1.3 Développements théoriques récents
sur la relation IDE-croissance économique
Dans les développements théoriques
récents, le progrès technologique est d'autant plus rapide que le
niveau des connaissances humaines accumulées est élevé,
ROMER et al. (1992). Ces développements impliquent que les idées
sont aussi importantes que les intrants. La croissance économique est
possible précisément parce que chaque idée nouvelle
engendre une autre. Le commerce international, l'investissement étranger
et les sociétés multinationales peuvent être
considérés comme des vecteurs de transfert de biens mais aussi
d'idées. RUFFIN (1993) ajoute que dans une économie ouverte, les
idées sont plus importantes qu'à peu près n'importe quel
autre facteur.
Les IDE engendrent des effets dynamiques sur
l'évolution de la spécialisation internationale des pays
hôtes grâce à l'apport et à la diffusion des
avantages compétitifs des filiales des FMN. Sur ce point, DUNNING (1993)
indique que le principal effet des activités des FMN sur la division
internationale du travail se produit à travers la façon suivant
laquelle ces firmes internalisent les marchés internationaux de produits
intermédiaires où elles opèrent. Les effets et la nature
de cette internalisation se manifestent aussi bien directement par les actions
des FMN ou leurs filiales qu'indirectement via les spillovers sur leurs
concurrents, leurs fournisseurs et leurs clients. Ce faisant, les IDE affectent
positivement la croissance économique.
Les IDE agissent directement ou indirectement sur le commerce
du pays hôte. Les effets directs des investissements étrangers sur
la croissance économique se manifestent lorsque la production locale de
la filiale est consacrée soit à la réexportation vers le
pays d'origine de la firme soit à l'exploitation de marchés tiers
à partir du pays hôte. Dans ce cas, on parle de formation de
plate-forme de réexportation, MUCCHIELLI (2002). Par ailleurs, les
effets directs des IDE se produisent lorsque les filiales établissent
des liens de partenariat en amont avec les entreprises locales. Ce faisant, ces
dernières peuvent devenir à leur tour des exportateurs indirects,
CNUCED (2009).
Dans le cadre de la mondialisation économique
amorcée au début des années 90, CAVES (1996) estime que
l'ouverture d'un pays ne se limite pas aux échanges internationaux.
Elle se caractérise aussi par sa capacité
à accueillir les FMN. Il ajoute que ces firmes améliorent
l'efficacité globale d'une économie via les connaissances
technologiques et organisationnelles.
Les entreprises étrangères peuvent stimuler la
croissance économique si les conditions nécessaires (climat
propice des affaires) sont réunies pour créer des effets
d'entraînement. L'impact positif des IDE sur la croissance
économique se manifeste à travers plusieurs canaux. Ce sont :
l'accroissement de la concurrence et de l'efficacité, l'introduction
d'un nouveau savoir-faire, la transmission des techniques de contrôle de
qualité, etc. Les FMN peuvent aussi entrainer les entreprises locales
à améliorer leur gestion ou à adopter certaines techniques
de commercialisation adéquates soit sur le marché local soit au
niveau international, GREENE et al. (1991).
DEEPAK et al. (2001) stipulent que l'accumulation du capital,
en s'ajoutant à l'épargne intérieure augmente
l'efficacité de l'économie du pays bénéficiaire.
Cela se fait à travers l'amélioration de l'affectation des
ressources, le renforcement des marchés financiers nationaux et la
réduction du coût du capital. Dans leur analyse les capitaux
étrangers engendrent des retombées positives. Ces avantages se
manifestent à travers la réduction des risques pour les
consommateurs, l'élargissement des possibilités de
diversification des portefeuilles et la répartition des risques plus
équitablement entre les importateurs et les exportateurs de capitaux.
Pour DRITSAKI et al. (2004) les IDE favorisent non seulement
les importations de technologies étrangères plus efficientes mais
aussi, génèrent des retombées positives pour les
entreprises locales. Cela se justifie dans la mesure où les IDE
facilitent souvent la diffusion des innovations très coûteuses
pour les entreprises locales.
Dans le même ordre d'idée, POKOU (2005) affirme
que les IDE agissent sur la croissance économique en ce sens qu'ils
augmentent le stock de capital domestique et fournissent un ensemble d'autres
ressources. Ce sont : la technologie, le savoir-faire, les pratiques
managériales, la formation et le développement des
infrastructures de commercialisation des biens et services.
BENDE et al. (2002) stipulent que plusieurs facteurs
(accumulation du capital, le commerce international, du capital humain etc.)
qui selon la théorie de la croissance endogène, expliquent la
croissance à long terme, peuvent être véhiculés par
les IDE. Ceux-ci sont
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supposés stimuler la croissance économique par
la création d'avantages comparatifs dynamiques conduisant au transfert
de technologies, l'accumulation du capital humain et l'intensification du
commerce international. Par conséquent, le gain engendré par les
IDE sur un facteur de la croissance est susceptible de stimuler le
développement des autres facteurs formant une synergie d'ensemble.
BLOMSTROM et al. (1996) postulent que le transfert de
technologies entre les FMN et leurs filiales ne s'opère pas seulement
via les machines, le matériel, les droits de brevet et l'expatriation
des techniciens étrangers. Il se manifeste également grâce
à la formation des employés locaux des filiales. Cette formation
touche la plupart des niveaux d'emploi depuis les simples manoeuvres jusqu'aux
techniciens en passant par les contremaitres. Dans un autre article, ces
auteurs insistent sur l'importance relative des FMN dans l'enseignement
supérieur. A ce niveau, ils indiquent que bien que le rôle des FMN
soit assez marginal dans l'enseignement primaire et secondaire, les IDE
pourraient néanmoins avoir un effet visible sur l'enseignement
supérieur dans les pays hôtes. BLOMSTROM et al. (1996) estiment
par ailleurs, que l'effet le plus important se trouve du côté de
la demande. Cette demande de travail qualifié par les FMN va encourager
les gouvernements à investir davantage dans l'éducation surtout
dans l'enseignement supérieur. RITCHIE (2001) souscrit à cette
idée en reconnaissant que les FMN ont joué un rôle
important dans la croissance économique via le système
éducatif des pays de l'Asie du Sud-est. Il estime que les
multinationales affectent indirectement l'offre de travail en
influençant les cursus des institutions éducatives des pays
hôtes.
GYAPONG et al. (1999) affirment que les IDE
accélèrent la croissance économique en renforçant
les capacités des travailleurs locaux ou en augmentant la
productivité des facteurs de production. Les IDE facilitent
également l'accès aux nouveaux marchés internationaux.
BARRO et al. (2004) et KANG et al. (2005) estiment qu'un autre
mécanisme par lequel les IDE affectent la croissance économique,
est l'accessibilité des entreprises locales aux fruits de la
Recherche-Développement. Cet avantage leur permet de produire de
nouveaux produits à moindre coût.
Certains auteurs soutiennent que le lien entre les IDE et la
croissance économique dépend aussi bien des
spécificités des IDE que des caractéristiques
hétérogènes propres aux
pays bénéficiaires. Ce faisant, MISHRA et al. (2001),
BOREINSZTEIN et al. (1998) et
LUCAS (1988) ont montré que les IDE stimulent la
croissance économique seulement dans les pays où la main d'oeuvre
est suffisamment qualifiée.
NUNNENKAMP et al. (2003) affirment que le transfert de
technologies nouvelles des entreprises multinationales à leurs filiales
à l'étranger dépend de l'état de la gouvernance
dans les pays hôtes. Par ailleurs, ALFARO et al. (2001) indique que les
IDE ne sont associés à la croissance économique rapide que
dans les pays hôtes où les marchés financiers sont
fortement développés.
CHEN et al. (1995) se basant sur l'expérience des pays
de l'Asie de l'Est, concluent que les IDE stimulent le développement
économique. Pour eux, les conséquences de l'implantation des
firmes multinationales pour les pays hôtes dépendent largement de
l'existence des éléments suivants : un processus
d'industrialisation tourné vers l'exportation, un investissement en
capital humain et un environnement macroéconomique stable
caractérisé par la conduite de politiques prudentes et
suffisamment cohérentes.
Toutefois, les IDE peuvent engendrer un impact négatif
sur la performance économique du pays hôte. En effet, les firmes
qui entreprennent de tels investissements détiennent un pouvoir de
marché et peuvent par conséquent, restreindre la concurrence et
la performance économique. Vu sous cet angle, les IDE peuvent
générer une allocation inefficace des ressources à cause
des distorsions liées aux interventions du gouvernement du pays
hôte, sous forme de contrôle de prix, RAZIN et al. (1999). De
même, l'arrivée des flux d'IDE dans un pays ne se traduit toujours
pas pour les entreprises locales par des retombées favorables
liées au savoir-faire. Elles peuvent au contraire subir une baisse
drastique de la productivité. Cette baisse résulte des
départs de marché GHURA et al. (2000).
Bien que les IDE soient présentés comme des
catalyseurs de la croissance économique, il n'en demeure pas moins que
leur volatilité produit un effet négatif sur la croissance
économique du pays hôte. La littérature
révèle que les IDE affectent positivement la croissance
économique en réduisant les coûts de
Recherche-Développement. Cependant, si l'afflux des IDE est incertain
alors les coûts de Recherche-Développement seront incertains.
Cette situation peut affecter négativement les incitations à
innover et entrainer un effet négatif sur la croissance
économique, LENSINK et al. (2000).
BALASUBRAMANYAM et al. (1999) estiment par ailleurs, que
lorsque les firmes étrangères adoptent une stratégie de
promotion des industries de substitution aux
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importations, face à une surévaluation de la
monnaie nationale, la balance des paiements du pays hôtes peut se
détériorer à terme sous l'effet de rapatriement des
fonds.
A la lumière de ce qui précède, il
ressort que les développements théoriques débouchent sur
des conclusions mitigées. En effet, selon la théorie
économique traditionnelle, les IDE affectent positivement la croissance
économique par le biais de la création d'emploi, de
l'augmentation du stock de capital, de l'incorporation de nouveaux inputs, etc.
De même, dans les développements théoriques récents,
certains auteurs soulignent que les IDE sont à la base de la
réduction du coût du capital et des frais de
Recherche-Développement. Ce faisant, ils créent un impact positif
sur la croissance économique. En revanche, certaines analyses mettent en
évidence l'effet négatif de l'afflux des IDE sur les incitations
à innover et sur la balance des paiements. Par conséquent, les
IDE agissent selon elles, négativement sur la croissance
économique.
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