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Les fondements et la doctrine de la politique étrangère américaine

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par Abdessalam Saad JALDI
Université de Mohammédia - Mémoire de fin d'étude pour l'obtention de la licence des études fondamentales droit public section française 2007
  

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Université de Mohammédia

Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociale

Les fondements et la doctrine de la politique étrangère américaine

Mémoire de fin d'étude pour l'obtention de la Licence des études fondamentales

Droit Public : Section française

Préparé par : Abdessalam Saad JALDI

Encadré par : Abderrazek ELASSER

Année universitaire : 2007 - 2008

Grand remerciement

Je dédie Mon Mémoire de fin d'étude à :

- Mes parents, mes grands-parents, Tante Zoubida, mon petite frère Anas et ma petite soeur Sara.

- Mes professeurs, qui ont su me transmettre le nécessaire pour ma formation académique et intellectuelle avec des méthodes originales et ingénieuses.

- C'est à Monsieur Abderrazek ELASSER, mon Encadrant et Professeur des Relations internationales et Sociologie politique, que mon Mémoire de fin d'étude a vu le jour. Durant des mois, il m'a apporté son soutien et son savoir faire, qui m'ont redonné à chaque fois l'inspiration nécessaire d'achever ce travail. C'est la raison pour laquelle je lui exprime ma gratitude pour toutes ses contributions.

Je remercie finalement tous ceux dont j'ai du malheureusement taire les noms, mais qui m'ont été d'une grande utilité, je suis conscient que ces simples lignes ne suffiront pas pour exprimer ma totale gratitude, mais en lisant le travail, sachez qu'il est aussi de votre oeuvre.

« L'avenir c'est pas celui qu'on attend, mais c'est celui qu'on construit »

Plan du Mémoire de fin d'étude

Introduction

Chapitre I : Les héritages fondamentaux de la politique étrangère américaine

Section A : la Destinée manifeste et la mission des Etats Unis 

Section B : Le Réalisme politique et l'Idéalisme politique

Chapitre II : Pratique et évolution de la politique étrangère américaine depuis la fin de la première guerre mondiale à la fin de la guerre froide

Section A : Pratique et évolution de la politique étrangère américaine de 1919 à 1948

Section B : Pratique et évolution de la politique étrangère américaine durant la Guerre Froide

Chapitre III: La politique étrangère américaine contemporaine

Section A : Un nouvel ordre mondial ?

Section B : La politique étrangère de l'administration George W. Bush : rupture ou continuité da ns l'histoire américaine ?

La fondation des Etats-Unis s'est réalisée sur une base religieuse et idéaliste : les immigrants européens arrivant dans le « nouveau monde » voulaient y construire un état idéal, qui s'opposerait aux états belligérants et décadents de la vieille Europe. De là découlent deux caractéristiques essentielles et en partie contradictoires, nées aux XVIIè, XVIIIè et XIXè siècles qui guident encore aujourd'hui en grande partie les différents concepts de la politique étrangère américaine :
- d'une part, les Etats-Unis ont développé une croyance en leur degré de perfection, ce qui les a amenés à concevoir l'idée d'une « destinée manifeste », c'est à dire d'une mission civilisatrice qui leur était dévolue pour propager leur modèle sur leur continent et au-delà (expansionnisme messianique).
- d'autre part, les dirigeants américains ont développé au fil des décennies une tendance d'isolement (isolationnisme) afin de protéger / préserver leur modèle des interférences et "pollutions" de la politique internationale.

Alors que l'année 2000 avait vu l'arrivée au fauteuil de Président d'un homme élu majoritairement sur un programme de politique intérieure, quatre ans plus tard la nouvelle campagne présidentielle de George W. Bush insiste beaucoup plus sur le bilan de sa politique étrangère.

Les attentats du 11 septembre 2001 ont en effet été le déclencheur d'une politique étrangère « hyper interventionniste » de la part des Etats-Unis. Ce comportement s'est caractérisé par des interventions armées à l'étranger afin de renverser des régimes ne respectant pas les standards démocratiques et libéraux occidentaux. Ces actions ont été justifiées par un discours hautement moral et religieux, développant une vision du monde manichéenne et simpliste (« L'axe du mal », « vous serez avec nous ou contre nous ») dans lequel l'Amérique se pose comme le phare de la liberté et le défenseur de la démocratie. Cet aspect du discours des officiels américains et l'unilatéralisme dont a fait preuve l'administration Bush (elle n'a pas tenu compte de l'avis de la communauté internationale pour agir) ont provoqué des critiques très fortes de cette politique, autant sur le sol américain qu'à l'étranger.

Ainsi, John Kerry, le candidat démocrate aux présidentielles de 2004 déclarait-il en décembre 2003 : « tout simplement, l'administration Bush a poursuivi la politique étrangère la plus inepte, la plus arrogante, et la plus idéologique dans l'histoire moderne » (Discours au Council on Foreign Relations, 3 décembre 2003). Peut-on dire, comme le laisse supposer cette affirmation, que la politique étrangère de l'équipe Bush constitue réellement une rupture avec les idées et la pratique de ses prédécesseurs ? L'opinion publique mondiale et le public arabe a été choqué par les formules de l'administration Bush, largement relayées par les médias. Pourtant les notions auxquelles elles font appel (messianisme, destinée manifeste des Etats-Unis, thème de la croisade, lutte pour la démocratie et pour un monde meilleur) ne sont pas des créations de l'équipe des « néoconservateurs » et des intégristes chrétiens qui entourent le Président. Elles font au contraire référence aux fondements les plus lointains de la politique étrangère des Etats-Unis. Fondements qui ont été repris, adaptés, remodelés par les différentes administrations au fil du temps et du contexte international.
C'est à ce voyage à travers les fondements de la politique étrangère américaine que nous vous convions, afin de mieux comprendre les débats et les enjeux d'aujourd'hui, ainsi que leur évolution dans une ligne du temps qui ne se limite pas aux coups d'éclats de l'actualité des médias.

Ainsi, deux questions importantes s'imposent : Quelles sont les fondements de la politique étrangère américaine ? Et dans quelle mesure les héritages fondamentaux ont-ils contribué dans l'évolution de la politique étrangère américaine et par conséquent, dans l'édification de la puissance américaine ?

Chapitre I : Les héritages fondamentaux de la politique étrangère américaine

Section A : la Destinée manifeste et la mission des Etats Unis 

Aux fondements de la politique étrangère américaine se trouve le concept de « destinée manifeste», qui contient un fort héritage religieux. Il faut se souvenir que la fondation des Etats-Unis est remonte à un groupe de « pères pèlerins » protestants qui quittèrent la « vieille Europe » pour mettre en place un mode de gouvernement « idéal, pur et parfait » sur les territoires du nouveau monde, considéré comme « la Terre promise » (vers 1620). Dès le départ, le souci de créer un état nouveau poussa les fondateurs des États-Unis à limiter les contacts avec les états européens considérés comme décadents. Ainsi, George Washington l'exprima dans son "Testament" (discours d'adieu) en 1796 : c'est la doctrine du « non-entanglement » (non-engagement), qui fut reprise par Jefferson (Président de 1801 à 1809) puis par Monroe, qui s'inspira de ce discours pour sa fameuse doctrine. La doctrine du « non-entanglement » demeure une référence pour les tenants de l'isolationnisme américain :

« Notre Grande règle de conduite envers les nations étrangères est d'étendre nos relations commerciales afin de n'avoir avec elles qu'aussi peu de liens politiques qu'il est possible. Autant que nous avons déjà formé des engagements remplissons-les, avec une parfaite bonne foi. Et tenons-nous en là.

L'Europe a un ensemble d'intérêts primordiaux, qui avec nous n'ont aucun rapport, ou alors très lointain. Par conséquent elle est engagée dans de fréquentes polémiques, dont les causes sont essentiellement étrangères à nos soucis. Par conséquent donc il est imprudent pour nous de s'impliquer, à cause de liens artificiels, dans les vicissitudes ordinaires de sa politique, ou les combinaisons et les conflits ordinaires de ses amitiés ou de ses inimitiés.
[...] Pourquoi renoncer aux avantages d'une situation si particulière ? Pourquoi quitter notre propre sol pour se tenir sur une terre étrangère ? Pourquoi, en entrelaçant notre destin avec celui d'une quelconque part de l'Europe, empêtrer notre paix et notre prospérité dans les labeurs des ambitions, rivalités, intérêts, humeurs ou caprices européens ?
C'est notre politique véritable d'avancer exempt d'Alliances permanentes avec n'importe quelle partie du Monde étranger - Aussi loin, veux-je dire, que nous sommes maintenant capables de le faire - ne me croyez pas capable de recommander d'être infidèle aux engagements existants, (je soutiens la maxime non moins applicable aux affaires publiques que privées, que l'honnêteté est toujours la meilleur politique) - Je le répète donc, continuez à appliquer ces engagements dans leur sens véritable. Mais à mon avis, il est inutile et serait imprudent de les étendre.
»
(Extrait du "Testament", ou discours d'adieu de George Washington, le 19 septembre 1796)

« J'ai toujours considéré comme fondamental pour les Etats-Unis de ne jamais prendre part aux querelles européennes. Leurs intérêts politiques sont entièrement différents des nôtres. Leurs jalousies mutuelles, leur équilibre des puissances (forces), leurs alliances compliquées, leurs principes et formes de gouvernement, ils nous sont tous étrangers. Ce sont des nations condamnées à la guerre éternelle. Toutes leurs énergies sont dévolues à la destruction du travail, de la propriété et des vies de leurs peuples. »
(Thomas Jefferson à James Monroe, 1823)

« Rien n'est plus important que l'Amérique reste séparée des systèmes européens, et en établisse un original. Notre situation, nos objectifs, nos intérêts sont différents. Il doit en être de même pour les principes de notre politique. Tout engagement avec ce région du monde doit être évitée si nous voulons que la paix et la justice soient les (objectifs, caractéristiques) de la société américaine. »
(Thomas Jefferson à J. Correa de Serra, 1820)

Dans la même lignée, en 1823, le Président Monroe (1817-1825) formula sa doctrine de « l'Amérique aux Américains » : Les Etats-Unis promettaient de ne pas s'engager dans les affaires européennes, alors qu'ils regardaient toute intervention des Etats européens sur le continent américain comme une agression. (cette clause était prévue pour protéger les états indépendants d'Amérique Latine des visées coloniales des états européens).
Jefferson comme Monroe se firent ainsi les fondateurs et défenseurs de l'isolationnisme américain, véritable courant de pensée défendu jusqu'à aujourd'hui en matière de politique étrangère américaine

Cette conception « d'exceptionnalisme » américain, qui représenterait le gouvernement le plus abouti et le plus parfait, justifiait l'idée d'une « destinée manifeste » des Etats-Unis, consistant à diffuser son système de valeurs et de gouvernement à travers le monde, afin de le faire progresser à son image.

L'idée d'une mission civilisatrice des Etats-Unis, justifiée par leur modèle de développement infaillible basé sur la démocratie libérale et la foi chrétienne, se forma autour des années 1845, avec la création du concept de Destinées Manifeste : l'auteur de la formule, le publiciste John O'Sullivan, directeur de la Democratic Review, en formulait ainsi les implications : « Notre Destinée Manifeste [consiste] à nous étendre sur tout le continent que nous a alloué la Providence pour le libre développement de nos millions d'habitants qui se multiplient chaque année »

Pour le géopoliticien Yves Lacoste, la « manifest destiny », c'est : « [le] destin, [le] rôle que Dieu aurait manifestement confié à l'Amérique de développer les valeurs de liberté, de justice et de progrès, de les étendre le plus possible et de les défendre contre toute tyrannie »

Vers 1890, les frontières étasuniennes étant fixées, les Etats-Unis étendirent au-delà de celles-ci leur « mission civilisatrice ». Pourtant, en tant qu'ancienne colonie britannique qui avait combattu pour son indépendance, les Etats-Unis ne pouvaient adopter la forme de colonialisme des états européens. C'est pourquoi, à part quelques cas (Philippines, 1898), le mode d'impérialisme américain fut fondé sur l'exportation de valeurs, aussi bien marchandes que culturelles, et ne provoqua pas une perte de souveraineté des pays. Les Etats-Unis, contrairement aux états européens pratiquèrent un expansionnisme économique, commercial et culturel, qui ne reposa pas sur la fondation de colonies (c'est à dire la confiscation de la souveraineté d'un Etat pour le contrôler). La mission des Etats-Unis devait être de « civiliser » le monde, le rendre à son image, pour faire littéralement le bonheur des autres états malgré eux.

Ce principe de « destinée manifeste » se conjugua de façon différente selon les deux grandes orientations - réalistes ou idéalistes - qui allèrent former le socle de la politique étrangère américaine.

Section B : Le Réalisme politique et l'Idéalisme politique

Les grands spécialistes de la politique étrangère des Etats-Unis s'accordent pour distinguer deux grands héritages fondamentaux : le Réalisme politique représenté par Théodore Roosevelt (Président de 1901 à 1909), et l'Idéalisme politique du Président Woodrow Wilson (Président de 1913 à 1921).

Le Réalisme politique de Roosevelt (1901-1909) Le 10ème président des Etats-Unis, Théodore Roosevelt, avait une vision dite réaliste (c'est-à-dire : voir les choses telles qu'elles sont) des relations internationales : il considérait que les états étaient des entités égoïstes défendant avant tout leurs intérêts, par la force si besoin. Th. Roosevelt reprenait le concept de « destinée manifeste » afin de justifier l'expansionnisme et l'interventionnisme des Etats-Unis hors de ses frontières. Ainsi, en 1904, par ce qu'on appelle le corollaire Roosevelt à la doctrine Monroe, il affirmait le devoir des Etats-Unis à intervenir dans la zone des Caraïbes et de l'Amérique Latine quand leurs intérêts seraient menacés :

« L'injustice chronique ou l'impuissance qui résulte d'un relâchement général des règles de la société civilisée peut exiger, en fin de compte, en Amérique ou ailleurs, l'intervention d'une nation civilisée et, dans l'hémisphère occidental, l'adhésion des Etats-Unis à la doctrine de Monroe peut forcer les Etats-Unis, même à contrecoeur, dans des cas flagrants d'injustice et d'impuissance, à exercer un pouvoir de police international »
(Message au Congrès du 6 décembre 1904).

Roosevelt tenait un discours reposant sur l'idée de puissance, évoquant un « pouvoir de police internationale » pour réprimer les déviances, mais non pour propager le modèle américain. Jusqu'à nos jours, les réalistes ont toujours réclamé le statu-quo international (l'équilibre des forces), ne cherchant pas à changer l'ordre du monde à leur profit.Théodore Roosevelt pratiqua une politique d'investissements (la « diplomatie du dollar », surtout utilisée par son successeur : William H. Taft) et de menaces (« Big Stick ») pour faire triompher les intérêts américains dans leur zone d'influence (Caraïbes et Amérique Latine).

L'Idéalisme politique de Wilson (1913-1921)

« La présidence de Woodrow Wilson, présidence qui, de toute l'histoire des Etats-Unis, constitue probablement son moment le plus idéologisé ». Le Président W. Wilson avait une vision idéaliste des relations internationales (voir les choses telles qu'elles devraient être, telles que l'on souhaiterait qu'elles soient). En effet, pour lui, les relations internationales devraient être harmonieuses et pacifiques grâce à l'obéissance des états à des règles de droit international et à un ordre garanti par des organisations supranationales : « Il doit y avoir, non pas un équilibre des puissances, mais une communauté des puissances ; non pas des rivalités organisées, mais une paix commune organisée » (Discours du 22 janvier 1917 au Sénat, Wilson). Wilson remettait en cause la diplomatie européenne traditionnelle, reposant notamment sur le secret. Internationaliste convaincu, il croyait en la coopération des états, au multilatéralisme : les prises de décision en matière d'action extérieure devraient être prises en consultation avec la communauté internationale et/ou reposer sur une action commune. « C'est principalement l'idéalisme wilsonien qui a imprimé son rythme à la politique américaine depuis sa présidence historique, et qui l'inspire aujourd'hui encore »

Faisant sien le concept de « Destinée Manifeste » pour affirmer la mission quasi-divine des Etats-Unis de démocratiser le monde, il affirmait notamment :

« Je crois que Dieu a présidé à la naissance de cette nation et que nous sommes choisis pour montrer la voie aux nations du monde dans leur marche sur les sentiers de la liberté »

Contrairement aux réalistes, les idéalistes tiennent un discours fondé sur la morale, revendiquant un changement du monde à leur image, afin de le faire progresser. L'Amérique est perçue comme le meilleur modèle démocratique du monde, la démocratie libérale, qui s'appuie sur les libertés publiques, mais aussi l'économie de marché.
A la même époque (années 1920-1930), l'Union Soviétique naissante se construisait sur une idéologie à vocation universelle dont les valeurs étaient fondamentalement différentes et opposées à celles des Etats-Unis : athéisme, démocratie populaire, communisme, et rejet de l'économie de marché.
Cette opposition idéologique sur la vision du monde de l'URSS et des USA est essentielle à une bonne compréhension de la vision du monde des Etats-Unis durant la Guerre Froide, de 1947 à 1991.

Enfin, pour affirmer ses positions, Wilson reprenait les théories de Kant, selon lesquelles les démocraties ne se font pas la guerre. Le modèle démocratique américain était donc considéré comme le plus vertueux, garant de liberté, prospérité et sécurité : « L'Amérique est la seule nation idéale dans le monde [...] L'Amérique a eu l'infini privilège de respecter sa destinée et de sauver le monde [...] Nous sommes venus pour racheter le monde en lui donnant liberté et justice. »

Les fameux « 14 points » de Wilson, qui servirent de base à la paix de 1918 et à la création de la Société des Nations, ancêtre des Nations-Unies, constituent une synthèse parfaite de la pensée du président américain. Pourtant, celui-ci fut désavoué par le Sénat en 1920, qui refusa de signer le Traité de Versailles que Wilson avait pourtant négocié : les tendances isolationnistes avaient repris le pouvoir ; elles restèrent prépondérantes durant les années 1920-1930.

 

Chapitre II : Pratique et évolution de la politique étrangère américaine depuis la fin de la première guerre mondiale à la fin de la guerre froide

Section A : Pratique et évolution de la politique étrangère américaine de 1919 à 1948

L'isolationnisme relatif des années 1920-1930

Après la Première guerre mondiale, l'opinion publique américaine désire profiter de la paix retrouvée, de la prospérité du pays, et se protéger de tout engagement avec les européens qui pourraient à nouveau les conduire à la guerre. Le républicain Warren G. Harding est élu à la Présidence en 1921 avec comme slogan le « retour à la normale ». Mais le retrait américain des affaires européennes ne fut que relatif : les Etats-Unis s'occupèrent en effet activement des questions des remboursements des prêts que les états européens avaient contracté pendant la guerre, ainsi que de la question des importantes réparations que l'Allemagne tardait à payer.

Les Plans Dawes (1924) et Young (1929) permirent de réduire les réparations et initièrent les prêts américains à l'Allemagne. Les Etats-Unis s'engagèrent également pour le désarmement naval (1924 : traité des neuf puissances). Enfin, en 1928, le pacifisme américain s'exprima par le Pacte Briand-Kellog (des noms des responsables de la politique étrangère française et américaine) qui mettait la guerre hors la loi mais restait d'une valeur symbolique.

Avec la crise économique de 1929 et la profonde dépression qui frappa les Etats-Unis puis le monde, la politique étrangère fut mise de côté. Franklin Delano Roosevelt (président de 1933 à 1945) fut en effet élu sur un programme de redressement économique, la Nouvelle Donne (New Deal). Une vague d'isolationnisme déferla sur l'Amérique alors que les crises internationales se multipliaient (invasion de la Mandchourie par le Japon en 1931, arrivée de Hitler au pouvoir en Allemagne en 1933, invasion de l'Ethiopie par l'Italie en 1935). Des lois de Neutralité furent votées en 1935, 1936 et 1937, interdisant d'exporter des armes vers des états belligérants, ou de leur accorder des prêts et crédits). Cependant, ces lois furent progressivement révisées lorsque les évènements conduisant à la guerre s'accélèrent dès 1938 (Anschluss, puis début du second conflit mondial en Europe).

Roosevelt, la seconde guerre mondiale et l'après-guerre : l'application des principes wilsoniens dans un contexte international favorable (1941-1948)

C'est au nom de la défense de la démocratie que Roosevelt engagea progressivement son pays dans la guerre, en consentant un prêt-bail d'armes aux Anglais : « Nous devons être le grand arsenal de la démocratie » (conférence de presse, le 17 décembre 1940). Après l'attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, les Etats-Unis entraient en guerre contre les fascismes.

Roosevelt s'inspira alors largement de Wilson lors de son engagement dans la Seconde Guerre Mondiale : il désirait faire triompher la civilisation dont l'Amérique se devait d'être le héraut ; la guerre était perçue comme la lutte entre les forces du Bien (les démocraties alliées) et celles du Mal (les fascismes de l'Axe). La victoire assurée, les Etats-Unis, seule puissance encore prospère, présida à la reconstruction du monde nouveau.

L'influence des conceptions wilsoniennes fut patente lors de la conception des grandes institutions internationales - ONU) qui projetaient au niveau mondial les valeurs américaines : respect de la démocratie et des droits de l'homme, libéralisme économique et de marché, règlement pacifique des différends... Les Etats-Unis expérimentaient même l'exportation de leur modèle grandeur nature au Japon, qu'ils occupèrent durant sept ans, et dont ils changèrent radicalement les structures.
Pourtant l'idéalisme wilsonien ne fut pas triomphant.
Suite à la faillite de la Société des Nations (1920-1946), Roosevelt est aussi l'homme réaliste qui institue le Conseil de Sécurité au sein des Nations Unies, qui regroupent les "cinq gendarmes" (Etats-Unis, Grande Bretagne, France, Chine, URSS) responsables de l'ordre mondial.

Section B : Pratique et évolution de la politique étrangère américaine durant la Guerre Froide

Un contexte international contraignant : la Guerre Froide et ses doctrines

Le contexte international particulier que fut celui de la « Guerre Froide » contraignit fortement la politique étrangère américaine. En effet, l'URSS et l'idéologie communiste représentaient le pendant du modèle américain. A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l'URSS émergea comme seconde grande puissance après les Etats-Unis. Elle profita des bouleversements de l'après-guerre pour imposer son modèle en Europe orientale et en Asie. L'animosité et l'affrontement étaient inévitables entre les deux puissances qui jouèrent de leurs moyens militaires et financiers pour faire avancer leurs pions.

La théorie de politique étrangère qui domina et déclencha la Guerre Froide était la politique dite de « l'endiguement », ou « Containment ». Elle fut formulée ainsi par George Kennan en 1947, dans un article publié dans Foreign Affairs : « Le principal élément de toute politique des Etats-Unis vis-à-vis de l'URSS doit être un endiguement des tendances expansives de la Russie, à long terme, avec patience, mais fermeté et vigilance ».

Cette politique fut appliquée par le président Truman (1945-1953) qui devait assurer la transition d'une politique wilsonienne à une politique réaliste. Le plan Marshall, prévoyant une aide économique importante pour les pays exsangues d'Europe occidentale, en fut l'outil le plus important : en effet, il permit de conserver dans le giron des démocraties libérales ces pays sans ressources suite à la guerre. Lorsque les moyens financiers ne suffisaient pas à trancher, les deux puissances s'affrontèrent militairement, comme ce fut le cas durant la guerre de Corée de 1950-1953.
Dans ce contexte, les réalistes furent prépondérants et développèrent des théories solides sur lesquelles devait reposer l'action politique, comme celle que formula Morgenthau en 1948 : une vision réaliste doit impliquer que la stabilité internationale repose sur l'équilibre des forces, toute tentation de recourir à la violence devant être désamorcée par la menace crédible d'une contre-violence. La diplomatie mise en oeuvre fut donc celle de la dissuasion.

Les démocrates wilsoniens dans la guerre froide

Rapidement, l'acquisition par l'URSS de l'arme atomique rendit improbable un affrontement frontal, car un tel conflit aurait mené à une destruction mutuelle des belligérants. C'est l'équilibre de la terreur qui contraignit les présidents américains à pratiquer une politique étrangère pragmatique :

- John F. Kennedy (1961-1963), démocrate wilsonien, créa les « Peace corps », corps de volontaires pour le développement, la préservation de la paix et la diffusion des valeurs américaines. Mais confronté à la crise des fusées de Cuba en 1962, il appliqua une « realpolitik » face à l'URSS. De plus, face à l'avancée du communisme au Vietnam, il y envoya les premières troupes américaines.
- Son successeur, Lyndon Johnson (1963-1969), mena une politique libérale au plan intérieur (abolition de la ségrégation raciale en 1964), mais s'enfonça maladroitement au Vietnam en engageant de plus en plus de troupes.

La guerre de Vietnam initie une nouvelle ligne de partage des politiques : les « faucons », partisans du prolongement de l'engagement américain, et les « colombes » qui souhaitent la paix.

La rupture néo-réaliste du tandem Nixon-Kissinger (1969-1974)

« L'équilibre des puissances et non la paix est l'objectif de tout homme d'Etat qui doit être pragmatique et réaliste et prêt au compromis en évitant des objectifs idéologiques ».
Henry Kissinger.

Lors de son arrivée au pouvoir en 1969, le républicain Nixon appela l'expert en politique étrangère Henry Kissinger au poste d'assistant pour les affaires de sécurité nationale. Ce duo mena la politique la plus réaliste (et la moins idéologique) de l'histoire des Etats-Unis. Kissinger renouait avec le réalisme traditionnel de Roosevelt en le modernisant, Nixon partageant cette vision du monde : le duo poursuivit certes la politique d'endiguement vis à vis de l'URSS, mais il porta un regard froid sur cette lutte en refusant de prendre en compte le facteur idéologique.

Nixon et Kissinger considérèrent la Guerre Froide comme un affrontement entre deux grandes puissances dont les intérêts étaient concurrents. La mise en sourdine de la lutte idéologique permit à Nixon de se retirer du Vietnam en 1973 et de fonder une alliance stratégique avec l'autre grand pays communiste qu'était la Chine. Ce revirement inattendu constitua un véritable « coup de poker » du duo qui se révéla être un grand succès diplomatique, menant à la « détente » (accords avec l'URSS sur la limitation des armes stratégiques, SALT I en 1972 et SALT II en 1974).
Pourtant les Etats-Unis se fourvoyaient dans des alliances avec des états autoritaires, participant au renversement de Salvador Allende par le Général Pinochet au Chili, en 1973. Après la démission de Nixon suite au scandale du Watergate, Gerald Ford (1974-1977) reprit le flambeau présidentiel en conservant Kissinger à la tête de la politique étrangère du pays. La continuation de la politique précédente aboutit à la signature des accords d'Helsinki en 1975, fondant la CSCE (Conférence sur la Sécurité et la coopération en Europe, avec participation de l'URSS et des USA).
Nixon et Kissinger, en pratiquant un réalisme poussé qui n'avait pas été repris depuis Théodore Roosevelt, bouleversèrent les données de la politique étrangère américaine pour une courte durée. En effet, dès 1977, le démocrate Carter, renoua avec la tradition américaine mêlant morale et politique.

Carter et le retour de la morale (1977-1981)

En 1977, après les présidences républicaines de Nixon et Ford, le démocrate Carter ré-instaura la morale et le droit dans la politique américaine, par la promotion et la défense des droits de l'homme dans le monde. Ce nouveau cheval de bataille lui permit de continuer à s'opposer à l'URSS sur ce point tout en nouant des alliances plus morales et moins opportunistes. Cela permit pour un temps de redonner une « virginité idéologique » aux USA, qui s'étaient compromis avec des régimes autoritaires durant les années 1970. Le meilleur exemple en est sans aucun doute le travail que fit Jimmy Carter pour qu'israéliens et égyptiens signent un accord de paix. La rencontre de Camp David entre Anouar el-Sadate, président égyptien, et Menahem Begin, premier ministre israélien en 1979, fut l'un des faits marquants de la présidence de Carter. Cependant, l'idée de la supériorité et de l'exception américaines étaient toujours présents : « Nous avons notre forme de gouvernement démocratique que nous pensons être la meilleure. Dans tout ce que je fais concernant la politique intérieure ou extérieure, j'essaie de faire en sorte que les gens réalisent que notre système fonctionne [...] et que cela puisse servir d'exemple à d'autres. » (Carter, Discours du 2 mai 1977).
Souhaitant se rallier d'autres partenaires, les Etats-Unis pratiquèrent une politique d'ouverture, de séduction et de « coexistence pacifique » avec l'Union Soviétique notamment. Pourtant, l'invasion de l'Afghanistan par l'URSS en 1979 marqua la fin de cette politique et le retour à la politique de Containment.

La synthèse reaganienne (1981-1989) : la fin du multilatéralisme ?

Selon plusieurs auteurs, le président Ronald Reagan a incarné une synthèse presque parfaite des courants réalistes et idéalistes de la politique étrangère américaine.

- D'un côté, il entraîna l'URSS dans la « Guerre des étoiles », projet titanesque qui contribua en grande partie à grever les finances déjà vacillantes de l'Union Soviétique, il fit financer et armer les opposants au communisme dans plusieurs pays (antisandinistes du Nicaragua, combattants afghans et surtout islamistes en Afghanistan...), et gagna l'opinion publique à sa politique en la présentant en des termes manichéens, désignant l'URSS comme « l'Empire du mal », et s'attaquant déjà à « la confédération des Etats terroristes » , visant essentiellement l'Iran et la Libye. (Discours sur l'état de l'Union de 1985).
- D'autre part, Reagan se fit le fer de lance de la lutte pour la diffusion de la démocratie dans le monde. S'appuyant sur une théorie formulée par Jeanne Kirkpatrick selon laquelle les dictatures de droite, contrairement à celle de gauche (communisme) sont capables de s'auto-réformer au point de se transformer en démocraties libérales, il élargit de façon conséquente les territoire d'application de la démocratisation et justifiait l'importance des moyens qu'il désirait consacrer à cette cause : « Autour du monde aujourd'hui, la révolution démocratique gagne en force [...]. Nous devons être fermes dans notre conviction que la liberté n'est pas uniquement la prérogative de quelques privilégiés mais un droit inaliénable et universel pour tous les êtres humains » (Discours du 8 juin 1982).

Mêlant dans ses discours des idées de puissance et de morale, Reagan réussit ainsi à construire une véritable « morale stratégique » américaine : combattre pour la démocratie dans le monde devait permettre la préservation des intérêts américains en tant que première démocratie.
Agissant selon des pratiques réalistes, il désirait cependant renverser le statu-quo au profit des Etats-Unis, et non plus maintenir l'équilibre, comme le fit Nixon. Il utilisait la démocratie non seulement comme fin, mais également comme moyen pour arriver à des fins plus pragmatiques : la chute de l'URSS.

Toutefois, il convient de préciser que contrairement aux wilsoniens qui favorisaient le multilatéralisme, Reagan n'eut aucun scrupule à agir seul, unilatéralement, dédaignant des institutions internationales qui avaient intégré depuis les années 1960-1970 de nombreux pays du Tiers-Monde, peu favorables aux USA.
Ce dédain à l'égard des institutions internationales allait s'amplifier durant les années 1990 et suivantes...

Chapitre III: La politique étrangère américaine contemporaine

Section A : Un nouvel ordre mondial ?

George Bush (1989-1993) : créer l'après Guerre Froide

George Bush eut la charge difficile d'être le premier président américain depuis près de 50 ans à faire passer le monde de l'ancien système international bipolaire de la Guerre Froide à un nouveau contexte mondial dans lequel les Etats-Unis avaient le statut d'unique grande puissance. Le président, qui appartenait à la branche « réaliste » et gestionnaire des reaganiens s'attacha, dans un contexte international très instable, à créer de nouveaux liens avec l'ancien ennemi russe et ses satellites qui proclamaient alors tour à tour leur indépendance. Décider des nouveaux objectifs de politique étrangère des Etats-Unis dans le monde de l'après Guerre Froide, il lança, avec ses conseillers, le concept de « Nouvel Ordre Mondial », éminemment wilsonien, puisqu'il se basait sur le respect du droit international et des grandes institutions de coopération : « Nous nous devons aujourd'hui, en tant que peuple, d'avoir une intention de rendre meilleure la face de la nation et plus douce la face du monde »

C'est en partie au nom de ce nouvel ordre mondial que les Etats-Unis s'opposèrent militairement à l'invasion du Koweït par l'Irak en 1990-1991, et ce dans le cadre d'une politique multilatéraliste, puisque la coalition dirigée par les Etats-Unis s'était constituée dans le cadre officiel des Nations Unies. Cependant, cette guerre, dite « Guerre du Golfe », allait avoir des conséquences désastreuses dans les années 1990 et le début du XXIème siècle : la présence américaine sur les lieux saints de l'islam et l'évidente hégémonie économique et militaire des Etats-Unis révélèrent au monde entier que l'on était bien passé à une autre ère de l'histoire des relations internationales... Les Etats-Unis allaient-ils devenir les « gendarmes du monde », voire imposer au monde entier leur système de valeurs ?

Clinton : le retour des démocrates (1992-2000)

L'originalité de Bill Clinton a été d'étendre à la sphère économique le concept de sécurité nationale américaine. « Wilsonien pragmatique », il a lié le libéralisme économique au modèle démocratique. Bill Clinton a ainsi conduit une politique de soutien aux pays les plus prometteurs dans ces deux domaines, afin de rendre le monde plus sûr pour les démocraties et les Etats-Unis.

« Notre stratégie de sécurité nationale est donc fondée sur l'objectif d'élargir la communauté des démocraties de marché tout en dissuadant et en limitant la gamme des menaces qui pèsent sur notre nation, nos alliés et nos intérêts. Plus la démocratie et la libéralisation politique et économique s'imposeront dans le monde, notamment dans les pays d'importance stratégique pour nous, plus notre nation sera en sécurité et plus notre peuple sera susceptible de prospérer ».

Contrairement aux réalistes, Clinton a favorisé le Soft power (Pouvoir attractif) aux dépens du Hard power (pouvoir coercitif, notamment les moyens militaires). Ce concept de Soft power, qui est « la capacité d'arriver à ses fin par un pouvoir de séduction et d'attirance, plutôt que par la menace ou la marchandage. », a été défini par Joseph S. Nye, secrétaire adjoint à la Défense de 1994 à 1995. Il s'appuyait notamment sur la coopération internationale et donc le multilatéralisme. Cependant, la politique étrangère de Clinton devint de plus en plus unilatéraliste sous l'influence du Congrès très conservateur. Bill Clinton enregistra des demi-succès : Accords Rabin-Arafat en 1993 et accords de Wye Plantation en 1998, mais remise en cause de ces progrès en 2001 ; intervention et victoire de l'OTAN en 1999 au Kosovo, mais persistance des conflits dans la région, entre autres.

George W. Bush : les néoconservateurs et l'hyper-terrorisme (2000- ...)

Comme plusieurs ouvrages (America is back, Washington et le monde...) et documentaires (Fahrenheit 9/11, le monde selon Bush) le notent, il convient d'abord de souligner a quel point le nouveau président Bush est apparu en novembre 2000 comme peu intéressé par les questions de politique étrangère, laissant envisager un isolationnisme modéré (projet du bouclier antimissile ).
Mais le poids de l'entourage du président et l'accélération des événements suite aux attaques-attentats du 11 septembre 2001 ont provoqué un grand changement de stratégie internationale des Etats-Unis. Dans l'équipe présidentielle composée essentiellement de néo-conservateurs (v.def) d'obédience reaganienne, les modérés, des gestionnaires réalistes (Colin Powell, Secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, secrétaire à la Sécurité Nationale), s'effacent derrière le poids des extrémistes (Donald Rumsfeld, Ministre de la Défense, Paul Wolfowitz, son conseiller, et John Ashcroft, ministre de la justice), qui font partie des wilsoniens réalistes.

Ces néo-conservateurs cherchent à façonner le monde selon les valeurs américaines, comme désirait le faire le président Wilson au début du XXème siècle, comme le montrent nombre d'interventions du président Bush, dont celle du 12 septembre 2001 : « nous avons trouvé notre mission ». Mais, comme Roosevelt, ils emploient des moyens « musclés » (menaces et coercition militaire) pour arriver à leur fins, et non l'instauration et le respect de règles internationales. C'est pourquoi Pierre Hassner, spécialiste des Etats-Unis, qualifie leur politique de « wilsonisme botté ».

Les attaques-attentats du 11 septembre, en provoquant un choc psychologique important, ont ainsi constitué une véritable opportunité à une partie de l'équipe présidentielle de George W. Bush. En effet, les « faucons » de l'administration Bush, formés dans le contexte de la Guerre froide, recherchaient un moyen de conserver une marge de supériorité et la puissance américaine, qui ne se justifiait plus dans le contexte des années 1990.

Le 11-septembre a été le déclencheur d'une nouvelle forme de conflit, celle d'une gigantesque puissance contre ce que George W. Bush a nommé « l'axe du Mal »... Mais quel est cet « axe du Mal » ? Des Etats aussi différents et sans relations comme la Corée du Nord et l'Iran ? Des Etats autoritaires ? La civilisation et la religion musulmanes ? Le terrorisme ? Mais peut-on faire la guerre contre le terrorisme, alors que ce terme ne désigne qu'un moyen de faire la guerre, et non une idéologie, un système économique, une religion, une culture ou une civilisation, et encore moins un Etat ?

Section B : La politique étrangère de l'administration George W. Bush : rupture ou continuité da ns l'histoire américaine ?

Revenons à la réflexion de Kerry pour examiner la politique de l'équipe Bush : « tout simplement, l'administration Bush a poursuivi la politique étrangère la plus inepte, la plus arrogante et la plus idéologique dans l'histoire moderne ». (Discours au Council on Foreign Relations le 3 décembre 2003).

La politique étrangère de l'équipe Bush est certainement l'une des plus «idéologiques» de l'histoire des Etats-Unis. Elles s'appuie sur un événement fondateur (le 11 septembre) constitutif d'une doctrine claire (la lutte contre toute forme de terrorisme et de menaces), servie par des formules percutantes et simples telle que « L'axe du mal ». Cette doctrine est mise en oeuvre à travers une argumentation très wilsonienne, se référant à la mission divine des Etats-Unis de rendre le monde meilleur. Elle a en outre l'avantage d'être assez polymorphe pour légitimer toute intervention, même injustifiée, sous la forme de « guerre préemptive », que l'équipe Bush a élevée au rang de stratégie (comme l'invasion de l'Irak et le renversement de Saddam Hussein).

La référence à « l'arrogance » de la politique étrangère de Bush constitue vraisemblablement une critique de l'unilatéralisme dont fait preuve l'équipe présidentielle. En effet, John Kerry, démocrate dans la lignée de Bill Clinton, condamne l'attitude de l'équipe Bush qui, après un recours opportuniste au multilatéralisme (formation d'une coalition internationale contre le terrorisme), intervient en Irak contre l'avis général de l' opinion internationale, appliquant la formule : « multilatéraliste si possible, unilatéraliste quand nécessaire ». L'équipe Bush a ainsi l' « arrogance » de profiter pleinement du statut de grande puissance des Etats-Unis, qui leur permet de refuser l'implication dans les accords internationaux et de faire cavalier seul (refus de faire ratifier et appliquer le Protocole de Kyoto de 1997, refus de reconnaître la Cour Internationale de Justice, ...).

Ainsi, appliquant une idéologie forte, l'administration Bush ne constitue pas réellement une rupture dans la pratique de politique étrangère américaine. Au regard de l'Histoire, les Etats-Unis ont toujours associé de manière traditionnelle la moralité à la puissance. L'administration Bush marque seulement l'application d'une nouvelle obédience idéologique, « néo-conservatrice », qui allie la moralité wilsonienne, aux moyens réalistes de Roosevelt. « [...] pour la première fois, le wilsonisme serait réaliste puisqu'il ne s'affirmerait plus par l'intermédiaire d'une organisation internationale impuissante ou suspecte, mais par celui d'un empire irrésistible et bienveillant » (Entretien avec Pierre Hassner et Justin Vaisse, Questions Internationales, p. 55).

En revanche, la pratique très unilatéraliste de la politique étrangère de l'administration Bush et son mépris apparent des institutions et des règles internationales marque un tournant dans l'attitude des Etats-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, alors que c'est ce même pays qui avait présidé à la naissance de ces institutions mondiales.

« Les Etats-Unis s'efforceront constamment d'attirer le soutien de la communauté internationale, mais n'hésiteront pas à agir seuls, si nécessaire, afin d'exercer leur droit à la défense, en agissant de façon préventive contre les terroristes, dans le but de les empêcher de causer des dommages au peuple américain et au pays ».
(Stratégie de Sécurité Nationale de l'administration Bush en 2002)

L'équipe Bush ne constitue donc pas une rupture dans les fins, mais bien sur les moyens, l'unilatéralisme et la généralisation du concept de guerre préventive s'opposant au pragmatisme de la pratique américaine de la politique étrangère.

Ainsi, même si les candidats démocrates s'opposent farouchement à la politique étrangère menée par George W. Bush, ils n'ont pas présenté, sur le fond, une alternative si dissemblable. Il fonde sa différence en priorité sur le retour au multilatéralisme (un multilatéralisme « musclé »...) et propose une « nouvelle ère d'alliances ».

Bibliographie :

Blin Arnaud, Le désarroi de la puissance : Les Etats-Unis vers la guerre permanente ?, Lignes de Repères, oct. 2004

Chaliand Gérard et Blin Arnaud, America is Back : Les nouveaux césars du pentagone, Bayard, 2003

Chomsky Noam, De la guerre comme politique étrangère des États-Unis, Agone, Collection Contre-Feux, 2002

Guisnel Jean, Bush contre Saddam. L'Irak, les faucons et la guerre, La Découverte, Cahiers libres, 2003

Kaspi André, Les Américains, Point Seuil Histoire, 2 vol., 1990.

Martin Jean-Pierre, Royot Daniel, Histoire et Civilisation des Etats-Unis, Nathan Université, collection fac. Histoire

Nguyen Eric, La politique étrangère des Etats-Unis depuis 1945, de Yalta à Bagdad, Studyrama, coll. Principes, nov. 2004

Nouailhat Yves-Henry, Les Etats-Unis et le monde de 1898 à nos jours, Armand Colin, Paris, 2003, 359 p.

Zinn Howard, Une histoire populaire des Etats-Unis d'Amérique, de 1492 à nos jours, Agone, 2002






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