I.3. Synthèse générale
A l'issue de la présentation, de l'analyse et de
l'interprétation des données ; et fort de la vérification
de nos hypothèses de recherche, nous pouvons enfin proposer une
synthèse.
En termes de statistiques, la ville de Dédougou compte
au moins 15 foyers coraniques implantés aux quatre coins de la ville,
dans les périphéries. Les effectifs des élèves
s'élevent à 154 talibés dont zéro fille.
Comparé aux 8 582 élèves de la ville de Dédougou,
ce chiffre
65 Bordas, op.cit.
76
représente 1,8 %. Ce même taux appliqué
à l'effectif national des élèves en 2010-2011 donnerait 39
69566 enfants talibés. Cela démontre l'importance que
l'école coranique a dans la vie des populations.
Sur la question des contenus-matières enseignés
dans les écoles coraniques, nous avons constaté qu'ils
s'écartent des programmes officiels à tous points de vue. Les
manuels scolaires et leurs contenus sont tournés vers les connaissances
et les pratiques de l'Islam. L'objectif étant de produire des
érudits, des dirigeants et responsables musulmans. A l'issue de sa
formation, de son cursus disons, le talibé peut assumer les fonctions
d'Imam, de muezzin, de prêcheur, ou de maître coranique.
S'agissant de l'organisation pédagogique et
administrative des foyers coraniques, nous pouvons affirmer qu'elle est
à l'initiative du promoteur qui fait comme il entend. Le point commun
à ces écoles est qu'elles fonctionnent toutes de façon
traditionnelle et avec des méthodes archaïques. Les apprenants
s'asseyent par terre et récitent à tue-tête les
leçons écrites à l'encre sur leurs planchettes. Lorsque la
leçon est sue par coeur à force de répétition, elle
est restituée sous le contrôle du marabout. Les châtiments
corporels sont admis dans ces écoles et se justifient par la croyance
qui veut que le savoir s'acquière dans la peine comme cela s'est
passé avec les premiers disciples. Cela constitue une violation de
l'article 66 de l'arrêté n°2008-236 portant organisation de
l'enseignement primaire, lequel interdit les châtiments corporels dans
les écoles. Heureusement, cette croyance semble perdre de sa
vivacité et les châtiments sont de moins en moins présents
dans les écoles. Dans tous les cas, les maîtres coraniques
affirment ne pas y recourir, les cas graves d'indisciplines étant
sanctionnés par le renvoi de l'enfant à ses parents.
Il est apparu également les raisons qui poussent les
talibés à la mendicité. Les parents, il est vrai,
n'apportent pas souvent de l'aide au marabout. Mais cette seule raison
n'explique pas la pratique. Elles sont liées à de la
nécessité et en partie à des fondements religieux. Mais,
de plus en plus, des consciences s'éveillent et tendent à
condamner la mendicité qui ne sert plus tellement la cause de l'islam
sauf à le discréditer et à le faire accuser. La plupart
des réponses obtenues sont d'ailleurs favorables à l'abandon de
la mendicité en faveur d'une assistance venant des parents.
66 Résultat obtenu en multipliant l'effectif
national (2 205 295) par 1,8 puis en divisant par 100
Il a été révélé aussi que
les parents envoient les enfants à l'école coranique pour
certaines raisons. Ils sont eux-mêmes anciens talibés. Ils
ignorent la loi sur l'obligation scolaire. Ils veulent faire bien
connaître et pratiquer la religion musulmane à leurs
progénitures. De plus ils veulent, du moins certains parents, tremper le
caractère des enfants et faire d'eux des hommes aguerris.
Malheureusement, cette attente n'est pas toujours
comblée. Les emplois du temps des talibés leur laissent beaucoup
trop de temps libre qu'ils sont censé employer à mendier leur
pitance. Dans une telle situation de liberté, ils peuvent manquer
à certaines de leurs obligations religieuses telles que la
prière. Dans le pire des cas, ils peuvent se trouver
entraînés dans des pratiques malsaines et se rendre coupables
d'actes de délinquance. C'est ce qui ressort dans les propos du
président de la communauté musulmane qui pense que le foyer
coranique n'est pas une garantie pour que les talibés soient de bons
musulmans. Il s'appuie sur son expérience pour dire que certains enfants
ne prient pas en dehors du foyer. Il craint qu'en prenant l'habitude de mendier
les talibés ne deviennent des éternels assistés ou des
escrocs.
Par ailleurs, les talibés vivent dans un environnement
peu sécurisé sur le plan de l'hygiene et de l'assainissement.
Nous avons fait remarquer qu'ils dorment à l'étroit dans de
petites maisons et qu'ils vivent dans des concessions qui ne disposent pas de
lieux d'aisances. De même qu'ils sont mal vêtus et très
souvent malpropres, les talibés mangent généralement des
restes de nourriture. Get état de fait les expose certainement à
des risques de maladies. Ils peuvent s'intoxiquer ou se faire contaminer en
prenant des aliments avariés ou des restes de repas de malades
contagieux.
Nous avons relevé également que le fait
d'être séparés de leurs familles affecte
profondément les enfants talibés. N'ayant pas reçu assez
d'affection, ils ne seront pas capables d'en donner. Devenus pères, ils
seront tentés eux aussi d'abandonner leurs enfants entre les mains
d'inconnus sous prétexte de les endurcir. On pourrait dire que c'est
pour se venger de ce qu'ils ont subi, à plus forte raison si les parents
interrogés ont été eux-mêmes talibés.
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