jeter un coup d'oeil aux quelques auteurs introduisant la catégorie analytique du genre dans les mouvements sociaux, afin de comprendre de quelle manière le genre peut-il apporter quelque chose dans la compréhension des mouvements sociaux.

B) Nouveaux apports théoriques du genre dans l'étude des mouvements sociaux

Ce travail de recherche est basé sur un premier constat, celui que les différentes théories des mouvements sociaux jusqu'à aujourd'hui ne prennent pas en compte le genre dans leurs théories.

Qu'est ce que le Genre ?

La Commission générale de terminologie et de néologie en aurait rejeté l'usage en 2005. Pourtant de nombreux chercheurs et académiciens continuent a l'utiliser. Qu'est ce que le genre, et quel est son utilité dans les travaux scientifiques de recherche en sciences sociales comme dans d'autres domaines ? Au sens le plus général, le genre est la construction sociale de la différence des sexes5. On distingue du genre, le sexe qui par opposition au genre, est biologique, physiologique. Par le sexe on distingue des hommes et des femmes dotés d'appareils génitaux masculins ou féminins. L'emploi du terme « genre » permet de souligner le caractère social des comportements et des significations associées à la différence des sexes voire à cette différence elle-même6. Le terme genre nous permet de différencier le sexe biologique ou « naturel » et le sexe social ou « genre ».

L'objectif des études de genre est donc de chercher a comprendre comment le social
transforme le sexe en genre, qu'est ce qui dans le processus de construction sociale

5 Anne Revillard et Laure de Verdalle, « Les Dynamiques du genre », ENS Cachan | Terrains & travaux. 2006/1 - n° 10 pages 3 à 17

6 Laqueur, 1992, dans « Les dynamiques du genre », ENS Cachan | Terrains & travaux. 2006/1 - n° 10 pages 3 à 17

fait que nous agissons de telles ou telles manières si nous sommes nées fille ou garçon ? Quels rôles sociaux incarnons-nous de part notre identité de genre ? Depuis la petite enfance avec l'éducation différente que nous avons reçue de part notre famille ou a l'école nous poussant a aller plutôt vers tels ou tels jouets, ou à nous comporter de telles ou telles manières selon notre sexe, jusqu'au monde du travail, oü il existe indéniablement une division nette des tâches, des salaires, et des places hiérarchiques, en passant par la sphère privée et le vie conjugale où la encore une division genrée des rôles est très souvent présente... La division de genre est omniprésente dans toutes les sphères de nos vies.

Il convient cependant de ne pas penser le genre qu'à partir de cette opposition binaire féminin/masculin, et d'étudier la construction du genre tout en étant attentif à la déconnection entre construction de la féminité et de la masculinité qui reste dans une certaine mesure relativement indépendante des sexes biologiques. (En particulier chez les Transgenres, intersexes par exemple).

Les relations de genre ne seraient pas seulement présentes dans les dimensions de la construction sociale, c'est-à-dire les comportements, les statuts, les gouts, les rôles... Mais elles sont aussi dans les symboles, les valeurs, les émotions rattachés au féminin et au masculin. Les cadres symboliques rendant les oppositions féminin/masculins (( naturelles )) ou allant de soi sont très puissants et très anciens. Ainsi depuis (il semblerait) presque toujours et dans de nombreuses sociétés cette dichotomie fondée sur le biologique existe et est largement répandue. Le féminin serait associé dans de nombreuses cultures à la (( Nature ~, a la reproduction, et soins de l'enfant. Alors que le masculin lui est associé à la (( Culture )) et aux tâches intellectuelles et physiques relevant de la sphère extérieure au privé. Un des arguments les plus fréquents est de dire que la nature détermine la culture. La femme serait physiquement plus faible que l'homme et aurait un cerveau plus petit, c'est pourquoi naturellement elle serait destinée à des tâches différentes que celles des hommes. Cet argument est scientifiquement contesté. La division des tâches relève donc plus d'une division politique et de pouvoir que d'une division biologique7.

En effet il existe intrinsèquement au genre un rapport de pouvoir, que l'on peut définir selon une hiérarchie, selon laquelle les hommes dominent les femmes, et en termes de normes selon lesquelles le social accorde plus d'importance aux valeurs et significations liées au masculin plutôt qu'au féminin8. (Article (( dynamiques de

7 Christine GUIONNET et Erik NEVEU, (2009) Féminins/Masculins: Sociologie du Genre, Collection U, Edition Armand Colin

8 Anne REVILLARD et Laure de VERDALLE, (( Les Dynamiques du genre » ENS Cachan | Terrains & travaux. 2006/1 - n° 10 pages 3 à 17

genre »). Ce sont les théories féministes qui ont les premières mis à jour cet aspect relationnel de pouvoir lié au genre. Entre autres Christine Delphy a conceptualisé le terme de patriarcat, et Colette Guillaumin les concepts de (( sexages » et (( d'appropriation », en France. Aux Etats-Unis, l'une des précurseurs Judith Butler, dont les écrits ont servis a l'émergence de la mouvance « Queer », démontre que chaque individu quelque soit son sexe subit une pression sociale à se conformer à une norme de genre, et qu'en cas de transgression il y aurait une sanction sociale. La mouvance (( Queer ~ s'emploi donc a analyser les normes de genre et l'hétérosexualité et à travailler à leur déconstruction et à leur remise en question. Cette remise en question des normes de genre et de sexualité laissent aussi une place plus grande à des mobilisations jusque là invisible dans les travaux scientifiques de sciences sociales comme les mobilisations LGBT (Lesbiennes Gay Bisexuel et Trans).

Les études de genre ont été d'abord plus précoces et plus fructueuses dans les pays anglophones et notamment aux Etats-Unis et au Canada. Elles furent, et elles continuent à être dans ces pays fortement reliées au militantisme féministe, sans lequel ce courant n'aurait surement jamais vu le jour. Néanmoins cette association chercheur/militant peut être vue comme dangereuse, et serait une des causes au refroidissement de la France et des pays d'Europe envers ce type d'étude et d'analyse. De plus ce type d'étude reste peut être encore trop centré sur l'étude des femmes et du féminin, alors que l'étude du masculin est tout autant intéressant, et le risque serait de désintéresser une certaine partie de la population a ce type d'étude, qui par ailleurs devrait pouvoir concerner tout le monde9. Néanmoins l'étude du genre devient de plus en plus florissante et reconnue en France, comme en témoigne la multiplication récente des publications sur le sujet, et les ouvertures de chairs universitaires dans ce domaine. Les travaux sur le genre sont diverses et variés et transcendent toutes les domaines de recherches ; Histoire, Philosophie, Science politique, Psychologie, Sociologie, Littérature... Et toutes les sphères, celles du privé, de la vie conjugale, de la sexualité, de la famille, comme celles du publique ; sphère du travail, de l'espace publique. Et tous les champs ; politiques, économique, et sociaux...

Pourquoi inclure le genre dans l'étude des mouvements sociaux ? Verta Taylor et les structures d'opportunités genrées

Selon Verta Taylor, Mya Marx Ferree, Judith Taylor, Jean Gabriel Contamin, Olivier Fillieule, Danièle Kergoat, entre autres, les chercheurs en sciences politiques et en sociologie auraient jusqu'à présent rarement envisager le genre en tant que catégorie analytique dans l'émergence et développement des mouvements sociaux. Ces chercheurs avant-gardistes dans le domaine du genre et des mobilisations sociales

9 Christine GUIONNET et Erik NEVEU, (2009) Féminins/Masculins: Sociologie du Genre, Collection U, Edition Armand Colin

commencent par remettre en question les théories des mouvements. Les seuls travaux selon Verta Taylor qui auraient observé que le mouvement social serait traverser par des dynamiques de genre sont peu connus et peu reconnus (Fantasia 1998, Gamson1997, Mc Adam 1992, Neuhausen 1995)10. Selon elle cela contrasterait avec la croissance des travaux fructueux sur le genre dans tous les autres domaines confondus. Malgré tout un groupe de chercheuses féministes aux Etats-Unis ont fait des travaux dans ce domaine, et ont pu prouver que le « genre était un des facteurs clé explicatifs dans l'émergence, de la nature et des résultats de tous les mouvements sociaux, ceux qui n'évoquent pas intrinsèquement le conflit de genre comme ceux qui revendiquent son changement ». 11 Verta Taylor fait partie de ce groupe avec entre autres Marx Ferree, Whittier, Blee, Robnett... Elle fait notamment de nombreuses recherches sur les groupes de soutien de femmes en dépression post-partum (après l'accouchement d'un enfant). Selon elle ces groupes de soutien sont de véritables groupes d'action collectives s'incérant dans le mouvement plus large du féminisme et tentant de lutter contre les images, les rôles, et les comportements de la « mère idéale nurturante », c'est-à-dire de la mère seule responsable des soins et de l'affection dont l'enfant a besoin. Ainsi toute la pression de l'éducation et des soins affectifs de l'enfant reposerait seulement sur les épaules de la mère, ce qui expliquerait en grande partie les dépressions post-partum de ces dernières. Les groupes de soutien luttent aussi pour une meilleure connaissance de la maladie, qui est très peu reconnue notamment dans le champ médical. En effet il y aurait une réticence culturelle à envisager la naissance d'un enfant autrement que dans le bonheur. Selon Verta Taylor, les champs culturels et médicaux fortement genrés, qui diffusent et renvoie ce type d'image de la femme sont autant de structures d'opportunités pour des mobilisations de femmes.

Fillieule, Contamin, et Judith Taylor : les structures organisationnelles et expressives genrées

Olivier Fillieule 12 pense lui aussi que le genre est peu pris en compte dans l'étude des mobilisations sociales. Même si de plus en plus de travaux apparaissent sur le sujet et notamment en France. La sociologie des rapports de genre ne serait pas aussi naturellement considérée que celle des rapports de classe. En France, les chercheurs s'intéresseraient surtout a la place des femmes dans les grèves mixtes, en étudiants les rapports sociaux de sexe. Dans ses recherches il utilise le genre pour expliquer les

10 Verta TAYLOR, «Gender and Social Movements: Gender Processes in Women's Self Help Movements », Gender and Society, Vol 13, N°1,(1999), p8-33

11Verta TAYLOR, Ibid

12 Olivier FILLIEULE, Le Sexe du Militantisme, Collection Sociétés en Mouvement, Edition Science Po Les Presses, (2009)

notions de frustrations, d'opportunités politiques, de cadres dominants, mais aussi les structures organisationnelles, avec la perspective ou non du leadership androcentré, l'éventuelle division du travail militant, et enfin les coûts et rétributions de l'engagement. Utiliser le genre nécessiterait une redéfinition des frontières du militantisme et faire le rejet des découpages habituels. Il serait intéressant d'envisager d'autres sphères que celles de l'Etat et des élites, comme la communauté, la famille, les réseaux, la parenté, lesquelles seraient assignées aux femmes et donc plus particulièrement investis par ces dernières13. Ce serait donc aussi rendre visible des mobilisations qui sont habituellement mises de côté.

Chercheuse aux Etats-Unis, Judith Taylor, elle aussi fait partie de ce petit groupe de chercheurs qui étudie les mobilisations sociales par le biais de la catégorie analytique du genre. Elle cherche à mettre en évidence (notamment dans sa recherche sur les mobilisations pour le droit a l'avortement en Irlande) 14 que les modèles traditionnels nous limite dans la compréhension du mouvement. Elle critique le fait que en politique, comme en sciences sociales il est souvent utilisé des termes « neutres », voire un vocabulaire de type « militaire », avec des notions de stratégies, de tactiques d'antagonistes/protagonistes (ces deux derniers concepts étant développés par Doug McAdam, David Snow, et Gamson). Gamson et Mc Adam se focalisent très fortement sur la dynamique entre le mouvement et le gouvernement. Dans sa recherche en Irlande, elle compare les interventions de femmes et d'hommes qui sont féministes et qui sont dans le mouvement pour le droit a l'avortement lors des meetings. Durant ces interventions donc, les femmes exprimeraient plus leurs émotions, leurs ressentis, leurs expériences personnelles. Ils utilisent donc les meetings comme des lieux de paroles et de partages d'expériences. Tandis que les hommes parlent de logiques d'action collective et tentent d'organiser la prochaine action collective de manière stratégique. Elle observe aussi l'irritation de certaines militantes quant a la façon dont les hommes avaient d'emblée monopoliser les discussions et leurs empressements a diriger chants et slogans et a conduire la manifestation. Dans l'organisation aussi, elle note que les militantes femmes préfèrent la prise de décision par consensus, c'est-àdire prises par petits groupes de paroles, car plus intimes. Les militants hommes en revanche préfèrent la prise de décisions par vote car ils le considèrent comme plus démocratiques.

13 Olivier FILLIEULE, Le Sexe du Militantisme, Collection Sociétés en Mouvement, Edition Science Po Les Presses, (2009)

14 Judith TAYLOR «Les tactiques féministes confrontées aux «tirs amis» dans les mouvements des femmes en Irlande», Politix Volume 20 n°78/2007, p65-86

Un autre chercheur français, Jean Gabriel Contamin, qui a fait une étude sur la pétition contre la loi Debré15, estime lui aussi que la prise en compte du genre est indispensable dans l'étude des actions collectives, quand bien même cette action est jugée neutre aux premiers abords. En effet, pour la pétition contre la loi Debré, il y avait autant de participants hommes que femmes. Il y observe des différences genrées dans les expressions des pétitionnaires. Dans les témoignages, les femmes feraient preuve d'empathie, elles n'hésiteraient pas a exprimer leurs émotions, et elles se positionneraient avant tout comme des mères de familles (pour une majorité). Alors que les hommes (là encore des exceptions existent) se positionnent d'abord contre une politique, et s'expriment de manière plus « froide )). Il dénonce « une définition restrictive du domaine politique qui le réduit aux activités les plus institutionnelles et les moins ouvertes aux femmes, un vocabulaire « non genré )) qui masque qui fait quoi, et qui renforce implicitement l'impression qu'organisateurs, dirigeants, et militants ne sont jamais des « organisatrices )), des « dirigeantes )) ou des « militantes )) ; la tendance à présenter les modes de participation politique des femmes comme des comportements en marge de la politique, relevant des « pratiques morales )) plutôt que des luttes « politiques )) )).16

Mya Marx Ferree et Joan Acker : l' « éthique masculine de la rationalité et de la froideur »

Joan Acker écrit un article en 1990 sur l'étude féministe des organisations. Elle observe que les organisations s'appuient sur une « éthique masculine de la rationalité )). Les organisations récompenseraient en effet des comportements au travail de type masculin comme « la capacité d'abstraction et de planification, la mise de côté des dimensions émotionnelles, et une forme de supériorité cognitive dans la résolution des problèmes et la prise de décision. )) 17 En résumé, non seulement il y aurait une hiérarchie entre ce que l'organisation pense être une « éthique masculine )) et une « éthique féminine ~. Mais l'organisation exercerait une pression sur l'individu femme ou homme pour qu'il se conforme a cette éthique selon son sexe ou non. Ainsi les hommes devraient masquer toute émotion et faire preuve de capacités intellectuelles et rationnelles. Alors que les femmes devant elles aussi se conformer à ce que l'organisation attend d'elles, doivent faire preuve de capacités de soutien, d'empathie, de négociations, et d'écoute. Dans certaines organisations, il leur sera demandé également des « compétences esthétiques )). Danièle Kergoat, dans son livre « Les

15 Jean Gabriel CONTAMIN, « Genre et modes d'entrées dans l'Action collective : l'exemple du mouvement pétitionnaire de la loi Debré )), Politix N°78/2007, p 13-37

16 Ibid

17 Joan Acker dans Christine GUIONNET et Erik NEVEU, (2009) Féminins/Masculins: Sociologie du Genre, Collection U, Edition Armand Colin

Infirmières et leur Coordination», 18dénonce aussi le fait que les infirmières sont sous payées, parce que le corps médical et l'Etat attendent d'elles des qualités considérées comme « naturelles ~, d'aide, d'écoute, d'empathie, qu'ils ne considèrent pas comme des qualifications. Se plier a l'éthique masculine ou féminine que l'organisation attend de nous demande souvent un véritable travail sur soi même, de self-control, pour les hommes comme pour les femmes.

Mya Marx Ferree et D.A Merril dénoncent elles l'invisibilisation de l'émotion dans les mouvements sociaux19. Selon elles la sociologie des mobilisations est construite autour de l'idée que le comportement politique, tout comme celui du chercheur doit être « rationnel », « dénué d'émotions, de passions, et de sentiments ». Alors que les mobilisations seraient tout sauf froides, mais au contraire « pleines d'émotions, de passions, et de valeurs ». Là aussi le masculin serait rattaché au « non émotionnel, calculateur, égoïste, dominateur, et hiérarchique ~, le passionnel et l'émotionnel seraient réservés au féminin, mais comme ces deux aspects ne sont pas étudiés, il y aurait bien selon elles une hiérarchie de genre au sein des recherches en sciences sociales.

Des points qu'il reste a soulever....

Verta Taylor souligne le danger de trop insister sur les pratiques organisationnelles genrées, car cela renforcerait, ou maintiendrait les inégalités de genre. Elle préconise l'utilité aussi de travailler sur des phénomènes de résistance aux normes de genre. Comme lorsque des mobilisations de femmes développent des alternatives aux normes genrées, alternative de l'image de la femme par exemple, ou sur le travail émotionnel qui est fait au sein de l'organisation. Verta Taylor insiste aussi sur le fait qu'analyser les mobilisations sociales par le biais du genre c'est bien, mais il ne faut pas oublier l'impact des mobilisations sociales sur la construction sociale du genre. En effet de part les mobilisations de femmes, qui font un véritable travail de « développement des consciences » sur les normes de genre, et qui de part leur croissance et leur impact pourrait bien influer sur les normes dans le présent comme à l'avenir.

Vers une méthodologie personnelle...

Dans cette section théorique, nous avons fait un rapide « état des lieux » des théories
des mouvements sociaux, puis nous avons vu que l'apport du genre dans ces théories

18 Danièle KERGOAT, Françoise IMBERT, Hélène Le DOARE et Danièle SENOTIER, Les infirmières et leur Coordination, Ouvrage recensé par Colette Gendron, Recherches Féministes, Vol 6,n°2, (1993), p171-175

19 Mya Marx FERREE et D.A MERRIL, «Cold Cognition: Thinking about Social Movements in Gendered Frames», Contemporary Sociology, Vol 29, n°3, (2000), p454-462

était nécessaire. Afin d'étudier l'émergence des organisations féministes et LGBT (Lambda et Amargi), et afin de rendre au mieux de leur spécificité, l'outil analytique du genre sera donc utiliser dans cette recherche, tout en combinant des apports non négligeables des théories « classiques » des mouvements sociaux. Au début de ce travail de recherche, certains traits ; l'émotion, l'expérience personnelle, la convivialité, et l'objectif de s'émanciper soi se démarquèrent plus particulièrement, prouvant ainsi que les théories classiques des mouvements sociaux de pouvaient être suffisant dans le cadre de cette étude. C'est pourquoi les travaux de Verta Taylor et d'autres20 cherchant à inclure le genre dans leurs recherches, ont particulièrement servi dans le cadre théorique de ce travail.

Dans ces recherches, il sera donc étudié les structures organisationnelles, les répertoires d'action au travers du genre, mais aussi décrypté des témoignages des militantes lors des entretiens, et la recherche de leurs intérêts à se mobiliser dans cette cause. Les coûts et rétributions des militantes ne sont pas les mêmes que ceux des militants hommes. Il est donc intéressant d'avoir un regard analytique sur les autres sphères de la vie des militantes, aspect souvent banni dans les recherches « classiques » des mouvements sociaux. Cette observation ne se basant que sur les mobilisations de femmes, l'appui sur d'autres recherches de rapport de genre dans les groupes de mobilisations mixtes, ou masculins, afin d'établir une comparaison mais surtout afin de définir si il y a effectivement une logique d'action féminine, peut être utile.

Le contexte politico-culturel sera aussi étudié au travers du rapport social de genre, car jouant un rôle puissant dans l'émergence des mouvements sociaux, générant des frustrations et des donc des opportunités de mobilisation. La Turquie est en effet un contexte politico-culturel où la hiérarchie des normes de genre entre le « féminin » et le « masculin » est particulièrement forte et prégnante, et dont les cadres très puissants influent dans toutes les sphères de la vie d'une femme. (Famille, vie conjugale, travail, vie sociale, espace publique).

Enfin, selon ce que disait Verta Taylor21, il est important de s'interroger aussi sur l'influence du mouvement social sur la construction sociale du genre, et observer éventuellement des changements à ce niveau. Amargi et Lambda sont des organisations nationalement connues, revendiquant la prise de conscience des normes

20 Olivier FILLIEULE, Verta TAYLOR, Judith TAYLOR, Mya Marx FERREE, Christine GUIONNET, Danièle KERGOAT, Cheryl HERCUS, Jean-Gabriel CONTAMIN, Laure BERENI

21 Verta TAYLOR, «Gender and Social Movements: Gender Processes in Women's Self Help Movements », Gender and Society, Vol 13, N°1,(1999), p8-33

genrées des femmes et des hommes, et le fait de s'en émanciper (pour les féministes d'Amargi), ou de s'en défaire (pour les Queer et transgenres de Lambda). On peut donc légitimement se poser la question de l'impact de ses actions dans le champ social, bien que cela semble difficile à évaluer.

Enfin, il semble intéressant de noter aussi le paradoxe des militantes féministes et LGBT qui revendiquent l'émancipation des normes de genre, mais qui de manière inconsciente(ou non) réutilisent dans leurs actions, et leurs organisations des logiques identitaires genrées ayant à voir avec leurs identité sexuées. Mais comment pourrait-il en être autrement ?

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote