Avant le XIX eme siècle l'organisation du
travail était bien différente de celle que nous connaissons
actuellement. Les ouvriers disposaient de réelles compétences
techniques, ils étaient pluridisciplinaires et très
compétents dans leur métier. Ces ouvriers bien que soumis
à l'autorité de leurs contremaitres disposaient d'une
liberté et d'une autonomie somme toute assez importante.
La révolution industrielle du XIX e
siècle va entrainer un bouleversement total de cette organisation avec
notamment l'apparition des ingénieurs ce qui va largement contribuer
à l'émergence du Taylorisme.
C'est aux alentours de 1880 que l'ingénieur
Frederick Taylor va mettre en place « l'organisation scientifique du
travail ». Taylor souhaitait rationaliser l'activité et
instaurer la paix sociale au sein de l'entreprise grâce à la
convergence des intérêts des individus.
L'objectif de cette organisation scientifique du
travail était de lutter contre ce que Taylor appelait la «
flânerie systémique », il considère que pour
améliorer la rentabilité des entreprises il faut améliorer
la productivité de ses salariés.
Pour se faire Taylor va reprendre le concept de
spécialisation des tâches de David Ricardo et le renommer division
horizontale. Il souhaite éradiquer tous les temps morts des ouvriers
pour les rendre plus productifs, pour cela il va parcelliser les tâches
au niveau de la production. Les ouvriers vont devoir réaliser des gestes
simples et répétitifs à longueur de journée. La
seconde division du travail il l'empruntera à Allan Smith, et la nommera
division verticale. Elle consiste à diviser le travail en 2
catégories :
- D'un coté les penseurs, qui sont les
dirigeants et qui décident
de la marche à suivre au sein de
l'entreprise
- D'un autre coté les exécutants,
à savoir les ouvriers qui ont pour seul rôle d'obéir aux
directives des penseurs.
Ces divisions du travail vont être capitales
dans la compréhension du stress au travail. Il s'agit là du
premier élément qui va conduire à la souffrance au
travail. Taylor par la division verticale du travail vient tout simplement de
détruire le concept de métier. L'ouvrier en est réduit
à réaliser tout au long de sa vie les mêmes tâches
abrutissantes qui vont conduire à son isolement, il n'y a aucune
valorisation sociale dans son métier, plus de savoir faire particulier.
L'ouvrier en est réduit à effectuer toujours les mêmes
gestes, toujours plus vite dans un unique but de productivité. La
compétence qu'il pouvait avoir n'existe plus et sa seule valeur
ajoutée sera liée à sa vitesse d'exécution. Cette
destruction du métier a encore aujourd'hui des
conséquences terribles, Taylor a enlevé
à l'ouvrier toutes notions de contrôle et de conception pour le
cantonner à une vulgaire tâche d'exécution
génératrice de souffrance.
Mais ce n'est pas fini Taylor va aussi mettre en place
« la maîtrise des temps opératoires » qui
consiste à chronométrer chaque tâche et déterminer
le temps minimum nécessaire à sa réalisation. S'ajoute
également un contrôle de l'ouvrier sur l'exécution de son
travail. L'ouvrier est donc piégé, contrôlé, il n'a
pour seule solution que la soumission ou la démission. On retrouve ici
l'idée d'un témoignage que nous avons évoqué en
tout début de mémoire : « marche ou crève
» telle est la nouvelle devise du monde du travail.
L'ouvrier en est réduit à
réaliser une tâche sans la moindre possibilité de se
différencier des autres, ni d'exceller dans son travail, et tout
simplement sans la moindre possibilité de penser son travail. Plus
aucune autonomie, un contrôle permanant, une tension constante, un
travail abrutissant. Le salarié n'est en aucun cas gagnant dans ces
conditions. Taylor va alors mettre en place quelque chose de
révolutionnaire. Le salaire de l'ouvrier sera augmenté, en
fonction de son rendement individuel. L'objectif est clair, pour faire
adhérer le salarié et le soumettre pleinement à cette
organisation on lui promet une vie meilleure et plus d'argent. Par
conséquent le salarié travaille dur, n'a pas la moindre
autonomie, n'est pas invité à réfléchir sur son
travail mais il gagne plus d'argent.
Aujourd'hui les choses n'ont guère
changées, on retrouve toujours les principes de Taylor, relayé
par la classe politique comme un nouvel élan que l'on souhaite donner au
pays, le « travailler plus pour gagner plus » exprimé
par Mr Sarkozy en 2007 est en fait une formule fortement
imprégnée du Taylorisme. Aujourd'hui la base de l'organisation du
travail est la même que celle que Taylor à mise en place. Le
salarié n'est pas heureux dans son travail mais il est plus riche
qu'avant, et en travaillant plus il peut même être encore plus
riche. Cette « carotte » que la majorité des employeurs
agitent à la moindre occasion est un des éléments qui
contribue à la souffrance au travail et à ce cercle pernicieux
qu'est celui de la souffrance.