Avec le président de la communauté musulmane et
l'Imam de la grande mosquée de la ville de Dédougou, nous avons
pu avoir des entretiens portant sur neuf (09) questions.
La première question se rapporte à la connaissance
et au nombre de foyers coraniques existant dans la ville. Il a
été révélé que les deux responsables ont
connaissance de leur
existence. Toutefois ils ignorent leur nombre ; mais ils peuvent
citer les noms de quelques promoteurs.
La deuxième question porte sur le genre d'enseignement
dispensé dans les écoles coraniques. Le président a
mentionné le Coran et les pratiques religieuses.
> éduquer l'homme de façon
générale ;
> former l'homme religieusement complet ;
> mettre des érudits á la disposition et au
service de la communauté musulmane.
Le but de cet enseignement est de :
> professer le TAWHID qui est l'unicité de
Dieu ;
> accomplir la IBAADA qui est l'ensemble des actes
d'adoration d'ALLAH (Dieu).
Pour les objectifs, l'école coranique veut :
> former des Imams ;
> former des muezzins ;
> produire des marabouts et maîtres coraniques.
L'enseignement est donné à travers l'étude
des livres suivants :
> le Coran qui est le livre sacré de l'Islam ;
> les Kitabs (livres) comprenant l'Akdari,
Asmawi, Kkla Cheïck, Moukadamat, Rissala, Kawatil-islam.
Les branches d'études étant le Tafsir ou
commentaire du Coran, les hadith ou paroles du Prophète et le
Logha qui est l'apprentissage de l'arabe littéraire.
La troisième question concerne le sens á donner
á la mendicité. Pour le président, les talibés
mendient par nécessité due au fait qu'ils ne vivent pas avec
leurs parents. Aussi parce que les parents ne donnent rien au maître pour
l'entretien de leurs enfants.
Pour l'Imam, la mendicité est tolérée
seulement dans le but de se nourrir. Le talibé qui a consacré sa
vie á chercher le savoir pour servir Dieu doit titre nourri et
entretenu. Il évoque un principe musulman qui interdit de garder le
reste du repas lorsqu'on se rassasie et qui recommande de le donner à
ceux qui n'ont pas à manger. C'est ce qui justifie que les mendiants
passent de porte en porte pour enlever les restes et pour éviter aux
familles de les
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rechercher pour cela. Il reconnaît cependant que c'est
gênant de voir les talibés envahir les lieux publics.
La question n°4 se rapporte à
l'appréciation de l'éducation dans les écoles coraniques.
Le président apprécie négativement l'école
coranique. Il doute de la qualité de l'éducation qui y est
donnée. Il pense que les enfants sont revêtus de haillon à
dessein pour susciter de la pitié. Il a peur que ces écoles ne
produisent des escrocs.
L'Imam au contraire adopte une position favorable à
l'école coranique. Pour lui, elle a l'avantage d'inculquer à
l'enfant, mieux que toute autre école, des valeurs comme l'endurance, le
pardon, l'humilité et la foi musulmane. Il affirme même que les
medersas ont été créées pour concurrencer et faire
obstacle à l'école coranique.
La question n°5 porte sur les châtiments
corporels. Le président dit ne pas savoir s'ils existent encore dans les
écoles coraniques. Dans le temps, dit-il, les plus grands frappaient
souvent les petits qu'ils devaient encadrer.
L'Imam pour sa part pense que le savoir doit
s'acquérir dans la contrainte ; il doit être introduit dans
l'enfant par pression. Cette méthode est une tradition qui remonte au
Prophète à qui l'Ange Gabriel a transmis les premiers versets en
le serrant comme pour le torturer. C'est ce qui justifie le choix de la
méthode dogmatique par cette école.
A la question de savoir à quelle école il faut
envoyer prioritairement les enfants, le président de la
communauté musulmane répond : l'idéal serait que l'enfant
puisse posséder l'arabe et le français, en plus d'une langue
nationale. Il est facile, dit-il, de comprendre sa religion en passant par le
français. Il cite l'exemple des associations musulmanes comme le Cercle
d'Etudes, de Recherches et de Formation islamique (CERFI) et l'Association des
Elèves et Etudiants musulmans au Burkina (AEEMB) qui ont réussi
l'enseignement de la religion et de l'arabe à partir du français.
Par l'arabe au contraire, il serait difficile de rattraper le premier,
conclut-il.
La réponse de l'Imam à cette même
question est qu'il faut envoyer les enfants en priorité à
l'école coranique car elle ouvre l'esprit des enfants. Il pense que cela
peut se faire à partir de 4 à 6 ans, juste avant d'entrer
à l'école primaire.
Lorsqu'ils ont été interrogés sur
l'obligation scolaire, les deux responsables religieux ont répondu par
l'affirmative. Ils savent en effet que l'école est obligatoire pour les
enfants
âgés de 6 à 16 ans. Pour le
président, cette loi est ancienne et elle comportait cette restriction :
(l'enseignement primaire est obligatoire) «dans les limites des
possibilités d'accueil». L'Imam pense pour sa part que cette loi
doit concerner seulement les enfants qui sont restés à la maison
et qui ne fréquentent aucune structure éducative.
La question n°8 est relative aux suggestions pour que les
talibés bénéficient d'une scolarité normale. L'Imam
et le président suggèrent de :
> éviter que les talibés voyagent à
travers les villes et villages ;
> encourager les talibés à rester auprès
de leurs parents et à étudier dans leur lieu de résidence
;
> supprimer la mendicité ;
> impliquer les parents dans la prise en charge et le suivi
des enfants talibés ; > inscrire parallèlement les
talibés au cours du soir en français ;
> enfin, que l'Etat affecte des maîtres chargés
de dispenser des cours dans les écoles coraniques.
Relativement à la tutelle des écoles coraniques,
nous avons appris que celles-ci fonctionnent en toute autonomie et qu'elles ne
sont sous l'autorité de personne.