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Les enchanteresses dans les compilations du XVe siècle

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par Julie Grenon-Morin
Université Sorbonne-nouvelle - Master 2 2011
  

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TROISIÈME CHAPITRE

Les sibylles

Introduction

Dans la salle 2 du Musée de Cluny à Paris se trouve une superbe tapisserie : Auguste et la Sibylle datant des alentours de 1520. L'engouement pour les sibylles, figures chrétiennes par excellence à la fin du Moyen âge, était tel qu'il se faisait sentir dans plusieurs domaines artistiques, dont la littérature. Les compilateurs ne tarissent pas d'éloges envers elles. Par leur don de voyance, on peut considérer les sibylles des enchanteresses. Celles-ci se distinguent des fées et des humaines à la fois. De nombreux auteurs ont utilisé ces figures. Réduites à une seule, elle est sont mal perçue chez Antoine de la Sale dans Le Paradis de la reine Sibylle qui présente un personnage approchant dangereusement la sorcière.

Chez les compilateurs, la perception des sibylles est nettement meilleure. À la suite de Christine de Pizan et Symphorien Champier, l'auteur mentionne qu'il existe dix sibylles. Le tableau suivant montre par contre que tous les compilateurs ne s'entendent pas sur ce point :

Les différentes désignations des sibylles

Boccace

Jean Robertet

Antoine Dufour

Martin Le Franc

Christine de Pizan (Cité)

Symphorien Champier

 

Persique

 

Perse

Perse

de perse

Erithree

Erithée

 

Lerithee

Erophile ou

Érythrée

erithrée ou eriphile

 

Delphique

 

Delphique

Delphique

Delphique

 
 
 

Chimere

 
 
 

Libie

 
 

Lybienne

De lybie

 

Samie

 

Samye

Samienne

samie ou phemonoe

 

Europe

 
 
 
 
 

Symerie

 
 

Cimérienne

De cymes

Almathee

Cumane

ou

Almathée

Amalthée

Cumme

Cuméenne

cumane ou amalthée ou erophile123(*)

 

Agrippe

 
 
 
 
 

Tiburtine

Albunée

Albumee

Tyburtine

tyburte ou tyburtine ou albunée

 

Helleponthia

 

Elesponce

Hellespontienne

helespontique ou elespontie

 

Phrigie

 

Frigie

Phrygienne

phrigie

Comme nous pouvons le voir dans ce tableau, les sibylles ont muté à travers le temps. Gaston Paris retrace ainsi leur évolution :

une croyance fort répandue - était-elle d'origine? c'est ce qui reste à examiner, - plaçait sous terre, et spécialement dans une montagne, le royaume d'une déesse ou d'une fée, où ceux qui pouvaient y pénétrer jouissaient de toutes (sic) les délices. La Sibylle devint la reine d'un de ces "paradis", tout en restant d'abord avant tout la prophétesse qu'elle était; puis peu à peu elle perdit cette qualité primitive et ne fut plus qu'une de ces créatures de séduction et de volupté dont l'image, depuis Calypso jusqu'à la Dame du lac, a rempli d'épouvante et d'enchantement les rêves des mortels124(*).

Chez les compilateurs, la sibylle est toujours un être empreint de sacré. Ils parlent donc avec respect de celles (elles sont de neuf à douze) qui avaient annoncé la naissance du Christ. Ces figures sont directement inspirées des mythes antiques. Cependant, un renversement total se fait dans les oeuvres de fiction médiévales ici à l'étude. Le tableau suivant montre le décompte des sibylles chez les auteurs du corpus :

Ordre et décompte des sibylles

 

Jean Robertet

Martin Le Franc

Christine de Pizan (Cité)

Symphorien Champier

 

1. Libie

Perse

Perse

de perse

 

2. Erithée

Delphique

Lybienne

De lybie

 

3. Cumane ou Almathée

Chimere

Delphique

Delphique

 

4. Samie

Lerithee

Cimérienne

De cymes

 

5. Symerie

Cumme

Erophile

erithrée ou eriphile

 

6. Europe

Frigie

Samienne

samie ou phemonoe

 

7. Persique

Samye

Cuméenne

cumane ou amalthée ou erophile

 

8. Agrippe

Albumee

Hellespontienne

helespontique ou elespontie

 

9. Tiburtine

Elesponce

Phrygienne

phrigie

 

10. Delphique

---

Tyburtine

tyburte ou tyburtine ou albunée

 

11. Helleponthia

---

---

---

 

12. Phrigie

---

---

---

TOTAL :

12

9

10

10

Il faut noter que Martin Le Franc stipule qu'il existe dix sibylles, mais qu'il n'en énumère que neuf.

Les sibylles sont parfois dépeintes comme des êtres néfastes et repoussants, allant même jusqu'à incarner le Diable. C'est entre autres le cas d'un des rondeaux de Charles d'Orléans, du Paradis de la reine Sibylle d'Antoine de la Sale et du Tiers-Livre de François Rabelais.

Comme nous avons pu le voir avec les précédents exemples de Médée et de Circé, bien souvent, au Moyen âge, les femmes sont démonisées pour des raisons surprenantes, à tout le moins pour un lecteur de notre époque :

Nous avons vu que les Diables de la fin du Moyen âge étaient souvent pourvus de seins (...) Cependant ces diables à seins de femme apparaissent à la fin du Moyen âge, c'est-à-dire à une époque où, de plus en plus, le symbolisme féminin se charge de culpabilité, de malédiction. (...) La femme et, progressivement, la sorcière vont devenir des monstres : cette évolution atteint son apogée à la fin du XVe siècle125(*).

Les sibylles, bien que des êtres merveilleux, échappent à la dévalorisation quasi systématique. Cela s'explique par leur appartenance au monde chrétien. Les seuls qui osent les railler sont des auteurs de fiction et non des compilateurs, qui utilisent la dérision, voire la grossièreté pour parler d'elles. Du bien est dit de leur savoir est dans les compilations de Boccace, Antoine Dufour et Christine de Pizan. Guillaume de Machaut et Le Chemin de longue estude de Christine, encore, le louangent également. Christine de Pizan figure deux fois dans cette liste, car elle a rédigé une compilation sur les femmes et une oeuvre de fiction où la sibylle est un personnage central. La sibylle des deux oeuvres sera comparée.

* 123 Il est probable que l'auteur se soit trompé avec cette dernière désignation, qui convient plutôt à Érythrée et ses différentes dénominations.

* 124 Gaston Paris, Le Paradis de la Reine Sibylle, Légendes du Moyen Âge, Paris, Hachette, 1904, p. 9.

* 125 Kappler, ibid., p. 263-265.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius