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Les écoles coraniques et l'éducation des enfants talibés dans la ville de Dédougou au Burkina Faso

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par Abdoulaye ZERBO
Université de Koudougou au Burkina Faso - Diplôme d'inspecteur de l'enseignement du premier degré 2012
  

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I-2. Problématique

Le Burkina Faso est un pays qui connaît un taux élevé d'analphabétisme (environ 72 %)14. Cette situation fait partie de l'une des variables qui tire le pays vers le bas de l'échelle du classement mondial du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

Evidemment, l'éducation n'est pas le seul secteur prioritaire. La santé et l'accès à l'eau potable sont également à prendre en considération. Néanmoins, il faut considérer que le Burkina Faso a souscrit à l'initiative mondiale des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) dont l'éducation pour Tous d'ici 2015 est l'un des volets cruciaux.

Dans cette dynamique, le Plan Décennal de Développement de l'Education de Base (PDDEB) a été mis en oeuvre dans la perspective d'atteindre 70% de taux de scolarisation et 40% d'alphabétisation dans la période 2001-2010. Malheureusement, le nombre considérable d'enfants déscolarisés et non scolarisés15 constitue une contre- performance qui sape tous les efforts en matière d'alphabétisation et de scolarisation dont les taux actuels sont respectivement de 28,7% et 77,6 %.16

Par ailleurs, une autre réalité rend plus difficile la situation, c'est celle des enfants talibés qui fréquentent les écoles coraniques. En 2006, la seule ville de Ouagadougou comptait 347 foyers coraniques avec 7 552 talibés dont 6 643 garçons et 909 filles17.

14 MEBA, Formules et pratiques en Alphabétisation et Education Non formelles/ Rapport final définitif, août 2008 ; P.1

15 2 205 295 enfants scolarisés sur une population totale de 6-11ans de 2 840 873 (Annuaire Statistique de l'Education Nationale 2010-2011).

16 MEBA, Annuaire Statistique de l'Education Nationale 2010-2011

17 Fondation pour le Développement Communautaire du Burkina Faso (FDC/BF).

9

L'enquête préliminaire que nous avons menée auprès de la Direction Régionale de l'Enseignement de Base et de l'Alphabétisation de la Boucle du Mouhoun (DREBA-BMHN) révèle que la ville de Dédougou compte 23 écoles avec un effectif total de 8 251 élèves dont 4 103 garçons et 4 148 filles.

Tableau n°1 : Situation 2010-2011 des écoles primaires de la ville de Dédougou

STATUT DE L'ECOLE

Nbre d'écoles

Garçons

Filles

Total

ECOLE PUBLIQUE

14

3366

3404

6770

ECOLE CATHOLIQUE

03

351

399

750

ECOLE PROTESTANTE

02

103

105

208

FRANCO-ARABE

02

135

91

226

ECOLE PRIVEE LAIQUE

02

148

149

297

TOTAL

23

4103

4148

8251

Source : DREBA-Boucle du Mouhoun.

Une autre enquête provisoire réalisée auprès des promoteurs d'écoles coraniques nous a permis de recenser quelques sites. Elle a révélé que la ville de Dédougou abrite 11 foyers coraniques repartis dans les secteurs de la ville. A ce niveau, le nombre d'enfants talibés n'est pas bien maîtrisé. Lorsqu'ils ont été interrogés sur la question des effectifs, les promoteurs visés se sont montrés quelque peu réservés. Néanmoins, ils varient entre 03 pour le plus faible et 30 pour le plus élevé. La moyenne de ces effectifs fait 18 talibés et le total est estimé à environ 198 enfants.

Le tableau ci-dessous présente la situation provisoire des foyers coraniques de la ville de Dédougou. Il indique leur localisation mais ne précise pas tous les effectifs. Toutefois, les données concernant le nombre d'enfants talibés présents dans chaque foyer apparaissent dans la deuxième partie de nos travaux.

10

Tableau n°2 : Situation provisoire des foyers coraniques de la ville de Dédougou

Nom du promoteur
du Foyer

Localisation

Garçons

Filles

Total

Aboubacar DICKO

Secteur n°5

22

00

22

Nouhoun DIALLO

Secteur n°6

-

-

-

Sambo GADIAGA

Secteur n°6

13

00

13

Ousséini TALL

Secteur n°3

-

-

-

Idrissa DIALLO

Secteur n°2

-

-

-

Djibril DIALLO

Secteur n°2

-

-

-

Yéro DIALLO

Secteur n°2

-

-

-

Diahé DICKO

Secteur n°5

-

-

-

Lamine SORE

Secteur n°5

30

00

30

Ibrahima TALL

Secteur n°5

20

00

20

Yéro TALL

Secteur n°5

03

00

03

TOTAL

11 foyers C.

 
 
 

Source : Nos enquêtes préliminaires sur le terrain.

En faisant le rapport avec les autres structures, les écoles coraniques se classent avant les écoles privées protestantes, les écoles medersas et les écoles privées laïques. Dans l'ordre, elles se rangent après les écoles publiques et les écoles privées catholiques.

I.2.1. Questions de recherche

A travers sa politique éducative, l'Etat burkinabé manifeste sa volonté d'assurer l'éducation à tous les enfants. La loi sur l'obligation et la gratuité scolaire, la distribution gratuite des manuels et fournitures scolaires, l'accroissement du nombre des écoles ainsi que le nombre important d'enseignants recrutés annuellement sont autant d'éléments qui témoignent de cette volonté. Dans la période 2007-2011, le nombre d'écoles publiques est passé de 7 513 à 8 831, soit un accroissement de 1 318 écoles. Dans le même temps, on est passé de 29 780 à 37 476 enseignants, soit une augmentation de 7 69618.

De plus, nous constatons la mise en application concrète de cette politique sur le terrain par les autorités pédagogiques. En rappel, les instructions officielles de rentrée

18 Annuaires statistiques du MEBA

mentionnent que : « Tous les enfants en age d'aller à l'école de six (6) ans au moins et de huit (8) ans au plus, au 31 décembre de l'année de recrutement qui seront présentés à la commission devront être recrutés. La priorité doit être donnée aux enfants âgés de huit (8) et sept (7) ans en cas de difficultés sérieuses de capacités d'accueil. En cas d'effectifs pléthoriques, un rapport circonstancié doit etre adressé au CCEB en vue des mesures à prendre en collaboration avec la commune et les partenaires de l'école. Une attention particulière doit être portée au recrutement des filles ». 19

L'ensemble de ces mesures portent à croire que tous les enfants burkinabé en âge de scolarisation sont tous à l'école n'eut été cette réalité présentée par les statistiques de 2010 - 2011 faisant état de 77, 6 % de taux de scolarisation. Où donc faut-il aller rechercher les 22,4 % manquants ? D'emblée, on est tenté de voir dans le lot d'enfants non scolarisés et déscolarisés qui se chiffrent à 635 57820. C'est effectivement une piste de réflexion et de recherche ; mais que dire de ces enfants trainant dans les rues avec une boîte vide de tomate en guise de sébile ?

Du fait que ces enfants appelés couramment enfants talibés appartiennent à des types d'écoles officiellement non reconnus, cela suscite quelques interrogations. C'est à se demander si les écoles coraniques fonctionnent dans la légalité et s'il est normal d'y envoyer les enfants. Dans le cas contraire, comment faire pour que les talibés puissent bénéficier d'une bonne fréquentation scolaire à l'instar de leurs camarades des autres structures éducatives ?

Même si cette question trouve une réponse satisfaisante, cela ne résoudra pas le probleme des talibés pour autant, car il restera l'épineuse question de la mendicité qu'il faut résoudre à tout prix. C'est dire que la bataille est polymorphe et se situe sur plusieurs fronts. Elle ne saurait se mener sans l'apport de tous les acteurs que sont l'Etat, la communauté musulmane, les promoteurs, les parents qui ont foi en ces écoles et les apprenants eux-mêmes constitués parfois d'adolescents.

Certes l'Etat a déjà fait un pas vers la reconnaissance de ces écoles en mettant en application la Loi d'orientation de l'Education. Il reconnaît en effet l'enseignement privé et

19 MEBA, Instructions officielles de rentrée, 2008, p.34

20 Chiffre obtenu en faisant la différence entre enfants scolarisés et nombre total d'enfants de 6-11ans de 2010-2011.

12

autorise les personnes physiques ou morales à créer et à diriger des établissements. Cependant, même si les promoteurs d'écoles coraniques venaient à se prévaloir de ce droit de création et d'ouverture d'établissement d'enseignement privé, il leur faudrait satisfaire aux conditions exigées. D'abord, que ce droit s'exerce dans le cadre des textes en vigueur et conformément aux normes prescrites par l'Etat en matière d'enseignement. Ensuite, que les écoles à caractère confessionnel s'organisent de manière à respecter le curriculum et le programme national. Enfin, qu'elles veillent à ne pas entraver le bon déroulement de la scolarité obligatoire des enfants recrutés. La prise en compte de ces aspects suscite une interrogation à savoir : comment amener les promoteurs d'écoles privées et les maîtres coraniques, majoritairement analphabètes, à remplir les formalités administratives et à être en règle vis-à-vis des textes et règlements en vigueur?

Certains parents, sous prétexte de rester fidèles à leur foi, n'entendent envoyer leurs enfants à aucune autre école, sinon à l'école coranique. A leurs yeux, elle seule pourrait former leurs descendants pour devenir de bons croyants en ALLAH. Il s'agit d'obtenir l'adhésion de ceux-là pour la scolarisation effective des enfants sans qu'ils aient le sentiment de commettre un parjure ou d'être déchus de leur droit et responsabilité d'élever leurs enfants tels que reconnus par la Déclaration universelle des droits de l'homme21.

Pour ce faire, il est important de se poser cette question principale :

Les écoles coraniques garantissent-elles une éducation de qualité aux enfants talibés ?

De façon spécifique, cela revient à se poser les questions suivantes : > Quel enseignement dispense-t-on dans les écoles coraniques ?

> Comment est organisé l'enseignement/apprentissage dans les écoles coraniques ? > Pour quelles raisons les enfants talibés mendient-ils ?

> Pourquoi les parents envoient-ils les enfants à l'école coranique ?

Ce questionnement nous conduit à la formulation de nos objectifs de recherche.

21 « Les parents, ont par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants. » (Article 26)

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery