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Les écoles coraniques et l'éducation des enfants talibés dans la ville de Dédougou au Burkina Faso

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par Abdoulaye ZERBO
Université de Koudougou au Burkina Faso - Diplôme d'inspecteur de l'enseignement du premier degré 2012
  

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PREMIERE PARTIE :

Théorie et méthodologie

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CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE

I.I. Contexte et justification

Il est indéniable que l'éducation est l'un des secteurs prioritaires de l'Etat. Elle relève du domaine de ses prérogatives. Néanmoins celui-ci a voulu bien concéder une partie de ce pouvoir au secteur privé. C'est ainsi que les écoles, les centres, les lycées et collèges, les instituts et grandes écoles sont les institutions spécialisées chargées d'assurer cette éducation. Bien entendu, le nombre de ces structures éducatives va croissant d'année en année ; mais elles n'échappent pas pour autant au contrôle de l'Etat. Les Directions des Etudes et de la Planification (DEP) des ministères en charge de l'éducation disposent de données statistiques sur les nombres d'écoles, de classes, des effectifs d'élèves et d'enseignants présents sur toute l'étendue du territoire national. Cependant, une catégorie d'écoles semble avoir été oubliée et avec elle ses élèves et enseignants. Il s'agit des écoles coraniques encore appelées foyers coraniques. Ces écoles n'ont pas une reconnaissance officielle, pourtant elles ne sont pas inconnues des populations qui y ont envoyé environ 37 000 enfants en 2006, selon une étude menée la même année par la Fondation pour le Développement Communautaire du Burkina Faso (FDC/BF). En termes de représentativité, ce chiffre constitue 2,66 % de l'effectif national des élèves qui était de 1 390 5718 dans la même période.

Au regard de ce chiffre non négligeable, il nous paraît important de jeter un regard sur ces « laissés pour comptes du système éducatif » qui connaissent bien de difficultés.

L'une des difficultés, nous rapporte Adama OUEDRAOGO9, est que les enseignants des écoles coraniques ne sont pas salariés car, selon la religion, l'éducation est une obligation pour les parents et pour les ulémas qui sont les érudits. A partir de ce principe, les parents emmènent leurs enfants chez le maître en pensant que c'est Dieu qui le récompensera. Les maîtres ne demandent rien ; mais les parents ont la latitude d'apporter des céréales, de l'argent, des habits et autres dons en nature. Cet apport insuffisant et irrégulier subvient à peine aux besoins du maître et de ses élèves qui sont obligés de pratiquer des activités agricoles ou pastorales. Cependant, lorsque les élèves sont nombreux et très jeunes, il devient difficile pour le maître de pouvoir les nourrir à cause de la pauvreté des sols, du manque

8 DEP-MEBA, Statistiques 2006.

9Adama OUEDRAOGO, L'enseignement de la culture arabe et islamique dans le département de Soaw province de Bulkiemdé, Burkina Faso, in Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée,]En ligne], 124/ novembre 2008, mis en ligne le 03 septembre 2009.

d'équipement moderne de production et surtout de l'insuffisance du nombre d'élèves pouvant cultiver. Alors, les élèves sont obligés de recourir à la mendicité pour vivre et étudier.

La démission des parents à l'éducation de leurs enfants laisse les mains libres aux maitres de disposer de ceux-ci à leur guise. C'est ainsi qu'ils peuvent se déplacer avec les enfants à travers villes et villages. Cette transhumance met en péril la santé et la vie des talibés. La FDC/BF10 a rapporté le cas malheureux d'un enfant talibé : celui-ci, confié à une famille parce qu'il était malade et incapable de se déplacer avec son maître, a succombé à son mal. Le maître, alors qu'il l'avait promis, n'est jamais retourné prendre des nouvelles du pauvre talibé.

Ali HAMADACHE11 cite le manque de matériels didactiques comme difficulté tant pour les élèves que pour les maîtres. Cela serait lié d'abord au coüt onéreux des livres arabes et islamiques sur le marché et surtout au manque de moyens financiers pour se les procurer. Les outils des talibés se résument à l'encre fabriquée avec de la suie, un roseau taillé en biseau et une tablette sur laquelle les leçons sont recopiées, récitées à haute voix et apprises par coeur à force de répétition. Pour cet auteur, les fournitures scolaires sont les mêmes depuis des siècles, se résumant à peu de chose : une planchette en bois (alluha) faite en général de bois ordinaire poli sur laquelle on étale de l'argile humidifiée et qu'on laisse sécher avant d'écrire ; un roseau taillé en guise de stylet (qalam) que l'élève fabrique lui-même à partir d'une tranche de bambou ou de roseau choisie parmi les plus droites, taillée en pointe, puis fendillée au milieu ; et un encrier fait d'une petite calebasse de la grosseur d'une pomme, ou d'une tasse en terre ou en verre. L'encre est composée d'un mélange d'eau, de gomme arabique pilée et de noir de fumée recueilli sous les marmites ou de charbon de bois pilé.

De même, l'absence de locaux adéquats et de mobiliers rendent les conditions d'apprentissage difficiles. Les enfants s'asseyent par terre et apprennent à l'ombre des abris de fortune comme des hangars, des arbres ; ou à ciel ouvert dans la cour du maître. Le maître lui-même s'asseyant sur un tapis ou une peau de prière.

Le manque de dispositif national et de moyens pour la prise en charge sanitaire des enfants est également une gêne pour les foyers coraniques. Les talibés vivent souvent dans un

10 Forum régional sur la réforme des foyers coraniques tenu à Bobo du 27 au 29 avril 2010

11 Stefania Gandolfi, Cahiers d'études africaines, 169-170, 2003, mis en ligne le 21 décembre 2006.

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état de dénuement tel que les regles minimales d'hygiene et d'assainissement ne sont pas respectées. Vêtus de guenilles, couchant à même le sol nu, mangeant les restes de nourritures et privés de suivi médical, ces enfants sont exposés aux maladies et aux risques épidémiques. Une étude12 a révélé que 44,04 % des enfants de la rue de Ouagadougou seraient issus des écoles coraniques.

Le faible niveau d'alphabétisation et d'instruction des maîtres coraniques fait qu'ils sont incapables de changement dans leurs visions et leurs pratiques. Ils voient souvent les autorités d'un oeil suspect, laquelle attitude les rend réfractaires aux formalités administratives. Ali HAMADACHE écrit à ce propos que « le bas niveau des maîtres et du savoir acquis sont souvent la contrepartie des conditions et des modalités d'enseignement »

Nous notons également dans ces foyers l'absence de pédagogies et de programmes standardisés pour l'enseignement. Tres souvent ces écoles n'ont qu'un seul maître qui peut se faire aider par certains élèves ayant un niveau avancé et qui ont sa confiance. Ils suppléent le maître et le remplacent pendant ses temps d'absence pour instruire leurs camarades de niveau inférieur ; mais ils ne sont pas reconnus comme enseignants. C'est dire que l'enseignement est individuel ; que chaque élève progresse à son rythme et en fonction de ses capacités, en apprenant une partie déterminée du Coran. C'est dire que ce secteur releve de l'informel : « une école s'éteint avec le maître qui l'anime. Une autre renaîtra peut-être, ailleurs, dans plusieurs années sans aucune liaison avec la première »13.

Au-delà de tous ces aspects, il y a les réalités sur le terrain. Le constat montre une absence de collaboration entre les encadreurs pédagogiques en circonscription et les foyers coraniques. D'ailleurs la majorité des acteurs les confondent avec les medersas. L'un de nos buts est de faire ressortir la différence entre les écoles coraniques et les medersas.

De même, les dispositions de l'article 8 de la loi d'orientation de l'Education nous réconfortent dans notre choix pour ce theme. Elles mentionnent que l'organisation des écoles à caractere confessionnel et des rites initiatiques est laissée à l'initiative des différentes communautés religieuses et des groupes sociaux concernés. Toutefois cette loi oblige à l'observance de certaines regles telles que : le respect des bonnes moeurs de l'éthique et des

12 L'Evénement, décembre 2001 ; mis en ligne le 16 septembre 2007

13 IIPE ; 1984; p. 52

lois de la République, le respect du curriculum ainsi que le programme national, le bon déroulement de la scolarité obligatoire, et l'obligation scolaire de l'enfant de 6 à 16 ans.

Il nous semble alors que l'examen des programmes et des conditions d'enseignement / apprentissage des enfants talibés contribuera à éclairer un tant soit peu les jugements quant aux décisions à prendre par rapport aux foyers coraniques.

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