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Les écoles coraniques et l'éducation des enfants talibés dans la ville de Dédougou au Burkina Faso

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par Abdoulaye ZERBO
Université de Koudougou au Burkina Faso - Diplôme d'inspecteur de l'enseignement du premier degré 2012
  

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I.2.2. Vérification des hypothèses

Dans la première partie de notre étude, nous avons formulé trois (03) hypothèses dont une principale et deux secondaires. En nous basant sur les résultats obtenus, nous avons cherché dans les lignes qui suivent à vérifier si ces hypothèses sont confirmées.

L'hypothèse principale :

En rappel, l'hypothèse principale était formulée de la manière suivante : Les écoles coraniques dispensent un enseignement religieux qui prépare les enfants à être de bons croyants musulmans.

Que dire de cette hypothèse ? Cette question nous amène à examiner le programme et l'objectif de l'école coranique pour pouvoir nous prononcer.

Pour ce qui est des programmes d'enseignement des écoles coraniques, nous avons vu que les contenus - matières sont entièrement tournés vers la foi et les pratiques religieuses de l'Islam. De plus, les premieres années au foyer sont consacrées à lire rien que le Coran qui est le livre saint de l'Islam. Les manuels scolaires de ces écoles contiennent seulement des enseignements islamiques.

Quant aux finalité, but et objectif de l'école coranique, nous l'avons relevé, ils se résument à donner à l'enfant une formation complete dans le domaine de l'Islam, et à mettre à la disposition de la communauté musulmane des croyants chargés de célébrer le culte musulman et de propager les connaissances islamiques.

Aussi, pouvons-nous conclure que notre hypothèse principale est vérifiée et que les écoles coraniques dispensent effectivement un enseignement religieux dont le but est de préparer les enfants à être de bons croyants musulmans.

L'hypothèse secondaire n°1

Cette hypothèse était ainsi formulée : la durée de la scolarité, les conditions de recrutement et d'études permettent d'assurer aux élèves des écoles coraniques une éducation de qualité.

Parlant de la durée de la scolarité, nous pouvons affirmer qu'elle varie de 3 ans à plus de 10 ans. Vu que l'âge des talibés est de 7 ans minimum et 20 ans maximum, nous pouvons affirmer que le plus jeune talibé a au moins 17 ans à sa sortie d'école en faisant une scolarité maximale. Cela revient à dire que le séjour du talibé au foyer correspond à la période de l'obligation scolaire et que sa sortie survient plus tard.

Pour ce qui est des conditions d'étude, elles sont particulières et s'écartent de celles de l'école classique à bien d'égards. De l'entretien réalisé avec les maîtres coraniques, nous déduisons que les talibés ont au moins 7 heures de cours par jour contre 6 heures quotidiennes pour les écoliers du primaire. Les écoles coraniques ont un total de 5 matinées et 5 aprèsmidis ouvrables contre 5 matinées et 4 après-midis ouvrables pour l'école classique. Les talibés vaquent 20 jours dans l'année tandis que le primaire vaque au moins 90 jours, les congés y compris. De ce point de vue, nous pouvons dire que les talibés ont un volume horaire annuel nettement supérieur à celui du primaire ; soit 1715 heures contre 1092 heures. Ce qui fait 623 h de différence.

Par rapport aux contenus enseignés, nous avons noté qu'ils n'ont rien à voir avec les contenus prévus par le programme officiel de 1989-1990. Ils sont tous centrés sur les matières religieuses. L'enseignement de l'école coranique vise la formation de l'homme complet sur le plan de l'islam. Or cette finalité ne correspond pas avec celle déclinée dans la Loi d'orientation à son article 13 et qui vise entre autres à :

> stimuler l'esprit d'initiative et d'entreprise de l'enfant ; cultivant en lui l'esprit de citoyenneté à travers l'amour de la Patrie afin qu'il soit capable de la défendre et de la développer ;

> cultiver en lui l'esprit de citoyenneté responsable, le sens de la démocratie, de l'unité nationale, des responsabilités et de la justice sociale; développant en lui l'esprit de solidarité, d'intégrité, d'équité, de justice, de loyauté, de tolérance et de paix ;

Quant aux buts de cet enseignement tel que rappelé par l'Imam, il est de connaître ALLAH et de l'adorer. Ceux-ci différent des buts de l'Etat burkinabé déclinés à l'article 14 de la Loi d'orientation et qui est de :

« faire acquérir à l'individu des compétences pour faire face aux problèmes de société; dispenser une formation adaptée dans son contenu et ses méthodes aux exigences de l'évolution économique, technologique, sociale et culturelle qui tienne compte des aspirations

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et des systèmes de valeurs au Burkina Faso, en Afrique et dans le monde ; doter le pays de cadres et de personnels compétents dans tous les domaines et à tous les niveaux ».

Nous retenons pour l'école coranique qu'elle veut former des Imams, des muezzins, des marabouts et maîtres coraniques pendant qu'à l'école classique l'Etat burkinabé veut « faire du jeune burkinabé un citoyen responsable, producteur et créatif ».62

Nous retenons également qu'au regard de ses horaires et programmes d'enseignement purement religieux, l'école coranique ne dispense pas « une formation adaptée dans son contenu et ses méthodes aux exigences de l'évolution économique, technologique, sociale et culturelle qui tienne compte des aspirations et des systèmes de valeurs au Burkina Faso ».

Nous retenons enfin que l'école coranique absorbe l'enfant pendant la période d'obligation scolaire, c'est-à-dire de 6 à 16 ans et qu'elle le soustrait à une scolarité normale. De plus, en considérant l'emploi du temps des écoles coraniques nous remarquons qu'il consacre une large part à la mendicité. Les talibés sont dans la rue de 9h à 14h puis de 17h à 19h. Cela revient à dire que les talibés restent sans surveillance d'un adulte durant 7heures dans la journée. Ce long moment se passe dans les lieux publics tels les gares routières, les marchés, les environs des mosquées, les restaurants et le Centre de Lecture publique et d'Animation culturelle (CELPAC). Ils sont alors exposés aux mêmes risques que les enfants de la rue en l'occurrence : le vol, la drogue, les bagarres et autres comportements déviants.

Du point de vue psychologique, ces enfants vivent sans doute une crise affective à cause de la séparation avec leurs parents. Nos enquêtes ont révélé que tous les talibés présents à Dédougou sont venus des autres provinces du Burkina ; notamment la Kossi, le Houet, le Passoré, le Sourou et le Yatenga. C'est surtout éprouvant pour les plus jeunes, les moins de douze (12) ans qui partagent souvent le même «dortoir» que les plus grands et qui peuvent subir les brimades des ces derniers.

L'importance de l'affection des parents et du climat familial a été démontrée dans la vie des enfants. Son manque peut affecter l'équilibre psychique de l'enfant. En aucun prix, il ne faut en priver l'enfant. Or, malheureusement, la fréquentation de l'école coranique entraine cela. A propos de l'importance de la famille, F. Macaire a écrit à juste titre : « La famille est

62 Loi d'orientation de l'Education, article 13

assurément le milieu naturel dans lequel se développe normalement l'enfant. A moins de nécessités impérieuses, il est donc préférable de ne pas enlever l'enfant au cadre de vie qui semble le plus apte à assurer son éducation »63. Plus loin, l'auteur renchérit : « Insensiblement, le climat familial imprégnera l'enfant, le marquera des traits indélébiles C'est donc aux parents à poser les premiers jalons d'une éducation qui doit se continuer par l'école ». 64

Partant de toutes ces raisons, nous pouvons affirmer que notre première hypothèse secondaire n'est pas vérifiée et que l'école coranique n'assure pas aux talibés une éducation de qualité ni du point de vue de l'islam ni de celui des normes de l'Etat burkinabé.

L'hypothèse secondaire n°2

En rappel, la deuxième hypothèse secondaire était formulée ainsi : les élèves des écoles coraniques se livrent à la mendicité seulement par principe religieux.

La question sur la mendicité a été celle qui a concerné presque tous les répondants, excepté les responsables des services déconcentrés. Elle a été posée à 47 enquêtés sur 50, soit 94% des participants. Si le probleme a été posé plus ou moins directement aux uns qu'aux autres, tous se sont sentis interpellés de la même manière. Ainsi, il a été demandé :

> aux marabouts, à la question n°5 du guide élaboré à leur intention : « Vos élèves mendient-ils ? Etes-vous d'accord avec cette pratique ? Quelles sont les raisons de votre position ? »

> à l'Imam et au président de la communauté musulmane, à la question n°3 : « Quel sens donnez- vous à la mendicité? »

> aux parents d'éleve, à la question n°11 : « Que pensez-vous de la mendicité ? »

> aux talibés, à la question n°9 : « Pourquoi mendies-tu ? »

L'ensemble des réponses apportées ont révélé que la mendicité est reconnue de tous. Certains légitiment cette pratique et l'acceptent ; d'autres la tolérent à certaines conditions ; et il y en a qui l'acceptent mal.

La catégorie de réponses qui légitiment la mendicité part de deux principes. Le premier est que les talibés ont consacré leur vie à la recherche du savoir pour servir Allah (Dieu) et

63 F. Macaire, Notre beau métier, Edition Saint Paul, 1979, p. 7

64 Ibid. p. 13

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leurs communautés. Il est donc normal que cette communauté prenne en charge les études des futurs dirigeants comme on l'aurait fait pour des boursiers admis à l'internat. Le deuxieme principe est d'ordre religieux et ne devrait concerner que les musulmans. Il leur serait recommandé de partager leur repas s'il est abondant. Il serait défendu de garder les restes de repas apres s'être rassasié.

Pour le second groupe, la mendicité ne devrait avoir d'autres fins que de satisfaire le besoin alimentaire. C'est dire que le mendiant ne devrait recevoir ni argent, ni autre don ; rien que de la nourriture. Tout porte à croire que si les foyers disposaient de cantine scolaire et de réfectoire, les mendiants talibés disparaîtraient des rues.

Les autres trouvent dans la mendicité les moyens de subvenir à leurs besoins de se vêtir, de se procurer des chaussures, et même d'alimenter les lampes pour les études de nuit. La nécessité serait donc à l'origine de cette pratique. Cette derniere catégorie de réponses confirme d'une part l'opinion qui fait croire que les parents abandonnent les enfants entre les mains des maîtres coraniques sur lesquels ils portent toutes leurs charges parentales. D'autre part, on pourrait déduire que les marabouts gardent pour eux seuls les contributions que les parents donneraient.

Sur la question, El Hadj Moussa Semdé, Secrétaire général de la Communauté musulmane du Burkina Faso se prononce : « En réalité, la mendicité est pour le maître, un gagne-pain pour entretenir tous ces enfants qui lui sont confiés sans aucune aide matérielle ou financière. Les parents des talibés les oublient dès qu'ils quittent leurs villages Le maître (lui-même souvent sans grands moyens) est alors obligé de les envoyer mendier pour se nourrir et leur donner quelque chose en retour. Les talibés sont pauvres et très nombreux, et ils vivent dans des situations très précaires. Leur mendicité constitue la source principale de financement des écoles qui les forment et les hébergent. Pire, la mendicité leur prend tellement de temps qu'ils n'arrivent véritablement plus à apprendre, ce pourquoi ils sont là ».

A la lumière des différentes réponses apportées sur la mendicité, nous pouvons affirmer que les talibés mendient plus par nécessité que par principes religieux. Nous nous appuyons sur le propos de l'Imam qui estime que c'est gênant de voir les talibés pulluler dans les lieux publics. Nous considérons aussi le point de vue de la majorité des parents qui préfèrent des contrats rémunérés à la mendicité.

De plus, nous retiendrons pour le compte de notre hypothèse que la mendicité telle que pratiquée de nos jours n'a aucune dimension religieuse et qu'elle ne respecte ni les regles ni les raisons qui l'ont fondée jadis. En effet : « Il existe, trois motifs valables pour mendier, comme de nombreux Shaykhs l'ont dit : d'abord pour l'amour de la liberté de l'esprit, puisqu'aucun souci n'est plus préoccupant que celui de s'assurer de sa nourriture ; ensuite, pour la discipline de l'me : les soufis mendient parce que c'est particulièrement humiliant et que cela les aide à prendre conscience de leur peu de valeur dans l'opinion des autres et ils évitent ainsi les écueils de l'autosatisfaction ; enfin , c'est une preuve de respect pour Dieu si un serviteur mendie auprès d'hommes qu'Il considère tous comme Ses serviteurs car cela dénote une plus grande humilité que de s'adresser à Dieu directement ».65

Pour ce qui est des regles de la mendicité, poursuit l'auteur, elles sont les suivantes : «si tu mendies et que tu n'obtiens rien, montre-toi plus joyeux encore que si tu avais obtenu quelque chose ; ne mendie pas auprès des femmes ou des gens qui trainent dans les bazars et autant que faire se peut, fais le dans un esprit altruiste ; ne garde jamais ce que tu as récolté pour embellir ta mise, pour ta maison ou pour acquérir des biens. Tu dois vivre dans l'instant : ne laisse aucune pensée du lendemain entrer dans ton esprit, ou bien tu es perdu. La règle ultime est de ne jamais exhiber ta piété dans l'espoir que cela te vaudra des aumônes plus substantielles ».

Aussi, pouvons nous déclarer que notre deuxieme hypothese secondaire n'est pas vérifiée et que les élèves des écoles coraniques mendient non pas par principe religieux mais par nécessité et par désespoir.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein