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L'effet normatif des conventions


par Dany MARIGNALE
Université Paris XII - Master 2 recherche en droit privé 2007
  

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B) Une modification de l'ordonnancement juridique pour les tiers.

1) Les tiers.

22. Une règle de droit que les tiers ne sauraient ignorer. Les actes législatifs et les actes des autorités étatiques, expressions de la puissance publique produisent leur effet à l'égard de tous ceux qui sont soumis à cette puissance. Les actes privés étant une expression de la liberté individuelle n'ont en principe d'effet qu'entre les parties et ne créent de rapports de droit qu'entre elles. L'article 1165 érige en principe la relativité des conventions ; elles n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et ne nuisent point au tiers. Ce principe constitue le nécessaire corollaire du primat donné à la volonté et à la liberté contractuelle dans le code civil. En d'autres termes, on ne saurait par la conclusion d'une convention rendre créancière ou débitrice une personne qui n'a pas donné son consentement. Toutefois, les atteintes infligées au principe de la relativité de la convention se sont multipliées167(*).

Ce principe ne saurait toutefois signifier que la convention n'a absolument aucun effet à l'égard des tiers. La convention s'inscrit au sein des normes juridiques ayant force obligatoire pour les parties et crée donc une situation juridique dont les tiers ne peuvent méconnaître l'existence168(*). Ainsi, l'indivision conventionnelle est une convention par laquelle les parties décident de se constituer cotitulaires de droits réels sur un même bien. Cette convention constituera la norme applicable concernant l'exercice de leurs droits et le respect de leurs devoirs concernant le bien collectif. Mais le régime de l'action des créanciers personnels de l'indivisaire porte à en reconnaître également une force obligatoire à l'égard des tiers. Les créanciers chirographaires ont un droit de gage sur l'ensemble du patrimoine de leur débiteur. Pourtant, lorsque celui-ci est indivisaire, ils ne peuvent saisir sa part sur les biens indivis sans violer l'article 815-17 al. 2 du code civil et ne sont admis qu'à demander le partage qui met fin à ladite indivision. Leur action ne saurait donc méconnaître la norme crée par les parties et ne peut prospérer qu'une fois que l'application de cette norme est écartée. La norme conventionnelle lorsqu'elle crée un statut (mariage, reconnaissance d'enfant naturel, constitution d'une personne morale) ou lorsqu'elle porte sur un droit réel (constitution d'un usufruit, transfert de la propriété) fait également la démonstration de son opposabilité aux tiers en raison du nécessaire retentissement social de la situation crée ou aménagée. Ainsi, le contrat de vente emportera transfert de la propriété non seulement entre les parties mais également à l'égard des tiers. Les créanciers de l'acquéreur pourront ainsi se prévaloir de la norme légalement formée pour justifier du transfert de la chose dans le patrimoine de leur débiteur et ainsi procéder à sa saisie. A l'inverse, le transfert du bien du patrimoine du débiteur à celui d'un tiers-acquéreur leur est également opposable169(*) et prévient donc toute saisie portant sur ce bien une fois la norme intervenue, sauf pour le créancier à démontrer la fraude qui viendra paralyser le jeu de la règle de droit née de la convention et en neutralisera donc l'opposabilité170(*).

23. La norme nuit aux droits des tiers. La norme conventionnelle interdit aux tiers toute action qui aurait pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits qu'elle fait naître. La jurisprudence récente en matière de pacte de préférence corrobore cette dimension normative de la convention. Par un arrêt apériteur en date du 16 mai 2006, la chambre mixte de la Cour de cassation a admis la nullité de la convention née en violation des dispositions d'un pacte de préférence et la substitution du bénéficiaire dans les droits du tiers-acquéreur. Les juges suprêmes exigent la preuve de la double connaissance du pacte de préférence et de la volonté du bénéficiaire de se porter acquéreur du bien objet du pacte. Les commentateurs n'ont pas manqué de relever l'incohérence de la décision171(*) : en prononçant la nullité, la Cour de cassation affirme l'inexistence rétroactive de l'acte juridique. De ce fait, aucune substitution ne peut intervenir dans des droits qui sont présumés ne jamais avoir existé ! La conception normative de la convention permet toutefois de donner une explication juridique cohérente de ce dispositif. Une observation liminaire consisterait à affirmer que si le tiers connaît l'existence du pacte, il ne peut pas ignorer le droit qui en résulte et agir en méconnaissance du droit de préférence qu'il crée à l'égard du bénéficiaire quand bien même il ne serait pas partie à la convention. Mais davantage encore, l'acceptation du tiers-acquéreur répond aux caractères de la fraude, acte régulier en soi mais qui vise à faire échec à l'application de la convention, norme ayant force de loi et dont il n'ignorait pas l'existence172(*). La sanction de la fraude étant l'inopposabilité de ses effets, l'acceptation est inopposable au bénéficiaire. La fraude n'annulant que ce qu'elle touche, l'offre, elle, subsiste. Le bénéficiaire peut donc être admis à requérir la substitution dans les droits du tiers-acquéreur en acceptant cette offre.

24. La norme profite aux tiers. La modification de l'environnement normatif qu'opère la convention à l'égard des tiers fait de la convention une source de droit pour les parties. Lorsqu'un tiers subit un préjudice du fait de la mauvaise exécution de la convention sa qualité de tiers l'a longtemps empêché de se prévaloir du lien contractuel pour prouver la faute dommageable. La cour de cassation a longtemps exigé qu'il démontre « une faute délictuelle envisagée en elle-même indépendamment de tout point de vue contractuel »173(*). Mais progressivement la cour de Cassation a admis que la faute nécessaire à la mise en cause de la responsabilité délictuelle de l'auteur d'un dommage est caractérisée par la preuve de l'inexécution d'une convention dont le demandeur est un tiers absolu174(*). Le tiers à la convention peut en effet se prévaloir de la violation de la règle de droit ainsi formée, et ce malgré son caractère privé, pour prouver la faute. Une faute dans l'exécution de la convention est une faute inter partes mais également erga omnes ce qui tend à faire de la convention une norme dont la société entière est en droit de se prévaloir de la violation.

* 167 R.SAVATIER « Le prétendu principe de l'effet relatif des contrats », RTD Civ. 1934. 525 ; M.FONTAINE, J.GHESTIN, Les effets du contrat à l'égard des tiers, Comparaisons franco-belges, LGDJ, 1992 p 44 et s.

* 168 « Au fond c'est parce que le contrat est davantage un acte productif d'une norme que d'un rapport d'obligation que ce rapport peut déborder le cercle des parties contractantes... » G.PILLET th. préc. n° 46 p.54

* 169 « L'opposabilité est un phénomène général qui tend à faire reconnaître l'existence du contrat par les tiers, car si ces derniers étaient autorisés à le méconnaître il ne pourrait pratiquement pas atteindre à l'efficacité même entre les parties ».J.GHESTIN, C.JAMIN, M.BILLIAU, Traité de Droit civil, Les effets du contrat, éd. LGDJ, p.766 n° 724.

* 170 Par le jeu de l'action paulienne de l'art 1167 du Code civil : Les créanciers « ( ...) peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits. »

* 171 Relever les commentaires de l'arrêt notamment celui de P.JACQUES évidemment.

* 172 Dans cette même veine, la 1ère chambre civile de la cour de cassation a admis que le tiers qui aide en connaissance de cause le débiteur à ne pas exécuter le contrat se rend complice de la violation par celui-ci de ses obligations contractuelles et encourt à ce titre la mise en cause de sa responsabilité délictuelle. 1ère civ. 26 janv. 1999, D. 1999, I.R. p.64

* 173 1ère civ. 8 oct. 1962 Bull. civ. I, n°405; Civ. 7 nov. 1962, Bull. civ. I, n° 465 ; Com. 17 juin 1997, Bull. civ, IV, n°187; Com. 16 déc. 1997 JCP, 1998.I.144, obs G.VINEY.

* 174 En ce sens, Soc. 21 mars 1972, JCP 1972, II, 17236 note SAINT-JOURS ; Com. 16 janv. 1973 Bull. civ, IV, n°28 ; 1ère civ. 15 déc. 1998, Contrats, conc., consom. 1999, n°37 obs. L.LEVENEUR ; dans le même sens plus récemment Ass. Plén. 6 oct. 2006 références complètes de l'arrêt et reproduction du dispositif in extenso

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