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Les sons binauraux, effets cliniques et neuropsychologiques; perspectives d'applications.


par Brigitte Forgeot
Université Paris 8
Traductions: Original: fr Source:

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PARTIE I

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APPORTS THEORIQUES

INTRODUCTION.

On attribue à Hans Berger la découverte du rythme alpha en 1924. Les ondes reconnues par Berger sur l'enregistrement EEG étaient des ondes d'environ 10 cycles par seconde, dominantes, stables et synchrones qui étaient produites lors de la fermeture des yeux et durant les états de relaxation. Berger note également que les ondes alpha sont remplacées par des ondes bêta à l'ouverture des yeux ou lorsque les sujets étaient engagés dans une activité mentale telle que des calculs arithmétiques. Pour Berger les ondes alpha représentent une forme de fonctionnement automatique, un état de préparation à l'action qui existe quand le sujet est éveillé et conscient mais inattentif.

Les sons binauraux d'une différence de fréquence de 8 à 13 Hz induisent la production d'ondes alpha par le cerveau (Foster, 1990), lesquels sont mis en évidence par enregistrement EEG, les yeux restant ouverts. De nombreuses recherches associent les ondes alpha à un état de détente, à l'augmentation de certaines performances et à l'amélioration de l'humeur et de l'anxiété. Ces effets seraient expliqués par la synchronisation hémisphérique induite par les ondes alpha (Hoovey, 1972).

Les sons binauraux d'une différence de fréquence de 16 à 24 Hz induisent la production d'ondes Bêta. En conséquence, ils tendent à augmenter la concentration et l'état d'alerte (Monroe, 1985). Ils améliorent également les performances mnésiques (Kennerly, 1994). L'entraînement cérébral augmentant les ondes bêta est couramment utilisé depuis de nombreuses années dans le traitement du trouble de déficit de l'attention ainsi que dans la remédiation de l'attention chez les traumatisés crâniens. Ces protocoles ont fait l'objet de nombreuses publications dont nous parlerons plus en détail lors de nos recherches ultérieures.

Les sons binauraux dont la différence de fréquence est de 4 à 8 Hz induisent des ondes thêta dont Schacter (1977) a dressé la liste des effets dans une méta analyse. Elles sont associées à des états subjectifs de relaxation profonde, de méditation et de créativité (Hiew, 1995). Les ondes thêta favorisent l'apprentissage en améliorant la concentration et la focalisation détendue sur une tâche (Pawelek, 1985).

Les sons binauraux d'une différence de fréquence de 1 à 4 Hz provoquent l'apparition d'ondes delta qui induisent le sommeil ainsi que des phénomènes de rêve éveillé (Davis, 1938).

II. SONS BINAURAUX ET ATTENTION.

1. Définitions : attention et mémoire de travail.

L'attention comporte différentes composantes, que l'on peut décrire selon un continuum de durée et d'intensité. À une extrémité de ce continuum, nous pouvons décrire l'alerte tonique comme l'état d'éveil d'un sujet tandis que la vigilance est un « un état de préparation à détecter et à réagir à certains changements discrets apparaissant à des intervalles de temps variables au sein de l'environnement » (Mackworth, 1957, cité par Seron et Van der Linden, 2004, p. 99).

L'attention sélective est « la capacité du sujet à investir les ressources de traitement dont il dispose sur les éléments pertinents de la situation ou de la tâche, tout en inhibant les éléments distracteurs. Le mécanisme qui la sous-tend est double : d'une part, l'activation de processus de centrations sur l'objet de l'attention et, d'autre part, l'inhibition active d'éléments distracteurs potentiellement perturbateurs et pouvant interférer avec la localisation (Seron et Van Der Linden, 2004, p. 101).

La flexibilité cognitive est la capacité de passer d'une tâche à l'autre alternativement, et donc de garder à l'esprit les consignes des deux tâches ainsi que d'inhiber la tâche non en cours. Il s'agit de déplacer le foyer de l'attention.

L'attention soutenue enfin, à l'extrémité du continuum, nécessite la part du sujet un traitement actif ininterrompu ; « il s'agit pour le sujet de maintenir un niveau d'efficience adéquat et stable au cours d'une activité d'une certaine durée sollicitant un contrôle attentionnel continu » (Seron et Van Der Linden, 2004, p. 98) ; en vie quotidienne, une attention soutenue de bonne qualité permet la conduite automobile, le travail intellectuel ou manuel et toutes les tâches qui nécessitent un coût attentionnel important durant une période de temps relativement longue.

La mémoire à court terme ou mémoire immédiate est une mémoire de capacité limitée englobant l'analyse de l'information sensorielle au niveau des aires cérébrales spécifiques et sa reproduction immédiate pendant un temps de rémanence très brève de l'ordre d'une à deux minutes (Gil, 2004). On distingue l'empan auditif et l'empan visuel (nombre d'items retenus), mesurée par les subtests des échelles de Wechsler (WAIS, MEM III).

Baddeley (1993) a introduit le concept de mémoire de travail : il s'agit d'un système de capacité limitée, une mémoire tampon, qui permet de stocker et de manipuler des informations au cours de résolution de tâches. Dans les modèles actuels, la mémoire de travail fait partie des fonctions attentionnelles. Le modèle de Baddeley décrit un administrateur central qui coordonne des systèmes esclaves, dont la boucle phonologique (stockage des informations verbales) et le calepin-visuo spatial (informations visuelle, le « quoi » et le « où »).

2. Revue de la littérature.

Diana S. Woodruff (1975) a recherché les relations entre fréquences alpha, temps de réaction et âge des sujets. Elle a montré chez cinq sujets jeunes et cinq sujets âgés une diminution du temps de réaction auditif lorsque les sujets augmentaient leur production d'ondes alpha par une technique de biofeedback.

Lane (1998) a comparé les effets de l'application de sons binauraux induisant des ondes bêta, delta et thêta sur l'attention : la vigilance, le contrôle de l'attention et l'humeur étaient améliorée par les sons binauraux dont la différence de fréquence correspondait au rythme bêta que tandis que vigilance et attention diminuaient lorsque les sons binauraux se trouvaient dans la gamme des ondes delta et thêta, avec des temps de réaction plus longs et davantage de fausses alertes. Ces effets sont confirmés par les travaux d'Atwater (2001) montrant une corrélation entre l'augmentation de la vigilance et l'application de sons binauraux de différence de fréquence bêta.

Plus récemment, en 2005, Butnik a montré l'intérêt du neurofeedback dans le traitement du trouble de déficit de l'attention avec hyperactivité chez des adultes et des adolescents. À l'EEG, ce trouble est caractérisé par un excès d'activité des ondes lentes (ondes thêta) ainsi que par une réduction de l'activité des ondes rapides (ondes bêta).

Oubré (2002) a également démontré par une méta analyse l'efficacité du neurofeedback comme traitement non médicamenteux du TDAH, pouvant remplacer les psychostimulants et montrant un effet qui tient dans le temps.

3. Tests et taches neuropsychologiques utilisés.

Les tests neuropsychologiques que nous avons sélectionnés sont ceux habituellement présentés au cours d'un bilan neuropsychologique, de façon à pouvoir comparer plus facilement dans un deuxième temps les effets sur des populations cliniques. Les tâches informatisées dont nous nous sommes servies sont tirées d'un logiciel d'entraînement cognitif, « HappyNeuron », édité par la société SBT France sous la direction du Dr Bernard Croisile. Ces mêmes logiciels sont fréquemment utilisés en remédiation neuropsychologique.

Tests neuropsychologiques utilisés pour les fonctions attentionnelles :

Le Trail Making Test, formes A et B (Reitan, 1971) est une épreuve papier/crayon comportant deux feuilles ; sur la première (forme A), le sujet doit relier les chiffres de 1 à 25 dans l'ordre chronologique le plus rapidement possible ; sur la deuxième (forme B), le sujet doit relier alternativement un chiffre et une lettre, les chiffres dans l'ordre croissant (1 à 13) et les lettres dans l'ordre alphabétique (A à L). La forme A de cette épreuve permet d'évaluer la rapidité de traitement de l'information tandis que la forme B évalue les fonctions exécutives. La comparaison des deux temps de réalisation permet d'évaluer la flexibilité attentionnelle du sujet.

Le test de Stroop (1935) : cette épreuve comporte quatre tâches successives : lecture durant 45 secondes du maximum de noms de couleurs écrits en noir et blanc, puis mêmes consignes, les noms de couleurs étant écrits de différentes couleurs. La troisième épreuve consiste en une dénomination de carrés de couleurs : le sujet doit nommer un maximum de couleurs eu 45 secondes ; au cours de la quatrième épreuve, dite d'interférence, le sujet doit reprendre la planche des noms de couleurs colorés, et donner la couleur d'impression de chaque mot, en ignorant le mot écrit. Il doit donc inhiber l'activité automatique de lecture. Nous avons conservé les performances de la quatrième épreuve ainsi que le score d'interférence calculé en soustrayant le score de la quatrième épreuve au score de la troisième épreuve.

Le test D2 de Brickenkamp (1966) : il s'agit d'une épreuve de barrages constituée d'une feuille de 14 lignes dans laquelle le sujet doit cocher le plus rapidement possible durant 20 secondes pour chaque ligne la lettre « d » associée à deux apostrophes tout en ignorant les distracteurs ( « d » avec 1 ou 3 apostrophes et « p »). Le profil obtenu permet d'évaluer la fatigabilité, la vitesse et l'efficacité du traitement de l'information, l'attention sélective et l'attention soutenue ; nous en conserverons le score global de performance (nombre d'items traités - erreurs) et le score de concentration (performance - omissions).

Tâches informatisées utilisées pour les fonctions attentionnelles.

Alerte tonique : exercice « Haute tension »

Dans cette tâche, une croix noire est présentée très rapidement, suivie d'un point rouge. Il s'agit d'indiquer le plus rapidement possible à l'aide des flèches du clavier si le point rouge se trouvait situé au-dessus ou en dessous de la croix noire. Le temps de réaction est mesuré en millisecondes. Il y a trois niveaux de difficultés (présentations de plus en plus rapides). Nous avons utilisé le niveau moyen. Le score correspond au temps de réaction du sujet.

Résistance à l'interférence : exercice « Ne vous laissez pas tenter » (tâche de type Stroop)

Cet exercice est une version informatisée du test de Stroop. Il existe deux niveaux de difficultés : au premier niveau, la couleur demandée reste affichée à l'écran ; au second niveau elle disparaît après une présentation d'une seconde. Nous avons utilisé le premier niveau. Le score tient compte du temps de réalisation de l'exercice et des erreurs commises.

Attention sélective : exercice « Cherchez l'intrus »

Dans cette tâche, le sujet doit détecter l'intrus dans une grille (en vert sur l'écran), intrus qui lui a été présenté au préalable, en ignorant la présence d'un item perturbateur (en jaune). L'exercice est chronométré et permet de mesurer la vitesse de traitement de l'information. Trois niveaux sont disponibles, ainsi que différents types de grilles (chiffres et lettres, signes, formes géométriques). Le niveau sélectionné est le niveau moyen avec perturbateur, les grilles sont composées de chiffres et de lettres.

Attention sélective et attention soutenue : « Comparaison de caractères d'écriture »

Dans cet exercice, il s'agit de comparer items par item deux lignes de caractères d'écriture ou de symboles, le plus rapidement possible. Les deux lignes à comparer peuvent être disposées l'une en dessous de l'autre, ou décalées, ou encore perpendiculaires. Il existe deux niveaux de difficulté, selon le nombre de caractères à comparer ; nous avons choisi le plus difficile, huit caractères.

Tests neuropsychologiques utilisés pour la mémoire immédiate et pour la mémoire de travail.

Les épreuves standardisées utilisées pour évaluer la mémoire auditive et la mémoire visuelle immédiates (dépendant respectivement globalement de l'hémisphère gauche et de l'hémisphère droit) donnent des indications à la fois sur l'attention, la mémoire immédiate et la mémoire de travail, ces trois systèmes étant intimement liés ; d'ailleurs l'empan, c'est-à-dire le nombre de chiffres répétés correctement ou le nombre de blocs correctement pointés, est également nommé « empan attentionnel » (Seron et Van Der Linden, 2004, p. 107).

Les subtests de l'échelle de mémoire de Wechsler, version III (MEM III).

Les subtests suivants ont été retenus :

- Mémoire des chiffres : il s'agit d'un rappel immédiat de chiffres, permettant d'obtenir un empan verbal, identique au subtest du même nom de la WAIS-R

- Mémoire spatiale : dérivée du test des blocs de Corsi, cette épreuve consiste à désigner une succession de blocs immédiatement après l'examinateur, dans le même ordre. Elle permet d'obtenir un empan visuo-spatial.

- Mémoire logique I : il s'agit du rappel immédiat d'une histoire courte lue par l'examinateur.

- Reconnaissance des visages I : pour cette épreuve, le sujet doit observer une série de 24 visages, puis désigner parmi 48 visages ceux qu'il a vus auparavant.

- Mémoire des chiffres, ordre inverse : une série de chiffres est lue au sujet qui doit les redonner en sens inversé, en commençant par le dernier.

- Mémoire spatiale, ordre inverse : le sujet doit désigner la succession de blocs montrés par l'examinateur, mais en ordre inverse, en commençant par le dernier pointé.

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