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Les débats autour de la guerre d'Algérie à  travers le journal Le Monde


par Philippe SALSON
Université Michel de Montaigne Bordeaux III - Maà®trise d'Histoire contemporaine 2001
  

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c) Une affaire aux significations multiples

Pierre Messmer reproche au secrétaire d'Etat de faire de l'agitation à un moment où les passions se sont apaisées sur la guerre d'Algérie :

« Au moment où, pour beaucoup de rapatriés, s'apaisent les passions les plus douloureuses [...], il est difficile de comprendre que le représentant du gouvernement n'ait pas immédiatement quitté cette manifestation »212

En effet, cette affaire montre bien que le silence peut être plus réparateur pour les

mémoires que des commémorations dont l'enjeu politique est contraire aux principes

209 « Le général Jouhaud dément M. Barre », 21juin 1980

210 « M. Barre tente d'apaiser le différend entre le pouvoir et les élus gaullistes », par N.-J. Bergeroux, 20 juin 1980

211 « Pour le R.P.R, l'incident est clos », par J.-Y. Lhomeau, 21 juin 1980

212 résumé des débats parlementaires dans l'article « Démission ! démission ! », 19 juin 1980

démocratiques. Il ne faut pas confondre la réconciliation des français avec la réhabilitation du terrorisme de l'O.A.S. Au contraire, la réconciliation et l'apaisement du débat ne peuvent avoir lieu que si une certaine justice a permis de sanctionner les comportements dangereux ou criminels, évitant ainsi une semblable réhabilitation. La sanction, portée envers les collaborateurs et les nazis, a contribué à l'édification d'une mémoire collective sur la seconde guerre mondiale. C'est cette mémoire qu'une nation doit léguer aux jeunes générations afin qu'elles fassent l'apprentissage des devoirs du citoyen et votent en ayant en tête les erreurs du passé.

L'ampleur de l'affaire est aussi révélatrice de la place primordiale qu'occupe encore le général de Gaulle dans les mentalités. On ne peut pas s'attaquer à son mythe, à sa statue sans éveiller les indignations les plus fortes et ce, à plus forte raison, lorsqu'il s'agit de réhabiliter ceux qui ont cherché à attenter à sa vie. Cependant la mémoire gaullienne pèse finalement peu de chose comparée à la nécessité électoraliste de ne froisser la sensibilité de personne. Il ne fait aucun doute que la présence de M. Dominati à Toulon répondait à la volonté du gouvernement d'attirer les voix des rapatriés mais aussi des nostalgiques, anciens terroristes. Certes, M. Dominati n'a jamais caché sa sympathie pour l'Algérie française. Le Monde rappelle, à cette occasion, qu'il été exclu, en 1960, de l'U.N.R., le parti gaulliste d'alors, pour avoir pris parti en faveur de Soustelle.

Mais le fait que M. Barre refuse de désavouer son secrétaire d'Etat laisse penser que la première motivation du gouvernement est de se concilier les ultras. Il aurait peur de se mettre à dos les associations de rapatriés s'il condamnait M. Dominati, d'où l'exercice d'équilibrisme auquel il se soumet : concilier l'inconciliable, gaullistes et anciens activistes. Le gouvernement tend ainsi à faire l'amalgame, à la suite de de Gaulle, entre rapatriés et activistes. C'est sûrement pour les mêmes raisons que le R.P.R. accepte les explications, qui n'en sont pas, de M. Barre : comme l'U.D.F., il redoute un vote-sanction de la part des rapatriés. D'autre part, le parti gaulliste n'a pas intérêt à fragiliser la majorité moins d'un an avant les élections présidentielles, car l'opposition est prête à profiter de la dissension pour mettre en évidence les hypocrisies et les compromissions politiques de la majorité.

Noël-Jean Bergeroux critique aussi cet électoralisme maladroit des partis de droite : « D'un côté, le salut aux ultras, de l'autre la révérence trop appuyée aux gaullistes : en fait deux gestes également suspects d'électoralisme ». Cette opinion n'est pas isolée. Le Monde procède à une revue de presse sur l'affaire qui révèle que la presse nationale est déconcertée et sceptique face à la résolution de la crise politique. Bien plus, elle dénonce l'opération

électorale trop grossière pour être fructueuse. Christian Fauvet, dans L 'Express, s'écrie avec ironie : « un de ses secrétaires d'Etat [au président de la République] saluait la mémoire des «martyrs de l'Algérie française». A nous les voix des rapatriés ! »213

Les activistes ont prouvé, par le biais de cette affaire, qu'ils sont encore capables de faire parler d'eux, mais cette fois grâce à la provocation politique et non plus grâce au terrorisme. Cette cristallisation des tensions politiques autour de la manifestation de Toulon est révélatrice de la récupération par les partis politiques des polémiques liées à la guerre d'Algérie dans le but de faire pression non pas sur l'adversaire politique mais sur l'allié. Dès lors on finit par se demander si l'affaire Dominati n'est pas exclusivement politique, quel est véritablement son intérêt historique ? Il se situe peut-être au niveau des mentalités. Le tour d'horizon de la presse hebdomadaire qu'effectue Le Monde, montre que l'opinion n'est pas dupe : elle y a bien vu une opération électoraliste et non un débat sur la mémoire pied-noir.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway