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L'infraction de corruption: étude comparative entre le droit français et le droit tunisien

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par Mohamed Zied El Air
Université des sciences sociales Toulouse 1 - DEA Sciences Criminelles 2003
  

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INTRODUCTION

La corruption constitue un mal endémique dont on relève les manifestations à toutes les époques et dans tous les pays du monde. Elle existe quel que soit le niveau économique des pays et quel que soit le régime politique ou le niveau de rémunération des fonctionnaires. Il est donc inadmissible de penser que la corruption est seulement le problème des pays pauvres et que les pays riches y échappent. Il s'agit, en effet, d'un phénomène dont l'ampleur et le développement constituent une cause légitime d'inquiétude pour les Etats vu son coût économique et social et ses atteintes aux principes de la démocratie.

Toutefois, ce phénomène de corruption devance les législateurs puisqu'il revêt des formes tellement diverses qui rendent son appréhension difficile. De plus, les poursuites diligentées sur ce genre d'affaires révèlent souvent l'existence de véritables réseaux mafieux permettant la dissimulation des faits de corruption. En effet, La mondialisation récente de l'économie et le développement anarchique des pays du tiers monde ont ouvert de nouveaux domaines aux manoeuvres corruptrices, notamment en matière de travaux publics, d'exploitation des matières premières et de fourniture d'armements militaires.

Cette « incapacité » des législateurs d'encadrer juridiquement s'explique aussi par le fait que la corruption ne constitue pas jusqu'à maintenant, aux yeux des citoyens, une menace suffisamment grave contre la vie puisqu'elle ne lèse que des intérêts impersonnels. D'un autre coté, le coût élevé que représenteraient la poursuite et la sanction des faits de corruption contribue à ne pas inciter les pouvoirs publics à s'investir pleinement dans la lutte contre la corruption.

On peut se demander ainsi, face à cette situation, si les législateurs ont pu cerner cette évolution et si les textes en vigueur permettent de lutter efficacement contre la corruption ?

Avant de répondre à cette question, il convient de définir au préalable la notion de corruption, (I) de retracer l'historique de cette infraction notamment dans le droit français et le droit tunisien, (II) de dégager l'intérêt de l'étude de cette question (III).

I- La définition de la notion de corruption :

Ouvrons d'abord un dictionnaire, par exemple le petit Larousse, et nous observons que le mot « corruption » possède trois sens. A savoir : 1) Pourrissement ; 2) Fait d'être corrompu, dépravé ou perverti ; 3) Action de corrompre quelqu'un en le soudoyant pour qu'il agisse contre son devoir ; fait d'être corrompu. Signalons que le mot français « corruption » vient du mot latin « corruptio » qui signifie altération, séduction ou tentative de débauche. Ce mot dérivant du verbe « corrumpo, corrumpere » qui a les sens suivant : 1) détruire, anéantir ; 2) Gâter, détériorer, physiquement ou moralement. Ainsi, la corruption apparaît comme « un germe de mort, physique ou moral1(*) ».

Dans le langage courant ainsi que dans la terminologie juridique, la corruption est l'agissement par lequel une personne investie d'une fonction déterminée, publique ou privée, sollicite ou accepte un don, une offre ou une promesse en vue d'accomplir, retarder ou omettre d'accomplir un acte entrant, d'une manière directe ou indirecte, dans le cadre de ses fonctions. Selon d'autres, il s'agit d'une violation, commise par le coupable, des devoirs de sa charge, en d'autres termes ; une sorte d'abus de confiance2(*).

Cette définition n'a pas suffi à éviter certaines difficultés qui peuvent apparaître quand il faut distinguer la corruption de certaines infractions contre les particuliers qui supposent, comme elle, une certaine pression morale ou une fraude à titre d'exemple le chantage ou l'escroquerie. Ou même lorsqu'on ne veut pas la confondre avec des agissements relevant du groupe d'infractions contre l'administration publique comme la concussion ou le trafic d'influence. Il apparaît donc nécessaire de tracer les frontières qui séparent la corruption d'infractions différentes.

Il importe d'abord de bien distinguer la corruption de l'escroquerie. Cette dernière suppose, dans la législation française ainsi que tunisienne, que le coupable a fait usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité ou qu'il a employé des manoeuvres frauduleuses, de façon à tromper la victime et à la déterminer à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. On remarque que contrairement à la corruption, le coupable ne possède pas la qualité de fonctionnaire dont il se prévaut faussement, ni le pouvoir d'agir qu'il allègue ; il ne peut donc pas trafiquer d'une fonction à laquelle il est en réalité étranger.

Ce critère de distinction ne permet pas d'éviter d'une manière absolue la confusion entre les deux infractions. Prenant l'exemple d'une sollicitation, émanant d'un fonctionnaire, qui s'accompagne d'une véritable mise en scène tel qu'il est le cas dans de nombreuses situations d'escroquerie. Quelle serait la qualification retenue ?

Dans cette hypothèse, il s'agit d'un cumul réel d'infractions, et les faits doivent être retenus sous leur expression pénale la plus élevée3(*), celle de corruption.

S'agissant ensuite du chantage, cette infraction suppose la menace de révélations ou l'imputation de faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la réputation de la victime4(*). Or certains actes accomplis par des fonctionnaires sont révélateurs de faits qui peuvent ruiner la réputation de la personne qu'ils visent ; par exemple les procès-verbaux ou les rapports de police constatant des infractions. Ainsi un fonctionnaire de police peut se faire payer pour ne pas dresser un procès-verbal dans lequel il constate une infraction : quelle serait la qualification retenue à ce niveau, la corruption ou le chantage ?

Pour certains, la solution consiste à distinguer selon que l'acte entrait ou non dans les attributions du coupable. Si la réponse est par la positive, nul doute qu'on doive relever une corruption. Si la réponse est par la négative, par exemple le fonctionnaire de police prétendait constater une infraction imaginaire, on ne peut plus parler d'acte de la fonction et c'est la qualification d chantage qui doit être retenue.

Ce critère de distinction n'est pas toujours fiable, surtout dans les systèmes juridiques qui considèrent la contrainte comme étant un moyen générateur de la corruption, à titre d'exemple ; le droit tunisien5(*).

S'agissant enfin des infractions contre l'administration publique, on trouve la concussion et le trafic d'influence. Concernant la concussion6(*), cette dernière partage avec la corruption le même fondement juridique puisqu'il s'agit de l'interdiction faite aux représentants de collectivités publiques de tirer profit personnel des pouvoirs dont ils sont investis. Toutefois il existe un critère de distinction entre les deux infractions qui réside dans le titre auquel le fonctionnaire reçoit la rémunération délictueuse. Ainsi, si il reçoit ou sollicite une rémunération comme le prix d'un acte qu'il s'engage à accomplir, retarder ou à ne pas accomplir et qui relève de sa fonction, il commet une infraction de corruption. Si au contraire le coupable a reçu des dons comme une chose prétendument due à titre d'impôt, il y a concussion7(*). En d'autres termes ; dans la concussion, le fonctionnaire est l'auteur de l'infraction et le particulier sa victime. Dans la corruption, corrupteur et corrompu sont tous deux coupables.

En ce qui concerne le trafic d'influence8(*), les liens entre cette infraction et la corruption sont étroits. En effet, ils ont presque les mêmes éléments constitutifs sauf que le but des deux infractions est différent. Dans la corruption, le fonctionnaire accepte les dons en vue d'accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de la fonction ou un acte facilité par celle-ci, alors que dans le trafic d'influence le but des manoeuvres délictueuses consiste essentiellement en ce que la personne coupable abuse de son influence, réelle ou supposée, en vue d'obtenir au profit de l'interlocuteur certaines faveurs, et cela auprès d'autorités sur lesquelles doit s'exercer l'influence dont il est trafiqué9(*).

Les frontières, qui séparent la corruption d'infractions voisines, ainsi tracées, il convient donc de rappeler l'historique de cette infraction.

II- L'historique de l'infraction de corruption :

L'histoire révèle que la corruption est un vieux fléau qui existait depuis les anciennes civilisations. Dans le très ancien droit romain, la corruption et la concussion ont été confondues et elles étaient englobées dans une même et unique répression sévère. En effet, elles étaient tenues pour des crimes si graves, surtout s'ils étaient le fait de magistrats. Ces derniers pourraient encourir jusqu'à la peine de mort10(*). De plus à l'époque de Jules césar, le coupable était puni d'une amende du quadruple des choses reçues11(*).

La société islamique a connu le délit de corruption, ce qui a entraîné la définition de cette infraction, la détermination de ses conditions ainsi que les peines applicables. Dans ce sens, l'Imam El Ghazali l'a défini comme « la dépense de l'argent dans le but d'un acte interdit ou d'un devoir défini » et il ajoute «  elle est ce que les gens sont obligés de donner comme argent, dons, services et biens sous formes de cadeaux avec bienveillance ou flatterie en sollicitant des faveurs pour devenir partial. Ce qui signifie rendre l'illicite licite et le licite illicite. Ainsi, la corruption peut survenir à propos d'un devoir à accomplir ou à éviter et s'opère soit par la contrainte, soit par complicité ou par un accord mutuel entre le corrupteur et le corrompu pour la réalisation de leurs intérêts personnels contraires aux intérêts de la collectivité ».

Les jurisconsultes de la religion musulmane étaient unanimes pour condamner la corruption, le corrupteur, le corrompu et l'intermédiaire qui intervenait entre les deux. Ils s'appuyaient pour la condamnation de la corruption sur des arguments issus de la tradition ou fondés sur la raison.

Le Coran affirme : « ne dissipez point vos richesses en dépenses inutiles entre vous, ne les portez pas non plus aux juges dans le but de consumer injustement le bien d'autrui 12(*)». Certains exégètes se sont appuyés dans la condamnation de la corruption sur cette citation du Coran : « ils prêtent évidemment l'oreille aux mensonges, ils recherchent les mets défendus13(*) ». Par les « mets défendus » il faut entendre la corruption ou toute acquisition prohibée.

Dans la tradition ( Le Hadith) le prophète déclare : « Malédiction de Dieu sur le corrupteur et le corrompu dans le jugement » et dans une autre version « malédiction de Dieu sur le corrupteur, le corrompu et l'intermédiaire qui intervient entre les deux ».

On raconte que «  Amor Ibn Abdelaziz14(*) » avait refusé un cadeau proposé dans une occasion et lorsqu'on lui disait que le prophète l'acceptait, il répondait : « C'était un cadeau pour lui et une corruption pour nous, parce qu'on voulait se rapprochait de sa prophétie non pour son autorité. Or pour notre cas, on se rapprochait de nous pour notre autorité ».

Amor Ibn Khattab15(*) a écrit à ses gouverneurs « gardez-vous des cadeaux offerts ; c'est de la corruption ».

La jurisprudence musulmane a défini les éléments fondamentaux sur lesquels s'appuient ce délit. Tout d'abord, le coupable devait être investi du pouvoir de diriger les affaires des musulmans, de plus la corruption devait avoir pour but l'accomplissement d'un service. Enfin elle insistait sur l'existence nécessaire de l'intention coupable chez le corrupteur, en d'autres termes, ce dernier devait être pleinement conscient qu'il faisait une offre, qui devait être acceptée par le corrompu, dans l'intention de corrompre. Ainsi si l'intention coupable faisait défaut, il n'y aurait point de délit.

En France, le concept juridique de corruption n'est vraiment devenu autonome qu'à partir du Code pénal de 1971, étant auparavant confondu avec la concussion. Ce code avait prévu des peines sévères allant jusqu'à la peine capitale de l'époque, à savoir ; la peine de mort16(*).

Le Code pénal de 1810 a suivi l'exemple du législateur révolutionnaire en maintenant la distinction entre la corruption et la concussion. Cependant, dans ses dispositions primitives, il punissait de la peine criminelle du carcan et d'une amende tout fonctionnaire public ayant commis des faits de corruption.

Une importante évolution s'est produite depuis 1863, des lois successives ont profondément affecté les articles de l'ancien Code pénal relatifs à la corruption17(*). Cette évolution traduit un double courant de la politique criminelle française.

D'une part, il y a eu une extension de progressive de la répression due à l'élargissement des incriminations de corruption quant aux personnes visées et quant aux actes de la fonction dont trafiquent ces personnes. Ceci s'explique par l'énorme accroissement des modes d'intervention de la puissance publique dans la vie contemporaine ainsi que le bouleversement des situations économiques dû aux deux guerres mondiales18(*).

D'une autre part, il y a eu, suite à la loi du 16 mars 1943, une correctionnalisation de l'infraction de corruption puisqu'un emprisonnement de dix ans s'est substitué à la dégradation civique.

Sachant que les dispositions de droit commun, relatives à la corruption, étaient groupées dans l'ancien Code pénal en un ensemble unique, formé des articles 177 à 182. Ce bloc de textes a été décomposé par le législateur en plusieurs morceaux distincts suite à l'apparition du Nouveau Code pénal en 1992. L'un d'eux, concernant la corruption des salariés des entreprises privées, a été déplacé dans le Code du travail où il figure sous le nouvel article L. 152-6. Les autres groupes ont été dispersés dans le nouveau Code pénal. On trouve dans l'article 432-11 l'incrimination de la corruption passive commise par des personnes exerçant une fonction publique. L'article 433-1 est relatif, quant à lui, à la répression de la corruption active commise par des particuliers. L'article 434-9 est consacré, lui, à la corruption, passive et active, des magistrats et autres personnes intervenant dans l'exercice des fonctions juridictionnelles. Une dernière variété de corruption, visée par l'article 441-8, concerne les personnes qui, dans l'exercice de leur profession, établissent des attestations ou des certificats faisant état de faits matériellement faux. Les autres ont leur place dans des codes différents, par exemple la corruption en matière d'élection, de douanes etc....

En Tunisie, le Code pénal tunisien de 1913 prévoit la corruption dans la deuxième section du troisième chapitre du deuxième livre. Ce chapitre est consacré aux infractions commises par les fonctionnaires publics ou assimilés dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, on y trouve la corruption, la concussion, les détournements commis par les dépositaires publics et l'abus d'autorité.

Les dispositions relatives à la corruption sont prévues par les articles 83 à 94 CPT. Ces dispositions ont été modifiées à deux reprises par le législateur. Une première réforme de 1989, ayant une portée générale, a supprimé la peine de travaux forcés de tout le Code pénal et plus précisément des articles 88 et 89 CPT relatifs à la corruption de magistrats. La deuxième réforme est intervenue en 1998 suite à la loi numéro 33-1998 du 23 mai 1998 relative à la lutte contre la corruption19(*). C'est la première réforme consacrée exclusivement à la corruption depuis la promulgation du Code pénal en 1913.

Cette réforme avait deux objectifs, d'un coté, elle a élargi les incriminations puisqu'elles étaient limitées auparavant aux fonctionnaires publics et aux magistrats. D'un autre coté, elle a aggravé les peines applicables en cas de corruption. Ces modifications s'expliquent par le nécessaire modernisation du droit pénal tunisien en matière de corruption et par les exigences de la protection de la fonction publique.

A noter que le droit pénal tunisien ainsi que le droit pénal français, malgré les réformes successives, n'ont pas rompu avec le droit antérieur puisqu'ils ont maintenu la distinction classique entre corruption active et corruption passive. La corruption passive est celle vue du coté du corrompu : c'est l'acte par lequel celui-ci accepte ou sollicite un don ou une promesse pour accomplir un acte de la fonction ou facilité par elle. Quant à la corruption active vue du coté du corrupteur ; c'est l'acte par lequel celui-ci obtient ou tente d'obtenir de la personne visée un acte de sa fonction ou facilité par elle. Pourquoi cette dualité ?

Il faut rappeler à ce niveau qu'il existe trois systèmes possibles pour la répression de la corruption. On peut d'abord considérer que, du corrupteur et du fonctionnaire corrompu, le plus coupable des deux est le second qui méconnaît volontairement ses devoirs de fidélité et de probité. Ainsi, le corrompu doit être considéré comme l'auteur de l'infraction, le corrupteur n'étant que son complice. L'inconvénient est ici en cas de tentative de complicité, le corrupteur échappe à la répression puisque dans les deux législations la tentative de complicité est impunissable; c'est la rançon de l'emprunt de criminalité20(*). Le deuxième système considère le corrupteur et le corrompu comme coauteurs de la même infraction. Dans ce système21(*) l'infraction serait pleinement réalisée lorsque l'accord est conclu entre les deux coauteurs, on peut aussi retarder la commission de l'infraction jusqu'au moment de l'accomplissement de l'acte de la fonction. Toutefois ce système demeure critiquable et on peut lui reprocher de ne pas distinguer suffisamment entre l'un et l'autre des personnages, le corrompu étant généralement plus blâmable que le corrupteur. Pour éviter les inconvénients des deux premiers systèmes, on a fait appel à un troisième système qui fait de la corruption un complexe de deux infractions distinctes : la corruption active imputable au corrupteur et la corruption passive imputable au corrompu. C'est ce dernier système qui a été admis par plusieurs législations à titre d'exemple ; le droit français, tunisien et allemand.

III-L'intérêt de l'étude :

En France, au cours des dernières années, sont apparues des affaires scandaleuses qui ont secoué l'opinion publique et dans lesquelles se trouvaient mêlés, des chefs d'entreprises, des hommes d'affaires, des fonctionnaires appartenant à diverses administrations de l'État ou des collectivités publiques, et aussi des hommes politiques de tous niveaux, y compris des ministres en exercice et des personnages placés très haut dans la hiérarchie de la République22(*). En effet, Il n'est pas de jour où la presse ne fasse état d'affaires de corruption imputées à ces hauts placés, de plus, la gravité du mal est telle que toute la « classe politique » est devenue suspecte aux yeux du public23(*).

En Tunisie, la corruption est à la fois connue et statistiquement négligeable quant au nombre de procédures traitées par la justice. En effet, la jurisprudence des tribunaux répressifs tunisiens est restée muette sur plusieurs interrogations de la doctrine. Cette dernière a élaboré, forte malheureusement, peu de travaux relatifs à la question. Quant au législateur tunisien, faut-il rappeler qu'il n'est intervenu qu'à une seule reprise pour modifier les textes répressifs relatifs à la corruption depuis la promulgation du Code pénal en 1913 ? Ainsi, il serait utile d'étudier le droit tunisien à la lumière du droit français qui est alimenté par une jurisprudence assez dense et par un travail doctrinal intense en matière de corruption.

Signalons enfin que La corruption ne sévit pas seulement à l'intérieur des frontières nationales : elle affecte aussi très gravement le commerce international et met en cause des agents publics étrangers. On parle désormais de la corruption internationale qui a entraîné la mise en place de moyens juridiques propres à faciliter la lutte contre les manoeuvres corruptrices tant au niveau mondial que sur le plan européen.

A l'échelle mondiale, l'Organisation des Nations Unies a lancé un programme global de lutte contre la corruption pour inciter les gouvernements des États membres à mettre sur pied des moyens coordonnés d'action et à échanger toutes informations utiles24(*).

A l'échelle européenne et plus précisément au niveau de l'Union européenne deux conventions ont été signées à Bruxelles afin de lutter efficacement contre la corruption. Une première convention du 26 juillet 199525(*) incite les États membres à punir le blanchiment des capitaux provenant des fraudes ou de la corruption. La deuxième convention est du 26 mai 199726(*) oblige les États de l'Union européenne à incriminer la corruption, qu'elle porte ou non atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes.

On remarque ainsi qu'il y a une volonté commune tendant à l'harmonisation et l'unification des législations à l'échelle internationale afin de permettre de cerner le phénomène de corruption. Le droit français et le droit tunisien tendent, notamment suite aux réformes citées précédemment, à réaliser ces objectifs. En effet, l'étude comparée de ces deux législations nous a donné des renseignements fructueux sur l'infraction de corruption par les rapprochements qu'elle provoque comme par les oppositions qu'elle souligne. Elle a suscité également notre réflexion et nous a permis de découvrir des aspects nouveaux, des constantes et des tendances qui seraient sans doute imperceptibles à des observations isolées.

Ainsi, l'emploi de la méthode comparative peut nous donner l'ambition, au-delà des différences qui distinguent les deux pays, de dégager les traits communs aux deux législations. Pour la mise en relief de ces traits communs, nous avons limité notre étude, vu le nombre important des textes répressifs en la matière, à la corruption passive et active des personnes exerçant une fonction publique ainsi que les magistrats. D'autres catégories de personnes pouvant être poursuivies pour des faits de corruption ont été, pour des besoins de clarté et de précision, traitées dans le cadre de ce travail.

Signalons enfin que, le but essentiel de ce travail est de contribuer autant que possible à réaliser une synthèse de l'infraction de corruption dans les deux législations afin de déterminer les points de convergence et de divergence existant dans les deux droits. Ainsi, la comparaison portera sur l'incrimination (Titre1) et sur la répression (Titre 2).

PREMIERE PARTIE: COMPARAISON RELATIVE À L'INCRIMINATION 

Nous trouvons aussi bien dans la législation tunisienne que la législation française les mêmes éléments constitutifs, il faut citer d'abord la qualité de la personne corrompue (Chapitre1) qui constitue une condition préalable pour la constitution de l'infraction de corruption. Cette qualité est prévue par un article distinct dans le Code pénal tunisien, alors qu'elle est prévue par plusieurs articles du Code pénal français. Vient ensuite l'ensemble des moyens qui révèlent la corruption et qui sont de nature à lui donner corps (Chapitre 2). Ce sont, en effet, les éléments matériels de l'infraction.

Signalons que l'élément intentionnel n'a pas été prévu par les deux législateurs dans les textes relatifs à la corruption, d'ailleurs ils n'ont pas à le mentionner puisqu'il résulte de deux dispositions générales. La première est celle qui est prévue par l'article 121-3 CPF, selon lequel « il n'y a point de crime ou délit sans l'intention de le commettre ». La deuxième est prévue par le Code pénal tunisien et plus précisément par l'article 37 CPT selon lequel « nul ne peut être puni que pour un fait accompli intentionnellement ». Il s'agit, dans ces deux articles, de l'intention frauduleuse qui, ici n'a pas d'existence autonome, car elle est contenue implicitement dans la combinaison des autres éléments.

CHAPITRE 1: LA QUALITE DU COUPABLE 

Dans les deux législations le corrompu doit être revêtu d'une qualité officielle. Il s'agit d'abord, des personnes exerçant une fonction publique (Section1). Vient ensuite d'autres personnes (Section2), pouvant être poursuivies pour des faits de corruption, qui sont réprimées par des textes spéciaux, par exemple les salariés.

SECTION 1: UNE PERSONNE EXERÇANT UNE FONCTION PUBLIQUE 

En France, les coupables du délit de corruption passive étaient désignés par l'article 177 ACPF qui donnait une énumération que les réformes successives du texte avaient progressivement enrichi. Initialement cet article visait seulement la corruption des fonctionnaires de l'ordre administratif ou judiciaire agents et préposés des administrations publiques, c'est ce qui a poussé les tribunaux à recourir à des définitions souples et extensives qui ont entraîné les critiques d'une doctrine attachée à la lettre du texte pénal.

Les tribunaux répressifs français ont ainsi englobé dans la catégorie de fonctionnaires, les agents et préposés des administrations publiques ainsi que tous les membres de l'administration, quelle que soit leur place dans la hiérarchie, dés lors qu'ils exerçaient, sous l'impulsion et la surveillance de leurs supérieurs, des attributions de l'ordre administratif ou judiciaire. On a donc pu appliquer les articles 177 et suivant à tous les représentants de la hiérarchie administrative, depuis le ministre jusqu'aux titulaires des postes les moins élevés27(*). Les efforts de la jurisprudence ont été renforcés par le législateur qui a procédé à l'extension de la liste des personnes susceptibles d'être corrompues par étapes successives.

Le premier texte qui est venu compléter l'incrimination à l'égard des fonctionnaires est celui de la loi du 13 mai 1863. Il a ajouté aux administrateurs et juges, les arbitres et les experts. En effet, l'arbitre est un véritable juge. L'expert, quant à lui, prépare la décision judiciaire par l'opinion qu'il exprime dans ses rapports. Le recours considérable à l'arbitrage et le développement de l'expertise rendaient nécessaires ces dispositions nouvelles.

Ensuite, l'extension a été faite aux médecins par la loi du 9 mars 1928 puis aux chirurgiens, sages-femmes par l'ordonnance du 8 février 1945. Ceci s'explique par le rôle croissant des professions médicales en matière sociale.28(*)

Enfin, et surtout la loi du 16 mars 1943 qui a ajouté les agents et préposés des administrations placées sous le contrôle de la puissance publique et les citoyens chargés d'un ministère de service public. Et la loi du 8 février 1945 qui a ajouté les personnes investies d'un mandat électif. Ainsi, on distingue à la lumière de ses solutions jurisprudentielles et législatives trois hypothèses sous l'empire de l'ancien Code pénal français.

- les personnes investies d `un mandat électif :

Comme le précise la jurisprudence, les personnes visées sont notamment les membres du parlement, des conseillers généraux ou des conseillers municipaux.

- les fonctionnaires de l'ordre administratif et judiciaire, agents et préposés des administrations publiques :

Sont visés, à ce niveau, les membres du gouvernement, les fonctionnaires des administrations fiscales29(*) départementales ou communales 30(*), les magistrats, les officiers ministériels lorsqu'ils concourent à l'oeuvre de la justice. Il apparaît que la qualité de fonctionnaire public doit être entendue largement et comprend tout citoyen investie des prérogatives de puissance publique, d'un mandat public qui contribue à la gestion des affaires publiques.

- les préposés et agents des administrations placées sous le contrôle de la puissance publique :

Sous cette qualification, l'ancien Code pénal visait par exemple les agents de la sécurité sociale31(*) ou encore le président d'une chambre des métiers32(*) qui a selon la jurisprudence « la qualité d'un agent d'une administration placée sous le contrôle de la puissance publique ». On peut se demander si le Nouveau Code pénal a maintenu cette distinction ?

Le nouveau Code pénal a limité le domaine d'application de l'article 432-11 aux seules personnes exerçant une fonction publique33(*); plus précisément le texte ne concerne que les personnes dépositaires de l'autorité publique, les personnes chargées d'une mission de service public, et celles enfin qui sont investies d'un mandat électif public. On entend par« dépositaire de l'autorité publique »la personne qui est titulaire d'un pouvoir de décision et de contrainte sur les individus et les choses, pouvoir qu'elle manifeste dans l'exercice des fonctions, permanentes ou temporaires34(*), dont elle est investie par délégation de la puissance publique. À cet égard, il faut préciser que les personnes « investies d'un mandat électif public », ajoutées sans doute pour plus de précision à l'article 432-11, ne sont autres que les dépositaires de l'autorité publique.

Quant à la personne chargée d'une mission de service public, elle peut être définie comme la personne qui, sans avoir reçu un pouvoir de décision ou de commandement dérivant de l'exercice de l'autorité publique, est chargée d'accomplir des actes ou d'exercer une fonction dont la finalité est de satisfaire à un intérêt général.

Le code pénal Tunisien tel que rédigé en 1913, à l'instar du droit pénal français, consacre une définition extensive du fonctionnaire public dans la section première du troisième chapitre du livre premier. Cette définition reflète la tendance du législateur à englober le plus grand nombre de personnes concernées. D'un autre coté, le législateur avait prévu une définition distincte de celle prévue par le droit administratif, qui insiste sur le lien juridique entre le fonctionnaire public et l'Etat, puisque cette qualité peut demeurer existante sur le plan pénal en dépit des vices mettant en cause son existence sur le plan administratif35(*).

La définition de fonctionnaire public figurait dans l'ancien article 82 du CPT prévoyait que « Sont réputés fonctionnaires publics au regard du présent code, tous nos sujets, qui, sous une dénomination et dans une mesure quelconque, sont investis d'un mandat même temporaire, rémunéré ou gratuit, dont l'exécution se lie à un intérêt d'ordre public et qui, à ce titre, concourent au service de l'État, des administrations publiques, des communes ou même des établissements publics.

Sont assimilées aux fonctionnaires publics, les personnes choisies par les particuliers ou délégués par la justice en qualité d'experts, d'arbitres ou d'interprètes »36(*).

L'étude de cet ancien article avant sa modification par la loi du 23 mai 1998 démontre que deux critères étaient prévues par le législateur pour déterminer la qualité de fonctionnaire public, d'abord, il utilise les termes « tous nos sujets », ensuite il ajoute qui « sont investis d'un mandat ... dont l'exécution se lie à un intérêt d'ordre public ».

Selon la doctrine, cette définition qui date de 1913 n'est plus compatible avec les exigences de la vie moderne et ce sur le plan économique et social, surtout après l'apparition de nouvelles catégories de personnes concernées par la corruption, autres que les fonctionnaires et les magistrats, qui échappent à la répression puisque la qualité de fonctionnaire public fait défaut malgré le lien de causalité qui existe entre leurs fonctions et le service public ou l'intérêt général37(*). La même idée a été reprise lors des débats parlementaires relatifs à l'adoption du projet de loi concernant la modification de certaines dispositions du code pénal relatives aux infractions de corruption et plus exactement dans la réponse du gouvernement à la quatrième question : « la définition prévue dans l'article 82 actuel du code pénal n'est plus compatible avec le développement de la notion de fonction publique et les modalités de direction des services publics »38(*).

La loi n° 98-33 du 23 mai 1998 a modifié cet article en supprimant les termes « tous nos sujets » ainsi que les termes  « d'un mandat ... dont l'exécution se lie à un intérêt d'ordre public ». Toutefois, elle a ajouté de nouvelles institutions juridiques telles que la « personne dépositaire de l'autorité publique » et la « personne participant à la gestion d'un service public ». Le législateur tunisien, suite à cette réforme, a instauré des institutions juridiques de droit administratif afin d'englober leurs titulaires par les dispositions relatives à la corruption et pour harmoniser les deux ordres (pénal et administratif).

Ainsi, d'après la nouvelle rédaction de l'article 82 du CPT « Est réputé fonctionnaire public soumis aux dispositions de la présente loi, toute personne dépositaire de l'autorité publique ou exerçant des fonctions auprès de l'un des services de l'Etat ou d'une collectivité locale ou d'un office ou d'un établissement public ou d'une entreprise publique, ou exerçant des fonctions auprès de toute autre personne participant à la gestion d'un service public.

Est assimilé au fonctionnaire public toute personne ayant la qualité d'officier public ou investie d'un mandat électif de service ou désignée par la justice pour accomplir une mission judiciaire »39(*).

On remarque à ce niveau que le législateur tunisien, lors de la réforme des dispositions relatives aux infractions de corruption, s'est inspiré de son homologue français en utilisant les mêmes critères prévus par l'article 432-11 du nouveau code pénal français à savoir ; une personne « dépositaire de l'autorité publique » ou  « participant à la gestion d'un service public ». Pour une partie de la doctrine tunisienne la réforme de 1998 n'a pas apporté de grandes modifications à l'ancienne rédaction puisque les termes « dépositaire de l'autorité publique » et « participant à la gestion d'un service public » étaient englobés par les termes « ordre public » et « intérêt général » qui sont la base des deux premiers40(*).

A notre sens, la nouvelle rédaction permet l'extension et la clarification de la notion de fonctionnaire public ainsi qu'une meilleure application des textes par les juridictions répressives, d'un autre coté l'inspiration du législateur tunisien de son homologue français n'est pas absolue puisque si les deux droits considèrent que les personnes dépositaires de la l'autorité publique et les personnes chargées d'une mission de service public comme fonctionnaires publics (para1) il existe une divergence entre les deux systèmes juridiques quant aux personnes investies d'un mandat électif ( para2).

PARA 1: Les éléments communs de détermination de la qualité de fonctionnaire public 

Les deux législations consacrent les mêmes éléments pour déterminer la qualité de fonctionnaire public aussi bien l'article 432-11 CPF que de l'article 82 CPT. Ces articles permettent de constater que les personnes dépositaires de l'autorité publique (A) ainsi que les personnes chargées d'une mission de service public (B) sont considérées comme des fonctionnaires publics.

A- une personne dépositaire de l'autorité publique 

D'après VITU, On entend par« dépositaire de l'autorité publique »la personne qui est titulaire d'un pouvoir de décision et de contrainte sur les individus et les choses, pouvoir qu'elle manifeste dans l'exercice des fonctions, permanentes ou temporaires, dont elle est investie par délégation de la puissance publique41(*). En France, la doctrine distingue quatre catégories de personnes dépositaires de l'autorité publique.

La première est celle des représentants de l'Etat et des collectivités territoriales. Elle comprend d'une part, le président de la République, les ministres, les secrétaires d'État et sous-secrétaires d'Etat, les préfets et sous-préfets, ainsi que les représentants de la France auprès d'organismes internationaux ou auprès de pays Étrangers : ambassadeurs, consuls42(*).

D'autre part, les personnes investies d'un mandat électif public qui sont ajoutées  « sans doute pour plus de précision à l'article 432-11 » et qui ne sont que des dépositaires de l'autorité publique43(*) .

Le deuxième groupe est celui des fonctionnaires de l'ordre administratif et plus spécialement les représentants de la force publique. L'article 432-11 CPF concerne les fonctionnaires de l'ordre administratif seulement puisque les fonctionnaires de l'ordre judiciaires sont prévus par l'article 434-9 CPF qui concerne les magistrats et assimilés(jurés, experts ou arbitre) contrairement à l'article 177 de l'ancien code qui englobait les fonctionnaires de l'ordre administratif ou judiciaire. Ainsi L'article 432-11 pourra être appliqué aux membres de l'enseignement44(*). Il concerne aussi les membres des administrations fiscales, comme les fonctionnaires des douanes45(*). Sont également concernés les fonctionnaires des services de police comme les commissaires de police46(*) et aussi les fonctionnaires et agents des préfectures, sous-préfectures et mairies.

Le troisième groupe ; celui des officiers ministériels, comprend les intermédiaires ou mandataires des particuliers qui ont le monopole de l'accomplissement, dans l'intérêt des particuliers, des actes officiels, comme l'huissier47(*).

Enfin, la quatrième et dernière catégorie est celle des autres personnes exerçant des fonctions d'autorité, mais qui n'ont pas la qualité de fonctionnaire. C'est le cas des militaires et assimilés, les agents assermentés de la SNCF, habilités à relever des infractions à la police des chemins de fer, ainsi que les agents assermentés de la RATP, des présidents et assesseurs des bureaux de vote etc....

En droit tunisien, on retrouve la même définition prévue par la doctrine française, notamment celle du professeur Vitu. Ainsi, est dépositaire de l`autorité publique toute personne qui a un pouvoir de décision et de contrainte sur les individus et qui a la possibilité de recourir à l'usage de la force publique48(*).

La Constitution tunisienne, de son coté, distingue trois autorités ; législative, judiciaire et exécutive qui sont toutes des autorités publiques et tous ceux qui leurs appartiennent sont considérés comme dépositaires de l'autorité publique.

Toutefois, la notion d'autorité publique ne doit pas être limitée au droit constitutionnel. Il suffit de revoir les débats parlementaires49(*) de la loi du 23 mai 1998 pour déterminer la notion de  personne dépositaire de l'autorité publique : « c'est une notion identique à celle adoptée par le législateur français dans le nouveau Code pénal...et elle concerne toutes les personnes qui exercent une fonction d'autorité quelle que soit sa nature ; administrative, juridictionnelle ou autre et quelle que soit le statut de la personne (privé ou public). Il apparaît ainsi que les termes « toute personne dépositaire de l'autorité publique » ne se limitent pas aux agents de la fonction publique prévus par la loi n°112 du 12 décembre 1983 mais ils englobent d'autres agents tels que les militaires, les fonctionnaires de police, les agents chargés de la protection du président de la République et les magistrats50(*) ».

On remarque que les deux législateurs ont essayé d'élargir la définition de fonctionnaire public afin de permettre l'application des textes répressifs à des personnes titulaires de fonctions ayant un lien avec le service public ou l'intérêt général sans qu'elles aient la qualité de fonctionnaire public.

B- Personnes chargées d'une mission de service public 

L'article 177 de l'ancien Code pénal visait, non les personnes chargées d'une mission de service public, mais "les citoyens chargés d'un ministère de service public", qui ont été ajoutés par la loi du 16 mars 1943. Selon la jurisprudence élaborée pour l'application de cet article, la qualité de citoyen chargé d'un ministère de service public désigne "les personnes investies dans une mesure quelconque d'une partie de l'autorité publique, et non les personnes qui ne participent pas à cette autorité, bien qu'un intérêt public s'attache à leurs services51(*)". Comme l'observe le professeur André Vitu, cette définition n'est pas pleinement satisfaisante puisque le critère tiré de ce que les citoyens concernés sont investis d'une partie de l'autorité publique ne permet pas de les distinguer nettement des personnes dépositaires de l'autorité publique. Avec le nouveau code pénal ces termes ont été remplacés par la « personne chargée d'une mission de service public », qui peut être définie comme la personne qui, sans avoir reçu un pouvoir de décision ou de commandement dérivant de l'exercice de l'autorité publique, est chargée d'accomplir des actes ou d'exercer une fonction dont la finalité est de satisfaire à un intérêt général52(*).

Ainsi, contrairement à la personne dépositaire de l'autorité publique, la personne chargée d'une mission de service public n'a, ni un pouvoir qui lui est conféré en vertu d'une délégation de la puissance publique, ni un pouvoir de décision et de contrainte sur les individus et les choses. Toutefois, cette personne est chargée d'exercer une fonction ou d'accomplir des actes qui ont pour but de satisfaire à un intérêt général. Parmi ces personnes, on citera : les syndics de faillite, les séquestres, les gardiens de scellés, les interprètes53(*), un inspecteur principal de la RATP, intervenant dans l'octroi de travaux à des entreprises54(*).

À cette liste, il faut ajouter les personnes qui font partie de diverses commissions instituées officiellement et chargées de donner des avis à l'autorité publique ou de statuer elles-mêmes sur des demandes, des dossiers, des projets, qui nécessitent des autorisations, des agréments ou des habilitations officielles par exemple ; les membres des commissions régionales et de la commission nationale des institutions sociales et médico-sociales, les membres des commissions qui jouent un rôle central en matière de bourse et de banque comme la Commission des opérations de bourse(C.O.B).

Il faut préciser enfin que les préposés et agents des administrations placées sous le contrôle de la puissance publique, ajoutés par la loi du 16 mars 1943 à l'ancien article 177 du ACP, peuvent être considérés comme des personnes chargées d'une mission de service public. C'est le cas aussi des membres des entreprises placées sous le contrôle de la puissance publique par voie de réquisition. En effet, toutes ces personnes morales, dont le statut se rapproche sensiblement de celui des fonctionnaires publics, sont assimilées à ces derniers quant aux obligations de fidélité et de probité.

L'étude de la jurisprudence récente démontre que les tribunaux répressifs n'hésitent pas à considérer une personne comme étant chargée d'une mission de service public du moment qu'elle exerce une fonction ayant pour finalité l'intérêt général. Ainsi, Un ingénieur au Commissariat à l'énergie atomique, mis à la disposition de l'Agence nationale de valorisation de la recherche, qui avait notamment pour mission d'apporter son concours à un délégué régional dans l'instruction des dossiers de demande d'aide à l'innovation, a été considéré par la chambre criminelle comme une personne chargée d'une mission de service public, au sens des articles 432-11 et 432-12 du Code pénal, dès lors qu'il était chargé d'accomplir des actes ayant pour but de satisfaire l'intérêt général, peu importe qu'il ne dispose d'aucun pouvoir de décision55(*). D'un autre coté, des journalistes pigistes, employés par une chaîne de service public de la communication audiovisuelle ont été considérés comme ayant la qualité de personnes chargées d'une mission de service public au sens de l'article 432-11 du Code pénal. En acceptant, des sommes d'argent des organisateurs d'une course pédestre ayant bénéficié de la diffusion de messages publicitaires, en exécution d'un pacte intervenu avant la course, ces journalistes se sont rendus coupables de corruption passive56(*). On peut se demander si ces solutions sont identiques à celles prévues par le législateur tunisien?

En droit tunisien ; l'article 82 nouveau du CPT prévoit : « Est réputé fonctionnaire public soumis aux dispositions de la présente loi, toute personne .... exerçant des fonctions auprès de l'un des services de l'Etat ou d'une collectivité locale ou d'un office ou d'un établissement public ou d'une entreprise publique, ou exerçant des fonctions auprès de toute autre personne participant à la gestion d'un service public ». On remarque que cet article prévoit quelques conditions qui permettent de parler d'une personne chargée de la gestion d'un service public.

D'un coté, l'article 82 CPT fait référence à « toute personne...exerçant des fonctions auprès de l'un des services de l'Etat ou d'une collectivité locale », cette condition est prévue par le législateur en Tunisie à plusieurs reprises par des lois extérieures au code pénal comme la loi relative au statut général des personnels de l'Etat et des collectivités locales et les établissements publics à caractère administratif ainsi que d'autres textes spéciaux57(*). D'après ces textes l'exercice des fonctions auprès de l'un des services d'Etat ou des collectivités locales doit être permanent et non temporaire contrairement au droit français qui est indifférent quant au caractère permanent ou temporaire de l'exercice des fonctions.

D'un autre coté, il ajoute « toute personne....exerçant des fonctions auprès... d'un établissement public ou une entreprise publique, ou exerçant des fonctions auprès de toute autre personne participant à la gestion d'un service public ». Ainsi, la qualité de personne chargée de la gestion d'un service public est reconnue à toute personne auprès d'un établissement public à caractère administratif ou à toute autre personne participant à la gestion d'un service public c'est à dire les établissements à caractère industriel et commercial.

Sont aussi considérées comme personnes chargées da la gestion d'un service public les fonctionnaires d' « entreprises publiques ». En règle générale ces fonctionnaires sont soumis aux dispositions du code pénal et non aux dispositions du statut général des entreprises publiques du 5 août 1985 lorsqu'il s'agit de la corruption.

La Cour de Cassation tunisienne, pour déterminer si la personne est chargée de la gestion d'un service public ou non, utilise le critère de l'intérêt général en considérant qui il est la pierre angulaire du service public58(*). D'après cet arrêt, la gestion d'un service public tend à la réalisation d'un intérêt général ainsi les personnes chargées d'une telle gestion qui cherchent la réalisation d'un intérêt personnel contraire au premier porte atteinte à la mission et à la probité. A ce niveau une question se pose ; qu'est ce que l'intérêt général ?

Ni le législateur ni la doctrine n'ont précisé cette notion, toutefois le rapprochement de celle-ci avec des notions voisines permet sa délimitation. Parmi ces notions ; celle d'ordre public et de service public qui sont à leur tour sans définition unanime.

L'intérêt général est une composante de l'ordre public59(*), ainsi, si la corruption porte atteinte à l'intérêt général elle porte obligatoirement atteinte à l'ordre public. D'un autre coté, depuis la réforme du 23 mai 1998 l'article 82 CPT prévoit expressément le « service public »qui a pour objectif l'intérêt général. Cette réforme va permettre désormais aux tribunaux de poursuivre de nouveaux sujets pour des faits de corruption tels que les fonctionnaires d'établissements publics non Etatiques qui gèrent un service public tendant à la réalisation d'un intérêt général par exemple les agents des établissements bancaires60(*).

PARA2: Une divergence quant aux personnes investies d'un mandat électif 

Contrairement au droit français(A), le législateur tunisien ne considère pas les personnes investies d'un mandat électif comme des fonctionnaires publiques mais comme des assimilés(B).

A- Des fonctionnaires publics en droit français 

Il résultait de l'article 177 ACP que seuls les représentants des pouvoirs administratifs ou du pouvoir judiciaire étaient visés. Il fallait donc appliquer le texte non seulement aux fonctionnaires proprement dits, c'est à dire aux délégués directs de l'autorité publique pour administrer ou juger, mais à tout ces auxiliaires, à tous les employés des administrations publiques, c'est à dire ; «  toutes les personnes encadrées dans l'organisation administrative ou judiciaire61(*) ». Une hésitation est apparue concernant les membres des assemblées délibérantes, qui ont reçu leur délégation de l'élection, qui ne sont pas chargés d'administrer ou de juger, mais simplement de délibérer et de voter. Ces derniers ne pouvant être considérés comme des fonctionnaires de l'ordre administratif ou judiciaire au point de vue de l'article 177.

La Cour de Cassation, quant à elle, n'a pas hésité à étendre les dispositions de l'article 177 ACP à des membres du parlement et à des conseillers généraux ou municipaux62(*), pourtant le texte visait seulement les personnes qui disposaient du pouvoir d'administrer ou de juger, mais pas celles qui disposaient d'un pouvoir de délibérer ou de voter. La solution de la jurisprudence, sur ce point, était logique et conforme à la politique pénale de la corruption puisque le pouvoir s'exprime par les fonctions administratives et judiciaires ainsi que les fonctions législatives ou délibérantes.

La difficulté a été levée par le législateur qui a ajouté L'expression « personne (...) investie d'un mandat électif» par l'ordonnance du 8 février 1945. Cette ordonnance a étendu l'application de l'article 177 ACP aux élus.

Avec le nouveau code pénal, l'article 432-11 reprend une expression très proche de celle ajoutée par l'ordonnance de 1945, il s'agit désormais de la « personne (...) investie d'un mandat électif public ». Cette expression désigne non seulement les membres du Sénat, de l'Assemblée nationale mais aussi les personnes qui font partie des assemblées régionales, départementales et communales. Il en irait de même pour ceux des citoyens français qui sont membres élus du Parlement européen63(*), membres élus de certains établissements publics comme les Chambres de commerce et d'industrie, les Chambres d'agriculture, les Chambres des métiers, y compris le chef de l'Etat.

On remarque que cette troisième catégorie de personne prévue par l'article 432-11 CPF est un doublon de la première catégorie puisque les personnes investies d'un mandat électif public ne sont que des dépositaires de l'autorité publique. D'après le professeur Vitu les personnes investies d'un mandat électif public sont «  ajoutées sans doute pour plus de précision à l'article 432-11 »64(*). Une autre partie de la doctrine considère que cette troisième catégorie est un défaut et elle reproche au législateur que « sous couvert de précisions ... (il) dilue dans de la prose filandreuse un concept qui pourrait tenir en quelques mots, soit une personne, nommée ou élue, exerçant une fonction publique65(*) ».

B- Des assimilés aux fonctionnaires publics en droit tunisien 

Le législateur tunisien a donné une définition de l'assimilé au fonctionnaire public dans l'article 82 nouveau du code pénal ; aux termes de cet article : « Est assimilé au fonctionnaire public toute personne ayant la qualité d'officier public, ou investie d'un mandat électif de service public ou désignée par la justice pour accomplir une mission judiciaire ».

On remarque, en faisant la comparaison avec l'ancienne rédaction, l'existence de différences entre les deux textes. En effet ; l'article 82 CPT, avant la réforme du 23 mai 1998, énumérait les assimilés aux fonctionnaires publics. Il s'agissait des personnes choisies par les particuliers ou délégués par la justice en qualité d'experts, d'arbitres ou d'interprètes. Avec la nouvelle rédaction, le législateur a supprimé l'énumération en posant des critères qui permettent l'acquisition d'une telle qualité. Ceci nous mène à dire que le législateur français66(*), ainsi que son homologue tunisien, avec les réformes récentes, ont évité l'énumération et ils l'ont remplacée par des textes larges qui peuvent s'adapter aux exigences de la modernisation.

L'article 82 nouveau assimile la personne investie d'un mandat électif de service public au fonctionnaire public. On remarque que le législateur tunisien a repris la même expression utilisée par la réforme du 8 février 1945 en France à savoir ; « personne (...) investie d'un mandat électif». Toutefois il a ajouté les termes « de service public ».

La personne investie d'un mandat électif de service public est la personne qui n'a pas la qualité de fonctionnaire public mais qui exerce une fonction publique par exemple les membres des assemblées régionales et communales67(*) et les membres de l'assemblée nationale. On constate ainsi, que la qualité d'assimilé au fonctionnaire public est octroyée par toute personne investie d'un mandat électif de service public et ce à cause de la mission qu'elle exerce et qui a pour objet la réalisation d'un intérêt général.

A ce niveau, une remarque doit être faite : comme en droit français ; Les personnes investies d'un mandat électif de service public sont des dépositaires de l'autorité publique. On peut donc `` reprocher `` au législateur tunisien que cette catégorie de personnes est un doublon de la catégorie des personnes dépositaires de l'autorité publique et celle des personnes participant à la gestion d'un service public à la fois. La même explication du professeur Vitu peut être reprise ici ; le législateur tunisien a ajouté cette catégorie pour plus de précision et pour permettre aux tribunaux répressifs d'atteindre des personnes exerçant des fonctions d'intérêt général mais qui n'ont pas la qualité de fonctionnaire public en les considérant comme des assimilés.

Enfin, il faut préciser que deux autres catégories sont considérées comme des assimilés aux fonctionnaires publics ; ce sont les personnes ayant la qualité d'officier public, ou désignées par la justice pour accomplir une mission judiciaire (article 82 alinéa2 CPT).

Les personnes ayant la qualité d'officier public sont les notaires, les huissiers et les avocats en exercice non stagiaires. Concernant les avocats, ils peuvent être considérés, à notre sens, comme officiers publics puisque depuis la loi du 6 août 1992, modifiant le code des droits réels tunisien, la rédaction des actes et conventions soumis à l'inscription sur le livre foncier est désormais de leur compétence alors qu'elle se limitait auparavant aux notaires et aux conservateurs de la propriété foncière. Pour certains avocats, cette idée n'est pas conforme au statut de la fonction d'avocat qui insiste sur le caractère libéral de ce métier et la non subordination des avocats à une structure administrative.

Quant aux personnes désignées par la justice pour accomplir une mission judiciaire, ce sont les experts, les interprètes assermentés68(*), les arbitres et les liquidateurs judiciaires.

En conclusion on remarque qu'il ne s'agit pas d'une véritable divergence entre les deux législations mais d'une simple différence quant à la qualité de la personne investie d'un mandat électif. En effet, cette catégorie de personne, en droit tunisien comme le droit français, est très proche de la catégorie des personnes dépositaires de l'autorité publique.

SECTION II : LES AUTRES PERSONNES AYANT LA QUALITE DU COUPABLE 

Notre étude va porter, à ce niveau, sur certaines catégories de personnes ayant la qualité du coupable en matière de corruption, à savoir ; les magistrats et salariés (para 1) et les fonctionnaires étrangers (para 2).

PARA I : Les magistrats et les salariés

La corruption de magistrats est prévue par les deux législations (A) contrairement à la corruption de salariés qui n'est prévue que par le droit français (B).

A- Les magistrats

Dans l'ancien code pénal français, la corruption des élus, des magistrats et des fonctionnaires relevait d'un ensemble unique de dispositions pénales, à savoir ; les articles 177 et suivant. Avec l'apparition du code pénal de 1992, les rédacteurs ont retiré les magistrats et les autres personnes gravitant au sein de la chose judiciaire et ils ont inséré les incriminations de la corruption active ou passive les concernant dans le Chapitre IV, qui traite des "Atteintes à l'action de la justice" et, plus précisément, à l'intérieur de la section 2 intitulée "Des entraves à l'exercice de la justice", où elles sont l'objet de l'article 434-9. L'éclatement du bloc primitif d'incriminations relatives à la corruption, imposé par le Code pénal de 1992, n'a cependant pas détruit les liens anciens qui existaient entre les différents textes qui étaient prévus par le code napoléonien. En effet, les agissements matériels caractéristiques de la corruption ainsi que le but auquel tendent ces agissements se retrouvent identiques malgré l'éclatement des textes.

En droit tunisien, comme dans l'ancien Code Pénal français, la corruption des magistrats figure dans un ensemble unique de dispositions répressives qui concerne les fonctionnaires et les élus, à savoir l'article 83 et suivant du CPT insérés dans le Chapitre III, qui traite "Des infractions commises par les fonctionnaires publics ou assimilés dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions" et, plus précisément, à l'intérieur de la section 2 intitulée" De la corruption " où elle est l'objet des articles 88, 89 et 90.

1- Magistrats coupables en droit français 

La corruption met en présence, d'un côté un simple particulier et de l'autre un magistrat ou une personne assimilée par l'article 434-9.

Dans la corruption active, le tiers prend l'initiative des démarches délictueuses et il peut entraîner la méconnaissance d'un magistrat ou d'une personne assimilée, en qui l'État a mis sa confiance, des devoirs de sa fonction. Dans la corruption passive, le tiers cède aux sollicitations émanant du magistrat.

La qualité de tiers doit être reconnue à toute personne qui n'appartient pas au groupe des magistrats et personnes assimilées. Il importe peu que ce tiers soit fonctionnaire ou non, justiciable ou non, ami ou parent intervenant pour autrui69(*). Ce tiers peut être aussi une personne physique agissant en qualité d'organe ou de représentant d'une personne morale et engageant alors sa propre responsabilité pénale. Une précision doit être faite à ce niveau; la responsabilité pénale de la personne morale ne saurait être mise en cause par les agissements de son organe ou de son représentant, car l'article 434-47 concernant la responsabilité des personnes morales à l'occasion des divers délits d'atteinte à l'action de la justice ne fait pas mention de la corruption réprimée par l'article 434-9. Cette difficulté a été levée par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004, dite loi PERBEN II, qui a supprimé le principe de spécialité quant aux infractions engageant la responsabilité pénale des personnes morales. Désormais, la responsabilité pénale de la personne morale peut être engagée pour toutes les infractions commises par un organe ou un représentant agissant pour son compte70(*).

L'article 434-9 énumère les personnes coupables et entrant dans la catégorie de magistrat ou assimilé. D'abord, il y a les magistrats et jurés, d'un coté le magistrat qui peut être défini comme «toute personne qui, par profession, a pour tâche d'assurer d'une façon permanente l'administration de la justice au sein des juridictions judiciaires ou administratives, de droit commun ou d'exception71(*) ». Le terme « magistrat » doit être compris dans son sens le plus large ; c'est à dire, les magistrats du siège et les magistrats du parquet ainsi que les parlementaires élus pour siéger à la Haute cour de justice ou à la Cour de Justice de la République. D'un autre coté, l'article 434-9 prévoit les jurés qui siègent à la Cour d'assises puisqu'ils se prononcent sur la culpabilité des accusés et des peines qui leurs sont applicables.

Ensuite, l'article 434-9 ajoute les personnes « siégeant dans une formation juridictionnelle ». Il s'agit, en effet, des personnes qui rendent des décisions revêtues de l'autorité de la chose jugée mais qui n'ont pas la qualité de professionnel, à titre d'exemple les membres des juridictions de proximité créées par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 dite « loi PERBEN I ».

Puis, la loi rajoute certains auxiliaires de la justice tels que ; Les experts et les arbitres. Les experts, grâce aux rapports qu'ils rédigent, exercent une très grande influence sur les litiges même si les conclusions de ces rapports ne lient pas les juges répressifs, d'où la nécessité de les protéger de la corruption. Quant aux arbitres, qui ont le pouvoir de trancher des litiges, ils doivent être protégés ou réprimés pour les mêmes raisons que les experts en cas de manoeuvres corruptrices.

Enfin, l'article 434-9 vise les personnes chargées par l'autorité judiciaire de missions de conciliation ou de médiation. En premier lieu, il `s agit des conciliateurs qui sont chargés par l'autorité judiciaire d'intervenir dans les petits litiges civils, commerciaux ou sociaux. En second lieu, il s'agit des médiateurs qui sont désignés par le procureur de la République afin de régler les conflits nés d'infractions modestes, avant toute poursuite, et ils doivent être indépendants des magistrats du Ministère Public ou de leurs subordonnés. Le terme « médiation » concerne aussi la médiation réparation prévue pour les mineurs et qui peut être confiée à un médiateur à tous les moments de la procédure72(*).

2-Magistrats coupables en Droit tunisien 

La corruption des magistrats est prévue dans les articles 88, 89 et 90 du CPT. Une première remarque doit être faite, tous ces articles, contrairement à l'article 434-9 CPF, n'énumèrent pas les personnes coupables mais ils utilisent des termes généraux, on parle en effet du  « ... juge qui..., s'est laissé corrompre...( Article 88) » , « ....le juge corrompu...( Article 89) » ou « Tout juge..(Article 90) ».

La qualité du juge doit être comprise dans son sens le plus large. Sont ainsi concernés les magistrats des juridictions de droit commun et des juridictions d'exception quelle que soit leur formation ; collégiale ou à juge unique. Sont aussi concernés les juges des juridictions d'instruction tel que le juge d'instruction ou la chambre d'accusation. Sont enfin concernés les magistrats du Ministère Public et leurs subordonnés à titre d'exemple un membre du parquet peut être corrompu afin de ne pas exercer les voies de recours contre un arrêt de clôture d'information émanant des juridictions d'instruction ou contre un arrêt des juridictions de jugement au profit ou au détriment du prévenu73(*).

L'étude des articles 82 et suivant du CPT relatifs à la corruption, démontre que le législateur a prévu pour les juges un régime juridique dérogatoire à celui des fonctionnaires publics.

Les juges peuvent être considérés comme des fonctionnaires publics conformément aux exigences de l'article 82 CPT puisqu'ils sont dépositaires de l'autorité publique et plus précisément ils sont dépositaires de l'autorité judiciaire mais ils obéissent à un régime spécial. Cette idée est confirmée par le statut général des personnels de l'Etat qui dispose dans son article premier que « le présent statut ne s'applique pas aux magistrats74(*) ».Ce régime dérogatoire s'explique par l'importance de l'autorité judiciaire qui est la gardienne des libertés individuelles. Ainsi, une gestion malhonnête de la fonction judiciaire par les juges portera atteinte à ces libertés.

Cependant ce régime spécial ne s'applique que pour la corruption de juge saisi d'une affaire pénale et cette limite peut être déduite de l'article 88 CPT qui décide : « Est puni de vingt ans d'emprisonnement, le juge qui, à l'occasion d'une infraction susceptible d'entraîner pour son auteur l'emprisonnement à vie ou la peine de mort, s'est laissé corrompre, soit en faveur, soit au préjudice de l'inculpé » et de l'article 89 CPT qui ajoute « Est puni le juge corrompu de la même peine prononcée contre le prévenu par l'effet de la corruption, à condition que la peine prononcée envers ce juge ne soit inférieure à dix ans d'emprisonnement ». On peut déduire de ces deux articles que le juge saisi d'une affaire civile ou commerciale ne se voit pas appliquer les articles 88 et suivant relatifs à la corruption des magistrats mais les articles relatifs aux fonctionnaires publics, c'est à dire, les articles 83 CPT et suivant.

A notre sens, il est regrettable que le législateur tunisien ait posé cette limite et qu `il aurait dû généraliser, avec la réforme du 23 mai 1998, l'application des articles 88 CPT et suivant à tous les cas de corruption de juges même s'ils sont saisis d'affaires civiles ou commerciales. Il serait préférable que notre législateur utilise des termes tels que prévus par l'article 434-9 CPF qui puni tout magistrat qui sollicite ou agrée des avantages quelconques  « pour l'accomplissement ou l'abstention d'un acte de sa fonction » sans faire la distinction entre les affaires pénales et les autres affaires de nature différente dont le juge peut être saisi.

Une autre remarque doit être faite, contrairement à l'article 434-9 du CPF qui énumère les magistrats et assimilés qui peuvent faire l'objet de poursuite sur la base dudit article, le code pénal tunisien limite l'application des articles 88 et suivant aux seuls magistrats cités ci-dessus. Quant aux autres personnes qui portent leur concours à l'action de la justice sans avoir la qualité de magistrat, elles sont considérées comme des assimilés aux fonctionnaires publics conformément aux exigences du deuxième alinéa de l'article 82 CPT qui dispose : « Est assimilé au fonctionnaire public toute personne ayant la qualité d'officier public, ou investie d'un mandat électif de service public ou désignée par la justice pour accomplir une mission judiciaire ». Les personnes désignées par la justice pour accomplir une mission judiciaire sont à titre d'exemple ; les experts, les arbitres les liquidateurs judiciaires, les syndics en matière de faillite etc....Il est fort regrettable, à notre sens, que ces personnes ne se voient pas appliquer les dispositions prévues pour les magistrats, qui se caractérisent par l'aggravation des peines, et se voient appliquer des peines moins sévères en dépit du rôle important dans l'action de la justice.

Une autre divergence, relative aux interprètes, existe entre les deux droits, ces derniers sont considérés comme des personnes désignées par la justice pour accomplir une mission judiciaire en droit pénal tunisien alors que le législateur français a omis de les mentionner dans l'article 434-9 CPF à coté des experts, arbitres et autres personnes assimilées aux magistrats. « Cet oubli légal n'a qu'une importance réduite75(*) ». En effet, dans un arrêt rendu pour l'application de l'article 177 du Code pénal de 1810, les interprètes étaient rangés dans la catégorie des fonctionnaires76(*). D'après le professeur Vitu cette solution peut être réutilisée de nos jours en considérant les interprètes comme des personnes investies d'une mission de service public conformément à l'article 432-11 CPF77(*).

B- Les salariés

Dans sa rédaction primitive, le Code pénal napoléonien ignorait la corruption des salariés et plus précisément les rémunérations occultes versées par les fournisseurs aux employés des maisons de commerce et des entreprises industrielles avec lesquelles ils sont en relation d'affaires, tandis qu'il réprimait la corruption des fonctionnaires. Cette lacune avait été largement exploitée, surtout depuis la première guerre mondiale. Il faut bien reconnaître que, dans beaucoup d'entreprises, le « pot de vin » était devenu d'un usage constant et régulier. Les employés chargés d'acheter les marchandises, ou de les réceptionner, touchaient d'un fournisseur une rémunération secrète pour les favoriser ou pour évincer ses concurrents78(*). Il a paru donc nécessaire de créer une incrimination contre de tels agissements, tel a été l'objet de la loi du 16 février 1919 qui a été modifiée par la loi du 8 février 1945.

Des deux personnages qui apparaissent dans tout pacte de corruption il y a le tiers coupable de corruption active qui ne mérite pas une explication particulière puisque il peut être quiconque. Par contre, la personne corrompue mérite quelques explications.

L'article 177 ACP, tel que modifié par la loi du 16 février 1919 et la loi du 8 février 1945, visait  « tout commis, employé ou préposé salarié ou rémunéré sous une forme quelconque ». Cet article a donné lieu à deux interprétations différentes, l'une est large et l'autre et restrictive. La conception large considère comme salarié toute personne unie à une entreprise privée ou à un particulier. Elle a été proposée par une partie de la doctrine et admise79(*). Certains arrêts de la cour de cassation l'ont admise80(*). D'après cette doctrine l'énumération de l'ancien article 177 visait toute personne unie à une entreprise privée ou à un particulier, « quelle que fût la nature du lien qu'il y attachait : contrat du travail ou d'apprentissage ou contrat de mandat ou tout autre lien contractuel... ». La seule condition était l'existence de la rémunération sous une forme quelconque ; car les mots « rémunérés sous une forme quelconque » ne figuraient pas dans le projet gouvernemental. Ils auraient été ajoutés expressément par la chambre des députés pour inclure dans les prévisions légales les salariés, mais aussi les administrateurs et gérants de société81(*).

La conception large a été critiquée par les partisans de la conception restrictive qui considérait que l'énumération légale désignait seulement les personnes liées à l'employeur par un contrat de travail, c'est-à-dire celles qui se trouvaient placées à son égard dans un état de subordination juridique plus ou moins étroit tels que ; le manoeuvre, l'ouvrier spécialisé, l'employé de bureau etc. ... ce qui excluait l'application de l'article 177 à la personne liée par un contrat d'une autre nature à l'entreprise, et notamment ceux qui sont des mandataires ou des administrateurs de sociétés : il s'agit alors de dirigeants, et non de salariés82(*). Cette conception se fonde sur les termes mêmes employés par l'article 177 ACP « commis, employés ou préposés ».

Avec l'apparition du nouveau Code pénal les dispositions relatives à la corruption de salariés figurent désormais dans le code du travail et plus précisément dans l'article L152-6. Cet article, pour clarifier la situation, parle de « tout directeur ou salarié » ce qui a fait naître un débat sur la portée à donner au terme de directeur. Faut il donner à ce terme le sens de dirigeant afin d'étendre la portée de cet article aux administrateurs, présidents ou directeurs généraux de sociétés qui sont  « véritablement les maîtres des entreprises et sont placés à la tête de la hiérarchie83(*) ». Le libellé même de cet article impose de répondre par la négative. Il parle, en effet, du fait, « pour un directeur... de solliciter... à l'insu et sans l'autorisation de son employeur... des dons... ».

Le mot directeur a donc le sens d'un subordonné, car il est soumis à l'employeur qui pourrait lui refuser ou lui donner l'autorisation de recevoir des dons... ». Le professeur Vitu en conclut que  «  la chambre criminelle ne devrait pas persister dans la position qu'elle avait adoptée... 84(*)».

Il faut préciser enfin que l'article L 152-6 du Code du travail n'est pas applicable à tous les salariés qui se trouvent dans une situation de subordination juridique vis-à-vis des employeurs. Sont, en effet, exclus tous les salariés des administrations privées placées sous le contrôle des établissements publics par exemple ; la chambre de commerce et d'industrie ainsi que les officiers publics qui relèvent de l'article 432-11 CPF puisque ils sont des personnes chargées d'une mission de servie public. Toutefois les employés des entreprises nationalisées, comme la S.N.C.F, E.D.F etc...., sont considérés comme des salariés relevant de l'article L 152-6 du Code du travail puisque ces entreprises sont des entreprises privées.

En droit tunisien, contrairement au droit français, aucune incrimination n'est prévue par le législateur pour la corruption des salariés que ce soit dans le code pénal ou dans d'autres textes législatifs notamment le Code du travail tunisien. Ceci peut s'expliquer, à notre sens, par des raisons historiques puisque la Tunisie n'a pas connu, pendant la Première Guerre mondiale, les abus qui étaient commis en France par des employés du commerce et de l'industrie qui acceptaient des pots-de-vin pour favoriser certains acheteurs ou fournisseurs au détriment de concurrents.

D'après une partie de la doctrine85(*), la réforme du 23 mai 1998, a instauré implicitement la corruption de salariés dans l'article 82 CPT relatif à la définition de fonctionnaire public qui prévoit  « est réputé fonctionnaire public....toute personne ... exerçant des fonctions auprès de toute autre personne participant à la gestion d'un service public ». En effet, les termes « auprès de toute autre personne » sont utilisés, selon cette conception, par le législateur pour désigner les salariés des entreprises privées.

Nous pensons que cette interprétation est extensive et contraire à l'intention de l'auteur de la réforme de 1998 puisque rien dans le projet de loi, ni dans les discussions parlementaires ou dans le circulaire du Premier Ministre tunisien, ne fait allusion à la responsabilité pénale des salariés pour des faits de corruption. De plus l'article 82 CPT est relatif à la définition du fonctionnaire public et assimilé et non celle des salariés d'entreprises privées.

A notre sens, le législateur tunisien aurait dû créer une nouvelle incrimination relative à la corruption des salariés d'entreprises privées dans le code du travail tunisien, lors de la réforme du 23 mai 1998, surtout avec la montée de la privatisation des établissements publics qui est de plus en plus fréquente de nos jours en Tunisie. Cette privatisation entraîne, en effet, l'impunité des employés appartenant aux entreprises devenues privées puisqu'ils ne sont plus considérés comme fonctionnaires publics mais comme des salariés qui échappent à l'application des dispositions du Code pénal relatives à la corruption.

PARA II : Les fonctionnaires étrangers

En France, la lutte contre la corruption se heurte à de nombreuses difficultés. Les enquêtes et les instructions préparatoires sont longues et délicates et ce à cause de la clandestinité des faits de corruption ou l'intervention des pouvoirs politiques. Les méfaits de la corruption ne se limitent pas à l'échelle nationale mais ils affectent tous les autres Etats. Cette situation s'explique par la mondialisation récente de l'économie et par la modernisation des moyens de transport, de production et d'exploitation.

Jusqu'à une époque récente, le droit pénal français incriminait seulement la corruption active et passive des fonctionnaires ou des magistrats français relevant des institutions administratives ou judiciaires françaises et la corruption des salariés dans les entreprises privées mais il n'incriminait pas les atteintes aux intérêts des Etats étrangers. Le professeur Vitu, en 1960, prévoyait que « le développement des organisations internationales, dont les fonctionnaires sont chargés de missions temporaires en France ou même sont implantés d'une façon permanente dans notre pays, conduira un jour ou l'autre, à élargir les termes de l'énumération de l'article 177du code pénal(l'ancien code), pour y englober ces représentants étrangers86(*) ».

En effet, la mondialisation des rapports économiques et l'importance croissante des organismes communautaires dans la construction de l'Europe ne permettaient plus d'ignorer plus longtemps les dangers des pratiques corruptrices mettant en cause des fonctionnaires communautaires ou des agents publics étrangers87(*).

Ceci a poussé l'Organisation des Nations Unies à lancer récemment un programme global de lutte contre la corruption pour inciter les gouvernements des États membres à mettre sur pied des moyens coordonnés d'action et à échanger toutes informations utiles88(*).

Au niveau international plusieurs initiatives ont été prises pour lutter contre le phénomène de corruption, dont les principales sont trois conventions qui ont organisé la protection des intérêts financiers des communautés européennes et la lutte contre la corruption internationale à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Union européenne. La première convention du 26 juillet 1995(dite convention PIF), est signée à Bruxelles et complétée par trois protocoles, assure la protection des intérêts financiers des Communautés européennes contre les comportements de fraude et les actes de corruption de fonctionnaires nationaux et internationaux dans la mesure où ces comportements portent atteinte à ces intérêts ; elle incite en outre les États membres de l'Union européenne à punir le blanchiment des capitaux provenant des fraudes ou de la corruption et à envisager, à cet égard, la responsabilité pénale des personnes morales. La seconde est signée à Bruxelles le 26 mai 1997 et elle oblige les États de l'Union européenne à incriminer la corruption, qu'elle porte ou non atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes. Ces deux conventions posent le principe de l'assimilation, qui oblige les signataires à incriminer et à punir la corruption des fonctionnaires communautaires ou des agents d'un autre État dans les mêmes conditions que la corruption des fonctionnaires nationaux89(*).

Enfin, la troisième convention est relative à la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, elle a été adoptée le 17 décembre 1997 à paris par l'Organisation de coopération et de développement économique.

Pour satisfaire à ces engagements internationaux le Gouvernement français a présenté un projet de loi dans lequel il entendait appliquer strictement le principe d'assimilation et étendre la répression aux acteurs internationaux de la corruption, ce projet est devenu la loi n° 2000-595 du 30 juin 2000. La loi nouvelle ajoute au Code pénal, dans le Titre III du Livre IV, un Chapitre V intitulé "Des atteintes à l'administration publique des Communautés européennes, des États membres de l'Union européenne, des autres États étrangers et des organisations internationales publiques". Ce chapitre est composé des articles 435-1 à 435-6.

Dans les articles 435-1 et 435-2, pris pour l'application de la Convention de Bruxelles du 26 mai 1997 relative à la lutte contre la corruption dans le cadre des Communautés européennes ou des États membres de l'Union européenne, une même et unique énumération désigne différentes personnes appartenant toutes au cadre communautaire européen ou fonctionnaires d'États membres de l'Union européenne(A). Au contraire, les articles 435-3 et 435-4, traduction de la Convention de Paris du 17décembre 1997 sur la lutte contre la corruption dans les transactions commerciales internationales, concernent uniquement des personnes dépendant d'organisations internationales autres que les institutions communautaires européennes ou d'États étrangers à l'Union européenne(B).

Une remarque doit être faite à ce niveau. D'un coté, aucune initiative du gouvernement tunisien n'a tendu à la répression de la corruption en dehors du territoire national. D `un autre coté, aucunes des conventions précitées n'a été ratifiée par la Tunisie. Cette situation peut s'expliquer, à notre sens, par le fait que la Tunisie, n'appartient pas à une union dont l'importance est semblable à celle de l'Union européenne. Toutefois, cette position gouvernementale demeure regrettable puisque la Tunisie, comme tout autre Etat dans le monde, est concernée par la mondialisation. De plus, les méfaits de la corruption portent forcément atteinte à ses intérêts d'où la nécessité de prêter attention à cette infraction en dehors des frontières nationales.

A-les personnes relevant du cadre communautaire européen 

Les personnes susceptibles d'être impliquées dans des manoeuvres de corruption sont prévues par les articles 435-1 et 435-2 CPF. Selon l'ordre retenu dans ces articles, il s'agit :

- Des fonctionnaires communautaires : Conformément à la définition qu'en donne l'article 1er-b de la Convention du 26 mai 199790(*), deux catégories de personnes sont visées cumulativement par l'expression unique de « fonctionnaire communautaire »; d'abord, toute personne qui a la qualité de fonctionnaire ou d'agent engagé par contrat au sens du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ou du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes. Ces personnes sont recrutées directement par les organes compétents de ces Communautés ; elles relèvent de la Cour de justice en cas de litige concernant leur situation administrative. Ensuite, toute personne mise à la disposition des Communautés européennes par les États membres ou par tout organisme public ou privé et qui exerce des fonctions équivalentes à celles des fonctionnaires ou autres agents des Communautés. Par son statut administratif, elle continue à relever de son corps d'origine. - Les fonctionnaires nationaux d'autres États membres de l'Union européenne : les articles 435-1 et 435-2 ne donnent pas de définition précise de cette catégorie. Faut il appliquer les critères du droit interne français ? Ou au contraire, faut il se retourner aux critères imposés par le droit interne du fonctionnaire en cause ? L'article 1er-c de la Convention du 26 mai 1997 semble imposé la deuxième solution, ainsi, , lors d'une poursuite menée en France du chef de corruption passive ou active et mettant par exemple en cause un fonctionnaire italien, le juge français devra interroger la loi italienne pour savoir si, en application de sa loi nationale, l'intéressé a ou non la qualité de fonctionnaire91(*).

- Les membres de la Commission des Communautés européennes : Cette commission comprend des membres ayant la nationalité des États membres de l'Union européenne et elle a pour rôle de présenter au Conseil des propositions ou projets d'actes communautaires et met en oeuvre l'application des décisions de ce Conseil ; en particulier, elle arrêté la réglementation nécessaire à la mise en oeuvre de ces décisions par les États membres. La protection de cette commission de la corruption de ses membres s'explique par l'importance du rôle de celle-ci au sein de l'Union européenne.

- Les membres du Parlement européen : les députés de ce parlement sont élus pour cinq ans, au suffrage universel direct, par les ressortissants des États membres de l'Union, selon des modalités électorales propres à chaque État. Le rôle de ce parlement consiste à l'élaboration du budget communautaire, à son adoption et à son exécution, ainsi qu' à l'élaboration des décisions prises par le Conseil des ministres ou par la Commission. Comme pour les membres de la Commission des Communautés européennes, c'est l'importance du rôle du parlement européen qui explique l'extension de l'application des articles 435-1 et 435-2 CPF aux députés.

- Les Membres de la Cour de justice des Communautés européennes : cette juridiction a pour fonction d'interpréter et d'appliquer les Traités qui ont fondé et développé l'Union européenne. Les raisons qui ont poussé le législateur français à incriminer la corruption des magistrats français expliquent la protection de la fonction de membre de la Cour de justice des Communautés contre toute manoeuvre de corruption.

- Les membres de la Cour des comptes des Communautés européennes : Cette cour a pour rôle de contrôler les comptes des Communautés et des organes créés par les institutions européennes. Son rôle est fondamental pour détecter les cas de malversation ou de corruption ; encore faut-il qu'aucun de ses membres ne puisse être suspecté de solliciter ou d'accepter des promesses, des dons ou des avantages constitutifs de corruption92(*).

Ce qui change à ce niveau, par rapport au droit interne, c'est la qualité de la personne corrompue puisque les articles visent soit le fonctionnaire communautaire, soit le fonctionnaire d'un autre Etat membre de l'Union européenne, soit le membre des institutions des communautés. A coté de ces initiatives au niveau européen, la lutte contre la corruption à l'échelle internationale apparaît comme «  une exigence de sauvegarde de nos nations face à la prolifération de cette criminalité nouvelle qui doit être ici rapprochée de la criminalité organisée93(*) ». Toutefois, le législateur français a limité la répression à la corruption active des agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales.

B- les personnes ne relevant pas du cadre communautaire européen 

Cette catégorie de personnes est visée par les articles 435-3 et 435-4 CPF qui sont pris pour l'application de la Convention de Paris du 17 décembre 1997. Ces deux articles ont une portée limitée par rapport aux articles 435-1 et 435-2 CPF relatifs aux personnes relevant du cadre communautaire européen puisque ils ne concernent que la corruption active commise soit envers des personnes étrangères exerçant une fonction publique, soit envers des personnes étrangères investies d'une fonction juridictionnelle ou d'une fonction voisine. De plus ils ne s'appliquent qu'à la corruption qui se produit dans les relations commerciales internationales.

L'article 435-3 CPF est relatif à la corruption active des personnes ayant la qualité d'agent public étranger, quant à l'article 435-5 CPF il est relatif à la corruption active des magistrats étrangers et assimilés.

S'agissant, d'abord, de l'article 435-3 CPF qui définit l'agent public étranger comme étant la personne dépositaire de l'autorité publique, ou chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public. Trois remarques doivent être faite à ce niveau :

La première est relative à la terminologie employée par le législateur, ce dernier a utilisé les mêmes termes employés dans un assez grand nombre de dispositions du Code pénal actuel et notamment dans les articles 432-11 et 433-1 réprimant la corruption d'agents publics français. Ainsi, la définition prévue en droit interne par la doctrine94(*) pour les personnes dépositaires de l'autorité publique, ou chargées d'une mission de service public, ou investies d'un mandat électif public est valable pour expliciter la portée de l'article 435-3 CPF.

La deuxième est relative à la comparaison de ces agents avec ceux du droit interne et plus précisément les personnes visées par les articles 432-11 et 433-1 CPF. En effet, les personnes visées par l'article 435-3 CPF doivent être chargées ou investies de leurs fonctions dans un pays étranger autre que l'un des États membres de l'Union européenne ou au sein d'une organisation internationale publique autre que celles des Communautés européennes.

La troisième remarque concerne la comparaison des conventions qui ont inspiré le législateur français lors de la réforme du 30juin 2000. On constate, en effet, que tandis que la « Convention du 26 mai 1997 concernant la corruption commise dans l'orbite communautaire renvoie à la législation de chaque État membre de l'Union européenne le soin de déterminer à qui doit être reconnue la qualité de "fonctionnaire national", la Convention OCDE du 17 décembre 1997 relative à la corruption à l'occasion du commerce international précise qui a la qualité d'agent public étranger au sens de cette Convention 95(*) ». l'article premier de celle-ci définit l'agent public étranger comme étant la «  personne qui détient un mandat législatif, administratif ou judiciaire dans un pays étranger, qu'elle ait été nommée ou élue, toute personne exerçant une fonction publique dans un pays étranger, y compris dans une entreprise ou un organisme publics et tout fonctionnaire ou agent d'une organisation internationale publique96(*) ». D'après le professeur Vitu, la définition de l'agent public prévue dans la dite convention a été reprise par le législateur français « D'une façon plus synthétique », mais en omettant de mentionner les personnes investies d'un mandat judiciaire. Cet oubli s'explique par l'article 435-4 CPF qui est réservé à cette catégorie de personnes.

L'article 435-4 CPF mentionne le magistrat, le juré ou toute personne siégeant dans une formation juridictionnelle, l'arbitre ou l'expert nommé soit par une juridiction soit par les parties, et la personne chargée par l'autorité judiciaire d'une mission de conciliation ou de médiation. On remarque que le législateur français a repris la même énumération prévue par l'article 434-9 CPF relatif à la corruption d'un magistrat français, la seule différence réside dans l'appartenance des magistrats visés par l'article 435-4 CPF à un État étranger autre qu'un État membre de l'Union européenne ou à une organisation internationale publique autre que l'une des institutions des Communautés européennes.

On remarque aussi que la définition donnée par cette disposition nouvelle est extrêmement détaillée, alors que l'article 1er de la Convention du 17 décembre 1997 évoque seulement la personne investie d'un "mandat judiciaire".

En conclusion, nous pensons qu'il est regrettable que les articles 435-3 et 435-4 CPF ne répriment que la corruption active et qu'ils ne s'appliquent qu'à la corruption se produisant dans les relations commerciales internationales. Ainsi par exemple un Espagnol (personne relevant de la communauté européenne) corrompt à Paris un fonctionnaire tunisien (personne ne relevant pas de la communauté européenne) : le premier est punissable mais pas le second alors que c'est souvent l'auteur de la corruption passive qui est le plus coupable. Selon une partie de la doctrine ; c'est une lacune du droit national français qui est « la conséquence d'engagements internationaux97(*) ».

La qualité du coupable ainsi déterminée, il convient donc de préciser les éléments matériels de l'infraction.

CHAPITRE II : LES ELEMENTS MATERIELS 

Les éléments matériels de la corruption nécessitent, une activité matérielle délictueuse (Section1), émanant soit du corrupteur soit du corrompu, désignée par la doctrine par les termes « manoeuvres corruptrices ». Ces manoeuvres ont un pour but (Section2) l'obtention de l'accomplissement ou l'abstention d'accomplir un acte de la fonction ou d'un acte facilité par la fonction.

SECTION I : L'ACTVITE MATERIELLE DELICTUEUSE 

L'étude de l'activité délictueuse mérite de préciser son aspect en premier temps(para1), pour pouvoir déterminer ces moyens générateurs (para2). Nous apporterons, enfin, quelques explications sur des problèmes de droit pénal de fond (para3).

PARA I : L'aspect de l'activité délictueuse

Pour mieux déterminer l'aspect de l'activité délictueuse, il serait préférable de distinguer entre la corruption passive (A) et la corruption active (B).

A - L'aspect de l'activité délictueuse dans la corruption passive 

Deux verbes servent à désigner, en droit français et tunisien, l'attitude reprochée à la personne investie d'une fonction publique et qui verse dans la corruption passive ; le coupable sollicite ou agrée des dons, des présents ou autres avantages. Cependant, une divergence existe entre les deux législations ; si elles considèrent toutes les deux l'agrément comme élément constitutif de l'infraction (1), il en est autrement pour la sollicitation qui est considérée comme circonstance aggravante en droit tunisien (2).

1- L'agrément  : Un élément constitutif dans les deux législations

Le terme « agrément » désigne l'acceptation et la réception à la fois. D'abord, l'acceptation ; c'est le fait pour le corrompu d'accepter les offres qui lui sont faites par le corrupteur. Ensuite, la réception ; c'est le fait de recevoir les dons promis.

En droit français, le terme «  agrément » apparaît à plusieurs reprises dans les textes relatifs à la corruption passive , ainsi, l'article 432-11 CPF, relatif à la corruption passive commise par des personnes exerçant une fonction publique, dispose « Est puni... le fait...d'agréer .. ». L'article 434-9 CPF relatif à la corruption de magistrats emploi le même terme, il prévoit en effet  «  le fait pour un magistrat...d'agréer... ». Enfin, les articles 435-1CPF et suivant relatifs à la corruption passive dans le cadre de la communauté européenne reprennent la même formule employée par les deux articles précédents. On remarque que la notion d'agrément n'existe pas dans les articles 435-3 CPF et suivants puisque ils sont relatifs à la corruption active, et non passive, des personnes relevant d'Etats étrangers autres que les Etats membres de l'Union européenne.

L'agrément est, tout simplement, l'exécution de l'accord de volontés qui s'est formé entre le corrupteur et le corrompu. Toutefois, une remarque doit être fait sur cet accord, le délit est consommé au moment où les consentements s'échangent entre le corrupteur et le corrompu. Ainsi, il importe peu que la personne corrompue renonce à l'exécution de l'accord intervenu ou si elle restitue les choses qu'elle avait reçues pour prix de sa corruption.

Les articles précités ne se limitent pas à la notion d'agrément mais ils ajoutent que celui-ci doit être formulé « sans droit ». Cette exigence, imposée par les textes répressifs, est vivement critiquée par la doctrine, pour le professeur Vitu : « Le législateur aurait été mieux inspiré de ne pas faire mention d'un agrément formulé ''sans droit''98(*) » puisque il laisse penser que l'agrément d'un avantage quelconque pour accomplir un acte de la fonction peut être licite alors que tout agrément, lorsque il est commis par une personne exerçant une fonction publique, est par nature illicite.

Cette exigence peut s'expliquer, comme le souligne le professeur Vitu, pour la corruption de salariés puisque l'agrément doit se produire à l'insu de l'employeur pour que le délit soit consommé. Ainsi, l'employeur ne peut donc pas invoquer une violation de l'obligation de fidélité que le salarié doit respecter, s'il a eu connaissance de la remise d'une rémunération et y a consenti99(*).

A notre sens, l'expression ''sans droit'', comme c'est le cas de l'expression ''des personnes investies d'un mandat électif public'', a été ajoutée sans doute pour plus de précision, , aux articles 432-11, 434-9 et 435-1 CPF et ne pas être considérée comme un défaut affectant le délit de corruption100(*).

En droit tunisien, la corruption passive se fonde aussi sur la notion d'agrément. L'article 83 CPT relatif à la corruption passive des fonctionnaires publics ou assimilés dispose : « Toute personne ayant la qualité de fonctionnaire public ou assimilé...., qui aura agréé....est punie.. ». L'article 85 CPT utilise, quant à lui, les termes suivant : « Si le fonctionnaire public ou assimilé a accepté... ». Enfin il l'article 94 CPT prévoit que «  dans tous les cas de corruption, les choses données ou reçues sont confisquées au profit de l'État ». On remarque que le législateur tunisien, comme son homologue français, fait usage de la notion d'agrément même s'il emploie l'expression d'acceptation ou réception qui reste très liée à la première puisque par l'acceptation il faut entendre ; le fait pour le corrompu d'accepter les offres proposées par le corrupteur et par la réception ; le fait de recevoir les dons promis.

D'après la doctrine tunisienne, l'agrément est l'acceptation du corrompu de l'offre du corrupteur qui a pour but l'accomplissement d'un acte de la fonction101(*). Toutefois, l'agrément doit être formulé d'une manière libre et intentionnelle pour pouvoir parler de corruption. De plus, il importe peu que la réception des choses promises s'est réalisée ou non, ou que le fonctionnaire public ou assimilé renonce à l'exécution de l'accord intervenu puisque l'infraction est consommée lors de l'échange de volontés entre le corrupteur et le corrompu102(*).

Le législateur tunisien a exigé, comme son homologue français, que l'agrément soit formulé ''sans droit'' et ce dans l'article 83CPT qui dispose : « Toute personne.... qui aura agréé, sans droit... ». Cependant, cette exigence n'est pas prévue dans tous les articles relatifs à la corruption passive, tel qu'il est le cas en droit français, mais elle se limite à cet article.

Les mêmes critiques qui ont été formulées plus haut concernant cette expression demeurent valables à ce niveau, toutefois nous pensons qu'elle a été ajoutée par le législateur pour plus de précision.

En conclusion, on remarque que de grandes similitudes existent entre les deux droits quant à l'agrément comme étant un élément constitutif de l'infraction mais ces similitudes font défaut en ce qui concerne la sollicitation puisqu'elle est considérée comme une circonstance aggravante en droit tunisien.

2-La sollicitation : Une circonstance aggravante en droit tunisien 

Dans le cadre de la corruption passive en France, l'élément matériel est la sollicitation ou l'agrément d'offres ou promesses, des dons, des présents ou d'avantages quelconques, le tout sans droit.

La sollicitation implique une démarche du corrompu qui joue ainsi un rôle actif. Ce dernier invite son interlocuteur, d'une façon directe ou par des moyens détournés, à comprendre qu'il doit « payer » pour obtenir l'accomplissement ou le non-accomplissement de l'acte de la fonction ou de l'acte facilité par elle103(*).

La sollicitation est prévue, à plusieurs reprises, dans les textes relatifs à la corruption passive, ainsi, l'article 432-11 CPF, relatif à la corruption passive commise par des personnes exerçant une fonction publique, dispose « Est puni... le fait...de solliciter .. ». L'article 434-9 CPF relatif à la corruption de magistrats emploi le même terme, il prévoit en effet  «  le fait pour un magistrat...de solliciter... ». Enfin, les articles 435-1CPF et suivant relatifs à la corruption passive dans le cadre de la communauté européenne reprennent la même formule employée par les deux articles précédents.

La simple sollicitation d'avantages quelconques suffit à caractériser le délit de corruption passive, qui est consommé dès l'émission de celle-ci. Il est donc sans importance que la sollicitation n'ait eu aucun effet sur la personne visée, ou encore que l'avantage promis n'ait finalement pas été versé104(*). On remarque à ce niveau que la sollicitation comme l'agrément entraînent la consommation du délit.

La sollicitation, tel qu'il est le cas de l'agrément, doit être formulée '' sans droit''. Cette expression peut être l'objet des critiques faites précédemment. On rappelle à ce niveau que nous pensons que cette expression a été ajoutée pour plus de précision.

En droit tunisien, la sollicitation et l'agrément ne figurent pas dans le même article. L'agrément est prévu par l'article 83 CPT alors que la sollicitation est prévue par l'article 84 CPT. Il faut cependant préciser que le législateur n'a pas utilisé ce terme d'une manière explicite, telle qu il est le cas dans la législation française, mais il fait usage de l'expression suivante ''Si le fonctionnaire public ou assimilé a provoqué des offres ou promesses, la remise de dons ou présents...''. La provocation doit être entendue comme étant la prise d'initiative par la personne exerçant une fonction publique qui invite son interlocuteur à comprendre qu'il doit céder à ses sollicitations.

Cette démarche du fonctionnaire ou assimilé fait l'objet d'un article indépendant, contrairement au code pénal français qui prévoit l'agrément et la sollicitation dans le même texte. L'article 84 CPT dispose en effet : «  Si le fonctionnaire public ou assimilé a provoqué la corruption, la peine prévue à l'article 83 de ce code sera portée au double ». Sachant que l'article 83 puni de dix ans d'emprisonnement l'agrément du fonctionnaire public des offres qui lui sont faites, cette peine sera portée à vingt ans d'emprisonnement si c'est ce dernier qui avait pris l'initiative.

On remarque ainsi, que le législateur tunisien considère que la sollicitation est plus grave que l'agrément et qu'elle mérite une peine plus lourde. A notre sens, cette distinction est inutile puisque la sollicitation et l'agrément portent atteinte à la même valeur sociale à savoir le devoir de probité.

Il faut préciser que le législateur tunisien n'utilise pas l'expression de sollicitation dans les autres textes relatifs à la corruption à titre d'exemple l'article 88 CPT relatif aux magistrats dispose : « le juge qui.... s'est laissé corrompre... est puni ». On remarque que le législateur utilise l'expression'' s'est laissé corrompre'' qui porte à croire, à première vue, que le texte ne concerne que la corruption active. A notre sens, cet article concerne la corruption passive et active, même si il ne précise pas si le juge joue un rôle actif ou passif dans la démarche. D'où la dite expression peut englober la sollicitation et l'agrément. Cette idée peut se confirmer par la lecture du texte arabe (qui a été mal traduit), ayant la primauté en cas de discordances entre les deux versions, qui prévoit la corruption dans ses deux formes passive et active.

A noter enfin, que la simple sollicitation d'avantages quelconques suffit à caractériser le délit de corruption passive Il est donc sans importance, que la sollicitation n'ait eu aucun effet sur la personne visée ou encore que l'avantage promis n'ait finalement pas été versé.

B- L'aspect de l'activité délictueuse dans la corruption active 

L'activité par laquelle l'auteur d'une corruption active intervient auprès d'une personne investie d'une fonction officielle est désignée différemment par les deux législations. Il s'agit de la proposition et l'acquiescement aux sollicitations en droit français(1) et de la persuasion et la contrainte en droit tunisien(2).

1-La proposition et l'acquiescement aux sollicitations en droit français

L'article 433-1 CPF utilise deux termes différents pour désigner l'activité par laquelle l'auteur d'une corruption active intervient auprès d'une personne exerçant une fonction publique. Le corrupteur propose des offres, présents ou avantages quelconques, en cas où c'est lui qui a pris l'initiative des conversations illicites, ou bien, si c'est le corrompu qui a commencé la démarche délictueuse, l'article précise que la personne privée cède aux entreprises de son interlocuteur.

Ces deux termes sont utilisés par le législateur à plusieurs reprises dans les textes relatifs à la corruption active, ainsi on les retrouve dans l'article 434-9 CPF, relatif à la corruption active et passive des magistrats et assimilés, qui prévoit : «  le fait, à tout moment, de céder aux sollicitations d'une personne visée à l'alinéa précédent, ou de proposer des offres, des promesses, des dons.... ». L'article 435-2 CPF relatif à la corruption active des fonctionnaires relevant du cadre de la communauté européenne et les articles 435-3 et 435-4 CPF relatifs à la corruption active de fonctionnaires et de magistrats ne relevant pas du cadre de l'Union européenne utilisent, eux aussi, les mêmes termes employés par l'article433-1CPF.

Comme le mot "solliciter", le verbe "proposer" désigne une démarche positive du corrupteur qui cherche à obtenir l'accord du fonctionnaire ; il importe peu que cette démarche réussisse ou échoue : le délit de corruption active est pleinement consommé dès que se met en route la manoeuvre délictueuse105(*).

Quant à l'expression "céder aux sollicitations" du fonctionnaire corrompu, elle désigne l'accord par lequel le tiers accepte d'entrer dans les vues de son interlocuteur : cet accord suffit à constituer ce tiers en état de délit, même si par la suite le fonctionnaire corrompu renonce à accomplir l'acte promis, il s'agit, en effet, d'un repentir tardif qui n'a aucun effet positif pour le fonctionnaire.

On remarque que, dans le cadre de la corruption active, il s'agit cette fois de la proposition des mêmes avantages que ceux prévus au titre de la corruption passive et que le législateur a cru bon d'ajouter également pour la corruption active l'expression ''sans droit'' en ce qui concerne les fonctionnaires, les agents publics européens et les agents publics étrangers. Et on retrouve sans surprise les mêmes critiques que celles exposées précédemment au sujet de la corruption passive.

2-La persuasion et la contrainte en droit tunisien 

La persuasion et la contrainte constituent l'aspect de l'activité délictueuse dans la corruption active en droit tunisien. L'article 91 CPT dispose dans son alinéa premier : «  Est punie de cinq ans d'emprisonnement et de cinq mille dinars d'amende, toute personne qui aura corrompu ou tenté de corrompre par des dons ou promesse de dons, ou présents ou avantages de quelque nature que ce soit l'une des personnes visées a l' article 82 (nouveau) du présent code... ». Et il ajoute dans le dernier alinéa : «  La peine sera portée au double si les personnes visées à l'article 82 (nouveau) ont été contraintes à accomplir les actes précités par voies de fait ou menaces exercées sur elles personnellement ou sur l'un des membres de leur famille ».

On remarque que le premier alinéa est relatif à la corruption active par persuasion, même si le texte n'utilise pas cette expression mais il utilise les termes '' qui aura corrompu ou tenté de corrompre''. La notion de persuasion a été mentionnée par le gouvernement, lors des travaux préparatoires, à l'occasion d'une question posée par la commission des lois relative à la signification de l'expression « qui aura corrompu ». Dans sa réponse, le gouvernement avait précisé que cette expression désignait la situation d'une personne privée qui essaye de persuader un fonctionnaire public d'agréer les offres proposées106(*).

Signalons que cette notion de persuasion est très proche de la notion de proposition, admise en France, et qu'elle peut être considérée, à notre sens, comme une composante de celle-ci. On ne peut pas parler, en effet, de persuasion si elle n'est pas précéder de proposition.

Une autre remarque s'impose à ce niveau : aucune mention du verbe « céder aux sollicitations » n'existe dans le texte relatif à la corruption active dans le code pénal tunisien, toutefois on peut se référer à l'article 84 CPT, qui prévoit la sollicitation des offres par le fonctionnaire public, pour dire que le législateur tunisien a prévu l'acquiescement de la personne privée aux sollicitations d'une manière implicite.

Le dernier alinéa de l'article 91 CPT prévoit la contrainte comme verbe désignant l'activité par laquelle l'auteur d'une corruption active intervient auprès d'une personne exerçant une fonction publique. Le législateur précise que la contrainte peut se réaliser «  par voies de fait ou menaces exercées sur elles (les personnes ayant la qualité de fonctionnaire public ou assimilé) personnellement ou sur l'un des membres de leur famille ».

La contrainte, comme moyen de corruption active prévue par le législateur, est critiquée par une très grande partie de la doctrine qui pense qu'il est insoutenable de considérer le fonctionnaire public comme étant corrompu en cas de contrainte. Ce courant fait valoir un autre argument ; les articles 125 à 130 CPT relatifs aux outrages et violences à fonctionnaire public et assimilé107(*).

D'un autre coté, l'admission de la contrainte comme moyen de corruption active peut entraîner une difficulté quant à la qualification des faits et quant au domaine d'application des textes répressifs prévus par le Code pénal, à titre d'exemple l'article 116 CPT dispose : « est puni de l'emprisonnement pendant six mois et d'une amende de 200 francs, quiconque exerce ou menace d'exercer des violences pour résister à un fonctionnaire agissant dans l'exercice régulier de ses fonctions ou à toute personne légalement requise d'assister ledit fonctionnaire. Il est de même quiconque exerce ou menace d'exercer des violences pour le contraindre à faire ou à ne pas faire un acte de ses fonctions ».

Signalons enfin, que la contrainte par voies de fait ou de menaces existait auparavant dans l'ancien Code pénal français dans le cadre de la corruption de personne exerçant une fonction publique et la corruption active de salariés mais le nouveau code pénal a purgé la corruption de la violence en créant une section intitulée «  des menaces et actes d'intimidation commis contre les personnes exerçant une fonction publique ». D'un autre coté, l'article L. 152-6 du code de travail108(*), relatif désormais à la corruption de salariés, a fait disparaître la mention de ces moyens de violence, qui sont par nature étrangers au concept de corruption109(*). Toutefois, l'article 441-8 CPF concernant l'établissement d'attestations de certificats faux mentionne encore les voies de fait et les menaces comme moyen de corruption active.

A notre sens, il serait préférable que le législateur tunisien s'inspire du droit français et abandonne la contrainte comme moyen de corruption active. Nous pensons que ce moyen devrait être remplacé par ''l'acquiescement aux sollicitations'' qui ne figure pas d'une manière explicite dans l'article 91 CPT.

Para II : les moyens générateurs de la corruption 

Le nouveau code pénal français et le code pénal tunisien déterminent les moyens générateurs de la corruption qui constituent les manoeuvres imputées aux délinquants. L'étude de ces moyens conduit à distinguer deux problèmes relatifs, respectivement, à la nature de la chose offerte ou agréée (A), et à l'antériorité de ces moyens par rapport à l'acte, l'abstention ou l'intervention (B). L'étude de ces deux problèmes nous permettra de déterminer les points de convergences et de divergences entre les deux législations.

A- La nature de la chose offerte ou agréée

Les textes répressifs du code pénal, qui visent la corruption active et passive, désignent les choses offertes, proposées, sollicitées ou agréées par une énumération très large. Il s'agit, en effet, de solliciter, proposer ou agréer  « des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques ». Volontairement large, ces termes de la loi appellent une interprétation extensive ainsi le législateur vise d'abord la remise de choses matérielles : l'argent liquide110(*), les billets à ordre, chèques ou versement dissimulés sous une opération bancaire111(*), les objets précieux112(*) etc. il vise ensuite les versements indirects qui consistent en l'acquittement des dettes de la personne corrompue113(*), par exemple.

Le législateur vise enfin tout avantage quelconque. S'agissant de l'assouvissement d'une haine, la cour de cassation décide qu'il ne s'agit que d'un avantage purement subjectif114(*). l'avantage quelconque doit être objectif. Une décision antérieure de la juridiction pour mineurs de Sarreuguemines avait adopté la solution opposée115(*). L'article 432-11 CPF se prête à cette solution extensive.

Constituent des avantages quelconques une démarche que le corrupteur  s'engage à effectuer, les relations sexuelles que proposent le corrupteur, par exemple, « lorsque une jeune fille, surprise en flagrant délit à la pudeur offre au gendarme d'avoir des relations sexuelles avec lui pour qu'il renonce à constater le délit116(*) ».

A notre avis, aujourd'hui les relations sexuelles constituent un moyen générateur de la corruption et ce malgré la décision de la Cour de cassation du 14 novembre 1975 précitée, car l'article 432-11 CPF parle explicitement d'avantages quelconques117(*).

On remarque que, la formule légale traduit la volonté du législateur d'exclure le cas où le coupable a agi sur simples prières ou sur des recommandations, des prévisions qui entrent dans les incriminations. Il faut qu'il y ait pour la corruption un enrichissement. Ce qui signifie que si le corrompu ne tire pas d'argent ou un avantage quelconque de son intervention, l'infraction ne sera pas consommée. Toutefois, peu importe qu'il n'y ait pas eu un enrichissement personnel.

La spécificité de la corruption des salariés par rapport à celle des fonctionnaires réside dans la possibilité pour l'employeur d'autoriser la rémunération. Pour la corruption de salariés le caractère secret de la rémunération est une composante indispensable.

Le caractère secret de la rémunération met en péril les intérêts de l'employeur. La rémunération secrète étant dangereuse, le caractère suffit en lui même pour caractériser l'activité délictueuse. Il n'est pas nécessaire que les agissements du salariés causent un dommage à l'employeur. Ce point de vue s'explique et semble devoir être celui que le législateur a voulu faire prévaloir. En effet, les mots « que cet acte lui causât un préjudice » furent retirer lors des travaux parlementaires. L'employeur n'est pas donc tenu d'apporter la preuve d'un préjudice qu'il aurait subi. Cependant, lorsqu'il a eu connaissance de la remise de la rémunération et y a consenti, l'employeur ne peut pas invoquer la violation de l'obligation de fidélité que le salarié doit respecter.

La preuve de la connaissance et du consentement de l'employeur est délicate en particulier quant il a eu connaissance de la remise par voies détournées et n'a pas protesté118(*). Le consentement de l'employeur est présumé dans les cas de rémunération postérieure que sont les pourboires. Cependant, lorsque les moyens générateurs de l'activité délictueuse ont précédé l'acte, l'abstention ou l'intervention du corrompu, il faut considérer qu'il y a eu rémunération corruptrice.

En droit tunisien, le législateur utilise des termes très proches de ceux employés par son homologue français. Il s'agit en effet, "des dons ou promesse de dons, ou présents ou avantages de quelque nature que ce soit" pour la corruption active et "des dons, promesses, présents ou avantages de quelque nature que ce soit" pour la corruption passive.

Il faut signaler que les termes "promesse de dons" et "avantages de quelque nature que ce soit" ont été ajoutées par la réforme du 23 mai 1998. L'expression "promesses de dons" a nécessité une clarification de la part du gouvernement suite à la demande de la commission des lois, d'après le gouvernement cette expression a été ajoutée pour incriminer la réception des dons promis après l'accomplissement de l'acte. A notre sens, il n'a y a pas une différence entre les promesses prévues pour la corruption passive et les promesses de dons prévues pour la corruption active. Le législateur aurait dû utiliser l'expression de "promesse" pour les deux formes de corruption.

Quant aux mots "avantages de quelque nature que ce soit" ont été ajoutés pour élargir le champ d'application des textes. Ainsi la chose offerte peut consister, non seulement en de l'argent ou en des objets matériels mais aussi, plus généralement, en tout avantage quelconque, matériel, intellectuel ou social, pour le coupable ou pour toute autre personne.

Enfin, la réforme du 23 mai 1998 a abandonné le terme" offres", qui existait dans les textes anciens. Nous pensons que cet abandon n'entraînerait pas un vide législatif puisque cette notion peut être englobée par celle "avantages de quelque nature que ce soit".

En conclusion, les deux législations énumèrent les mêmes moyens générateurs de corruption ainsi les juridictions tunisiennes peuvent s'inspirer de la jurisprudence des tribunaux français puisque les décisions judiciaires publiées sont, sur ce point, peu nombreuses voire inexistantes.

B- l'antériorité du comportement délictueux  par rapport à l'acte de la fonction

Suite à la réforme du 30 juin 2000 en France, l'exigence de l'antériorité de la sollicitation ou de l'agrément par rapport à l'acte de la fonction, qui n'a jamais été prévue par le droit pénal tunisien (2), a été abandonnée par la législateur français (1).

1- L'abandon d'une règle classique du droit pénal français de la corruption

D'après une règle classique du « droit pénal de la corruption119(*) », il faut que la sollicitation ou l'agrément soit antérieur par rapport à l'acte ou l'abstention. Ainsi, la seule existence d'offres qui précédent l'acte de la fonction ou l'abstention suffit pour caractériser l'infraction.

La condition de l'antériorité est imposée par les libellés même des articles 432-11, 434-9 et 433-1 CPF et L. 152-6 Code du travail, etc. Ces textes établissent l'ordre de succession des différentes étapes de la corruption. Et ainsi puni tout d'abord le fait de solliciter ou d'agréer des offres...pour, seulement après, faire ou s'abstenir de faire l'acte de sa fonction.

La Cour de cassation exige la preuve de l'antériorité de la convention entre le corrupteur et le corrompu à l'acte qu'elle rémunère. L'acceptation d'un cadeau, par un fonctionnaire est peut être moralement ou disciplinairement condamnable ; mais ce n'est pas la corruption en l'absence de convention antérieure. Ce problème ne se pose pas lorsque les sommes demandées ou agrées sont versées effectivement avant la réalisation du but recherché120(*).

Ce point de vue est différent de celui adopté par certaines législations étrangères tels que le droit italien et allemand qui ne connaissent pas la règle de l'antériorité. Ie droit allemand procède à une répression unique. Les dons rémunérations de l `acte accompli et ceux de paiement d'acte à venir sont réprimés par une infraction unique121(*). En Italie le droit distingue entre deux cas. La rémunération a posteriori est moins sévèrement punie122(*). Cette distinction est fondée sur l'idée que la gravité des faits est moindre que dans la corruption antérieure à l'acte123(*).

La solution adoptée par le législateur français a été critiquée par le professeur DELMAS-SAINT-HILAIRE124(*). Il trouve que ce principe d'antériorité comporte des conséquences paradoxales puisqu'il permet de punir le fonctionnaire qui a sollicité ou agrée une rémunération mais qui s'est abstenu de réaliser l'acte proposé ou retardé, alors qu'il permet l'impunité du fonctionnaire qui commence par accomplir l'acte délictueux et à réclamer ou accepter la rémunération par la suite.

Le professeur Vitu, quant à lui remarque que cette critique est juste et trouve les remarques du professeur DELMAS-SAINT-HILAIRE pertinentes. Mais elles ne seraient pas conformes au libellé de l'article 432-11 CPF : « Est puni...le fait...de solliciter ou d'agréer...des offres, des promesses...pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir...125(*) ».

La jurisprudence a entrepris de corriger l'impunité que pouvait entraîner l'ingéniosité des délinquants qui procéderaient à des rémunérations successives postérieures au pacte du corrupteur. Elle a retenu un critère fondé sur le nombre des rémunérations. Elle distingue deux situations.

D'un coté, il y a un acte unique ; elle décide qu'il s'agit d'un cadeau et non d'une rémunération corruptrice. D'un autre coté, il y a une succession de cadeaux. Dans ce cas elle décide que le caractère d'antériorité de la rémunération reçue résulte suffisamment du fait qu'elle a été consentie de façon régulière et en quelque sorte permanente, de telle manière qu'elle a nécessairement déterminé le corrompu à accomplir un acte de son emploi126(*). Le concert frauduleux peut intervenir ultérieurement à l'occasion d'affaires nouvelles.

La jurisprudence n'a pas choisi la solution d'isoler chaque acte. Elle décide qu'il y a corruption, car les relations se sont nouées entre le fonctionnaire et le particulier. Les dons, rémunérations d'actes passés, peuvent avoir pour but de faciliter les services futurs ainsi, le contexte douteux des cadeaux reçus leur imprime aisément un caractère délictueux et le délit de corruption est alors constitué127(*).

Conscients, de la difficulté pour les magistrats de rapporter la preuve du pacte préalable, quelques députés se sont mobilisés, au printemps 2000, pour faire adopter par le Parlement un amendement qui devrait faciliter les poursuites des faits de corruption. Cette initiative a été adopté par la loi du 30 juin 2000 qui a précisé dans les articles 432-11, 433-1 et 434-9 CPF que la sollicitation ou l'agrément peut intervenir « à tout moment128(*) ». Désormais, les infractions de corruption active ou passive sont constituées quel que soit le moment où le corrupteur a proposé son offre ou son don et quel que soit le moment où le corrompu l'accepté ou sollicité.

Malheureusement, le législateur n'a pas cru nécessaire ou plutôt il n'a pas réalisé qu'il était nécessaire de modifier en conséquence la rédaction de la suite des textes129(*). Ceux-ci disent désormais ceci : « la sollicitation ou l'agrément des avantages se fait à tout moment pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de la fonction ». On remarque ainsi, que la lettre de la loi continue de maintenir l'exigence de l'antériorité du pacte de corruption.

Certains auteurs ont proposé de libeller les articles en question d'une autre manière et écrire : « le fait par un fonctionnaire communautaire... de solliciter ou d'agréer, sans droit... des offres... pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir ou pour avoir accompli ou s'être abstenu d'accomplir un acte de sa fonction... 130(*)».

Certains commentateurs, en se fiant, au ratio legis, ont écrit que la réforme entraîne la disparition de l'exigence de l'antériorité du pacte de corruption et que l'intention du législateur ressort clairement des travaux parlementaires131(*).

A notre sens, il ne faut pas interpréter les articles relatifs à la corruption suite à la réforme du 30 juin 2000 d'une manière littérale mais il faut procéder à une interprétation téléologique, donnant la primauté à l'intention du législateur et non à la lettre de la loi. Une telle interprétation permettrait de dire que l'exigence de l'antériorité du pacte de corruption a été abandonnée.

2- L'absence de l'exigence de l'antériorité en droit tunisien 

L'article 83 nouveau CPT prévoit : « Toute personne...... qui aura agréé,....Pour accomplir un acte lié à sa fonction,... ou pour faciliter l'accomplissement d'un acte.... ou pour s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction,...est puni de dix ans d'emprisonnement et d'une amende double de la valeur des présents reçus ou des promesses agréées, sans qu'elle puisse être inférieure à dix mille dinars ».

L'article 91 nouveau CPT dispose, quant à lui ; « Est punie de cinq ans d'emprisonnement.... toute personne qui aura corrompu ou tenté de corrompre... en vue d'accomplir un acte lié à sa l'onction,...ou de faciliter l'accomplissement d'un acte lié a sa fonction, ou de s'abstenir d'accomplir un acte qu'il est de son devoir de faire ».

Ces deux articles indiquent bien que doivent se succéder, dans cet ordre, la sollicitation ou l'agrément et l'acte à accomplir et non l'inverse.

Ces deux textes, s'ils sont lus d'une manière isolée des autres textes relatifs à la corruption, mènent à penser que seules les manoeuvres qui ont pour but le marché de la fonction sont réprimées tandis qu'ils laissent impunies les rémunérations données a posteriori tel qu'il a été le cas en France avant la réforme du 30 juin 2000.

Désireux d'éviter une telle lacune, le législateur tunisien a prévu une incrimination spéciale relative à la rémunération a posteriori dans l'article 85 nouveau CPT qui dispose : « Si le fonctionnaire public ou assimilé a accepté des dons,.... en récompense d'actes qu'il a accomplis... ou d'un acte qu'il s'est abstenu de faire... ».

Signalons que cette incrimination existait depuis la promulgation du Code pénal tunisien en 1913 et que seule la peine, prévue dans cet article, a été modifiée par la réforme du 23 mai 1998. Elle est portée, en effet, d'une année d'emprisonnement à cinq ans.

Une autre remarque doit être faite à ce niveau. La solution prévue par le législateur tunisien est identique à celle prévue par le législateur italien puisqu'il fait la distinction entre la rémunération postérieure à l'acte de la fonction et la rémunération antérieure à cet acte. Les deux moments de rémunération font l'objet d'articles distincts.

D'un autre coté, le législateur tunisien puni moins sévèrement la rémunération a posteriori que la rémunération antérieure. La première est punie de cinq ans d'emprisonnement alors que la deuxième est punie de dix ans d'emprisonnement.

La distinction relative aux peines applicables est fondée sur l'idée que la gravité des faits est moindre que dans la corruption antérieure à l'acte132(*).

A notre sens, il serait préférable que le législateur tunisien réprime par une infraction unique les dons rémunérateurs de l'acte accompli et ceux de l'acte à venir, tel qu'il est le cas en droit allemand et en droit français suite à la réforme du 30 juin 2000133(*), puisque la gravité des faits est identique quel que soit le moment, postérieure ou antérieure, de la rémunération par rapport à l'acte.

Para III : problèmes relatifs à l'activité délictueuse 

Deux problèmes peuvent être soulevés à ce niveau ; la tentative de corruption (A), l'interposition d'une tierce personne (B).

A - la tentative 

L'étude des deux législations démontre l'inutilité de la notion de tentative en droit français (1) et l'existence d'une tentative de corruption active en droit tunisien (2).

1- l'inutilité de la notion de tentative en droit français 

Avant la loi de 1943, il y avait des difficultés pour la répression de la tentative de corruption. La cause en était l'incapacité de la doctrine à préciser exactement le moment de consommation de l'infraction. La doctrine était divisée.

Selon un premier courant, on plaçait la consommation de l'infraction dans la conclusion du marché illicite, la tentative de corruption passive n'avait qu'un domaine fort restreint et ne se concevait guère que dans le cas où le fonctionnaire avait sollicité des offres ou des présents. Un désistement volontaire du coupable ne pouvait donc intervenir efficacement qu'à ce stade du trafic de la fonction ; se produisant après l'accord illicite entre corrupteur et corrompu, il était tardif et donc inopérant134(*).

Selon un deuxième courant, la consommation de l'infraction était rattachée à l'exécution du marché illicite. Le fonctionnaire corrompu pouvait encore se désister et s'abstenir de l'acte pour l'accomplissement duquel il avait été payé, échappant ainsi à toute répression135(*).

Ces difficultés ont disparu en deux temps. D'abord, avec la loi du 16 mars 1943 qui a décidé qu'en matière de corruption passive le délit est considéré consommé non seulement par la conclusion du marché illicite, mais même par la simple sollicitation des dons ou promesses. Par conséquent, Il n'y avait donc plus place pour la tentative punissable ni pour le désistement volontaire.

Ensuite, l'ordonnance du 8 février 1945 a fait disparaître, à son tour, la notion de tentative en matière de corruption active en englobant dans le délit consommé, non seulement les propositions ou promesses faites au fonctionnaire et acceptées par lui, ou l'accord sur les sollicitations émanées de ce fonctionnaire, mais aussi la simple offre de dons ou présents. Il n'y avait donc plus place, à ce niveau aussi, pour la tentative punissable ni pour un désistement volontaire.

Les nouveaux textes ont conservé la solution de 1943-1945. En effet, ils décident que le délit est immédiatement et pleinement consommé dés que la personne titulaire d'une fonction à solliciter, directement ou indirectement la remise d'une rémunération ou d'un avantage quelconque et décident pour la corruption active que le délit est également pleinement consommé dés que un particulier propose des offres à la personne titulaire de la fonction.

Il ne faut donc pas s'étonner du mutisme de l'article 432-11 et l'article 433-1 CPF au sujet de la tentative : une allusion faite à cette notion serait «  inutile, et même erronée136(*) ».

2- l'existence d'une tentative de corruption active en droit tunisien 

Le législateur tunisien prévoit la tentative dans les articles relatifs à la corruption active. Ainsi, l'article 91 CPT dispose : « Est punie de cinq ans d'emprisonnement et de cinq mille dinars d'amende, toute personne qui aura corrompu ou tenté de corrompre... ».

D'un autre coté, l'article 92 CPT, relatif d'une manière exclusive à la tentative, dispose : « Si la tentative de corruption n'a eu aucun effet, les autres seront punis d'un an d'emprisonnement et de mille dinars d'amende.

Si la tentative de voies de fait ou menaces n'a eu aucun effet, les auteurs seront punis de deux ans d'emprisonnement et de deux mille dinars d'amende ».

L'étude de ces deux articles peut laisser comprendre, à prime abord, qu'il existe une contradiction entre ces deux textes. D'un coté, l'article 91 CPT réprime la personne qui tente de corrompre par la persuasion un fonctionnaire public et le puni de cinq ans d'emprisonnement. D'un autre coté l'article 92 CPT incrimine, à son tour, la corruption active qui n'a eu aucun effet et puni d'un an d'emprisonnement seulement. Comment peut-on expliquer cette contradiction apparente ? Et quels sont les critères de distinction entre les deux textes ?

L'article 91 CPT incrimine la tentative de corruption active d'un fonctionnaire public dans laquelle un marché illicite a été conclu entre le corrupteur et corrompu en vue d'accomplir un acte de la fonction, toutefois l'exécution de ce pacte n'a pas abouti pour des raisons indépendantes de la volonté des auteurs. Cet article englobe aussi le cas du fonctionnaire qui accepte les dons proposés mais se désiste à accomplir l'accord.

Dans ces deux cas il y a eu atteinte à la fonction publique puisque les offres ont été acceptées par le fonctionnaire public. Cet article laisse penser que la consommation de l'infraction est conditionnée par l'exécution du marché illicite.

L'article 92 CPT alinéa premier prévoit, quant à lui, la tentative qui n'a eu aucun effet ou en d'autres termes ; la tentative manquée parce que les propositions faites au fonctionnaire public n'ont pas été acceptées par ce dernier. On remarque dans ce cas que l'atteinte à la fonction publique est unilatérale puisqu'elle émane seulement du corrupteur. C'est pour cette raison que la peine prévue est moins sévère que celle prévue dans l'article 91 CPT.

Ainsi, le critère de distinction entre les deux textes est l'acceptation ou non du fonctionnaire des dons proposés. En cas où il y a eu agrément les peines applicables sont plus lourdes puisqu'il y a eu atteinte effective à la fonction publique.

Reste enfin l'alinéa deux de l'article 92 CPT qui dispose : « Si la tentative de voies de fait ou menaces n'a eu aucun effet, les auteurs seront punis de deux ans d'emprisonnement et de deux milles dinars d'amende ». Dans ce cas il ne s'agit pas de tentative de corruption active qui n'a pas eu effets mais d'une tentative de voies de fait ou de menaces dépourvue d'effets en d'autres termes ; Une tentative de porter atteinte à l'intégrité physique ou morale du fonctionnaire public.

En résumé, on peut constater qu'en droit tunisien, la tentative n'existe pas en matière de corruption passive puisque l'infraction est réputée consommée par la simple sollicitation ou l'agrément des offres par le fonctionnaire public ou assimilé. Cette solution existe depuis la promulgation du Code pénal tunisien en 1913 alors qu'elle n'est apparue en France qu'après la loi de 1943. Toutefois, la tentative existe en matière de corruption active puisque la consommation de l'infraction est placée dans l'exécution du pacte de corruption. D'où un désistement volontaire du corrupteur ne peut intervenir efficacement qu'avant ce stade de l'infraction et s'il se produit après l'exécution du marché illicite il serait dépourvu d'effets137(*). On peut dire que le législateur tunisien consacre l'idée retenue par une partie de la doctrine en France138(*) et selon laquelle l'infraction est consommée au moment de l'exécution du marché illicite.

A notre sens, il serait préférable que le législateur tunisien abandonne l'utilisation de la notion de tentative en matière de corruption active, tel qu'il est le cas en France depuis l'ordonnance du 8 février 1945. Il suffit qu'il considère l'infraction consommée au moment de la proposition des offres et non lors de la conclusion du marché illicite ou son exécution.

B- L'interposition d'une tierce personne 

Malgré la distinction des deux législations entre la corruption active et la corruption passive, la solution prévue pour l'interposition d'une tierce personne n'est pas identique. En effet, si elle est considérée comme étant une complicité en droit français (1) elle fait l'objet d'une infraction autonome en droit tunisien (2).

1- Une complicité en droit pénal français 

Le droit pénal français a choisi la solution qui fait du corrupteur l'auteur d'un délit distinct. Il établit deux chefs principaux, constitutifs de délits distincts, l'un pour le corrompu, l'autre pour le corrupteur. Ce système a pour conséquences, entre autres, que l'acte corrupteur n'est pas un acte de complicité. Le corrupteur est puni non comme le complice de la corruption passive mais comme l'auteur principal de la corruption active.

Il en résulte l'indépendance des traitements juridiques de chaque agent du délit. Chaque activité a pour auteur principal un agent indépendant ; le corrompu dans la corruption passive et le corrupteur dans la corruption active. Ces deux délits sont parfaitement autonomes et il faut exclure toute idée de complicité entre l'agent actif et l'agent passif139(*).

En réalité, l'exclusion de la notion de complicité n'est pas absolue puisqu'elle peut être applicable aux tiers, mêlés aux manoeuvres corruptrices, et dont l'intervention a préparé ou facilité le trafic de la fonction ou de l'emploi140(*).

Ainsi, un tiers peut être poursuivi comme complice selon le droit commun des articles 121-6 et 121-7 CPF. La participation du complice peut prendre plusieurs formes : intervenir pour mettre en rapport deux partenaires ou servir de d'intermédiaire dans les transactions entre le corrupteur et le corrompu. Il peut s'agir de celui qui fournit au corrupteur les moyens de la corruption, par exemple la remise de l'argent liquide destiné à corrompre.

Les cas de complicité sont loin d'être rares. Mais il y a très peu de décisions judiciaires141(*). En 1882 la Chambre criminelle de la Cour de cassation a eu à se prononcer pour la femme d'un gardien de prison, qui recevait des lettres et de l'argent destiné aux détenus et les remettait à son mari, qui s'était laissé corrompre par ces détenus142(*).

Dans l'affaire du scandale du panama un certain BLONDIN avait été convaincu de la complicité pour avoir aidé ou assisté le Ministre BAIHAUT dans les actes ayant préparés ou facilités sa corruption143(*). Ou encore le cas de l'avocat condamné le 9 novembre 1995 par la Chambre criminelle de la cour de cassation. Il avait élaboré, pour le compte du corrupteur, le montage financier qui devait masquer le versement des commissions occultes prévues par le pacte corrupteur. C'est une complicité par instructions d'après la décision de la Cour de cassation qui relève par ailleurs que : « si le délit de corruption est consommé dés la conclusion du pacte entre le corrupteur et le corrompu, il se renouvelle à chaque acte d'exécution du pacte. Il s'ensuit que l'aide ou l'assistance en connaissance de cause de ces actes d'exécution constitue la complicité du délit144(*) ».

2- Une infraction autonome en droit pénal tunisien 

L'article 91 alinéa 2 CPT dispose : «. Cette peine est applicable à toute personne ayant servi d'intermédiaire entre le corrupteur et le corrompu ». L'article 93 CPT prévoit, de son coté, « Est absous le corrupteur ou l'intermédiaire qui, avant toute poursuite, révèle volontairement le fait de corruption et, en même temps, en rapporte la preuve ».
Ainsi, l'interposition d'une personne entre l'agent actif et passif constitue une infraction autonome punie de la même peine prévue pour la corruption active par persuasion à savoir ; cinq ans d'emprisonnement et cinq mille dinars d'amende.

Le code pénal ne précise pas les éléments constitutifs de l'interposition mais il prévoit seulement la peine applicable. En l'absence d'une telle précision, la Cour de cassation tunisienne 145(*) a déterminé en 1982 les éléments constitutifs de l'interposition en matière de corruption, elle relève par ailleurs que : «... l'intermédiaire est une troisième personne dont le rôle se limite dans la mise en relation du corrupteur et corrompu d'où il est nécessaire, pour qu'il y ait une interposition, la présence de trois parties ; corrupteur, corrompu et intermédiaire... ».

Ainsi, l'intermédiaire est la personne qui porte de l'aide ou de l'assistance au corrupteur ou au corrompu afin de faciliter la réalisation de la corruption active ou passive.

D'un autre coté, l'intermédiaire doit porter son concours en connaissance de cause, c'est à dire, d'une manière intentionnelle tout en sachant les conséquences de son acte, à défaut il ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée146(*).

On remarque que les exigences de la jurisprudence et de la doctrine sont très proche de celles prévues pour la complicité à savoir ; la nécessité de l'aide ou l'assistance aux auteurs avant la consommation de l'infraction ainsi que l'intention coupable. Toutefois l'intermédiaire n'est pas puni en tant que complice puisque il est l'auteur d'une infraction autonome et il est puni de cinq ans d'emprisonnement quelle que soit la forme de la corruption (passive ou active).

Signalons que, si la personne qui a servi d'intermédiaire entre le corrupteur et le corrompu était considéré en droit tunisien comme complice, elle serait punie de dix ans voire vingt ans d'emprisonnement si elle est complice de l'auteur de la corruption passive147(*) et de cinq ans d'emprisonnement si elle est complice de l'auteur de la corruption active puisque c'est le système d'emprunt de pénalité qui est consacré par le législateur tunisien.

En conclusion, contrairement à son homologue français, le législateur tunisien ne considère pas la personne qui a servi d'intermédiaire comme complice malgré la distinction des deux législations entre la corruption active et la corruption passive. La solution retenue en droit tunisien est identique à celle consacré en droit égyptien qui ne prévoit pas les deux formes de corruption et considère cette dernière comme étant une infraction unique.

Cette différence du droit tunisien et égyptien, par rapport au droit français, semble s'expliquer par le droit musulman. En effet, ce droit, en se fondant sur un Hadith du prophète148(*), établi une distinction entre le corrupteur, corrompu et l'intermédiaire. D'ailleurs les rédacteurs des Codes tunisiens, au début du vingtième siècle sous le protectorat, ont tenu compte de certains principes juridiques du droit musulman.

SECTION II : LE BUT DES MANOEUVRES CORRUPTRICES 

La corruption a pour but l'obtention de l'accomplissement ou de l'abstention d'un acte de la fonction ou d'un acte facilité par la fonction. La comparaison portera sur le but des manoeuvres corruptrices en droit français (para 1) et en droit tunisien (para 2).

PARA I : Le but des manoeuvres corruptrices en droit français 

Le but de la corruption est l'obtention de l'accomplissement ou de l'abstention d'un acte de la fonction. Il faut qu'il y ait entre le don ou la promesse et l'acte ou l'abstention qu'il rémunère un lien de causalité direct et certain. La cour de cassation décide que la preuve ou le constat que l'abstention est le résultat d'une promesse ne suffit pas. Il faut constater que ce résultat était le but recherché149(*). Les textes de répression de la corruption distinguent deux sortes d'actes : les actes propres à la fonction (A) et les actes facilités par la fonction (B).

A- Accomplissement ou abstention d'actes de la fonction 

Le but recherché par les délinquants peut être l'accomplissement d'un acte de la fonction ou l'abstention d'un tel acte. Cet acte peut se traduire par l'accomplissement d'un acte positif, tel l'abattement sur les revenus imposables consenti par un inspecteur des impôts150(*), mais aussi par une simple abstention ; ce sera le cas, pour la personne habilitée, de ne pas dresser le procès-verbal de l'infraction constatée151(*). C'est une condition qui doit être remplie pour qu'il y ait corruption. La sollicitation et l'agrément ne sont punissables que si le but est l'accomplissement ou l'abstention d'actes de la fonction.

Peu importe que l'acte accompli ou non accompli soit juste ou injuste. L'article 432-11 du Code pénal est muet sur ce point. Mais la solution de l'article 177 ancien, qui incriminait indifféremment l'acte juste et l'acte injuste, reste valable. L'acte juste est celui que la fonction impose au corrompu. L'acte injuste est l'acte interdit par la fonction152(*).

Le code pénal conçoit largement la notion de l'acte de la fonction. L'article 432-11 contient, comme l'a déjà écrit le professeur VITU, une « disposition générale, sanctionnant pénalement toute violation rémunérée des devoirs d'obéissance, de probité, de discrétion et de fidélité... »153(*) de la fonction.

La jurisprudence interprète largement cette notion. Elle comprend les actes résultant des dispositions légales et réglementaires qui organisent l'emploi, mais aussi, plus largement, tous les actes imposés par la discipline de la fonction ; même s'ils résultent seulement de la « déontologie informulée » mais « certaine » et non de textes154(*). Les actes ou abstentions de la fonction sont donc ceux qui figurent dans les attributions expresses du titulaire de la charge, mais aussi ceux dont les devoirs de sa charge lui font l'obligation de s'abstenir.

Cette définition englobe, d'une part, les actes de la compétence personnelle du corrompu et les actes de compétence concurrente qu'il accomplis en concours avec d'autres, mais encore les actes à la préparation desquels il participe, sans pouvoir les accomplir lui-même. Elle englobe aussi les abstentions aux devoirs de sa charge. Il n'est pas nécessaire que l'acte accompli soit de sa compétence exclusive. S'il a accepté de trafiquer de la compétence qu'il ne détient pas seul, il y a corruption. Car il trafique de sa part dans le pouvoir collectif. C'est déjà le cas pour les élus.

Peu importe la part active ou négative que le corrompu pouvait prendre dans la décision finale. En effet, la loi punit le marché du service sans tenir aucun compte de son exécution.

Il n'est pas, non plus, nécessaire que le corrompu accomplisse lui-même l'acte dont il trafique. Il suffit qu'il entre dans ses attributions. Ainsi, lorsque le fonctionnaire est compétent pour préparer l'accomplissement de l'acte trafiqué par des actes préalables, des rapports ou mise au point de dossiers etc., il pourra être justiciable de l'infraction de corruption. C'est le cas d'un chef de service au ravitaillement général qui, pour recevoir une ristourne sur les bénéfices, avait menacé le gérant d'une centrale laitière de lui faire retirer sa gérance s'il n'avait pas sa ristourne. Il alléguait son pouvoir de prendre des avis administratifs et prétendait que ses avis pouvaient avoir une influence décisive sur la situation du gérant155(*).

Dans la pratique les cas d'abstention de l'acte de la fonction sont plus faciles à prouver156(*). L'abstention du titulaire de la fonction constitue une présomption de corruption. Si l'enquête révèle l'existence de la remise des dons ou « cadeaux » il y aurait certainement délit. Les exemples jurisprudentiels ne manquent pas. Ils sont très nombreux157(*).

La définition des attributions du corrompu telle que conçue par le droit français exclut néanmoins les actes totalement étrangers aux attributions du titulaire de la fonction ou concernant des faits imaginaires. Dans ce cas il n'y a pas corruption. Cette solution est imposée par le Code pénal (articles 432-11) et l'article L. 152-6 du Code du travail qui parlent d'« acte de sa fonction, de sa mission ». La doctrine élaborée sous l'empire de l'ancien article 177 du Code pénal admettait cette solution. Mais au début du XIXe siècle, il y avait de graves difficultés en jurisprudence. La solution de l'article 177 sur la définition de l'acte de la fonction était discutée en jurisprudence158(*).

Constitue également le délit le fait de rechercher l'accomplissement ou l'abstention d'actes facilités par la fonction.

B- Accomplissement ou abstention d'actes facilités par la fonction 

Jusqu'en 1943, le trafic des actes facilités par la fonction était impuni. Pour y remédier, la jurisprudence avait élargi la notion d'acte de la fonction qu'elle étendait aux actes ne figurant pas dans les attributions propres du corrompu. Dans l'affaire « Bonny », elle confondait le trafic d'influence à la corruption portant sur un acte facilité par la fonction et décidait qu'il y avait trafic d'influence159(*).

Cette confusion a disparu avec la loi du 16 mars 1943 qui, modifiant l'article 177 al. 3 de l'ancien Code pénal, incriminait spécialement le trafic des actes facilités par la fonction.

En outre, il convient de distinguer ces actes des actes interdits par la fonction. L'acte interdit est possible du fait de la fonction même alors que l'acte facilité par la fonction est aléatoire.

Le corrompu qui fournit des renseignements, dont l'accès lui est autorisé, accomplit un acte de son emploi (acte interdit par la fonction). Celui qui donne des renseignements auxquels il n'a point normalement accès, mais profite de sa situation pour consulter les dossiers accomplit un acte facilité par sa fonction. Il est difficile d'imaginer l'abstention acte facilité par la fonction dans la pratique. Les exemples concrets de la jurisprudence concernent exclusivement les actes positifs, dont l'accomplissement est rendu facile par l'emploi exercé.

C'est le cas de l'espionnage industriel qui peut être réalisé par l'intermédiaire d'un employé « inférieur », par exemple un concierge ou un employé de ménage, « à qui l'on demande des renseignements commerciaux qu'il n'est pas dans leurs fonctions de détenir ou d'utiliser, mais qu'ils ont pu être amenés à connaître fortuitement »160(*).

La jurisprudence antérieure à l'ordonnance de 1945 étendait les pénalités de la corruption à ces agissements en les qualifiants d'actes de la fonction.

Cette distinction importante sous l'ancien Code pénal devait être faite de façon précise ; les pénalités étaient plus sévères pour les actes de la fonction. Le nouveau Code pénal l'a abandonnée. Il énonce des peines identiques pour les deux catégories d'actes161(*) .

Toutefois, il demeure un intérêt juridique à continuer de définir ce qu'est un acte facilité par la fonction. Cet intérêt réside dans la nécessité de savoir, le principe de la légalité des délits et des peines l'exigeant, jusqu'où peut s'étendre l'incrimination de corruption passive, et où commence la zone d'impunité.

Para 2 : Le but des manoeuvres corruptrices en droit tunisien 

Le législateur tunisien a élargi le but des manoeuvres corruptrices avec la loi du 23 mai 1998. En effet, l'ancien article 83 CPT prévoyait ce but en disposant : «... pour faire un acte de sa fonction, même juste, mais non sujet à salaire... », alors que le nouvel article dispose : « ... soit pour accomplir un acte lié à sa fonction, même juste, mais non sujet à contrepartie ou pour faciliter l'accomplissement d'un acte en rapport avec les attributions de sa fonction, ou pour s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, auquel il est tenu...».

On remarque que le but des manoeuvres corruptrices se limitait auparavant à l'accomplissement d'un acte de la fonction (A) alors que, suite à cette réforme, il a été élargi pour comprendre, l'accomplissement des actes facilités par la fonction et l'abstention d'accomplir un acte de la fonction (B).

A- l'accomplissement d'un acte de la fonction 

L'article 83 CPT( nouveau) prévoit que les dons ou les promesses étaient agrées, ou sollicités en vue d' « accomplir un acte lié à sa fonction, même juste, mais non sujet à contrepartie ».

Ainsi, ce sont les actes positifs accomplis par le fonctionnaire public ou assimilé dans l'exercice de la fonction qui sont prévus par cet article.

Les actes de la fonction sont les actes de la compétence personnelle du corrompu. Toutefois, il n'est pas nécessaire que l'acte accompli soit de sa compétence exclusive puisque les actes de compétence concurrente qu'il a accomplis en concours avec d'autres, ainsi que les actes à la préparation desquels il participe, sans pouvoir les accomplir lui-même font partie des actes de la fonction.

Peu importe que l'acte accompli soit juste ou injuste. L'article 83 CPT prévoit expressément ce point par l'emploi des termes « même juste, mais non sujet à contre partie ». Il y a, cependant, une exception puisque l'accomplissement d'un acte juste lié à la fonction nécessitant une contrepartie, imposée par les lois ou les règlements, ne constitue pas une infraction de corruption. A titre d'exemple, certains fonctionnaires publics ne peuvent accomplir les actes liés à la fonction qu'à la condition qu'une contrepartie soit versée au trésor public162(*), dans ce cas il s'agit pas de corruption.

On remarque que l'article 432-11 CPF est muet sur ce point, contrairement à la solution de l'article 177 ancien qui incriminait indifféremment l'acte juste et l'acte injuste.

Il n'est pas, non plus, nécessaire que le corrompu accomplisse lui-même l'acte dont il trafique. Il suffit qu'il entre dans ses attributions. Ainsi, lorsque le fonctionnaire est compétent pour préparer l'accomplissement de l'acte trafiqué par des actes préalables, des rapports ou mise au point de dossiers etc., il pourra être justiciable de l'infraction de corruption163(*).

Signalons enfin que le fonctionnaire public peut se voir poursuivi pour l'accomplissement d'un acte qui est étranger à sa compétence du moment qu'il a fait croire au corrupteur qu'il est compétent164(*). Cette solution admise par la jurisprudence tunisienne est différente de celle consacrée par les tribunaux français165(*). A notre sens, la position de la jurisprudence tunisienne, sur ce point, est critiquable puisque la qualification exacte est celle de l'escroquerie.

En conclusion, il n'y a pas de grandes divergences entre les deux législations quant à l'accomplissement de la fonction. Cependant, si l'abstention d'accomplir un acte de la fonction et les actes facilités par la fonction figurent dans la législation française, avant la promulgation du nouveau Code pénal, ils ne figurent en droit pénal tunisien que depuis la réforme du 23 mai 1998.

B- Les nouveaux buts prévus par la réforme de 1998 

La loi du 23 mai 1998 a modifié l'article 83 CPT qui prévoit deux nouveaux buts des manoeuvres corruptrices. Cet article prévoit d'abord l'agrément du corrompu des dons afin de « faciliter l'accomplissement d'un acte en rapport avec les attributions de sa fonction ». D'après certains auteurs166(*), ce but a été ajouté afin de combler le vide législatif qui existait auparavant. Deus remarques doivent être faite à ce niveau :

D'un coté, seul l'accomplissement d'un acte facilité par la fonction est réprimé par cet article, par contre l'abstention d'accomplir un acte facilité par la fonction n'est pas répréhensible. Nous pensons qu'il serait préférable que le législateur tunisien la rajoute à l'article 83 CPT tel qu'il est le cas dans l'article 432-11 CPF.

D'un autre coté, la jurisprudence tunisienne n'a pas encore eu l'occasion d'appliquer le texte nouveau sur ce point, mais nous pensons qu'elle peut s'inspirer des solutions élaborées par la jurisprudence française.

L'article 83 CPT prévoit aussi le cas du fonctionnaire public qui agrée des dons pour « s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, auquel il est tenu.. ». Cette phrase a été introduite dans cet article, par la réforme de 1998, pour les mêmes raisons citées auparavant, à savoir ; le comblement du vide législatif existant.

Toutefois, le législateur a prévu une limite, en effet, l'abstention doit concerner l'accomplissement d'un acte de la fonction auquel il est tenu. Ainsi, l'abstention d'accomplir un acte de la fonction, auquel il n'est pas tenu, ne constitue pas une infraction de corruption.

Concernant les actes de la fonction auxquels le fonctionnaire public n'est pas tenu de les accomplir, il s'agit en fait des actes pour lesquels il dispose d'une marge d'appréciation quant à leur accomplissement ou non. Par contre, pour les actes de la fonction dont il a l'obligation de les accomplir, il ne dispose d'aucune marge d'appréciation.

Une telle distinction n'existe pas dans le Code pénal français qui réprime l'abstention d'accomplir un acte de la fonction, de la mission ou du mandat.

En pratique, la Cour de cassation tunisienne a condamné un officier de police qui a reçu une somme d'argent afin de s'abstenir de dresser un procès verbal à l'occasion d'une infraction au Code de la route167(*), ainsi qu'un agent de la douane qui a fermé les yeux sur les agissements frauduleux d'un voyageur en contrepartie d'une somme d'argent168(*).

Signalons enfin que, contrairement à la législation française l'abstention d'accomplir un acte facilité par la fonction n'est pas réprimée par l'article 83 CPT, ce qui est, à notre sens, regrettable.

DEUXIEME PARTIE : COMPARAISON RELATIVE À LA REPRESSION 

Signalons tout d'abord, qu'en France, à côté des moyens proprement répressifs mis en place dans le Code pénal, il existe d'autres procédés destinés à la prévention. Ces procédés imposent des contrôles plus stricts et une transparence plus grande dans les principaux secteurs de la vie politique, administrative et économique. En effet, un cortège de lois ayant pour objet d'introduire une plus grande transparence dans divers secteurs169(*). Le texte le plus important est la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993170(*) relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques. Cette loi modifie les règles sur le financement des campagnes électorales et des partis et créée d'autre part un service central de prévention de la corruption, chargé de centraliser les renseignements nécessaires à la détection et à la prévention des faits de corruption et de trafic d'influence, de concussion et d'ingérence.

De tels procédés de prévention n'existent pas encore en Tunisie. Ainsi, la comparaison entre les deux législations sera limitée à la répression.

L'étude de la répression se dédouble. Il faut, en effet, étudier le droit de forme en premier lieu pour étudier ensuite le droit de fond. Ainsi la comparaison portera sur la procédure (chapitre 1er) puis sur les peines (chapitre 2).

CHAPITRE PREMIER : COMPARAISON DE LA PROCEDURE 

La comparaison de la procédure implique l'étude de l'engagement de la poursuite

(Section 1) et les difficultés de mise en ouvre de celle-ci (section 2).

SECTION PREMIERE : L'ENGAGEMENT DE LA POURSUITE 

L'étude de l'engagement de la procédure nécessite la détermination des parties compétentes (para 1) pour engager celle-ci en matière de corruption et la détermination des juridictions compétentes (para 2).

PARA 1 : Les parties compétentes pour engager les poursuites 

Normalement, il appartient au Ministère public de déclencher l'action publique(A), toutefois, d'autres parties disposent de ce pouvoir (B).

A-Le Ministère public

L'article 40 al 1 du CPPF dispose : « Le procureur de la république reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner ». Ainsi, le parquet apprécie l'opportunité de poursuivre ou non les faits dénoncés. Toutefois en pratique plusieurs dénonciations abusives voir mensongères apparaissent à l'approche d'élections, en particulier pour des élections locales. Il appartient donc au parquet de prendre en considération cette pratique et d'agir en fonction.

En matière de corruption, comme pour toutes infractions, le parquet est dominé par le principe de l'opportunité des poursuites qui lui permet de choisir entre le déclenchement des poursuites ou le classement sans suite. Mais vu la clandestinité des faits de la corruption et la difficulté de les prouver171(*), il est important que le parquet poursuive dés lors qu'une dénonciation s'avère fondée. On remarque ainsi que le parquet,qui reçoit les plaintes et les dénonciations, est la partie principale ayant le pouvoir d'engager une poursuite pour des faits de corruption.

En droit tunisien, le législateur tunisien s'est inspiré du législateur français en ce qui concerne les fonctions du ministère public. En effet, l'article 20 CPPT dispose « le ministère public met en mouvement et exerce l'action publique ». De plus l'article 30 du CPPT dispose : «Le procureur de la république apprécie la suite à donner aux plaintes et dénonciations qu'il reçoit ou qui lui sont transmises ». 

Ainsi, c'est le ministère public qui engage la poursuite et il est, à son tour,régi par le principe de l'opportunité des poursuites et les faits de corruption sont portés à sa connaissance par le biais des dénonciations et des plaintes.

On remarque, qu'en droit français comme en droit tunisien, c'est le parquet, qui reçoit les plaintes et les dénonciations et qu'il lui appartient d'engager ou non une poursuite. Mais y a-t-il d'autres parties qui peuvent engager les poursuites ?

B-Les autres parties pouvant engager la poursuite

On a vu que les faits de corruption sont portés à la connaissance du ministère public par le biais des plaintes et des dénonciations. En effet, la plainte n'est qu'une forme particulière de dénonciation ;C'est la dénonciation faite par la victime.

La notion de victime en matière de corruption soulève deux types de difficultés, La première tend à s'interroger s'il existe vraiment une victime de la corruption ? La deuxième tend, une fois l'existence d'une victime démontrée, à déterminer quelles sont les personnes admises à agir ?

1-Y a-t-il une victime de la corruption? 

D'après l'article 2CPPF,la victime est la personne qui a personnellement souffert d'un dommage directement causé par une infraction et elle a la possibilité de se constituer partie civile en vue de réparation. En matière de corruption le préjudice n'est pas forcément détecté par la victime vu la clandestinité de cette infraction et de ses effets, en plus dans la majorité des cas le préjudice n'est pas subi par une personne bien déterminée mais par un groupe abstrait de personnes. A titre d'exemple, un représentant d'une collectivité territoriale peut conclure un pacte de corruption avec une entreprise à l'occasion d'un marché public ; le coût de la corruption sera supporté par les contribuables. Ceux-ci subissent un préjudice certain mais indétectable172(*).

En Tunisie, l'article 2CPPT concernant l'action publique dispose « elle (l'action publique) peut également être mise en mouvement par la partie lésée ». On remarque que la victime de l'infraction de corruption peut engager la poursuite en se constituant partie civile, mais la pratique a prouvé l'ignorance de la partie lésée dans la plupart des cas, l'existence du préjudice subi pour les mêmes raisons précitées.

En plus, la doctrine s'est posée la question suivante ; Peut-on considérer le corrupteur ou le corrompu comme victime de la corruption ayant le pouvoir d'engager l'action publique en se constituant partie civile ?

En France, la Chambre criminelle admet l'action civile de la personne qui a participé au délit à condition qu'elle n'ait pas provoqué le délit et qu'elle ne soit pas complice. Toutefois, elle rejette l'action de la personne qui, de mauvaise fois a remis de l'argent à l'auteur principal du délit en vue d'obtenir une décision favorable173(*). En conclusion la chambre criminelle rejette l'action de la victime indigne.

En droit tunisien cette possibilité est prévue d'une manière implicite. En effet, le corrupteur ou l'intermédiaire peut dénoncer l'acte de corruption, avant toute poursuite, en vue d'échapper à la répression conformément à l'article 93 CPT. Et d'après la Cour de cassation, ils peuvent se constituer partie civile dans le cas où ils sont de bonne foi174(*).

Cette possibilité n'est ouverte qu'au corrupteur et à l'intermédiaire, en d'autres termes, la possibilité de dénonciation n'est pas ouverte à l'auteur de la corruption passive.

Ainsi, on remarque que le corrupteur peut se voir acquérir le statut de victime en cas de dénonciation et engager une poursuite conformément à l'article2CPPT.

L'existence d'une victime de la corruption ainsi démontrée, une autre question se pose ; Quelles sont les personnes admises pour engager les poursuites ?

2-Les personnes admises à agir 

En Tunisie, en plus de la possibilité de déclencher les poursuites par le corrupteur ou l'intermédiaire, certaines lois spéciales tel que la loi n°83-112 promulguée le 12 décembre1983175(*) prévoient que « si la faute commise constitue un délit ou un crime et surtout dans le cas de corruption passive, il faut informer le ministère public immédiatement ». On remarque que ce texte reprend les mêmes termes de l'article 40 CPPF alinéa 2 qui dispose :  « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».

Ce texte vise l'administration en générale qui se voit dans l'obligation d'informer le ministère public en vue de mettre en mouvement l'action publique et ce en cas de préjudice subi suite à une corruption passive. Ceci s'explique par la nécessité de transparence de la fonction publique qui touche à l'ordre public et l'intérêt général.

Cette loi spéciale pose expressément la même obligation aux agents de la douane, en d'autres termes l'administration générale de la douane se voit dans l'obligation de déclencher l'action publique, en se constituant partie civile, en cas de préjudice subi suite à la corruption passive.

D'autres lois spéciales prévoient la possibilité pour certains ministères de déclencher l'action publique en se constituant partie civile, tel que le ministère de l'intérieur représenté par le Ministre de l'intérieur, en effet, ce dernier peut engager une poursuite en cas de corruption dans le cadre de son ministère. Cette prérogative est prévue aussi pour le ministre de la justice.

En France, si la jurisprudence admet l'existence d'une action civile elle restreint la notion de victime de la corruption en faisant application réduite de l'article 2CPPF.Il serait préférable de citer quelques victimes des faits de corruption :

D'abord, concernant les collectivités territoriales ; Les infractions de corruption commises par un fonctionnaire territorial ou par un élu de la collectivité territoriale sont de nature à causer un préjudice à celle-ci d'où elles sont admises à se constituer partie civile.

Ensuite, concernant l'administration qui emploie l'auteur des faits, dépendant directement de l'Etat. La chambre criminelle décide qu'elle peut se constituer partie civile contre un de ses fonctionnaires corrompus mais seulement en cas de préjudice moral résultant de l'atteinte à sa réputation176(*).

Puis, concernant l'employeur privé ; Rien ne fait obstacle, lorsqu'un salarié est corrompu, à ce que son employeur se constitue partie civile puisqu'il subit un préjudice certain et personnel. Mais la question qui se pose est si cette action est possible lorsque le salarié est corrupteur ?

Le salarié peut causer un préjudice matériel à l'entreprise puisqu'elle peut être déclarée civilement responsable des faits commis par son employé. De plus, les faits de l'employé corrupteur entraînent la responsabilité pénale du dirigeant et peuvent entraîner la responsabilité pénale de la personne morale. Nous pensons donc que l'employeur peut subir un préjudice personnel et direct dont il pourra demander réparation devant les juridictions répressives en se constituant partie civile177(*).

Enfin, en ce qui concerne l'intervenant au délit ; La chambre criminelle de la cour de cassation admet l'action civile de la personne qui a participé au délit lorsqu'il est établi qu'elle n'a pas provoqué le délit et qu'elle n'est pas complice178(*).

On remarque que la jurisprudence française et le législateur tunisien permettent à l'intermédiaire et à l'intervenant aux faits de corruption de se constituer partie civile tout en imposant des conditions qui rendent le recours à cette possibilité très limité au niveau de la pratique puisque la constitution de partie civile, dans ce cas, impose la bonne foi de l'intermédiaire ou de l'intervenant.

PARA2 : Les juridictions compétentes

Les juridictions du droit commun sont exclusivement compétentes en matière de corruption(A), toutefois des juridictions d'exception peuvent reconnaître des infractions de corruption dans des cas prévus par la loi(B).

A-Les juridictions du droit commun

En France comme en Tunisie, la compétence des juridictions du droit commun est fixée selon la gravité des faits poursuivis et leurs qualifications de crimes, délits ou de contraventions.

En Tunisie, l'article 27 CPPT  dispose : « La cour criminelle est seule compétente pour connaître des crimes » . L'article 122 CPPT,de son coté, précise que sont qualifiées de crimes, les infractions que les lois punissent de mort, ou d'emprisonnement pendant plus de cinq ans .

Le même article ajoute que sont qualifiés de délits ; Les infractions que les lois punissent de l'emprisonnement d'une durée supérieure à quinze jours et ne dépassant pas cinq années et une amende de soixante dinars(40 euros). Quant aux juridictions compétentes e matière de délits, l'article 124 CPPT ajoute que le tribunal de première instance et plus précisément la chambre correctionnelle connaît en premier ressort de tous les délits à l'exception de ceux qui sont de la compétence du juge cantonal à savoir ; les délits punis d'une peine d'emprisonnement n'excédant pas une année.

Sachant que pour l'infraction de corruption, en Tunisie, le législateur a prévu des peines privatives de liberté dont la durée varie selon les cas, ce qui entraîne la compétence des différents tribunaux.

En France, on retrouve la même distinction entre crimes, délits et contraventions. Cette ressemblance n`est pas le fait du hasard mais elle s'explique par la tendance du législateur tunisien à s'inspirer de la législation et de la politique pénale française.

Cette ressemblance n'est pas absolue, en effet, l'article131-1 CPF relatif aux crimes prévoit une durée minimale de dix ans de réclusion criminelle pour ce type d'infractions, contrairement au droit tunisien qui prévoit une durée minimale de cinq ans.

D'un autre coté, l'article 131-3 CPF et suivant relatifs aux délits prévoient une durée maximale de dix ans d'emprisonnement pour ce type d'infractions, contrairement au droit tunisien qui prévoit une durée maximale de cinq ans.

Il faut savoir que depuis la promulgation de la loi du 16 mars 1943,le caractère criminel a été enlevé à l'infraction de corruption en droit pénal français, en d'autres termes, il y a eu une correctionnalisation de celle-ci. On parle dés lors du délit de corruption, ce qui a pour effet la compétence exclusive du tribunal correctionnel. Mais cette loi et le nouveau code ont laissé une circonstance aggravante laissant un caractère criminel à la corruption ; C'est le cas de l'article 434-9 CPF relatif aux magistrats ou assimilés coupables de corruption passive au bénéfice ou au détriment d'une personne faisant l'objet de poursuites criminelles, la peine principale est la réclusion criminelle de quinze ans, ce qui entraîne la compétence de la cour d'assises.

Nous étudierions à ce niveau la compétence des différents tribunaux.

1-les tribunaux compétents pour juger l'infraction de corruption qualifiée de crime 

a- la cour criminelle 

En Tunisie, c'est la cour criminelle, située dans chaque tribunal de grande instance, qui est compétente pour juger les crimes ; infractions punies d'une peine privative de liberté ne pouvant être inférieure à cinq ans. Ainsi, la cour criminelle est compétente pour les cas des articles 83 CPT relatif au fonctionnaire public ou assimilé qui, soit personnellement, soit par intermédiaire, pour lui-même ou pour autrui, agrée des offres ou promesses ou reçoit des dons ou présents pour accomplir un acte de sa fonction, même juste, mais non sujet à salaire, puis, l'article 84 CPT relatif au fonctionnaire public ou assimilé qui a provoqué ces offres, promesses ou la remise de dons ou présents. Dans ces cas la peine d'emprisonnement est de dix ans dans le premier cas et vingt ans dans le second.

D'un autre coté, la cour criminelle est compétente aussi pour la corruption passive des magistrats prévue dans les articles 88 et 89 CPT qui prévoient une peine d'emprisonnement de dix ans(89 CPT) et de vingt ans(88 CPT).

Enfin, la Cour criminelle est compétente en cas de corruption active des fonctionnaires publics accompagnée de contrainte ou de tentative de contrainte par voies de fait ou menaces punie de dix ans d'emprisonnement, conformément à l'article 91 CPT.

Signalons que, après la réforme du 23 mai 1998, la cour criminelle est devenue compétente pour la majorité des infractions en matière de corruption. Cette compétence élargie s'explique par l'aggravation des peines suite à ladite réforme.

b- La cour d'assises 

En France, la loi du 16 mars 1943 a eu pour principal effet la correctionnalisation de la corruption. Toutefois, cette loi ainsi que le nouveau Code pénal ont laissé le caractère criminel à celle-ci dans l'hypothèse prévue dans l'article 434-9 CPF.

Cet article, dans son troisième alinéa dispose que lorsqu'un magistrat est coupable de corruption passive au bénéfice ou au détriment d'une personne faisant l'objet de poursuites criminelles, les peines principales encourues sont la réclusion criminelle de quinze ans. On remarque que l'infraction de corruption, dans ce cas, est qualifiée de crime relevant de la compétence de la cour d'assises conformément à l'article 231CPPF.

En faisant la comparaison entre les deux législations, on remarque que la cour d'assises n'est compétente que dans un seul cas de corruption, par contre la cour criminelle est compétente dans la majorité des cas. Ceci s'explique par la tendance du législateur tunisien à aggraver la répression de la corruption puisque les infractions sont qualifiées de crimes en Tunisie si elles sont punies d'une peine privative de liberté supérieure à cinq ans.

2-La Chambre correctionnelle et le tribunal correctionnel (délits) 

a-La Chambre correctionnelle 

En Tunisie, la chambre correctionnelle est compétente en matière de délits (article124CPPT). Ainsi, est du ressort de la dite chambre, la corruption active prévue dans l'article 91 CPT alinéa 1er qui dispose : « Est punie de cinq ans d'emprisonnement et de cinq mille dinars d'amende, toute personne qui aura corrompu ou tenté de corrompre par des dons ou promesses de dons, présents ou avantages de quelque nature que ce soit l'une des personnes visées à l'article 82 du présent code(fonctionnaire public ou assimilé)...» ce même article ajoute que les mêmes peines sont applicables à toute personne ayant servi d'intermédiaire entre le corrupteur et le corrompu. Ainsi, c'est la chambre correctionnelle qui est compétente dans ce cas.

Un autre délit qui est apparu avec la réforme du 23 Mai 1998 et qui est de la compétence de la chambre correctionnelle, il s'agit du délit d'octroyer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives et réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté de participation et l'égalité des chances dans les marchés passés prévu par l'article 87 bis CPT.

La peine prévue pour ce délit est de cinq ans d'emprisonnement alors qu'en France il est puni de deux ans conformément à l'article 432-14 CPF. A notre sens, les peines prévues dans les deux législations ne sont pas compatibles avec la gravité des faits reprochés.

Enfin, la chambre correctionnelle est aussi compétente pour le délit prévu dans l'article 85 CPT qui dispose :  «  Si le fonctionnaire public ou assimilé a accepté des dons ou présents en récompense de ce qu'il a fait ou de ce qu'il n'a pas fait, il est puni de l'emprisonnement pendant cinq ans et d'une amende de cinq mille dinars ».

Ce délit est constitué une fois le fonctionnaire a accepté des dons ou présents après l'accomplissement ou non de l'acte de la fonction, ce qui le distingue du cas prévu à l'article 83 CPT relatif à l'acceptation des dons avant l'accomplissement de l'acte.

L'article 85 CPT prévoit une peine de cinq ans d'emprisonnement suite à la loi du 23 mai 1998 au lieu d'un an d'emprisonnement avant la promulgation de la dite loi, ce qui affirme la politique répressive suivie en Tunisie en matière de corruption.

b-Le Tribunal correctionnel 

En France, c'est le tribunal correctionnel qui est compétent en matière de délits et ce dernier est compétent pour tous les délits de corruption depuis la correctionnalisation de cette infraction par la loi du 16 mars 1943, à l'exception de l'article 434-9 CPF, précédemment étudié, qui prévoit la réclusion criminelle de quinze ans ce qui implique la compétence de la cour d'assises.

On remarque qu'en France le tribunal correctionnel a une compétence exclusive en matière de corruption contrairement à la chambre correctionnelle en Tunisie qui n'a qu'une compétence limitée à des cas bien déterminés.

3-le Tribunal cantonal en Tunisie (délits prévus par la loi) 

Nous avons précisé que le tribunal cantonal en Tunisie connaît en dernier ressort des contraventions et connaît en premier ressort des délits punis d'une peine d'emprisonnement n'excédant pas une année ou d'une peine d'amende n'excédant pas mille dinars(700 euros) par application de l'article 123 CPPT.

Par conséquent, ce tribunal est saisi en cas de tentative de corruption qui n'a eu aucun effet conformément à l'article 92 CPT nouveau qui prévoit une peine d'emprisonnement d'un an et une amende de mille dinars.

En pratique, les tribunaux n'appliquent pas les peines prévues d'une manière stricte en cas de tentative. Cette position de la jurisprudence tunisienne est regrettable parce que, à notre sens, la tentative de corruption représente les mêmes dangers que la corruption elle-même.

Si on procède à une comparaison avec l'ancienne rédaction de l'article 92 CPT, on constate que le tribunal cantonal était compétent dans deux cas ;d'un coté, pour la tentative de voies de fait ou de menaces et d'un autre coté pour la tentative de corruption qui n'ont eu aucun effet. Avec la réforme précédemment cité le législateur a supprimé la tentative de voies de fait ou de menaces de la compétence du tribunal cantonal.

On remarque qu'en France, le tribunal de police, qui a presque le même rôle que le tribunal cantonal, n'est pas compétent en matière de corruption mais cette incompétence s'explique par l'impossibilité, pour celui-ci, de prononcer des peines privatives de libertés : peines indispensables pour l'infraction de corruption.

En conclusion, les juridictions de droit commun ont un rôle très important et une compétence exclusive en matière de corruption.

4- Les dérogations aux règles de compétence 

En France, les juridictions normalement compétentes peuvent se voir dessaisies suite à la création de juridictions spécialisées(a) et l'existence de règles permettant une dérogation à la compétence territoriale(b).

a-La création de juridictions spécialisées

Devant la montée de la délinquance d'affaires dites « en col blanc », une loi n°75-701 du 6 août 1975 a ajouté au livre VI du CPPF un titre XIII intitulé: "De la poursuite, de l'instruction et du jugement des infractions en matière économique et financière". Cette loi a institué des juridictions spécialisées pour les infractions en matière économique et financière. Désormais, dans chaque ressort de cour d'appel, un ou plusieurs tribunaux de grande instance comportant des magistrats spécialisés qui sont compétents pour l'instruction et le jugement de ces infractions et de celles leur étant connexes.

Ces infractions sont prévues par l'article 704 CPPF et on remarque que la liste de cet article ne vise que les délits.

L'article 704 CPPF a été modifié par la loi du 1er décembre 1994 qui a ajouté la corruption et le trafic d'influence, sous leurs deux formes active et passive, dans la longue liste des infractions qui peuvent être déférées aux tribunaux de grande instance spécialisés pour la poursuite, l'instruction et le jugement des infractions commises en matière économique et financière.

La loi de 1er décembre 1994179(*) a porté, en outre, deux autres modifications importantes. D'un coté, elle a instauré dans l'article 705 CPPF le procédé technique d'une « compétence territoriale concurrente » entre la juridiction correctionnelle de droit commun et la juridiction spécialisée. Cette expression a deux sens. Elle veut d'abord dire que les magistrats spécialisés ont une compétence supplémentaire, s'ajoutant à celle qu'ils ont déjà en application des règles en application des règles du droit commun. Elle veut dire, ensuite, que ces magistrats n'ont qu'une compétence facultative : il faut, en effet, que ces affaires soient d'une grande complexité pour qu'elles soient attribuées à ces magistrats180(*).

D'un autre coté, ladite loi a modifié les règles de saisine de ces juridictions. Auparavant, la loi du 6 août 1975 chargeait le président de la chambre d'accusation du pouvoir d'attribuer les affaires à la juridiction spécialisée, sur requête du procureur de la République ou du juge d'instruction. . Avec la réforme de 1994, qu'il s'agisse d'une procédure suivie sur information ou en enquête préliminaire, le procureur de la République peut saisir la juridiction spécialisée. C'est le procureur général près la cour d'appel où la juridiction spécialisée a son siège, qui prend la décision. S'il s'agit d'une procédure d'information, le juge d'instruction saisit son collègue compétent.

Il faut signaler, d'un autre coté, l'apport de la loi du 30 juin 2000 qui a élargie la liste des infractions relevant de la compétence des juridictions spécialisées prévue par l'article 704 CPPF. En effet, la loi ajoute les cas de corruption active et passive des seuls fonctionnaires communautaires ( articles 435-1 et 435-2 CPF)181(*). De plus ces deux infractions, depuis ladite loi, figurent dans la liste des infractions donnant aux tribunaux français une compétence universelle conformément à l'article 689-8 CPPF182(*).

D'après certains auteurs, ces juridictions spécialisées n'ont pas vraiment montré leur efficacité sur le plan pratique, faute de disposer en leur sein de suffisamment de magistrats véritablement spécialisés183(*). C'est pour cette raison que, la loi du 9 mars 2004184(*) a amélioré sensiblement le traitement des infractions économiques et financières en étendant la compétence des juridictions spécialisées ainsi que le statut des assistants spécialisés185(*).

Cette loi a modifié l'article 704 CPPF qui dispose, désormais : « la compétence territoriale d'un tribunal de grande instance peut être également étendue au ressort de plusieurs cours d'appel pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et s'il s'agit de délits, le jugement de ces infractions, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d'une très grande complexité, en raison notamment du grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes où du ressort géographique sur lequel elles s'étendent ».

Ainsi, les juridictions spécialisées ont, suite à la réforme du 9 mars 2004, une compétence interrégionale puisqu'elle est étendue au ressort de plusieurs cours d'appel.

En Tunisie une telle spécialisation n'est pas prévue par le Code de procédure pénale, ce qui est, à notre sens, regrettable vu la complexité et la clandestinité des faits de corruption.

b-la dérogation à la compétence territoriale

Deux dérogations aux règles de compétence territoriale peuvent être mentionnées à ce niveau, la

Première est relative aux élus locaux la deuxième concerne les fonctionnaires étrangers qui ne relèvent pas du cadre de la communauté européenne.

S'agissant des élus locaux, une loi du 18 juillet 1974 a modifié l'article 681 CPPF, il s'agissait d'une dérogation aux règles de compétence territoriale permettant que les élus locaux soient automatiquement poursuivis ou jugés devant une juridiction se situant en dehors de leur circonscription. Cette règle avait pour but principal de garantir l'impartialité de la juridiction en évitant les risque de pressions sur les juridictions locales.

Cette loi a prévu une procédure complexe de nature à retarder les investigations. De plus la mauvaise rédaction du texte conduisait à des annulations de procédure qui ont choqué l'opinion publique. Ainsi le législateur a décidé de supprimer ce texte, par la loi du 4 janvier 1993, afin de préserver le respect de l'égalité de traitement des justiciables. Désormais, les élus relèvent de plein droit des juridictions territorialement compétentes, sauf s'ils demandent un dépaysement du dossier par la procédure de renvoi dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice prévue par l'article 665 CPPF. Le dépaysement ne peut être ordonné que sur requête du procureur général prés la Cour de cassation ou du procureur général prés la cour d'appel dans lequel se trouve la juridiction saisie186(*). Dans ce cas le renvoi est ordonné par la Chambre criminelle.

Afin d'éviter une telle requête de dessaisissement auprès de la Cour de cassation, la loi du 9 mars 2004 a ajouté un nouvel alinéa à l'article 43 CPPF qui dispose : « Lorsque le procureur de la République est saisi de faits mettant en cause, comme auteur ou comme victime, une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public qui est habituellement, de par ses fonctions ou sa mission, en relation avec les magistrats ou fonctionnaires de la juridiction, le procureur général peut...transmettre la procédure au procureur de la République du tribunal de grande instance le plus proche du ressort de la cour d'appel. Cette juridiction est alors territorialement compétente pour connaître l'affaire... ».

On remarque ainsi, que cette nouvelle procédure est plus rapide que la précédente puisqu'elle permet à une juridiction impartiale de connaître des affaires mettant en cause les personnes citées précédemment sans exiger une requête en dessaisissement auprès de la Cour de cassation187(*).

Quant aux agents publics et les magistrats étrangers ne relevant pas du cadre de l'Union européenne188(*). La loi du 30 juin 2000 a prévu dans un nouvel article 706-1 CPPF que pour la poursuite, l'instruction et le jugement de faits de corruption active concernant ces personnes, le procureur de la République, le juge d'instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte des règles normales de la compétence territoriale.

On remarque qu'il y a eu une concentration189(*), entre les mains du tribunal de grande instance de paris, des affaires de corruption internationale à l'imitation de ce qui a été prévu par l'article 706-17 CPPF pour les faits de terrorisme.

En Tunisie, on ne trouve pas une dérogation à la compétence territoriale ni en faveur des élus locaux ni en faveur de certains fonctionnaires. Ils relèvent de plein droit des juridictions territorialement compétentes, et ceci s'explique par le souci de respecter le principe d'égalité.

B-Les juridictions d'exception

Deux juridictions feront l'objet de la comparaison à ce niveau, il s'agit des juridictions compétentes pour connaître des infractions commises par des hommes politiques (1) et des juridictions militaires (2).

1-Les hommes politiques

Certaines personnalités politiques sont justiciables de juridiction d'exception. Il s'agit de la Haute Cour de justice pour le président de la République et la cour de justice de la République pour les Ministres en France (a) et de la Haute Cour pour les membres du gouvernement en Tunisie (b).

a-les juridictions d'exception compétentes en France 

S'agissant d'abord du président de la République, l'article 68 de la Constitution stipule : « Le président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant. Il est jugé par la Haute Cour de justice ».

La doctrine a débattu sur l'interprétation de cet article à cause de son libellé qui n'est ni clair ni précis. Certains, considéraient que les deux phrases formaient un tout indivisible ; avançaient que le Président de la République n'était justiciable de la Haute Cour de justice qu'en cas de haute trahison, et était justiciable des juridictions de droit commun pour tous les actes détachables ou antérieurs à l'exercice des fonctions. D'autres considéraient que les deux phrases étaient dissociables, soutenaient que la seconde phrase consacrait un privilège de juridiction au profit du chef de l'Etat.

En application de la seconde interprétation, toutes les infractions, y compris les faits de corruption, commises par le chef de l'Etat seraient de la compétence de la Haute Cour de justice.

La mise en cause de l'actuel Président de la République, Jacques Chirac a donné de l'importance à ces interprétations. En effet, la question a été tranchée en deux temps. La première fois par le Conseil constitutionnel dans une décision du 22 janvier 1999190(*)portant sur la conformité à la Constitution de la convention de Rome du 18 juillet 1998 portant statut de la Cour pénale internationale. Dans cette décision le conseil reconnaît au président un privilège de juridiction en considérant qu' « au surplus, pendant la durée de ses fonctions sa responsabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la Haute cour de justice ».

Cette interprétation du conseil constitutionnel a été modifiée par l`assemblée plénière191(*) de la Cour de cassation lorsqu'elle a eu à se prononcer sur la possibilité d'entendre le président de la République comme témoin. Elle décide que ce dernier ne peut être ni poursuivi, ni jugé pendant toute la durée de son mandat et elle ajoute que la prescription de l'action publique est suspendue pendant toute la durée du mandat. Il bénéficie, dés lors, d'une inviolabilité temporaire et non plus d'un privilège de juridiction.

On remarque ainsi que les faits de corruption ne peuvent pas être réprimés pendant la durée du mandat par la Haute Cour de justice et qu'ils sont de la compétence des juridictions de droit commun lorsque ce mandat arrive à terme.

Quant aux Ministres, depuis la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993, les membres du gouvernement sont jugés par la Cour de justice de la République et non plus par la Haute cour de justice. La procédure suivie devant cette juridiction est relativement lourde et complexe.

En effet, la personne qui se prétend lésée doit impérativement porter plainte auprès de la commission des requêtes. Cette commission a le pouvoir de classer sans suite ou de transmettre le dossier au procureur général prés la Cour de cassation, en d'autres termes, elle a un pouvoir de filtrage. Une commission d'instruction est saisie pour instruire in rem et in personam puisque l'instruction dans ce cas ne concerne que le Ministre mis en cause et non ces complices ou ses coauteurs. Il faut enfin signaler qu'aucune constitution de partie civile n'est admise devant cette juridiction192(*).

Suite à cette réforme constitutionnelle l'article 68-1de la constitution prévoit que la cour est compétente pour les actes accomplis par des Ministres dans l'exercice des fonctions et qualifiés de crimes ou délits au moment où ils étaient commis.

Avant l'arrêt de la Cour de cassation du 26 juin 1995193(*) relatif à l'affaire Carignon, la jurisprudence ne faisait pas la distinction entre les actes accomplis dans l'exercice de la fonction et les actes accomplis à l'occasion de l'exercice des fonctions. Ce qui avait pour conséquences que les ministres soupçonnés étaient justiciables de cette juridiction d'exception.

Lors de l'arrêt Carignon, la Cour de cassation a précisé que « les actes commis par un ministre dans l'exercice de ses fonctions sont ceux qui ont un rapport direct avec la conduite des affaires de l'Etat relevant de ces attributions, à l'exclusion des comportement concernant la vie privée ou les mandats électifs locaux ».

Désormais la Cour de cassation, dans des affaires mettant des Ministres en cause pour des faits de corruption194(*), considère que les actes accomplis dans l'exercice des fonctions ne comprennent pas les actes accomplis à l'occasion de l'exercice des fonctions mais ils recouvrent seulement ceux ayant un rapport direct avec la conduite des affaires de l'Etat.

Par conséquent, les faits de corruption ne relèvent plus de la compétence de la Cour de justice de la République à moins qu'ils n'aient un rapport direct avec la conduite des affaires de l'Etat.

S'agissant enfin des parlementaires, ils relèvent des juridictions de droit commun et non pas d'une juridiction d'exception. Toutefois, les poursuites ne pouvaient être engagées, auparavant, qu'avec l'autorisation de l'assemblée dont relevait le parlementaire pendant les sessions ou avec l'autorisation du bureau de cette assemblée hors session. Ce régime d'inviolabilité a été modifié par la loi constitutionnelle du 4 août 1995195(*). Désormais, sont seules soumises à autorisation du bureau de l'assemblée les mesures privatives ou restrictives de liberté hors le cas de flagrant délit ou de condamnation définitive.

b-La Haute Cour en Tunisie 

Il existe une seule juridiction d'exception relative aux hommes politiques en Tunisie. Il s'agit de la Haute Cour prévue par l'article 68 de la Constitution tunisienne qui dispose que celle-ci est compétente pour juger les membres du gouvernement en cas de haute trahison. La compétence de la Haute Cour a été déterminée par la loi du 1 avril 1970196(*) qui reprend dans son article premier les mêmes termes de la Constitution mais elle ajoute dans son article 2 une définition de la haute trahison. Il s'agit en effet d' « ... actes accomplis dans l'exercice des fonctions et qualifiés de crimes ou délits au moment où ils étaient commis et qui portent atteinte à la réputation de l'Etat ».

A notre sens cet article, dans sa version française, a été mal traduit puisqu'il laisse croire que les actes accomplis dans l'exercice des fonctions sont ceux ayant un rapport direct avec la conduite des affaires de l'Etat alors que le texte arabe prévoit la compétence de la Haute Cour lorsque la personne, ayant la qualité de Ministre, commet des actes qualifiés de crimes ou délits.

Ainsi, la Haute Cour a une compétence exclusive pour juger les membres du gouvernement contrairement à la Cour de justice de la République en France qui n'a qu'une compétence concurrente à celle des tribunaux répressifs.

Par conséquent, cette juridiction d'exception tunisienne est compétente pour juger les faits de corruption, qu'ils aient un rapport direct avec la conduite des affaires de l'Etat ou non, du moment qu'ils sont commis par des Ministres.

Quant au président de la République, l'article 41 de la Constitution197(*) dispose que : « Le Président de la République bénéficie d'une immunité juridictionnelle durant l'exercice de ses fonctions. Il bénéficie aussi de cette immunité juridictionnelle après la fin de l'exercice de ses fonctions en ce qui concerne les actes qu'il a accomplis à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ». Ainsi, aucune poursuite n'est possible contre le chef de l'Etat.

Quant aux parlementaires, ils relèvent des juridictions de droit commun et non pas d'une juridiction d'exception. Toutefois, ils bénéficient d'un régime d'inviolabilité puisque les poursuites ne peuvent être engagées qu'avec l'autorisation de l'assemblée dont relève le parlementaire pendant les sessions ou avec l'autorisation du bureau de cette assemblée hors session. On remarque à ce niveau que c'est le même régime d'inviolabilité qui existait en France avant la réforme constitutionnelle du 4 août 1995.

2-Le Tribunal militaire

S'agissant de la législation française. Une distinction, relative aux juridictions militaires compétentes, est faite entre le temps de paix et le temps de guerre.

En temps de paix, les infractions militaires et les infractions de droit commun commises par les militaires agissant dans le service sont en principe jugées par les juridictions de droit commun conformément à l'article 697-1 CPP tel que modifié par la loi du 21 juillet 1982. Cependant, il existe encore des juridictions militaires en temps de paix, par exemple les tribunaux aux armées qui opèrent à l'étranger et qui connaissent des infractions de toute nature, y compris la corruption, commises par les militaires ou les personnes à leur suite, ainsi que des infractions contre les forces armées françaises ou contre leurs établissements198(*).

En cas d'état de siège ou d'urgence déclaré, les infractions de toute nature, y compris la corruption, commises par les militaires et les infractions contre les forces armées sont de la compétence des tribunaux territoriaux des forces armées qui sont établies sur le territoire nationale199(*).

En temps de guerre, la compétence est celle des tribunaux territoriaux des forces armées qui connaissent des infractions commises par les militaires ainsi que des crimes ou délits contre les intérêts fondamentaux de la nation et des infractions qui leur sont connexes200(*).

En Tunisie, c'est le tribunal militaire qui est compétent pour connaître de certaines infractions commises par des militaires. L'organisation et la compétence de cette juridiction sont prévues par le décret du 10 janvier 1957201(*).

Aucun article de ce décret ne prévoit expressément les faits de corruption comme étant un infraction relevant de la compétence du Tribunal militaire. Cependant l'article 5 dudit décret dispose que ce tribunal est compétent pour connaître des infractions commises contre les intérêts de l'armée.

On peut imaginer qu'un militaire sollicite ou agrée des offres en vue d'accomplir des actes qui sont contraires aux intérêts de l'armée. Rien ne s'oppose, dans ce cas, à ce que le tribunal militaire soit compétent pour connaître des faits de corruption commis par un militaire.

SECTION 2 : LES PROBLEMES RELATIFS A LA MISE EN OEUVRE DE LA POURSUITE 

La clandestinité des faits de corruption, comme on l'a déjà évoqué, a pour principal effet ; La difficulté de prouver ces faits, par conséquent, l'infraction demeure impunie (para1). A cette difficulté de la preuve vient s'ajouter la prescription qui peut être à son tour un obstacle à la répression (para2).

PARA 1 : La clandestinité des faits de corruption et la difficulté de preuve 

L'appréhension des faits de corruption nécessite une spécialisation puisque l'infraction est dissimulée dans des données comptables apparemment régulières, quant aux auteurs sont cachés par des sociétés écrans. Il faut alors que les enquêteurs soient spécialisés et formés pour la recherche de tout ce qui est licite. Cette spécialisation si elle existe dans la législation française(A), elle fait défaut en droit tunisien(B).

A-La spécialisation dans la recherche des preuves en France

La spécialisation dans la découverte des faits de corruption ne se limite pas aux juridictions de jugement, en effet, elle existe dans toutes les phases de la procédure, c'est à dire, enquête, poursuite, instruction et jugement.

La spécialisation des organes de l'enquête ne concerne pas uniquement les faits de corruption mais toutes les infractions en matière économique et financière énumérées par l'article 704 CPPF. D'autre part, la spécialisation concerne les services de police et de gendarmerie:

La direction centrale de la police judiciaire, dont les agents peuvent effectuer des enquêtes sur l'ensemble du territoire, comporte deux divisions spécialisées. La division dite des infractions au droit des affaires, chargée de la répression des infractions aux lois sur les sociétés, de fraude fiscale et de la corruption. La deuxième est; l'office central pour la répression de la grande délinquance financière qui traite les infractions à caractère économique, commercial et financier liée à la criminalité organisée.

Quant aux juridictions spécialisées, la loi du 6 août 1975202(*) modifiée par la loi du 1 février 1994 précédemment citée, a institué dans chaque ressort de cour d'appel, un ou plusieurs tribunaux de grande instance comportant des magistrats spécialisés et compétents pour l'instruction et le jugement de ces infractions et de celles leur étant connexes. La saisine de ces juridictions peut intervenir dés les premiers éléments de l'enquête; Il apparaît ainsi un parquet spécialisé. Ainsi, les juridictions spécialisées peuvent voir leur compétence élargie pour englober toutes les phases de la procédure.

Ces juridictions spécialisées ont vu leur efficacité renforcée du fait de la création des assistants spécialisés203(*), dont le statut a été amélioré par la loi du 9 mars 2004 dite loi Perben 2, il s'agit de personnes ayant acquis, au cours de leur parcours professionnel, des compétences en matière économique et financière, à titre d'exemple des agents des impôts, des douanes etc. Ces assistants spécialisés suivent une formation obligatoire préalable à leur entrée en fonction. Ils peuvent dorénavant assister les juges d'instruction ou les officiers de police judiciaire agissant sur commission rogatoire dans tous les actes d'information, ainsi que les magistrats du Ministère public dans l'exercice de l'action publique.

En conclusion, les juridictions spécialisées ont une compétence supplémentaire, puisqu'elle vient s'ajouter à la compétence de la juridiction d'origine qui reste saisie et elle est facultative puisque la juridiction ne sera saisie que si l'affaire apparaît d'une grande complexité au magistrat originellement compétent.

B-L'absence de la spécialisation dans la recherche des preuves en Tunisie

En Tunisie, si on analyse les articles relatifs à la corruption, on remarque que le législateur n'a pas précisé un moyen de preuve bien déterminé à appliquer en cas de faits de corruption. Ainsi ce sont les règles générales prévues dans les articles 150 CPPT et suivant qui sont applicables.

La preuve des faits de corruption est l'un des problèmes majeurs qu'un juge peut rencontrer, ceci s'explique par la clandestinité de ces faits et la prudence des auteurs d'une telle infraction. La difficulté de prouver la corruption a pour regrettable conséquence de faire obstacle à la répression surtout si la sollicitation porte sur un objet qui n'a qu'un intérêt moral.

Ainsi, la facilité de preuve des faits de corruption dépend de la nature des intérêts reçus par l'auteur de l'infraction et de la nature de la corruption, en d'autres termes, passive ou active.

Si l'avantage prévu dans le pacte de corruption est une promesse ou une recommandation, il serait difficile de prouver cette infraction. Les juges, de leur coté, pour dépasser une telle difficulté se réfère aux présomptions de fait recueillies par les magistrats instructeurs, à titres d'exemple, les dépenses d'un fonctionnaire public qui ne correspondent pas à ses ressources, toutefois ils sont tenus de motiver leurs décisions. Il faut préciser que la motivation de la décision est obligatoire et cette obligation est due à une jurisprudence constante.

D'un autre coté, la tâche du juge, dans la recherche de la vérité, est facilitée par le rôle du juge d'instruction, sachant qu'en Tunisie l'instruction est obligatoire en matière de crimes et facultative en matière de délits, d'où l'instruction est obligatoire pour les cas de corruption passive prévus par les articles 83 et 84 CPT et dans le cas de corruption active prévu par l'article 94 CPT, mais elle reste facultative dans les autres cas puisqu'ils sont qualifiés de délits.

A son tour, le juge d'instruction voit son rôle facilité par l'information menée par l'administration à laquelle appartient le fonctionnaire public, en effet, l'administration ouvre une information administrative à l'encontre de ce dernier afin d'accumuler les preuves relatives à la corruption.

A la clôture de cette information administrative, le supérieur hiérarchique de l'administration décide, soit le classement sans suite, soit la prononciation d'une peine administrative.

L'information administrative permet au juge d'instruction d'être éclairé sur les faits, toutefois, en cas de prononciation d'une peine disciplinaire par le supérieur hiérarchique de l'administration, cette décision ne lie pas le juge d'instruction quant à la suite qu'il va donner à l'information judiciaire qu'il a ouvert.

Lors de l'instruction judiciaire le juge d'instruction procède à tous les actes nécessaires pour la manifestation de la vérité tels que l'audition des témoins, des perquisitions, des expertises, toutefois, l'instruction reste facultative dans les cas où l'infraction de corruption est qualifiée de délit conformément à l'article 47 CPPT qui dispose :  « l'instruction préparatoire est obligatoire en matière de crime ; sauf dispositions spéciales, elle est facultative en matière de délit et de contravention. » et rien dans le code n'exige une instruction obligatoire au cas où la corruption constitue un délit . On remarque que l'article 47 CPPT reprend les mêmes termes de l'article 79 CPPF concernant les cas dans lesquels l'instruction préparatoire est obligatoire.

Il est regrettable, à notre sens, que l'instruction ne soit pas obligatoire dans tous les cas de corruption vu la gravité de cette infraction qui porte atteinte à la transparence de la fonction publique. D'autre part, il serait préférable que le législateur tunisien s'inspire de son homologue français et crée des juridictions d'enquête, d'instruction et de jugement spécialisées.

PARA 2 :La prescription de l'action publique

L'écoulement du temps entraîne la prescription de l'action publique de sorte que l'auteur échappe à la répression et ne peut être poursuivi. Le mécanisme de prescription existe en France et en Tunisie et se justifie par l'idée qu'au bout d'un certain temps, mieux vaut oublier l'infraction que raviver le souvenir. De plus, l'écoulement du temps entraîne la perte des preuves et multiplie le risque d'erreur judiciaire.

Malgré les justifications de la prescription, une hostilité croissante envers celle-ci émane des juges ainsi que des législateurs et qui se fonde sur le refus d'impunité de l'auteur de l'infraction. Cette hostilité est plus importante lorsqu'il s'agit d'infractions d'affaires qui se caractérisent par la clandestinité qui rend leur découverte dans un délai de trois ans inacceptable204(*).

Ainsi la prescription apparaît comme un obstacle à la poursuite, toutefois la jurisprudence française, contrairement à la jurisprudence tunisienne, a essayé de trouver un moyen pour surmonter cet obstacle en retardant le point de départ du délai de prescription(B).

A noter, que si le délai de prescription est fixé à trois ans depuis la correctionnalisation de la corruption suite à la loi de 1943 en France, ce délai est variable en Tunisie selon que l'infraction est qualifiée de crime ou de délit (A).

A-Les délais de prescription 

Selon, l'article 8 CPPF « En matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois années révolues » et l'article 7 CPPF ajoute que le point de départ de celle-ci est le jour de la commission de l'infraction.

Ainsi, le délit de corruption se prescrit par trois années révolues à compter du jour de sa commission.

En Tunisie, l'infraction de corruption est qualifiée dans certains cas de crime et dans d'autres cas de délit, ceci a pour principal effet de varier le délai de prescription de l'action publique selon la qualification de la dite infraction. L'article 5 CPPT dispose  « Sauf dispositions spéciales de la loi, l'action publique qui résulte d'un crime se prescrit par dix années révolues, celle qui résulte d'un délit par trois années révolues.. et ce à compter du jour où l'infraction a été commise... ».

Ainsi, est qualifié de délit de corruption, dont le délai de prescription est de trois années révolues ; la corruption active prévue dans l'article 91 CPT alinéa 1er qui dispose : « Est punie de cinq ans d'emprisonnement et de cinq mille dinars d'amende, toute personne qui aura corrompu ou tenté de corrompre par des dons ou promesses de dons, ou présents ou avantages de quelque nature que ce soit l'une des personnes visées à l'article 82 du présent code(fonctionnaire public).. ». Ensuite, le délit d'octroyer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives et réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté de participation et l'égalité des chances dans les marchés passés, prévu par l'article 87 bis CPT, et enfin, le délit prévu dans l'article 85 CPT relatif au fonctionnaire qui accepte des dons ou présents après l'accomplissement ou non de l'acte de la fonction.

D'autre part, le délai de prescription est porté à dix années révolues dans le cas où l'infraction de corruption est qualifiée de crime, à titre d'exemple ; les cas des articles 83 CPT relatif au fonctionnaire public ou assimilé qui, soit personnellement, soit par intermédiaire, pour lui-même ou pour autrui, agrée des offres ou promesses ou reçoit des dons ou présents pour faire un acte de sa fonction, même juste, mais non sujet à salaire, puis, l'article 84 CPT relatif au fonctionnaire public ou assimilé qui a provoqué ces offres ou promesses ou la remise de dons ou présents.

Ensuite, la corruption passive des magistrats prévue dans les articles 88 et 89 CP et enfin, le cas de corruption active des fonctionnaires publics accompagné de contrainte ou de tentative de contrainte par voies de fait ou menaces, conformément à l'article 91 CPT.

On a déjà vu que le délit de corruption en France comme en Tunisie se prescrit par trois années, ce délai s'est avéré en pratique comme obstacle à la répression d'où des solutions ont été trouvées par la jurisprudence française.

B-le retardement du point de départ du délai de prescription par la jurisprudence 

La Cour de cassation française, malgré l'absence de textes, soucieuse de retarder le plus possible le point de départ du délai de prescription, a élaboré et développé une jurisprudence ne faisant pas courir le délai de prescription de certaines infractions instantanées du jour de leur consommation. Deux formes d'infractions instantanées sont concernées par cette jurisprudence celles qui s'exécutent sous forme de remises successives de fonds ou d'actes réitérés, et celles qui sont occultes ou s'accompagnent de manoeuvres de dissimulation qui les rendent difficile à découvrir205(*).

S'agissant d'abord des infractions s'accompagnant de manoeuvres de dissimulation, l'exemple type est celui de l'abus de biens sociaux. En effet à raison de la nature occulte de ce délit, un délai de prescription de trois ans à compter du jour de sa consommation n'aurait pas permis, dans la plupart des cas, d'exercer des poursuites contre son auteur qui aurait ainsi bénéficié d'une impunité inacceptable. C'est pourquoi la Cour de cassation s'est efforcée de retarder le point de départ de la prescription. Cette jurisprudence a connu une évolution qui s'est déroulée en trois phases.

Dans un premier temps la Cour de cassation a retardé le point de départ de la prescription triennale au jour où le délit est apparu et a pu être constaté, c'est à dire au jour de la découverte206(*).

Dans un deuxième temps la Cour de cassation a précisé que le point de départ de la prescription triennale doit être fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, en d'autres termes, par les seules personnes habilitées à mettre cette action en mouvement : les victimes et le ministère public207(*).

Enfin la chambre criminelle s'est fondée sur les dispositions du Code de commerce pour décider que le délai de prescription de l'action publique du chef d'abus de biens sociaux ne commence à courir, sauf dissimulation, qu'à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises indûment à la charge de la société208(*).

S'agissant ensuite des infractions instantanées qui s'exécutent sous forme de remises successives de fonds ou d'actes réitérés, on peut citer l'escroquerie, le trafic d'influence, le délit de prise illégale d'intérêt et le délit de corruption209(*). Concernant ce dernier délit, il est admis, depuis la réforme de 1943, qu'il est pleinement consommé, dès que le fonctionnaire a sollicité des dons, des présents ou des promesses ou dès que le corrupteur a formulé des propositions illicites.

Or c'est ce point de départ retardé du délai de prescription qui a posé un problème. La difficulté apparaît spécialement dans le cas d'un pacte délictueux remontant à plus de trois années, mais dont l'exécution échelonnée se poursuit actuellement : l'activité présente du corrupteur et du corrompu n'échappe-t-elle pas à l'action publique, au prétexte que l'accord initial est maintenant hors d'atteinte de la loi pénale210(*) ?

Pour empêcher l'accomplissement éventuel de la prescription, la Cour de cassation a décidé que si le délit de corruption est une infraction instantanée, consommée dès la conclusion du pacte de corruption entre le corrupteur et le corrompu, il se renouvelle à chaque acte d'exécution dudit pacte. Cette solution a été reprise par plusieurs arrêtes qui utilisent la même formule, à savoir :« Des délits successifs se sont renouvelés aussi longtemps qu'a existé le concert frauduleux »211(*).

D'après le professeur Vitu Cette solution ne contredit nullement l'affirmation, toujours exacte, que la corruption de personnes chargées d'une fonction publique est une infraction instantanée. Il ajoute que le législateur « attache équivalemment la qualification de corruption consommée à la sollicitation d'une rémunération, à l'acceptation d'offres ou de promesses, et à la réception de dons ou de présents : ces divers moments, qui peuvent être séparés dans le temps par des intervalles plus ou moins longs, caractérisent tous identiquement l'accomplissement de la corruption; à chaque manifestation de la volonté coupable, le délit se manifeste à nouveau complètement212(*) ».

A notre sens, deux remarques doivent être faites à ce niveau. La première est relative au législateur tunisien qui ne retarde pas le point de départ des infractions instantanées. Cette solution respecte certes la règle de l'interprétation stricte de la loi mais elle a pour inconvénient d'empêcher la répression des faits de corruption.

La deuxième est destinée aux deux législateurs, il est temps, en effet, que les délais de prescription soient allongés afin d'éviter qu'ils soient un obstacle à la répression. Nous proposons que ce délai soit porté à cinq ans en matière de délit et à quinze ans en matière de crime.

CHAPITRE II : LA COMPARAISON DES PEINES 

La majorité des droits positifs classifient les peines en peines principales et peines complémentaires, c'est le cas du droit tunisien et le droit français. A ces deux peines viennent s'ajouter d'autres peines, à titre d'exemple ; les peines accessoires, qui ne figurent plus dans le nouveau code pénal français, ensuite les peines alternatives et parfois et dans certaines législations des peines disciplinaires. Ainsi, la comparaison portera sur les peines principales (section 1) et les autres peines (section 2) à savoir ; complémentaires, accessoires et disciplinaires.

SECTION I : LES PEINES PRINCIPALES 

Aujourd'hui comme hier, en France, les peines principales sont essentiellement la privation de liberté et l'amende. A ces deux peines principales s'ajoute, en Tunisie, la peine de mort, qui a été abolie en droit français, et le travail d'intérêt général. En matière de corruption, en France comme en Tunisie, les peines principales appliquées sont ; les peines privatives de liberté (para 1) et l'amende (para2).

PARA I : Les peines privatives de liberté

Si, en France, l'infraction de corruption est qualifiée de délit depuis sa correctionnalisation en 1943, cette qualification n'est pas, tout le temps, retenue en Tunisie puisque l'infraction peut être qualifiée de crime ou de délit selon les peines prévues et qui peuvent être criminelles ou délictuelles. Ainsi, seront étudiée les peines correctionnelles (A) et les réclusions criminelles (B).

A-Les peines correctionnelles

En Tunisie, la chambre correctionnelle est compétente en matière de délits (article124CPPT). Ainsi, est du ressort de la dite chambre toutes les infractions de corruption qui sont punies d'une peine privative de liberté ne dépassant pas cinq ans d'emprisonnement. A titre d'exemple ; la corruption active prévue dans l'article 91 CPT alinéa 1er qui dispose : « est punie de cinq ans d'emprisonnement ....., toute personne qui aura corrompue ou tenté de corrompre par des dons ou promesses de dons, ou présents ou avantages de quelque nature que ce soit l'une des personnes visées à l'article 82 du présent code(fonctionnaire public).. » et cet article ajoute que les mêmes peines sont applicables à toute personne ayant servi d'intermédiaire entre le corrupteur et le corrompu.

Une peine correctionnelle de cinq ans d'emprisonnement est prévue pour le délit d'octroyer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives et réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté de participation et l'égalité des chances dans les marchés passés prévu par l'article 87 bis CPT.

A notre sens, la peine prévue pour ce délit n'est pas compatible avec la gravité des faits reprochés.

Enfin, le délit prévu dans l'article 85 CPT qui dispose : « . Si le fonctionnaire public ou assimilé a accepté des dons, promesses, présents ou avantages de quelque nature que ce soit en récompense d'actes qu'il a accomplis...est puni de cinq ans de cinq ans d'emprisonnement... ».

Ce délit est constitué une fois le fonctionnaire a accepté des dons ou présents après l'accomplissement ou non de l'acte de la fonction, ce qui le distingue du cas prévu à l'article 83 CPT relatif à l'acceptation des dons avant l'accomplissement de l'acte.

L'article 85 CPT prévoit une peine de cinq ans d'emprisonnement depuis la loi du 23 mai 1998 au lieu d'un an avant la promulgation de la dite loi, ce qui affirme la politique répressive suivie en Tunisie en matière de corruption.

En France, depuis la correctionnalisation de la corruption par la loi du 16 mars 1943, le législateur prévoit dans tous les cas de corruption une peine d'emprisonnement de dix ans, à l'exception de l'article 434-9 CPF qui prévoit la réclusion criminelle de quinze ans.

B-Les réclusions criminelles

La loi du 16 mars 1943 avait enlevé à la corruption de fonctionnaires le caractère de crime qu'elle possédait. Cependant cette loi avait laissé le caractère criminel à deux hypothèses de corruption. Il s'agit dans le premier cas de la corruption ayant pour objet un fait criminel comportant une peine plus forte que l'emprisonnement, par exemple la corruption tendant à la commission d'un faux en écritures publiques. Le deuxième cas est celui de la corruption passive commise par des juges ou des jurés à l'occasion de justice rendue en matière criminelle. Ce sont les hypothèses qui étaient prévues dans les articles 180,182 ACP. Mais en pratique, ce texte n'a pas reçu d'application.

L'article 434-9 NCP n'a laissé subsister, qu'une seule de ces causes d'aggravation des peines. En effet, lorsqu'un magistrat est coupable de corruption passive au bénéfice ou au détriment d'une personne faisant l'objet de poursuites criminelles ; la peine principale encourue est la réclusion criminelle de quinze ans. Deux différences séparent cette circonstance aggravante de celle à laquelle elle a succédé : d'une part le juré n'est plus mentionné ; d'autre part, sont visés non seulement les juges siégeant à la cour d'assises, mais aussi tous ceux qui, à un moment ou à un autre, sont mêlés à la poursuite ou à l'instruction d'une affaire criminelle : membres du parquet, juge d'instruction, juge des libertés et de la détention, membres de la chambre d'accusation213(*).

Cette sévérité s'explique par la gravité des faits reprochés aux magistrats, et les conséquences désastreuses, que peut entraîner un tel pacte entre les parties, sur la liberté des individus et le maintien de l'ordre public.

Il faut souligner la notable simplification du système actuel, qui ne fait plus varier, contrairement au droit antérieur214(*), la répression selon que l'accomplissement ou l'abstention porte sur un acte facilité par la fonction ou un acte de la fonction.

En Tunisie, il n'y a pas eu une correctionnalisation de l'infraction de corruption, au contraire, le législateur tunisien a aggravé la durée des peines privatives de liberté avec la réforme du 23 mai 1998. Il faut signaler d'abord, qu'en Tunisie, la distinction entre réclusions criminelles et emprisonnement n'existe pas puisque toutes les peines privatives de liberté, en matière criminelle ou délictuelle sont appelées ; des peines d'emprisonnement.

Sachant qu'en droit tunisien les infractions punies d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans sont qualifiées de crimes, on remarque que le caractère criminel de la dite infraction est plus fréquent dans la législation tunisienne par rapport au droit français qui limite ce caractère au seul cas de corruption passive des magistrats. Il convient, donc, d'étudier les cas où la corruption est punie d'une peine d'emprisonnement criminelle.

Il faut signaler que même si les crimes sont punis, en Tunisie, d'une peine d'emprisonnement ne pouvant être inférieure à cinq ans, le législateur tunisien a prévu deux paliers qui sont loin du minimum prévu (5 ans).

Le palier supérieur, soit vingt ans d'emprisonnement, concerne le fonctionnaire public ou assimilé qui a provoqué la corruption prévue par l'article 84 CPT et la corruption passive de magistrat prévue par l'article 88 CPT qui dispose : « est puni de vingt ans d'emprisonnement, le juge, qui à l'occasion d'une infraction susceptible d'entraîner pour son auteur l'emprisonnement à vie ou la peine de mort, soit en faveur, soit au préjudice de l'inculpé » .

On remarque que dans les deux législations il y a une aggravation des peines privatives de liberté lorsque l'auteur de l'infraction a la qualité de magistrat. De plus, en Tunisie, contrairement à la législation française, on parle toujours de « l'inculpé » au lieu du «  mis en examen » malgré l'atteinte grave à la présomption d'innocence.

Le deuxième palier, est de dix ans d'emprisonnement, concerne la corruption passive de fonctionnaire public ou assimilé prévue par l'article 83 CPT alors que la peine prévue pour ce crime, avant la réforme de mai 1998, était de cinq ans d'emprisonnement. Est puni de dix ans d'emprisonnement la corruption active de fonctionnaire public ou assimilé accompagnée de contrainte par voies de fait ou menaces exercées sur eux personnellement ou sur l'un des membres de leur famille conformément au dernier paragraphe de l'article 91 CPT.

On remarque que, pour ce second palier, même si l'infraction est qualifiée de crime en Tunisie, la durée des peines privatives de liberté est la même qu'en droit positif français qui qualifie l'infraction de délit. Ainsi, il y a une divergence, entre les deux droits, quant à la qualification de l'infraction et une convergence quant à la durée des peines privatives de liberté.

PARA II : L'amende 

Les législateurs utilisent l'amende comme une peine qui vient s'ajouter à la peine privative de liberté à titre de peine principale. Ils décident, soit d'imposer au juge de les prononcer l'une et l'autre, soit lui donner le choix entre les deux. Toutefois, il existe deux techniques relatives à l'application de l'amende ; la première est la technique des amendes proportionnelles (A) et la seconde est celle des amendes fixes (B). ainsi, la comparaison relative à l'amende portera sur la technique utilisée par les législateurs en matière de corruption.

A- les amendes proportionnelles

En France, dans l'ancien système, pour la corruption de fonctionnaire, l'amende pouvait être double de la valeur des promesses agréées ou des choses reçues ou demandées. Cette technique de l'amende proportionnelle a été abandonnée par le nouveau code pénal qui prévoit des amendes fixes.

En Tunisie, le législateur, par la réforme du 23 mai 1998, a augmenté le taux des amendes, en plus il a insisté sur l'obligation qu'elles soient appliquées par les juges lors de la prononciation de la peine privative de liberté.

Ainsi, l'amende minimum est de mille dinars (700euros), au lieu de mille francs au sein des anciennes dispositions. Et de vingt mille dinars, pour le taux maximal.

A noter, qu'en Tunisie, malgré la réforme, le législateur utilise la technique des amendes proportionnelles et la technique des amendes fixes, contrairement au législateur français qui s'est limité à la dernière seulement.

La technique des amendes proportionnelles est utilisée à deux reprises dans le cadre de la corruption, d'abord on la trouve pour la corruption passive de fonctionnaire public ou assimilé ( article 83 CPT) et dans le cas où la corruption passive est due à la provocation du fonctionnaire public ou de l'assimilé (84 CPT).

A ce niveau se pose le problème de la nature des choses agréées ou sollicitées, si elles ont une valeur non matérielle à titre d'exemple ; un rapport sexuel, il serait impossible d'appliquer la technique des amendes proportionnelles. On peut penser à l'article 82 CPT qui dispose : « Sans qu'elle puisse être inférieure à dix milles dinars ( sept milles euros) ». Ainsi, dans ce cas c'est le minimum prévue par la loi qui sera applicable.

Concernant l'application des amendes, le juge est tenu de les appliquer depuis la loi du 23 mai 1998, alors qu'il avait le choix quant à leur application auparavant ce qui prouve la politique répressive suivie par le législateur tunisien en matière de corruption.

B-Les amendes fixes 

Le nouveau code pénal 1994 a remplacé la technique des amendes proportionnelles par des amendes fixes215(*). Désormais, il y a quatre nouveaux paliers ; Le palier supérieur est de (225000 euros ) qui correspond à la réclusion criminelle de quinze ans pour la corruption passive des magistrats prévue à l'article 434-9 CPF. Vient ensuite le palier de (150 000 euros) et il accompagne systématiquement la peine de dix ans d'emprisonnement. Puis, le palier de ( 75 000 euros) est jumelé avec la peine de cinq ans d'emprisonnement et enfin, le palier inférieur de (30 000 euros) qui va de pair avec la peine de deux ans d'emprisonnement.

Pour certains auteurs, la technique des amendes fixes adoptée par le législateur est regrettable et ils demandent l'application de l'ancienne technique des amendes proportionnelles216(*).

En Tunisie, le législateur fait appel aux deux techniques, il utilise d'une part les amendes proportionnelles et d'autre part les amendes fixes. Il existe, comme c'est le cas en France, quatre paliers. Le premier palier est de dix milles dinars qui correspond à la corruption active de fonctionnaire public en vue d'accomplir un acte lié à sa fonction mais non sujet à contrepartie accompagnée de contrainte par voies de fait ou de menaces.

Le deuxième palier est de cinq milles dinars qui correspond à la corruption active de fonctionnaire public ou assimilé prévue par l'article 85 CPT, ainsi que la corruption active de fonctionnaire public en vue d'accomplir un acte lié à sa fonction, même juste, mais non sujet à contrepartie, ou de faciliter l'accomplissement d'un acte lié à sa fonction, ou de s'abstenir d'accomplir un acte qu'il est de son devoir de faire. L'amende est appliquée, dans ce cas, pour la tentative et elle est prononcée à l'encontre de l'intermédiaire.

Le troisième palier est de deux milles dinars et il est prévu pour la tentative de voies de fait ou menaces qui n'a eu aucun effet. Le dernier palier est de mille dinars d'amende et il correspond à la tentative de corruption qui n'a eu aucun effet.

On remarque qu'en droit tunisien, contrairement au droit français, la tentative est punissable, de plus aucune peine d'amende n'est prévue pour la corruption active ou passive des magistrats, ces derniers ne risquent que l'emprisonnement comme peine principale, ce qui est regrettable, à notre sens, vu la gravité des faits qui leur sont reprochés.

SECTION II : LES AUTRES PEINES 

Sous l'empire du code de 1810, on parlait des peines principales, complémentaires et accessoires. Les peines accessoires s'ajoutent automatiquement à la peine principale et elles n'ont pas à être prononcées expressément par le juge. Après la promulgation du nouveau code pénal il convient de parler des peines principales, alternatives et complémentaires217(*).

En principe, les peines accessoires ou automatiques ont disparu avec le nouveau code pénal et ce par application de l'article 132-17 qui dispose :  « aucune peine ne peut être appliquée si la juridiction ne l'a pas expressément prononcée ».

En Tunisie, la distinction est faite entre peines principales et peines complémentaires. A noter, que le législateur tunisien s'il utilise le terme « complémentaire » dans le texte arabe, il le traduit dans le texte français de «  peines accessoires ». Cette faute de traduction doit être, à notre sens, modifiée vu la différence qui existe entre les peines complémentaires et les peines accessoires en droit comparé, à titre d'exemple, le droit français.

Les peines complémentaires, en Tunisie, sont prévues dans l'article 5 CPT et certaines d'entre elles sont reprises dans les dispositions relatives à la corruption dans les articles 83 CPT et suivant. Il s'agit de la confiscation et l'interdiction d'exercer les fonctions publiques.

En France, des peines complémentaires viennent s'ajouter aux peines principales. Ces peines sont indiquées par l'article 432-17 CPF.

A noter que malgré la disparition des peines accessoires celles-ci subsistent en matière de corruption dans deux cas. Ainsi, seront étudiées ; les peines complémentaires( para 1) et les peines accessoires(para2).

PARA I : Les peines complémentaires 

L'article 432-17 CPF prévoit les peines complémentaires applicables en matière de corruption, on commence par l'interdiction des droits civils, civiques et de famille, puis on a l'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale, ensuite la confiscation et enfin l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée. Cette dernière peine est prévue en droit tunisien comme peine complémentaire, en effet, l'article 5 CPT parle de `'la publication, par extraits, de certains jugements''.

En Tunisie, les peines complémentaires sont prévues dans l'article 5 CPT et deux d'entre elles sont reprises dans le cadre de la corruption ; la confiscation et l'interdiction d'exercer une fonction publique.

Ainsi, la comparaison portera sur l'interdiction d'exercer une fonction publique(A) et la confiscation(B).

A-L'interdiction d'exercer une fonction publique

L'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, prévue par l'article 432-17 CPF peut être définitive ou pour une durée de cinq ans. Elle existe pour la corruption passive et active des fonctionnaires nationaux mais limitée à cinq ans, elle est prévue pour la corruption passive et active des fonctionnaires européens et pour la corruption d'agents publics étrangers mais limitée à cinq ans et enfin pour la corruption active ou passive aux fins d'obtenir de faux certificats. En revanche, cette interdiction disparaît dans le cas de la corruption active ou passive de magistrat (art 434-44 CPF) et pour la corruption de salarié (art l 152-6 C Travail).

Selon certains auteurs ;'' il est vraiment insensé de laisser officier un juge corrompu,...il peut paraître regrettable de ne pouvoir leur interdire l'exercice d'une activité professionnelle 218(*)''.

En Tunisie, l'interdiction d'exercer des activités professionnelles est prévue dans l'article 83 CPT, relatif à la corruption passive de fonctionnaire, qui ajoute l'interdiction de gérer les services publics et de les représenter. Cette interdiction ne s'applique qu'aux personnes ayant la qualité de fonctionnaire public ou assimilé, d'où le corrupteur et l'intermédiaire échappent à la répression, ce qui est, à notre sens, regrettable puisque l'auteur de la corruption active ou l'intermédiaire peuvent avoir la qualité de fonctionnaire public mais ils ne se voient pas appliquer cette peine complémentaire.

On remarque que si cette peine fait seulement défaut pour la corruption active et passive de magistrat et la corruption de salarié en France, elle fait défaut, de prime abord, dans tous les cas de corruption en Tunisie excepté la corruption passive de fonctionnaire public. Cet oubli a été évité par le législateur tunisien.

En effet, l'article 115 CPT dispose que « dans tous les cas prévus dans le présent chapitre, le tribunal pourra faire application des peines accessoires, ou l'une d'entre elles, édictées par l'article 5 CPT ». Sachant que le chapitre mentionné ci-dessus est relatif aux infractions commises par les fonctionnaires publics ou assimilés dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de la fonction, dont fait partie la corruption. Quant à l'article 5 CPT il énumère les peines complémentaires parmi lesquelles on trouve l'interdiction d'exercer une fonction publique.

On remarque que cet article s'applique pour tous les cas de corruption et l'interdiction d'exercer une fonction publique n'est plus limitée au seul cas de corruption passive de fonctionnaire prévue par l'article 83 CPT.

En conclusion, l'interdiction d'exercer une fonction publique si elle est limitée à des délits de corruption bien déterminés en France, elle peut être appliquée par les juridictions tunisiennes pour tous les cas de corruption.

B-La confiscation 

D'après l'article 94 CPT `' dans tous les cas de corruption, les choses données ou reçues sont confisquées au profit de l'Etat''.

Cet article parle des `'choses données ou reçues `', c'est à dire un bénéfice ayant une valeur matérielle. Cette interprétation n'est pas admise par toute la doctrine, certains auteurs pensent que la confiscation doit porter sur toutes les choses données ou reçues quelle que soit leur nature219(*).

On remarque que la confiscation est une peine obligatoire qui doit être prononcée à chaque fois que la culpabilité des auteurs est établie et qu'elle doit être faite au profit de l'Etat.

En cas de perte ou de cession des choses reçues c'est la valeur de celles-ci qui sera confisquée conformément à l'article 29 CPT220(*), mais on voit mal comment sera déterminée la valeur d'un bénéfice moral tel qu'un rapport sexuel ?

En France, l'article 432-17 CPF prévoit ; La confiscation, au profit du Trésor, des sommes ou des objets irrégulièrement reçus par l'auteur de l'infraction, à l'exception des objets susceptibles de restitution.

La confiscation a posé un certain nombre de problèmes auxquels la jurisprudence, sous l'empire de l'ancien Code pénal, a apporté des solutions qui gardent leur valeur pour l'application des textes actuels.

D'abord, la confiscation ne peut être prononcée que si la culpabilité du corrupteur ou celle du corrompu est retenue, cependant à cause de l'indépendance des infractions de corruption passive et de corruption active, il suffit de la culpabilité d'un seul pour justifier la mesure. Ainsi si le corrupteur échappait aux poursuites ou était acquitté, la confiscation devrait cependant être prononcée et le corrupteur serait sans droit pour réclamer les choses livrées221(*).

Ensuite, la confiscation ne peut porter que sur les choses livrées ou leur valeur ; elle ne peut donc être ordonnée si les choses ont été seulement promises222(*).

Enfin, c'est la chose elle-même que l'on doit confisquer, mais si cette chose ne se retrouve plus en nature on en confisque l'équivalent en valeur223(*).

Deux remarques doivent être faites à ce niveau, la première est relative à toutes les peines complémentaires, par contre la deuxième elle est exclusivement réservée à la confiscation..

Toutes les peines complémentaires précitées sont des peines facultatives laissées par conséquent à l'entière discrétion de la juridiction puisque l'article 432-17 CPF dispose que « Dans tous les prévus par le présent chapitre, peuvent être prononcées, à titre complémentaires les peines suivantes... ».

A notre sens, il est regrettable, du moins pour la confiscation, qu'elles soient facultatives pour le juge. Il serait préférable que le législateur français impose aux juges répressifs d'ordonner la confiscation dans tous les cas de corruption tel qu'il est le cas dans la législation tunisienne.

On remarque, en second lieu, que la peine complémentaire de confiscation est prévue dans tous les cas de corruption à l'exception de la corruption de salarié, or dans toute forme de corruption il est utile d'enlever au corrompu ou au corrupteur le bénéfice de son marché illicite.

Il serait préférable, donc, de généraliser cette peine complémentaire à toutes les infractions de corruption tel qu'il est le cas dans le Code pénal tunisien.

PARA II : Les peines accessoires ; subsistent-elles encore ?

On a déjà vu que les peines accessoires sont abrogées par le nouveau code pénal. Cependant, deux peines accessoires subsistent malgré leur condamnation en 1994(A).Ces peines applicables d'une manière automatique n'existent pas dans la législation tunisienne, mais elles sont remplacées par des peines disciplinaires qui sont prononcées par l'administration à laquelle appartient le fonctionnaire public(B)

A-Les peines accessoires 

La décision du conseil constitutionnel du 15 mars 1999224(*) a estimé contraire au principe de nécessité les peines automatiques, dites aussi peines accessoires. Toutefois, il y a deux peines qui ne sont pas touchées par cette fameuse décision.

La première de ces peines est l'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle attachée à une peine criminelle par exemple la corruption criminelle des magistrats prévue dans l'article 434-9 alinéa 3 CPF. Attachée, d'autre part, à une condamnation d'au moins trois mois fermes d'emprisonnement pour de nombreux délits correctionnels ce qui inclut les délits de corruption à l'exception de ceux d'agents publics communautaires ou étrangers. Cette interdiction est d'une durée minimale de cinq ans.

La deuxième peine accessoire résulte de l'article L.7 du code électoral dû à la loi du 20 janvier 1995225(*). Ce texte prive du droit d'être inscrit sur la liste électorale pendant un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive. Mais cette peine n'est pas applicable en cas de corruption active ou passive de magistrat. On trouve une peine complémentaire en droit tunisien, applicable en matière de corruption, prévue par l'article 5 CPT qui se rapproche de cette peine accessoire; il s'agit de l'interdiction d'exercer le droit de vote.

On remarque que plusieurs peines complémentaires ou accessoires ne sont pas applicables lorsqu'il s'agit de la corruption de magistrats, ce qui représente, à notre sens, une lacune du droit positif français.

B-Les peines disciplinaires

D'après l'article 51 de la loi relative à la fonction publique de 1983 les peines disciplinaires sont prononcées par le dirigeant de l'administration à laquelle appartient le fonctionnaire public. Il existe deux types de peines ; d'abord les peines disciplinaires de premier degré, il s'agit de l'avertissement et le blâme. Ensuite, les peines disciplinaires de second degré, il s'agit de la rétrogradation, la mutation obligatoire, le renvoi temporaire pour une durée maximale de trois mois avec suspension du versement du salaire et le renvoi définitif.

A noter que depuis une réforme de 1997226(*) le dirigeant de l'administration peut déléguer le pouvoir de prononcer des sanctions disciplinaires à certains substituts.

De plus, l'administration doit s'abstenir de prononcer une peine disciplinaire si au même moment une action publique est engagée devant les juridictions de droit commun et ce jusqu'à ce qu'un jugement définitif soit prononcé par celles-ci. En cas de décision de condamnation prononcée par le juge du droit commun, celle-ci est imposée à l'administration qui doit en tenir compte lors de la prononciation d'une peine disciplinaire. D'un autre coté, en cas de décision d'acquittement prononcée par les juridictions du droit commun, l'administration n'est pas obligée d'en tenir en compte lors de la prononciation d'une peine disciplinaire. Cette solution est le fruit de la jurisprudence du tribunal administratif qui est unanime sur ce point227(*).

PARA III : L'inapplication de la peine : une particularité en Tunisie 

L'article 93 CPT dispose : «Est absous le corrupteur ou l'intermédiaire qui, avant toute poursuite, révèle volontairement le fait de corruption et, en même temps, en rapporte la preuve ». Le législateur a gardé le contenu de cet article sans le modifier même après la réforme du 23 mai 1998 et on remarque qu'il ne concerne que le corrupteur et l'intermédiaire.

Cet article constitue une exception à la politique répressive adoptée par le législateur tunisien, en effet, vu la difficulté de découvrir les faits de corruption et de les réprimer, le législateur a exonéré le corrupteur ou l'intermédiaire des peines s'ils permettent la découverte et la preuve de ces faits.

Le législateur a limité l'inapplication des peines dans le cas de dénonciation d'où il faut étudier ses conditions(A) et ses effets(B).

A-Les conditions de la dénonciation

Par la dénonciation, le législateur veut dire, l'information des autorités compétentes de la commission de l'infraction et de ses auteurs. A noter que la simple narration des faits n'a aucune valeur puisque l'article 93 CPT exige explicitement que le dénonciateur   « en rapporte la preuve ». Ainsi, ce dernier est tenu d'informer les autorités de tous les détails, relatifs à l'infraction, qui permettent de la prouver et de préciser le rôle de chacun des auteurs228(*).

Signalons que la dénonciation se limite à la corruption passive, même si le texte français dispose « le fait de corruption » sans préciser s'il s'agit de la corruption passive ou active, puisque le texte arabe, de son coté, évoque explicitement la corruption passive, et par application des dispositions du code de procédure civile et commerciale c'est le texte arabe qui a la primauté sur le texte français qui n'a qu'une valeur indicative. Ainsi, l'auteur d'une tentative de corruption active, qui n'a pas eu d'effet, n'est pas exempt de peine s'il dénonce les faits parce que le but de cette disposition est la découverte du fonctionnaire public corrompue afin de protéger la fonction publique.

D'un autre coté, il faut que la dénonciation soit faite avant la découverte de l'infraction par les autorités compétentes et l'arrestation des auteurs et l'ouverture d'une information contre eux conformément à la version française de l'article 93 CPTqui dispose « avant toute poursuite ». A noter, que la version arabe exige, de son coté, que la dénonciation soit faite avant tout jugement. On remarque ainsi que La version française est plus conforme à la notion de dénonciation qui, par la logique, doit être faite avant la phase de jugement et la découverte de l'infraction. D'où la nécessité de modifier la version arabe de cet article et de la rendre conforme à la version française.

En droit comparé, certains législations ont prévu la dénonciation comme moyen d'exemption de peines, à titre d'exemple le droit égyptien. Ainsi l'article 108 du Code pénal égyptien dispose : « Est absous le corrupteur ou l'intermédiaire qui, avant tout jugement, révèle volontairement le fait de corruption ou l'avoue ». On remarque que cet article prévoit la dénonciation et l'aveu qui peuvent être faits à tout moment et même après la poursuite. A notre sens, cette disposition permet l'impunité du corrupteur ou de l'intermédiaire puisqu'ils peuvent échapper à la répression, si les faits de corruption sont découverts par les autorités compétentes, en les avouant229(*).

B-Les effets de la dénonciation 

D'après l'article 93 CPT : «Est absous le corrupteur ou l'intermédiaire ». Ainsi l'exemption de la peine ne concerne que le corrupteur et l'intermédiaire, par contre elle ne concerne pas le corrompu. L'inapplication de la peine doit être obligatoirement prononcer d'office par le juge dans sa décision, et le corrupteur ou l'intermédiaire peut l'évoquer à n'importe quelle phase de la procédure.

D'un autre coté le corrupteur ou l'intermédiaire est absous à condition que le fonctionnaire corrompu ait accepté les dons ou promesses qui lui sont offerts. Ainsi, en cas de refus d'acceptation des dons, la dénonciation n'a aucun effet. En plus, seul le dénonciateur, le corrupteur ou l'intermédiaire, bénéficiera de l'inapplication de la peine et elle ne sera pas accordée aux deux. A notre sens, il paraît inadmissible que le corrupteur soit absous, si c'est lui qui dénonce les faits de corruption, et l'intermédiaire, qui a un rôle moins important que le premier, soit puni.

Enfin, on a vu que le corrompu n'est pas absous, et que l'exemption de la peine ne concerne que le corrupteur et l'intermédiaire. C'est pour cette raison que certains juristes tunisiens ont proposé au législateur d'exonérer le corrompu de la peine une fois qu'il a rompu le pacte et a rendu les dons qu'il a acceptés de son plein grée avant d'accomplir ce qui lui a été demandé et surtout avant toute poursuite.

Signalons enfin que le législateur français ne prévoit pas ce procédé en matière de corruption, ce qui est à notre sens regrettable. Nous pensons qu'il aurait pu, et même dû, le faire suite à la loi du 9 mars 2004 qui a institué un grand nombre d'exemptions et de réduction de peine concernant certaines infractions en cas de dénonciation. Le texte de principe est l'article 132-78 CPT qui prévoit une indulgence à deux niveaux. D'une part, en cas de tentative d'un crime ou d'un délit, le participant est exempt de peine si en ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, il a permis d'éviter la réalisation de l'infraction et, le cas échéant, d'identifier les auteurs et complices. D'une autre part, le cas d'infraction consommée, la durée de la peine privative de liberté encourue par le participant est réduite à moitié si, ayant averti les autorités compétentes, il a permis de faire cesser l'infraction, d'éviter que l'infraction ne produise un dommage ou d'identifier les autres auteurs ou complices.

Cette technique concerne plusieurs infractions.230(*) Toutefois, le délit de corruption n'en fait pas partie ce qui est fort regrettable puisqu'une telle technique permettrait d'atteindre des faits de corruption dissimulés ou clandestins.

CONCLUSION

En conclusion ; on remarque que les deux législations font de la corruption un complexe de deux infractions distinctes : la corruption passive et active, la première imputable à la personne corrompue, la seconde au corrupteur. Toutefois, si ces deux infractions sont punies des mêmes peines en droit pénal français, il en est autrement en droit pénal tunisien qui puni plus sévèrement la corruption passive puisqu'elle est considérée plus grave que la corruption active. De plus, il y a eu une correctionnalisation de l'infraction de corruption en France depuis la loi de 1943, alors qu'en Tunisie, suite à la réforme de 1998, la majorité des infractions de corruption sont désormais qualifiées de crimes.

D'un autre coté, si la corruption passive se consomme, dans les deux législations, par la simple sollicitation ou l'agrément des dons, les solutions ne sont pas identiques en ce qui concerne la corruption active. En effet, cette dernière est réputée consommée en France par la simple proposition d'offres ou par le fait de céder aux sollicitations du corrompu, alors qu'en Tunisie pour que l'infraction soit consommée il faut l'exécution du marché illicite entre le corrupteur et le corrompu à défaut on ne peut parler que de tentative de corruption active.

On peut remarquer aussi que le législateur français devance son homologue tunisien par le fait d'incriminer la corruption des salariés et des fonctionnaires étrangers, par la création de juridictions spécialisées compétentes en matière économique et financière et par l'utilisation de procédés destinés à prévenir les dévoiements possibles et la conclusion d'opérations suspectes tels que le service central de prévention de la corruption, chargé de centraliser les renseignements nécessaires à la détection et à la prévention des faits de corruption.

La jurisprudence française devance, elle aussi, celle des tribunaux répressifs tunisiens, il suffit de rappeler sa position en ce qui concerne le point de départ du délai de prescription, en matière de corruption, qui a été retardé au jour de l'exécution du pacte illicite.

Il serait donc préférable que le législateur tunisien intervienne pour mettre à pied d'égalité la corruption passive et la corruption active et d'élargir ces incriminations afin d'englober de nouvelles catégories de personnes tels que les salariés. Quant au droit pénal de forme une juridiction spécialisée en matière économique et financière serait la bienvenue.

En France, il est regrettable que le législateur du 9 mars 2004 n'ait pas inséré le délit de corruption dans la liste des infractions de criminalité organisée, prévue par l'article 706-73 CPPF. Ces infractions obéissent à des règles procédurales fortement dérogatoires au droit commun permettant une meilleure répression. Il serait donc préférable qu'elle soit ajoutée à cette liste lors de la prochaine réforme.

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* 1 W. Jeandidier, Du délit de corruption et des défauts qui l'affectent JCP G 2002, I, 166.

* 2 A. Chauveau et F. Hélie ;Théorie du Code pénal, t. II, Marchal et Billard, 5 éd. 1872, n° 833.

* 3 Pradel- J ; droit pénal général éd Cujas 2002-2003.

* 4 A. Vitu ; J-CL Pén art 432-11 n°16.

* 5 Voir infra ; L'aspect de l'activité délictueuse dans la corruption active.

* 6 Voir article 95 CPT et suivant. Et l'article 432-10 CPF.

* 7 R. Garraud, Traité théorique et pratique du droit pénal français, Sirey, t. IV : 3e éd., n° 1500.

* 8 Contrairement au droit français où le trafic d'influence est prévu par le même article relatif à la corruption, le Code pénal tunisien le prévoit dans un article distinct.

* 9 Pour plus de précisions, Voir A- Vitu J-Cl Pén art 432-11 N°122.

* 10 La Loi des XII Tables. Voir notamment H.Arfa mémoire de fin d'études à l'E.N.M « corruption active et passive »95-96 p9.

* 11 A. Chauveau et F. Hélie, Théorie du Code pénal, t. II, Marchal et Billard, 5 éd. 1872, t. II, n° 831.

* 12 La vache verset 184. Le Coran : traduit par Sadok Mazigh.

* 13 La table servie verset 46. Le Coran : traduit par Sadok Mazigh.

* 14 Khalife musulman connu sous le nom du « Juste ».

* 15 Khalife musulman et disciple du prophète Mahomet.

* 16 Cette peine était applicable aux membres de la législature.

* 17 . Dans l'ordre chronologique ;les lois des 13 mai 1863, 9 mars 1928, 16 mai 1943 et l'ordonnance du 8 février 1945.

* 18 Voir en ce sens A- Vitu ; J-CL Pén art 432-11n° 38 et suivant.

* 19 Voir annexes : tableau de comparaison entre les anciennes et les nouvelles dispositions du Code pénal relatives à la corruption suite à la réforme du 23 mai 1998.

* 20 Vitu A, J-Cl Pén art 432-11 n°26 et suivant.

Voir notamment l'article 32 CPT relatif à la complicité ; qui consacre le système d'emprunt de criminalité et de pénalité.

* 21 C'est la solution que préconisait R. Garraud  «  Traité théorique et pratique du droit pénal français » t. IV » : Sirey, 3e éd., n° 1518 s.

* 22 Vitu A, J-Cl Pén art 432-11 n°1 et suivant.

* 23 Ibid

* 24 Transparency International ; rapport mondial sur la corruption 2003. Thème spécial : l'accés à l'information, éd Karthla.

* 25 JOCE n° C 316, 27 nov. 1995, p. 49.

* 26 JOCE n° C 195, 25 juin 1997, p. 1.

* 27 A. VITU, Les préoccupations actuelles de la politique criminelle française dans la répression de la corruption, in Les principaux aspects de la politique criminelle moderne : Recueil d'études à la mémoire de H. Donnedieu de Vabres, 1960, p. 134 s.

* 28 ibid

* 29 cass crim 26 décembre 1929 bull crim n° 287

* 30 cass crim 7 juillet 1949 bull crim n° 229

* 31 cass crim 21 janvier 1959 bull crim n°59

* 32 cass crim 8 mars 1966 bull crim n°83

* 33 Vitu J-Cl Pénal, Art 432-11 n°55

* 34 Ibid

* 35 Mahmoud nejib hosni « manuel de droit des peines » partie spéciale ; infractions contre l'intérêt public p 17

* 36 Voir annexe tableau de comparaison des dispositions relatives à la corruption suite à la réforme du 23 Mai 1998

* 37 kmakem ridah , les infractions de corruption telles que modifiées par la nouvelle loi, revue de jurisprudence et de législation juin 1998 p 11

* 38 journal officiel de la République Tunisienne n° 29, 6 mai 1998 ; débats parlementaires p5

* 39 La loi n° 98-33 du 23 mai 1998

* 40 kaldi hejer ; mémoire de fin d'étude à l'ENM 1998-1999 ; «  les nouvelles dispositions législatives en matière de corruption ».

* 41 Vitu J-Cl Pénal, Art 432-11 n°55

* 42 Voir GATTEGNO Dr Pén Spé, Paris, Dalloz 1995 n°600 p312

* 43 voir infra « une divergence quant aux personnes investies d'un mandat électif public ».

* 44 , Cass. crim., 16 oct. 1985 : Gaz. Pal. 1986, 1, p. 152, concernant un étudiant qui avait tenté, sans succès, de corrompre un professeur des Facultés de droit afin d'obtenir de lui une note satisfaisante à un examen de DEUG

* 45 Cass. crim., 26 déc. 1919 : Bull. crim., n° 287.

* 46 Cass. crim., 22 févr. 1855 : Bull. crim., n° 54.

* 47 Cass. crim., 8 juill. 1813 : S. 1813, 1, p. 391 L'ancien article 177 avait été appliqué à un huissier, chargé de l'exécution d'une contrainte par corps

* 48 Hafedh Ben Saleh : l'unité de service p 6

* 49 débats parlementaires relatifs à la loi du 23 mai 1998.

* 50 les magistrats sont considérés comme dépositaires de l'autorité publique conformément à l'article 82 CPT mais le législateur a prévu des textes spéciaux concernant la corruption de magistrats (voir art 88 et 89 CPT)

* 51 Frédéric Desportes ; J-Cl Pén : DISCRIMINATIONS PAR DES PERSONNES EXERÇANT UNE FONCTION PUBLIQUE

* 52 Vitu ; J-CL Pén art 432-11 N°57

* 53 Cass. crim., 11 mai 1876 : Bull. crim., n° 117

* 54 Cass. crim., 2 avr. 1998 note Marc Seconds Recueil Dalloz 1999, Sommaires commentés p. 158.

* 55 Cass. crim., 27 févr. 2002 : Bull. crim., n° 48.

* 56 Cass. crim., 19 mars 2003 note Marc Seconds Recueil Dalloz 2004, Sommaires commentés p 315.

* 57 Article 17 de la loi N°112 du 12 déc 1983 relative au statut général des personnels de l'Etat et des collectivités locales et les établissements public à caractère administratif.

* 58 cass crim pén N°1925 du 7 oct 1977 B.C.Cass 1977 p156.

* 59 Hafedh Ben Salah ; cour de droit administratif 2éme année droit 1994/1995.

* 60Auparavant la cour de cassation ne considérait pas les fonctionnaires d'établissements bancaires non Etatiques comme fonctionnaires publiques aux termes de l'ancien art 82 CPT. selon la cour de cassation, dans arrêt du 7-9-1961 « la société tunisienne de banque est une personne morale soumise à des lois spéciales d'où ces fonctionnaires ne peuvent être considérés comme fonctionnaires publics ou assimilés conformément à l'article 82 CPT ».

* 61 R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français t. IV : Sirey, 3e éd., n°1522 s

* 62 A. VITU, Les préoccupations actuelles de la politique criminelle française dans la répression de la corruption, in Les principaux aspects de la politique criminelle moderne : Recueil d'études à la mémoire de H. Donnedieu de Vabres, 1960, p. 134 s.

- la jurisprudence n'avait pas hésité à étendre l'ancien article 177 à des élus : ainsi un membre du conseil municipal de Paris (Cass. crim., 29 mai 1886 : Bull. crim., n° 19 )et pour des membres du Sénat ou de la Chambre des députés (Cass. crim., 24 févr. 1893 : Bull. crim., n° 49)

* 63 A.Vitu ; J-CL Pén 432-11 n°61.

* 64 ibid

* 65 W. Jeandidier, Du délit de corruption et des défauts qui l'affectent. JCP G 2002, I, 166

* 66 Voir art 177 ACP

* 67 Takari Bechir ; « institutions administratives et droit administratif ». Cour de 2me année Droit.1995/ 1996

* 68 voir article 14 de la loi n°80 de 1994 relative à l'organisation de la fonction d'interprète assermentés : « l'interprète assermenté est considéré comme assimilé au fonctionnaire public conformément à l'article 82 du CP et lui sont applicables les articles83 et suivant du même code ».

* 69 A Vitu, J-CL Pén art 434-9 ; CORRUPTION DES AUTORITÉS JUDICIAIRES n°5.

* 70 la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ; article 54.

* 71 A-Vitu op cit

* 72 Pradel Jean, manuel de procédure pénale 11émé éd 2002 /2003 p491

* 73 Arfa Hichem  « corruption active et passive » mémoire de fin d'étude à l'E.N.M 1995/1996

* 74 Article premier de la loi N°112 du 12 déc 1983 relative au statut général des personnels de l'Etat et des collectivités locales et les établissements public à caractère administratif

* 75A Vitu, J-CL Pén art 434-9 ; corruption des autorités judiciaires n°11.

* 76 Cass. crim., 11 mai 1876 : Bull. crim., n° 117.

* 77A Vitu, J-CL Pén art 434-9, op cit

* 78 Garraud , Traité théorique et pratique du droit pénal français Tome 4, 3eme éd, n°1524.

* 79 E Garçon, code pénal annoté 2° éd. Art 177-178, n°151 et s.

* 80 Cass. crim., 25 mars 1929 : Bull. crim., n° 107.

* 81 J.O Ch dép ,16 oct 1918 p2687 cité par VITU J-CL Pén art 432-11

* 82 R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, Droit pénal spécial, par A. Vitu : Cujas, 1982, n° 1151.

* 83 VITU J-CL Pén art 432-11fasc 20.

* 84 Ibid concernant l'adoption de la jurisprudence de la conception large.

* 85 Kaldi hejer mémoire de fin d'étude à l'E.N.M 1998 /1999 p23.

* 86 André Vitu, , Les préoccupations actuelles de la politique criminelle française dans la répression de la corruption, in Les principaux aspects de la politique criminelle moderne : Recueil d'études à la mémoire de H. Donnedieu de Vabres, 1960, p137.

* 87 André Vitu J-Cl Pén Art. 435-1 à 435-6 :DES ATTEINTES À L'ADMINISTRATION PUBLIQUE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, DES ÉTATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE, DES AUTRES ÉTATS ÉTRANGERS ET DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES PUBLIQUES, n°2.

* 88 Voir le rapport mondial sur la corruption 2003 ; thème spécial : L'accès à l'information. Transparency international

* 89 Vitu,. J-Cl Pén Art. 435-1 à 435-6 .

* 90 la Convention du 26 mai 1997 ;JOCE n° C 195, 25 juin 1997, p. 1

* 91 Exemple cité par André Vitu, J-Cl Pén Art. 435-1 à 435-6 :DES ATTEINTES À L'ADMINISTRATION PUBLIQUE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, DES ÉTATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE, DES AUTRES ÉTATS ÉTRANGERS ET DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES PUBLIQUES,n°15.

* 92 Ibid.

* 93 frédérique Chopin ; l'adaptation de la lutte contre la corruption en droit français à l'espace économique européen et international. : Rev. pénit. 2002 p55.

* 94 André Vitu, J-Cl Pén art 432-11 et 433-1CP.

* 95 par André Vitu, J-Cl Pén Art. 435-1 à 435-6 :DES ATTEINTES À L'ADMINISTRATION PUBLIQUE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, DES ÉTATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE, DES AUTRES ÉTATS ÉTRANGERS ET DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES PUBLIQUES,n°17.

* 96 Article premier Conv. OCDE, 17 déc. 1997 : JO 29 sept. 2000.

* 97 W. Jeandidier, Du délit de corruption et des défauts qui l'affectent, JCP G 2002, I, 166.

* 98 En ce sens, Vitu J-Cl Pénal, Art 432-11 n°87.

* 99 Vitu J-Cl Pén Fasc. 20: corruption de salariés n° 23.

* 100 W. Jeandidier, Du délit de corruption et des défauts qui l'affectent JCP G 2002, I, 166.

* 101 Bacem Lahmer, la corruption et les réponses de la politique criminelle p 59.

* 102 Ahmed fathi Sourour, manuel de droit des peines, partie spécial ; des atteintes à l'intérêt général p54.

* 103 En ce sens, Vitu J-Cl Pénal, Art 432-11 n°83.

* 104 Cass. crim., 9 nov. 1995 : D. 1996, inf. rap. p. 1, 3 cité par Vitu.

* 105 A Vitu, corruption active et trafic d'influence commis par des particuliers. J-Cl Pén art 433-1 n°16.

* 106 Travaux préparatoires , op cit .

Kmamkem Ridha ; la portée de la réforme du 23 mai 1998 en matière de corruption p 29.

* 107 Les articles 125 à 130 CPT sont prévus dans une section intitulée : « outrages et violences à fonctionnaire public ou assimilé ».

* 108 Lors de la mise au point du Nouveau Code pénal, il apparut peu logique de maintenir le lien formel qui unissait jusqu'alors la corruption des fonctionnaires et la corruption des salariés, et de placer la seconde avec la première parmi les dispositions concernant les atteintes à l'autorité de l'État (C. pén., Livre IV, Titre III nouveau).Par son article 236, la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code (dite couramment "Loi d'adaptation") inséra dans le Code du travail, au Livre Ier, Titre V, chapitre II, une nouvelle section VI, intitulée "Corruption", et constituée d'un texte unique, l'article L. 152-6, réprimant la corruption des salariés.

* 109 Vitu J-Cl Pén Fasc. 20: corruption de salariés n° 7.

* 110 Voir cass. crim., 30 juin 1955 : Bull. crim., n°330, D. 1955, p. 655 - 17 nov 1955 : Bull. crim., n°494 - 6 févr. 1969 : Bull. crim., n°67 ; Rev. sc. crim. 1969, p.871, obs. A. VITU - 23 janv. 1973 : Bull. crim., n°29 ; JCP 1973 éd. G, IV, p.93 ; D. 1973, inf. rap. p.36 , Rev. sc. crim. 1973, p.684, obs. A. VITU -CA Paris, 14 janv. 1988 : Rev. sc. crim. 1989, p.123, obs. P.BOUZAT..., cités par VITU, J - CL, Pénal, Art. 432 - 11, n°87, p.16.

* 111 Cass. crim., 5 janv. 1933 : Gaz. Pal. 1933, 1, p.411 - 22 avr. 1937. Gaz. Pal. 1937, 2, p.272, cités par VITU, J - CL, Pénal, Art. 432 - 11, n°87, p.16.

* 112 Cass. crim., 7 janv. 1808 : Bull. crim., n°3, cités par VITU, J - CL, Pénal, Art. 432 - 11, n°87, p.16.

* 113 Le paiement d'une nite de tailleur, cass. crim., 7 sept. 1935, 2, p.694 - la réception d'un pourcentage sur certains bénéfices escomptés par le corrupteur cass. crim., 14 janv. 1949 : Bull. crim., n°9, JCP 1949, éd. G, II, 4866, note A. COLOMBINI, D. 1949, p.96..., cités par VITU, J - CL, Pénal, Art. 432 - 11, n°88, p.16.

* 114 Un fonctionnaire de ponts et chaussées menaçait un entrepreneur de l'exclure de tous les marchés publics des ponts et chaussées à moins qu'il licencie un salarié que le fonctionnaire avait désigné. Voir Cass. crim., 14 nov. 1975 : Bull. crim., n°356, JCP 1978, éd. G, IV, p.28, D. 1978, inf. rap., p.139 : Gaz. Pal. 1978, 2, somm, p.295 ; Rev. sc. crim. 1978, p.623, obs. A. VITU. Par ailleurs, il semble que la promesse de relations sexuelles qu'un fonctionnaire exige pour prix de sa corruption soit considérée par le Professeur André VITU comme un avantage subjectif, entendu la manière dont il en parle. En effet, il en parle aussitôt après avoir parlé de l'assouvissement d'une haine dans la rubrique " avantage subjectif " (VITU, J - CL, Pénal, Art. 432 - 11, n°89, p.16.).

* 115 Trib. enfants Sarreguemines, 11 mai 1967 : JCP 1968, éd. G, II, 15359, note P. A. SIGALAS ; Rev. sc. crim. 1968, p.329, obs. A.VITU, cités par VITU, J - CL, Pénal, Art. 432 - 11, n°89, p.16.

* 116 Trib. enfants Sarreguemines, 11 mai 1967, préc

* 117 Le droit italien entend par chose offerte tout avantage matériel, intellectuel ou social, il désigne la chose offerte ou sollicitée du terme, trés vague, d' "utilité" (J-CL, Pénal, Art. 177 à 183, n°82, p.14).

* 118 Voir sur ces difficultés VITU André, J-CL, Pénal, art 432 - 11, fasc. 20, Op. cit., n°31, p.6.

* 119 Formule utilisée par Vitu A, J-CL Pén, art 432-11 n°93.

* 120 Cass crim 13 déc 1972 bull crim n°391 cité par Vitu A.

* 121 Vitu A, J-CL Pén, art 432-11 n°93.

* 122 Code pénal Italien art 318.

* 123 Vitu A, J-CL Pén, art 432-11 n°93.

* 124 Voir ses observations dans Rev.sc. crim 1987, p 685.

* 125 Vitu A, J-CL Pén, art 432-11 n°93.

* 126 Cass. crim., 6 févr. 1968 : Bull. crim., n° 37 cité par Vitu.

* 127 DELMAS-SAINT-HILAIRE ; Rev.sc. crim 1987, p 685

* 128 cette adjonction a été combattue par le gouvernement qui estimait d'une part que cette disposition était contraire à la conception traditionnelle française de la corruption et d'autre part que les actes de rémunération a posteriori pouvaient toujours être poursuivis sous le chef d'abus de biens sociaux pour le corrupteur etde recel d'abus de biens sociaux pour le corrompu.

* 129 Voir, W. Jeandidier, Du délit de corruption et des défauts qui l'affectent JCP G 2002, I, 166.

* 130 Proposition d'André Vitu.

* 131 Voir par exemple, Véron, corruption, trafic d'influence, prise illégale d'intérêts, favoritisme : R J com, nov, 2001 p38.

* 132 Jondi Abdelmalek ; encyclopédie pénale Tome IV p 13.

* 133 La peine est la même quel que soit le moment de la rémunération, à savoir dix ans d'emprisonnement(voir art 432-11).

* 134 GARRAUD.R, Traité théorique et pratique du droit pénal français t. IV : Sirey, 3e éd., n° 1518 s.

* 135Cette est partagée par Blanche, Chauveau et F. Hélie .


* 136 Vitu A, J-CL Pén, art 432-11 n°144.

* 137 Kmamkem Ridha ; la portée de la réforme du 23 mai 1998 en matière de corruption p 60.

* 138 Blanche, Hélie..

* 139 Jondi Abdelmalek ; encyclopédie pénale Tome IV p16.

* 140 Cass. Crim. 16 nov. 1844 : Bull. crim., n° 376 ; S. 1845, 1, p. 39. cité par Vitu, J-CL art 432-11 n° 147.

* 141 Ibid.

* 142 Cass. crim., 21 févr. 1882 : Bull. crim., n° 52 ; S. 1884, 1, p. 351 cité par Vitu J-CL art 432-11 n° 147.

* 143 C. assises Seine, 21 mars 1893 : Gaz. trib. 22 mars 1893 cité par Vitu J-CL art 432-11 n° 147.

* 144 Cass. crim., 9 nov. 1995 : Bull. crim., n° 346 ; D. 1996, somm., p. 259, obs. J. Pradel ; JCP G 1996, IV, 513.

* 145 Cass crim n°6398 du 17 mars 1982 Bull C. Cass 1982 p 131.

* 146 Jondi Abdelmalek ; encyclopédie pénale Tome IV p18.

* 147 La corruption passive est punie de vingt ans d'emprisonnement si le fonctionnaire public l'a provoquée et de dix ans d'emprisonnement si il a agrée les offres proposées.

* 148 Voir introduction.

* 149 Cass. crim., 21 nov. 1972, Bull. crim., n° 350, cité par VITU, J -CL, Pénal, Art 432-11, fasc. 20, n° 34, p. 6.

* 150 Crim. 28 mars 1955, Bull, n° 181, cité par VITU, J -CL, Pénal, Art 432-11, n° 101, p. 18.

* 151 Crim. 10 juin 1948, S. 1948, I, 117, note M ROUSSELET et M PATIN - 6 fév. 1968, Bull, n° 37, cités par VITU, J -CL, Pénal, Art 432-11, n° 101, p. 18.

* 152 La définition positive des actes de la fonction comprend, d'autre part, les actes dont les devoirs de la fonction font au titulaire l'obligation de s'abstenir : voir Cass. crim , 20 janv. 1927 ; D. H. 1927, p.151 ; Gaz. Pal. 1927, p. 602 sur la corruption d'un employé de commerce qui vendait à des maisons qui n'était pas en relations d'affaires avec son employeur et avec des constats anormalement avantageux, malgré une interdiction de son patron

* 153 VITU (A), J- CL., Pénal, art. 432-11, n° 100, p. 18.

* 154 Ibid. formules empruntées au Professeur VITU. Voir aussi Cass. crim., 6 févr. 1968, préc.

* 155 Cass. crim, 14 janv. 1949 préc. Comp. Crim, 19, juill. 1951 (J- CL, Pénal, art. 432-11, n° 105, p. 19).

* 156 VITU (A), J- CL, Pénal, art 432-1, p. 18.

* 157 Cass. crim. 28 mars 1955 préc. ; Cass. crim., 13 déc. 1945 : JCP 1946, éd G, IV, p. 17- 10 juin 1948 : Bull. crim, n° 154, JCP 1948, éd. G, II, 4433, Cf VITU (A), J- CL, Pénal, art. 432-11, n° 101, p.18.

* 158 Voir pour cette discussion : VITU, J- CL, Pénal, art 432-11, Op. cit., n° 111, p. 19.

* 159 Affaire du planton qui travaillait au Ministère du travail. Une fois dans le bureau d'un chef de service absent, il avait apposé sur des certificats d'embauchage de deux ouvriers italiens le cachet et le visa réglementaires (Cass. crim, 4 mai 1935, cité par VITU, J- CL, Pénal, art 432-11, op. cit., n° 113, p. 20).

* 160 VITU (A.), J- CL, Pénal, art. 432-11 fasc. 20, n° 38, p. 7.

* 161 Pour les illustrations jurisprudentielles nombreuses des deux notions, Voir VITU (A.). J- CL, Pénal, art. 432-11, n° 116, p. 20, et art. 432-11 fasc. 20, n° 143 et 144, pp 7 et 8.

* 162 Cette contrepartie peut prendre la forme d'un versement d'espèce, d'un chèque, d'un mandat postal ou d'un achat de timbres fiscaux. En général, il s'agit de sommes symboliques.

* 163 Un greffier qui accepte des dons afin de permettre l'ajournement d'une affaire en cours.

* 164 Cass crim du 27 octobre 1995 Bull C. cass 1995 p98.

* 165 Voir « le but des manoeuvres corruptrices en droit français »

* 166 Kmakehem Ridha ; la portée de la réforme du 23 mai 1998 en matière de corruption p21.

* 167 Cass crim n°73507 du 16 avril 1999.

* 168 Cass crim n°84618 du 20 mai 2000.

* 169 Pour plus de précisions ; Voir VITU J-Cl Pén art 432-11 CPF n° 49.

* 170 la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, JCP 1993, III, 65957.

* 171 Monié stéphanie ; Corruption et procédure pénale, mémoire DEA Sc Crim UT1 sous la direction de M. marc Second 2001/2002 p 16.

* 172 L'infraction de corruption était considérée comme étant une infraction d'intérêt général dés la début du XX eme siècle. Cette théorie a été critiqué par la doctrine(J. pradel procédure pénal Cujas 2002/2003 n° 291 et s) ainsi que la chambre criminelle dans un arrêt du 1déc 1992 a considéré que « si le délit de corruption passive institué par l'article 177 du code pénal l'a été principalement en vue de l'intérêt général, il tend également à la protection des particuliers qui peuvent...subir un préjudice direct et personnel dont ils sont fondés à obtenir réparation devant les juridictions pénales ». Voir notamment, Cass. crim., 1er déc. 1992 : Dr. pén. 1993, comm. n° 126, obs. M. Véron).

* 173 Cass Crim 1er déc 1992COSTA, Dr pén 1992comm.126, obs M véron.(1er espèce )et cass crim 7 fév 2001 Bull crim n°38(2eme espèce).

* 174 Cass crim n°4322 du 7 jan 1983 bull Cour de cass tunisienne p56.

* 175 loi n°112 promulguée le 12 décembre1983 .JORT 13 déc 1983 relative au statut de fonctionnaires publics.

* 176 Cass crim 18 déc 1996, J.C.P 1997 IV 926.

* 177 Nous partageons la même idée avancée par Monié S ; corruption et procédure pénale, mémoire DEA Sc Crim UT1.

* 178 Cass. crim., 1er déc. 1992 op Cit.

* 179 Alain Blanchot J-Cl Procédure Pénale art 704 à 706 CPPF ; les juridictions spécialisées en matière économique et financière.

* 180 J. Pradel procédure pénal Cujas 2002/2003 n°124.

* 181 Vitu A ; J-Cl Pén 435-1CPF et suivant n°37.

* 182 les infractions que répriment les articles 435-1 à 435-4 CPF sont fréquemment marquées par un ou plusieurs éléments d'extranéité. Or, les règles ordinaires du droit pénal international, où prédominent les principes de territorialité et de personnalité, seraient souvent insuffisantes pour les atteindre et les réprimer. Il fallait donc parer à la difficulté en faisant appel au principe de compétence universelle. Voir Vitu A ; J-Cl Pén 435-1CPF et s.

* 183J Pradel ibid.

* 184 article 21 de la loi 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité( JO 10 mars 2004 p4567).

* 185 Voir article 706 CPPF tel que modifié par la loi du 9 mars 2004.

* 186 Voir pour plus de précision. J Pradel manuel de procédure pénale éd 2002/2003 n°121

* 187 F. Le Gunehec. JCP éd gén , n° 14 du 31 mars 2004 p598.Voir notamment l'article 125 de la loi du 9 mars 2004.

* 188 Il s'agit des personnes visées par les articles 435-3 et 435-4 CPF.

* 189 Vitu A ; J-Cl Pén 435-1CPF et suivant n°39.

* 190 Conseil Constit, 22 jan 1999 Dalloz 1999 p 285.

* 191 Cass ass plé 10 oct 2001 dalloz 2002 p 237.

* 192 Règle générale relative à toutes les juridictions d'exception.

* 193 Cass crim 26 juin 1995, bull crim n° 235 , J.C.P 1995-IV-2380.

* 194 L'affaire Noir 6 fév 1997, bull n° 48 dalloz 1997 p 334 note J F Renucci. /Affaire Elf 16 fév 2000 dalloz 2001 p 660 note V Buck.

* 195 Loi constitutionnelle n° 95-680 du 4 août 1995.

* 196 La loi n°10-1970 du 1 avril 1970relative à la Haute Cour.

* 197 Cet article a été modifié par la loi constitutionnelle n°51-2002, du 1er juin 2002.

* 198 Voir article 59 et suivant du Code de la justice militaire.

* 199 Voir article 700 CPPF et article 68 C.J.M.

* 200 Voir article 701 CPP et article 68 CJM.

* 201 JORT du 11 janvier 1957 p 50 et s.

* 202 Cette loi a été modifiée à plusieurs reprises notamment par la loi du 30 juin 2000 et la loi du 9 mars 2004.

* 203 Les assistants spécialisés sont crées par la loi n°98-546 du 2 juillet 1998.suite à la réforme du 9 mars 2004 de nouvelles attributions leurs sont confiées Voir article 21 de la loi.

* 204 J-F Renucci ; infractions d'affaires et prescription de l'action publique. Dalloz 1997 Chron p 23.

* 205 Bernard Challe; J-Cl Art. 7 à 9/Fasc. unique: ACTION PUBLIQUE - Prescription n°29.

* 206 un arrêt du 7 décembre 1967,Bull. crim., n° 321 ; D. 1968, jurispr. p. 617.

* 207 un arrêt du 10 août 1981 (Bull. crim., n° 244 ; Rev. soc. 1983, p. 368, note Bouloc).

* 208 arrêt du 5 mai 1997, Bull. crim., n° 159 ; Rev. soc. 1997, p. 127, note Bouloc. - J. Larguier et P. Conte, Droit pénal des affaires : 10e éd., A. Colin, 2001, n° 379 s.

* 209 Pour plus de précision concernant ces infraction, voir Bernard Challe; J-Cl Art. 7 à 9/Fasc. unique: ACTION PUBLIQUE - Prescription n°30et s.

* 210 Vitu, J-Cl Pén art 432-11 du code pénal n°151.

* 211 Cass. crim., 6 févr. 1969 : Bull. crim., n° 67 ; Rev. sc. crim. 1969, p. 871, obs. A. Vitu. - 9 nov. 1995 : Bull. crim., n° 346. - 27 oct. 1997 : Bull. crim., n° 352 ; Dr. pén 1998, comm. 16, note M. Véron ; Petites affiches 1997, n° 134, p. 23, note Ducouloux-Favard. Cité par B Challes.

* 212 Vitu,J.-Cl. Pénal Code, Art. 432-11, Fasc. 10, n°, 154 et Art. 433-1 et 433-2, n° 48 et 49).

* 213 Vitu A, J-Cl Pén art 434-9 CPF n°18

* 214 Les peines portées étaient moins fortes quand la corruption tendait à l'accomplissement d'un acte facilité par la fonction. Vitu,J.-Cl. Pénal Code, Art. 432-11 n°118.

* 215 Dans l'ancien système, pour la corruption de fonctionnaire, l'amende pouvait être double de la valeur des promesses agréées ou des choses reçues ou demandées. Voir art 177 al 1er ACP.

* 216 W. Jeandidier, Du délit de corruption et des défauts qui l'affectent JCP G 2002, I, 166.

* 217 Pradel J, manuel de droit pénal général éd 2002/2003. n°571 et suivant.

* 218 W. Jeandidier, Du délit de corruption et des défauts qui l'affectent JCP G 2002, I, 166

* 219 Ahmed Fathi Srour ; manuel droit des peines, op cit p 146.

* 220 L'article 29 CPT dispose : «  si les objets dont il ordonne la confiscation n'ont pas été saisis et ne sont pas remis, le jugement en détermine la valeur pour l'application de la contrainte par corps »

* 221 Cass. crim., 10 août 1854 : Bull. crim., n° 254 ; DP 1854, 5, p. 200. cite par Vitu J-Cl Pén art432-11n°144.

* 222 Cette idée est soutenue par R. GARRAUD, Traité théorique et pratique du droit pénal français t. IV : Sirey, 3e éd., n° 1518 s.

* 223 pour plus de précisions. Voir A Vitu op cit n°146.

* 224 Cons const Décision du 15 mars 1999 ; JO 21 nov 1999, Dalloz 2000 somm p 116, obs Roujou de Boubée.

* 225 Cité par W. Jeandidier, Du délit de corruption et des défauts qui l'affectent JCP G 2002, I, 166.

* 226 Loi n° 83-1997 du 20 décembre 1997. JORT du 22 décembre 1997 p 15.

* 227 Arrêt du tribunal administratif n°621 du 27 oct 1981 ; bull du trib adm de 1981 p 283.

Arrêt du tribunal administratif n°202 du 27 décembre1978 ; bull adm de 1978 p 237.

* 228 Mohamed Elhessine Echebbi « l'exemption de peine en matière pénale » mémoire de fin d'étude DEA sciences criminelles, Faculté de droit et de sciences politiques de Tunis 1997/1998 p 93.

* 229 Cette idée n'est pas partagée par Jondi Abdel malek qui pense que le plus important, à ce niveau, est la répression du fonctionnaire corrompue et non celle du corrupteur ou de l'intermédiaire.

* 230 Pradel J, vers un « aggiornamento » des réponses de la procédure pénale à la criminalité, Apports de la loi N°2004-204 du 9 mars 2004 dite loi perben II. JCP, éd géné N°20 du 12 mai 2004 p 881et sui vant.






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