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Les écoles coraniques et l'éducation des enfants talibés dans la ville de Dédougou au Burkina Faso

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par Abdoulaye ZERBO
Université de Koudougou au Burkina Faso - Diplôme d'inspecteur de l'enseignement du premier degré 2012
  

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I.2.Interprétation des résultats et vérification des hypothèses

I.2.1. Interprétation des résultats

Les résultats obtenus avec les maîtres coraniques ont permis de dégager certaines caractéristiques communes aux écoles. Elles sont installées en zone non lotie ; elles ne portent pas de nom ; les talibés et leurs marabouts sont en situation de transhumance et ils n'ont pas de source de revenu. Toutes choses qui font douter de la pérennité de ce type d'école et qui peut expliquer leur mobilité tant à l'intérieur de la ville que vers d'autres localités.

Ce qu'il est heureux de constater, c'est que les foyers ne comptent pas de filles dans leurs effectifs. Celles --ci sont plus vulnérables et peuvent être victimes de violences en situation de mendiantes de rues. De plus, les maîtres coraniques sont réunis en association et se reconnaissent à travers un bureau. Ce qui permet de les rassembler en cas de besoin et rend possible l'ouverture de dialogue et des perspectives de changements.

Tout en reconnaissant l'importance de l'école classique, les marabouts pensent qu'il est impossible pour les enfants de la fréquenter en même temps que la leur. En réalité, nous pensons qu'ils craignent d'envisager cette éventualité qui supposerait la disparition des foyers. C'est peut-être à cause de cette crainte qu'ils disent ignorer la loi sur l'obligation scolaire et qu'ils font croire à un bon traitement des talibés au foyer.

Les difficultés qu'ils ont soulignées relatives à l'hébergement, à la restauration, et à la surveillance des talibés hors du foyer sont bien réelles. Elles sont accentuées du fait que les maîtres coraniques ont vis-à-vis des enfants des responsabilités à la fois de tuteur, de guide spirituel et d'enseignant. Or, nous savons que des insuffisances existent chez la plupart de ces marabouts. En général, ils ont un niveau d'instruction bas, un pouvoir économique faible, une formation professionnelle de base inexistante et qui favorise des pratiques pédagogiques désapprouvées. C'est ce qui constitue la problématique des écoles coraniques.

Les résultats obtenus avec les parents d'élèves ont révélé que 50,9 % de leurs enfants sont à l'école coranique. Ce constat confirme notre appréciation sur l'importance de ce type d'école dans la vie des populations.

Pour ce qui est des raisons de cette préférence, elles seraient liées à la foi, nous a-t-on répondu. Cependant, le fait que ces mêmes parents aient accepté d'envoyer 40 % de leurs enfants à l'école coranique sans y être contraints montre qu'avec la sensibilisation, ils peuvent scolariser davantage d'enfants. A plus forte raison si la loi sur l'obligation scolaire leur est

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opposée et que la gratuité leur est bien expliquée. Sans compter que de nos jours les parents et la communauté musulmane sont de plus en plus convaincus que l'école coranique n'est pas la seule voie pour accéder aux connaissances de l'islam. Le président de la communauté musulmane a évoqué dans ce sens l'AEEMB et le CERFI qui sont pour lui d'autres cadres d'apprentissage de la religion musulmane.

Quelques détails nous semblent édifiants, à savoir que la majorité de ceux qui envoient leurs enfants dans les foyers ont eux-mêmes été enfants talibés et exercent présentement dans le secteur du commerce ou dans l'agriculture. C'est à se demander pourquoi les parents qui ont été à l'école classique n'y envoient pas leurs enfants. La raison serait, à notre sens, qu'ils ont compris ce qui échappe aux premiers : à savoir que les parents ont le devoir d'assurer à leurs enfants une vie décente, qu'ils n'ont pas le droit de les abandonner à la misère et à des pratiques humiliantes. Les parents interrogés font bien de reconnaître que la mendicité est à supprimer, mais ils doivent en apprendre sur les droits des enfants et les graves manquements qu'ils commettent en abandonnant les leurs.

Les résultats obtenus à l'issue des entretiens réalisés avec les responsables des services déconcentrés ont permis de noter que les écoles coraniques ne font pas partie de la liste des écoles privées. Ils ne disposent d'aucune information statistique sur ces écoles pour la simple raison qu'ils n'ont pas de rapport officiel avec elles. Néanmoins, ils savent bien que des foyers coraniques existent à travers les talibés qui parcourent les rues de la ville.

Les écoles de confession musulmane qui apparaissent sont les medersas et les francoarabes qui se sont fait reconnaître. Ce qui rend envisageable la transformation des écoles coraniques en medersas reconnues et résoudre du même coup le problème de clandestinité dans laquelle fonctionnent les foyers. Pour cela, il faudrait que l'Etat demande leur recensement au niveau local afin de pouvoir apprécier l'ampleur du phénomène et réagir conséquemment.

Autrement, la situation actuelle fait penser que les écoles coraniques sont marginalisées, qu'elles ne sont pas perçues comme des structures éducatives véritables ou simplement qu'elles sont mal comprises. Dans ce dernier cas, ils auraient raison ceux qui pensent que l'Etat devrait, au nom de la laïcité, se tenir à l'écart de la chose religieuse.

Néanmoins, nous avons perçu dans les réponses des responsables pédagogiques la nécessité d'une réforme des écoles coraniques afin que les TBS60 s'améliorent et que les talibés aient droit à une éducation normale.

Les entretiens avec les talibés confirment certaines réponses des maîtres coraniques. Notamment, elles ont révélé que les châtiments corporels ne sont pas courants dans les foyers, que les talibés mendient pour leur propre compte et qu'ils sont séparés de leurs familles qui ne viennent les voir que rarement. C'est dire qu'au départ, les enfants mendient par impérieuse nécessité : subvenir à leurs besoins alors qu'ils sont abandonnés de tous, jeunes et sans ressources. Le risque à long terme est l'habitude que les talibés peuvent prendre à vivre de mendicité et à ne rien faire d'autre. Pour preuve, la confession d'un ancien talibé rapporté par le journal l'Evènement 61: «En dépit de toutes ces difficultés, Ahmadou Idrissa, 73 ans, a presque une carrière de mendiant. Environ trente ans de service dans la mendicité. Il est mendiant depuis la chute du régime du président Lamizana. Environ trente ans de service dans la mendicité. Une brillante carrière de professionnel, qui n'a malheureusement pas de retraite ».

La question se pose de savoir ce que les talibés feront à leur sortie du foyer vu qu'ils ne font rien à part les études et la mendicité. Eux-mêmes ne le savent pas et ils l'ont avoué. Cette révélation démontre également que la réforme des foyers est un impératif si le but de l'éducation est de former l'homme productif, utile à lui-même et à sa société.

Les résultats de l'observation directe nous permettent de dire que les talibés étudient dans des conditions difficiles. Les méthodes pédagogiques, le matériel didactique, et l'organisation de l'environnement scolaire sont traditionnels et arriérés. De même, l'état sanitaire et nutritionnel ainsi que l'hygiene corporelle et vestimentaire des talibés sont insatisfaisants ; et ils sont à améliorer. L'ensemble de ces manques et insuffisances exposent les enfants à des risques de malnutrition, d'infections diverses ou autres maladies telles : le marasme, la diarrhée, la gale, la teigne, etc.

60 Taux brut de scolarisation

61 op.cit.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand