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Les débats autour de la guerre d'Algérie à  travers le journal Le Monde


par Philippe SALSON
Université Michel de Montaigne Bordeaux III - Maà®trise d'Histoire contemporaine 2001
  

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2/ La polémique autour de la commémoration du 19 mars

a) Le choix du 19 mars par la F.N.A.C.A.

La polémique, qui a débuté en 1979, sur le choix du 19 mars pour commémorer la fin des combats en Algérie continue de s'amplifier. En mars 1980, la F.N.A.C.A. rappelle dans les colonnes du quotidien son intention de célébrer l'anniversaire de la fin de la guerre. Les associations d'anciens combattants se livrent alors une surenchère de protestations et de commémorations en tout genre.

L'U.N.C.-A.F.N. conteste cette date du 19 mars comme étant « une disposition particulièrement théorique des accords d'Evian »180. Selon l'union nationale, le cessez-le-feu n'a pas été appliqué puisque le F.L.N. a immédiatement exercé des représailles contre les harkis et les Français d'Algérie. Cette relecture de l'histoire est d'ailleurs assez contestable : l'organisation fait l'impasse totale sur le rôle qu'a joué l'O.A.S. dans ces représailles en

179 « Vu : A Apostrophes, la guerre d'Algérie », par C. Sarraute, 13-14 septembre 1981

180 « Controverse autour de l'anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie », op. cit.

créant un climat de peur et de violence aveugle. En outre le massacre d'Oran, principal acte de représailles contre les Français d'Algérie, et celui des harkis n'ont eu lieu qu'à partir de juillet 1962. Les « représailles » ne se sont donc pas immédiatement exercées. L'U.N.C.- A.F.N. cherche aussi à politiser le débat en reprenant le vocable du temps de la guerre : « Honorer [...] les accords d'Evian et ce prétendu cessez-le-feu constitue donc une indécence, puisque ces conventions ont réalisé précisément l'opposé de ce pourquoi nos camarades sont morts ». L'organisation n'a pas modifié son discours pro-Algérie française depuis la guerre, elle souhaite même s'arroger le droit de déterminer pourquoi les soldats sont morts. On peut alors se demander si un travail de mémoire est effectivement à l'oeuvre dans la société.

Le discours de la F.N.A.C.A. évite précisément toute politisation et demande la reconnaissance du 19 mars comme la date de la fin des combats sans se prononcer sur la valeur des accords d'Evian : « Quelles qu'aient été les motivations de leur sacrifice [aux soldats morts], et quelle que soit l'opinion que l'on puisse avoir aujourd'hui à cet égard, la France doit se souvenir »181. La F.N.A.C.A. se focalise sur la nécessité d'un devoir et d'un droit de mémoire davantage que sur la portée politique de la fin de la guerre : ses arguments sont du domaine de la morale tandis que ceux de l'U.N.C.-A.F.N. relèvent de la politique.

La surenchère des commémorations que provoque cette polémique, est le fait de nostalgiques. Ces derniers associent le 19 mars aux accords d'Evian et donc à la fin de l'Algérie française. Le comité d'action pour le respect de la mémoire des civils et militaires morts pour l'Algérie française, créé pour l'occasion et rassemblant entre autres Jacques Soustelle, Léon Delbecque et Pierre Poujade, lance ainsi un appel en faveur d'une contremanifestation, le 22 mars. Contre-manifestation à laquelle participent Jean-Marie Le Pen, le général Jouhaud et des groupes d'extrême droite, comme le G.U.D. (Groupe union défense). Or, le choix du 22 mars n'est pas innocent. Il correspond à la fin de l'ultimatum adressé par l'O.A.S. aux forces de l'ordre :

« Quarante-huit heures de réflexion sont laissées aux officiers, sous-officiers et soldats qui, à partir du jeudi 22 mars 1962 à 0 heure, seront considérés comme des troupes au service d'un gouvernement étranger »182

Cela en dit long sur les sympathies de ce comité et le renouveau de cette extrême droite

composée d'anciens activistes. Un autre comité, celui du cent cinquantenaire propose de célébrer en mai, à Toulon, l'anniversaire du débarquement en Algérie, en 1830. Les deux

181 « Libres opinions : Une commémoration qui s'impose » par W. Marek, président national de la F.N.A.C.A.

182 cité par Le Monde, « Controverse autour de l'anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie », op. cit.

comités sont aussi significatifs de cette marginalisation des nostalgiques dans un extrémisme politique alors que la commémoration de la F.N.A.C.A. se veut apolitique. Enfin, l'U.N.C. - A.F.N. fait du 11 novembre la « journée nationale du souvenir englobant dans un même hommage tous les morts pour la France, à quelque génération qu'ils appartiennent »183.

Cette escalade de commémorations prend une tournure pour le moins ridicule mais elle est révélatrice de la division des nostalgiques qui se répartissent en deux comités mais dont la teneur du discours est peu éloignée de celle de l'U.N.C.-A.F.N. Cette radicalité des propos n'est vraisemblablement pas représentative de l'opinion publique. M. Marek, président de la F.N.A.C.A., les renvoie d'ailleurs à leur marginalité :

« La F.N.A.C.A. regrette et condamne les tentatives d'agitation de quelques nostalgiques d'un passé déjà révolu, qui s'évertuent à contester le choix et la signification de cette date, n'hésitant pas, si peu de temps après, à renier l'engagement quasi unanime des Françaises et des Français qui approuvèrent la fin de la guerre d'Algérie par 90,7 % de «oui» au référendum du 8 avril 1962 »184

En faisant référence au référendum, il tend à montrer l'importance nationale qu'a revêtu

le cessez-le-feu. Il tient en outre à légitimer sa revendicaion par la satisfaction populaire de la fin des combats. Cependant, son discours devient ambigu : rappeler que les citoyens ont largement approuvé les accords d'Evian, n'est-ce pas défendre ces accords alors qu'il se refusait, quelques lignes plus haut, de juger de la teneur des accords ?

Le Monde, dans sa façon de rendre compte des opinons de chacun, semble prendre parti pour la F.N.A.C.A. Il lui consacre en effet un article et une tribune alors que les déclarations des différents comités n'ont droit qu'à quelques lignes et tandis que le président de l'U.N.C. - A.F.N. ne peut prétendre à une tribune mais à un simple droit de réponse. Il faut dire que le ton modéré de la F.N.A.C.A. est plus en phase avec la ligne éditoriale du journal que le discours, encore nostalgique, de l'U.N.C.-A.F.N.

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