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Les débats autour de la guerre d'Algérie à  travers le journal Le Monde


par Philippe SALSON
Université Michel de Montaigne Bordeaux III - Maà®trise d'Histoire contemporaine 2001
  

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c) La commémoration des morts du métro Charonne

La place accordée aux violences de Charonne dans le journal est plus importante. Les intermédiaires dans ce travail de mémoire sont aussi mieux organisés et structurés : ce sont les mouvements politiques qui se chargent de raviver le souvenir de la tuerie. Le Monde, aussi, traite plus en profondeur l'événement. Alors qu'il consacre deux colonnes au 17 octobre, quatre colonnes permettent de revenir sur Charonne204. Le journaliste, M. Bole-Richard, à l'aide de témoignages, tente de reconstituer ce qui s'est passé. Ce travail de journalisme s'accompagne d'une petite introduction historique replaçant le fait dans son contexte. Alors que le 17 octobre était relaté avec prudence, Bole-Richard se fait volontiers virulent contre

M. Papon. (cf. p.115). En revanche, lorsqu'il compare la répression avec le massacre du 17

203 voir sur ce point le livre de G. Manceron et H. Remaoun, op. cit.

204 « Il y a vingt ans : la tuerie de Charonne », op. cit.

octobre, il sous-estime vraisemblablement le nombre de victimes de ce massacre : « Même scénario que pour la nuit tragique du 17 octobre 1961, au cours de laquelle des dizaines de Nord-Africains furent assassinés ou jetés à la Seine »205.

Les commémorations sont aussi plus nombreuses et conséquentes que pour le 17 octobre. Chaque parti, chaque syndicat souhaite récupérer l'événement pour accroître son prestige, d'où une multiplicité de manifestations. Le Monde note ainsi que le parti communiste et l'union régionale de la C.G.T. appellent à un rassemblement le samedi 6 février. La F.E.N., la C.F.D.T. et l'Amicale des Algériens en Europe déposent une gerbe le 8 février à midi, devant la station, tandis que le P.S. organise une autre manifestation à 18 heures, au même endroit. Cette segmentation des célébrations révèle une compétition engagée entre les différentes forces de gauche pour s'approprier le prestige des « martyrs » de Charonne. Cette compétition tourne à la querelle pour savoir qui est autorisé à commémorer l'événement. La C.F.D.T. a proposé une manifestation unitaire avec la C.G.T. et le P.C.F. Le parti communiste a violemment protesté par l'intermédiaire des familles de victimes : « les morts du 8 février 1962 étaient tous militants de la C.G.T. et pour huit d'entre eux membres du parti communiste français ». Les familles reprochent alors à le C.F.D.T. « l'absence de toute référence syndicale et politique précise concernant les neuf militants assassinés à Charonne »206. Cette querelle montre bien que la manifestation, au lieu d'être l'occasion d'accomplir un travail de mémoire, relève davantage de la manoeuvre politique : le parti communiste espère devenir, après le « parti des 75000 fusillés », celui des « neuf martyrs de Charonne ». Or ce prestige de « parti des martyrs » est contesté par les autres syndicats et partis de gauche.

Les commémorations donnent lieu, régulièrement, à des polémiques. Les adversités sont dues à des mémoires diversifiées mais aussi, voire davantage, à une récupération politique. L'exacerbation des propos au sujet du 19 mars est essentiellement le fait de groupuscules d'extrême droite qui ne sont en rien représentatifs de l'opinion publique. Malgré la confusion, entre enjeu politique et enjeu historique, entre polémique et débat, se dégage une nouvelle réflexion sur la mémoire de la guerre d'Algérie, prenant en compte les événements les moins glorieux, les violences policières ou l'échec des accords d'Evian.

205 le bilan généralement retenu est celui que dresse J.-L. Einaudi dans son livre (op. cit.) : celui d'environ deux cents morts.

206 « Polémique autour de la commémoration », 7-8 février 1982

La guerre d'Algérie devient une problématique politique avec la force électorale que représentent les rapatriés du R.E.C.O.U.R.S. ou les anciens combattants de la F.N.A.C.A. D'autre part, elle peut être utilisée pour valoriser ou déprécier l'image d'un parti. Du fait de cette récupération politique, le travail de mémoire est souvent oublié au profit de la polémique. Le débat public est comme faussé par cette récupération politique

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