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La mission du représentant Albitte dans l'Ain

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par Jérôme Croyet
Université Lumière Lyon II - Maîtrise d'histoire 1996
  

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C : contexte dans le département de l'Ain

Il faut se pencher sur les événements qui se déroulent dans le département de l'Ain au moment où arrive Albitte, afin de mieux comprendre l'action de ce dernier.

Dans le département de l'Ain, la lutte contre le fanatisme et pour l'établissement de l'Etre Suprême, (lancée par la Convention), se double d'actions locales de destruction du culte catholique menées par des patriotes. Si ces actions de déchristianisation sporadiques entreprises par certains sans-culottes comme Rollet-Marat ou Chaigneau touchent parfois leur but, une partie du département de l'Ain reste toutefois christianisé, bien que ses habitants ne soient pas foncièrement hostiles aux idées de la Révolution.

Rollet-Marat se plaint le 1er pluviôse an II (20 janvier) que les "saints, saintes, reliques, églises, ustensiles d'or et d'argent sont restés au même état d'avant comme d'après pâques" 385(*). Les essais de déchristianisation n'atteignent que très peu les prêtres non assermentés et réfractaires; beaucoup d'entre eux ont fui avant 1792 en Savoie et dans le Jura.

Sur l'étendue du département, la vague anti-religieuse est ressentie de façon différente.

Si des municipalités comme Lagnieu ou Pont-de-Veyle décident en frimaire an II que tous les signes extérieurs de fanatisme doivent être abattus 386(*), certaines municipalités comme celle de Cuet, dans le district de Bourg, protestent en nivôse an II, pour garder leur curé et de n'avoir d'autre religion que la religion chrétienne. Les administrateurs du district de Mont-Ferme dénigrent, dans une proclamation, la puissance financière du clérgé afin d'accélérer les dons venant des églises :

"Citoyens,

Le moment est arrivé où il ne doit y avoir d'autre religion que l'amour de la patrie, d'autre culte que celui de la Liberté, de l'Egalité et de l'éternelle Vérité. Le masque du charlatanisme tombe de toute part; de toutes parts aussi nos saints se dépouillent de ces vêtements superbes que dédaigna le bon sans-culotte Jésus; Nos prêtres, las enfin d'occuper la chaire du mensonge, honteux de boire dans des coupes d'or. . .s'empressent d'abjurer leurs erreurs"387(*).

L'idée que les prêtres doivent avouer avoir proféssé des mensonges est déjà récurrente à l'idéologie des sans-culottes de l'Ain et ce bien avant l'arrivée d'Albitte.

La politique déchristianisatrice prend une nouvelle ampleur quand le 15 frimaire an II (5 décembre), les représentants auprès de l'Armée des Alpes décrètent que les églises de l'Ain deviendront des Temples de la Raison. Cet arrêté est suivi dans l'ensemble du département; mais c'est dans les villes de Bourg et de Belley que la substitution de nom de Temple de la Raison à celui d'église revêt le plus d'importance. La valeur symbolique de l'édifice religieux est abattu, les sociétés populaires y installent parfois le siège de leurs séances, comme à Belley. Lieu d'apprentissage des lois républicaines, le Temple de la Raison dans de nombreux de villages, n'en a que le nom et pas l'usage patriotique attendu.

La déchristianisation de l'hiver 1793 demeure le fait d'activistes motivés, pour la plupart de Bourg. Rollet-Marat, agent national du district de Bourg est de loin le plus virulent. Craints dans les campagnes, ces activistes sont souvent reconnus par la foule lors de leur passage et quelquefois sont injuriés. Rollet-Marat et Baron-Chalier dans le district de St Rambert sont "insultés par différents citoyens, qui sortaient de célébrer la décade par une grande messe" 388(*). Le même genre de résistance à la déchristianisation se manifeste aussi dans le district de Bourg quand les citoyens Chaigneau et Prévost, de passage à Meillonnas le 6 nivôse an II (26 décembre), au soir, sont injuriés et assaillis par des individus sortant de l'église. Durant la même décade (le 7 nivôse an II-27 décembre) Rollet-Marat doit fuir Ceyzériat, sous les jets de pierres. Quand Rollet-Marat, véritable hantise des catholiques, est en vue d'un village, il arrive que des individus fassent sonner le tocsin pour prévenir les environs de la venue du" brigand". Le 9 nivôse an II (29 décembre), le maire de Hautecourt fait sonner le tocsin et invite "les citoyens à massacrer les sans-culottes" 389(*). La peur d'un individu entraine le rejet du groupe auquel il appartient.

Malgré cela l'agent national du district de Bourg n'hésite pas à aller dans les églises des villages reconnus comme fanatiques, afin de tenir des prêches républicaine. Mais s'il lui arrive quelquefois de briser des statues et prendre les objets du culte, il rentre souvent en conflit avec la population et les autoritées constituées comme à Meillonnas en brumaire an II, ou à Cézériat et Jasseron en nivôse an II. Malgré les démêlés des Sans-Culottes pour supprimer le culte, des prêtres font toujours des messes le dimanche 390(*).

Dans les villes comme Bourg, la religion chrétienne demeure présente chez les habitants, malgré la bonne volonté de ceux-ci de se rendre aux fêtes décadaires. S'il est ardemment fêté, le culte de la Raison n'est que très peu suivi par la population comme nouvelle doctrine religieuse. Cette persistance du culte catholique chez les populations urbaines politiquement "modérées", donne lieu lors de visites domiciliaires, à des actions sporadiques, immédiates et violentes de déchristianisation de la part des sans-culottes. L'exemple du citoyen Marey-Ychard qui trouve (alors qu'il vient apposer les scellés chez un détenu) en entrant dans une chambre, un christ, un portrait du Saint-Suaire ainsi que des tableaux religieux est typique de ces actions immédiates. Il casse les objets et menace la propriétaire de la maison "de la foutre à coups de pieds dans le cul, hors de chez elle, si elle raisonnait, en la traitant encore de Bougre de dinde, de Bougre de salope" 391(*). Cette lutte contre le culte catholique devient vite la lubie de certains Sans-Culottes.

Mais si les activistes de Bourg sont parfois rejetés, ils sont aussi suivis dans leurs efforts par des activistes issus de la sans-culotterie des villages du département. Ainsi, le 28 frimaire an II (18 décembre), les membres de la société des Sans-Culottes de Treffort suit celle de Bourg dans une pétition qui demande la suppression des prêtres. Le 12 nivôse an II (1 janvier), la même société de Treffort entre en conflit avec la municipalité à propos des pratiques religieuses 392(*). La société de Montluel, elle, ordonne le 22 nivôse an II (11 janvier) de détruire deux chapelles, et le 23 nivôse an II (12 janvier), de faire abattre les clochers des églises de Notre-Dame et de Saint Etienne393(*).

Les maximes du culte révolutionnaire, ne sont pas les seules à souffrir du manque d'écoute dans les campagnes. La décade est également mal suivi, non seulement dans les campagnes mais aussi dans les villes. Dans beaucoup de cas, les autorités municipales se montrent complaisantes avec leurs administrés peu scrupuleux qui se reposent le dimanche. Le 23 nivôse an II (12 janvier), afin d'endiguer le repos des ouvriers le dimanche, le Directoire du Département de l'Ain décide que tous les ouvriers des ponts et chaussées qui refuseront de travailler les jours de fêtes et le dimanches, seront renvoyés.394(*)

Le nouveau culte de la Raison a le plus grand mal à s'imposer dans les campagnes. Ces dernières sont pourtant patriotes, mais pas exaltées comme les villes.

Pour les Sans-Culottes, cette étanchéité des campagnes est due au manque d'instruction et aux femmes 395(*). Baron-Chalier, agent national du district de Belley, reconnaît "que l'hydre sera écrasée quand sera établie une instruction publique" 396(*). Cet avis est partagé par certains patriotes des campagnes. Pour le conseil général de la commune de Polliat, "l'instruction publique achèvera d'élever nos âmes et nous fera chérir la vérité et la Raison, la Vertu seront mises en pratique et le bonheur sera notre propriété" 397(*).

Beaucoup de rites chrétiens ne sont pas éradiqués, comme le voudraient les Sans-Culottes; En nivôse an II, les curés d'Ordonnaz et de Seillonnaz célèbrent avec leurs fidèles la fête des rois. Mais si quelques communes sont encore aux mains des fanatiques 398(*), les Sans-Culottes sont conscients que les efforts des sociétés populaires et des activistes comme Rollet-Marat ont des résultats. "La terre est préparée, il ne s'agit plus que de la semer" dit Baron-Chalier le 22 nivôse an II (11 janvier). Mais l'action des Sans-Culottes, dénués de patience et de psychologie vis-à-vis des populations campagnardes, nuit aux buts recherchés par ces derniers.

De cet hermétisme de la campagne à la politique déchristianisatrice de la ville, les Sans-Culottes vont développer un sentiment alliant supériorité et frustration 399(*) de voir des populations plus ou moins hostiles à leurs idées. Désormais, ce sont des rapports de force, qui vont régir la politique des Sans-Culottes vis-à-vis du monde rural. Les Sans-Culottes n'ont pas su adapter leur discours à la masse paysanne, pour qui les maximes d'Hébert, ne sont que des propos aussi "absurdes, qu'indécent"400(*).

De même, juste avant l'arrivé d'Albitte dans l'Ain, certaines communes du département souffrent d'aristocratie. Coligny, St Rambert et Montluel sont suspectées d'avoir leurs administrations, clubs et comités de surveillance, gangrenés par l'aristocratie. En brumaire an II, des missions civiques sont lancées dans les campagnes avec le but d'y "raviver le patriotisme" 401(*).

Les frontières présentent aussi un problème. A la fin de nivôse an II, la constatation des Sans-Culottes, de penser que les aristocrates soient encore dans toute leur force et qu'il est difficile pour eux de répandre la religion républicaine, les amènent à penser que la contre-révolution se prépare. La lettre du 16 nivôse an II (5 janvier) que le comité de surveillance de Bourg écrit à celui de Coligny est typique de l'idée que se font les Sans-Culottes de la mise en place d'un complot : "c'est avec douleur que nous apprenons que plusieurs paroisses voisines de votre commune, travaillées par des prêtres fanatiques et incendiaires, mettent tout en mouvement pour éxciter parmi nous, le trouble et la discorde et amener la guerre civile, l'espoir des tyrans. . .c'est donc à vous à veiller à la tranquillité publique et à déjouer les manoeuvres de l'aristocratie et des fanatiques" 402(*).

La crise fédéraliste de juin et juillet 1793 ainsi que le choc Gouly, poussent les Sans-culottes, à ne désormais plus voir dans les nobles, les prêtres et les modérés d'autres choses que des ennemis de la République .

Dans les campagnes les lois du Gouvernement Révolutionnaire n'ont pas ou peu d'exécution, malgré les "missions civiques" 403(*) des sans-culottes de Bourg. Ces missions civiques, si elles réorganisent et épurent les clubs et sociétés popualires, n'ont aucune force contre des administrations réputées peu patriotes. Néanmoins des Sans-Culottes sont nommés pour "y raviver le patriotisme et prendre des renseignements sur les ennemis de la chose publique"404(*). De telles missions ont donc lieu dans des villes comme Coligny,( le 11 brumaire an II (1er novembre), Blanc-Désisles reçoit un ordre de mission du représentant Reverchon, pour " y propager l'esprit public, de prendre différentes notes sur les membres de la municipalmité, de donner avis aux citoyen Reverchon des gangrénés"405(*)), St Rambert et Montluel.

Beaucoup de patriotes des campagnes ne comprennent pas les bases de ce nouveau gouvernement qui agit sans constitution ils comptent souvent sur les administrateurs des districts pour se faire aider. Malgré cette attente de la campagne vis-à-vis de la ville, beaucoup d'administrations rurales ne comprennent pas et désavouent les pouvoirs des agents nationaux, dont Rollet-Marat notamment406(*)

Depuis la venue de Gouly dans l'Ain et l'arrestation de Blanc-Désisles, Rollet-Marat et Convers, la sans-culotterie se solidarise autour des patriotes burgiens et belleysiens 407(*). Cet esprit de fraternité est très fort depuis que les patriotes de Bourg et de Belley sont incarcérés. L'en tête de la lettre du 13 pluviôse an II (1er février) des Sans-Culottes de Belley à leurs "frères et amis" de Bourg caractérise bien cette volontée d'union : "Fraternité ou la mort"408(*). Dotés d'une forte idée de fraternité, les sans-culottes de l'Ain sont réunis dans des sociétés populaires, qui sont le maillages polotique du département

les sociétés populaires

Il est intéressant de se pencher sur les sociétés populaires, qui sont un appui indispensable pour un représentant en mission.

En effet, si les administrations peuvent être suspectées de modérantisme, les sociétés populaires sont les réservoirs à patriotes éprouvés (puisque épuré par les éléments reconnus républicainement sains, de la société populaire. Voir C.Lucas, page 74). Elles sont le thermomètre du républicanisme. Ce sont elles qui sont appelées par le représentant à fournir le nouveau personnel administratif, en cas d'épuration des autorités. Quand Albitte arrive à Bourg, un projet 409(*) désignant les nouveaux membres des administrations lui est remis par la société populaire 410(*). Sur 48 personnes proposées à Albitte au début de pluviôse an II pour participer aux administrations réorganisées, 46 sans culottes sont nommés par Albitte lors de ladite réorganisation des autorités à Bourg les 5 et 6 pluviôse an II (24 et 25 janvier). Mais ce sont aussi elles qui désignent les administrateurs suspects. Elles sont généralement ouvertes au public qui d'une tribune, vient assister aux débats.

Comme nous l'avons vu, les Sans-Culottes tirent leur pouvoir essentiellement des sociétés populaires épurées dites des Sans-Culottes et des comités de surveillance émanants de ces dernières. Le 9 brumaire an II (30 octobre), pour renforcer la puissance des Sans-Culottes, Blanc-Désisles invite les sociétés et les comités à travailler de concert 411(*).

Dans l'Ain les sociétés des Sans-Culottes s'organisent de la même manière que les sociétés des jacobins en France. La société de Bourg agit comme une société mère, où les sociétés des chefs-lieux de district et de canton demandent à être affiliées. Après une enquête sur le patriotisme de celle-ci, l'affiliation est prononcée ou la société est épurée. A leur niveau, les sociétés des chefs-lieux, affilient celles des communes de leur arrondissement. Le règlement de la société de Bourg, est commun à toutes les sociétés, avec quelques modifications éventuelles. En effet, lorsqu'une société s'épure et devient société des Sans-Culottes sous le contrôle de commissaires de Bourg, elle accepte le règlement de la société mère. Voici, d'après Rollet-Marat, un résumé du règlement de la société des Sans-Culottes de Bourg :

" à l'ouverture de chaque séance, le président par ordre de liste, nomme quatre censeurs, lesquels sont pour la surveillance, l'ordre qui doit régner dans la société; et si toute fois il se trouve quelques perturbateurs, les censeurs sont autorisés à les dénoncer, et le président a droit de les faire arrêter et conduire dans la maison de sûreté.

Chaque candidat doit être présenté et appuyé de dix membres, et est affiché pendant trois jours; pour lors il passe au scrutin. S'il est admis, il prête entre les mains du président, le serment prescit par les loix; s'il est rejeté, nulle réclamation.

Lorsqu'un membre demande la parole, il monte à la tribune, et si quelqu'un l'interrompt, il et rappelé à l'ordre et censuré.

Toute dénonciation se fait par écrit et est envoyée au comité de surveillance.

Le scrutin épuratoire est toujours à l'ordre du jour, car en effet, citoyens, tel sous le masque du patriotisme est reçu membre, et par la suite, le masque tombant, la gangrène fait des progrès; adieu la Révolution, adieu la Société " 412(*).

La société populaire de Bourg est donc à la tête d'un maillage du département par les sociétés des Sans-Culottes, de type pyramidal. Cela a pour conséquence l'établissement "entres elles, d'une correspondance active pour tout ce qui intéresse le salut public et l'exécution des loix " 413(*). De ce fait, les sociétés populaires se veulent l'organe purifié d'instruction des loix. Ceci à pour conséquence la politisation très forte de certaines sociétés qui comprennent vite que si le nombre de membres est restreint, l'application d'une politique donnée se trouve facilitée, ainsi que l'acceptation de cette politique par lesdits membres414(*). En thermidor an II, le nombre des sociétés populaires est dans l'Ain, de 62 , pour 462 communes. La société mère de Bourg compte entre 130 et 160 membres415(*) pour 6000 habitants. Ambronay compte 218 membres pour 1600 habitants, Lagnieu 218 membres pour 1700 habitants, Poncin 144 membres pour 1760 habitants, St Jean le Vieux 113 membres pour 1264 habitants et St Rambert 145 membres pour 2500 habitants. Beaucoup de ces sociétés populaires ont été fondées en 1793. Dans le district de St Rambert, on compte le 1er germinal an II (21 mars), 11 sociétés populaires (voir annexe).

Les sociétés populaires (dont celle de Bourg notamment) vont, tout au long de la mission d'Albitte, jouer un rôle important. De la politisation de ces dernières il résulte une légitimité, qui ne peut conduire les sociétés et leurs membres, qu'à des responsabilitées encore plus grandes. L'idée de Blanc-Désisles et des sans-culottes est que "si la Convention appelait dans son sein quelques sujets pour remplacer les députés ou suppléants fédéralistes, elle s'adresserait surement pour ce choix aux dites sociétés qui composent la partie saine du peuple"416(*). Cette idée, jointe aux événements de nivôse et pluviôse an II, va comme nous le verrons plus tard, accelérer la radicalisation des idées politiques des sans-cuottes en ventôse et germinal an II.

les comités de surveillance

Le second organe révolutionnaire sur lequel s'appuie indirectement Albitte, est en l'occurrence, les comités de surveillance417(*).

Ceux-ci sont composés de 12 citoyens qui, dans la plupart des cas, sont issus de la société populaire par un vote. Le plus souvent, ces comités sont composés d'artisans (de dix-sept à quarante ans pour le comité de surveillance de Lagnieu) sachant pour la plupart lire et écrire. Dans chaque comité est élu, tous les mois, un président et deux secrétaires. Quand Albitte arrive dans l'Ain et jusqu'au 25 ventôse an II (15 mars), toutes les communes possèdent un comité de surveillance. Mais beaucoup d'entre eux n'ont eu qu'une existence éphémère, le temps de choisir les membres, de leur faire prêter un serment devant l'arbre de la liberté, de notifier cela sur un cahier et le comité a fini d'exister. Les membres des comités se réunissent à la maison commune ou, pour certains cas, au presbytère.

Les comités des grandes agglomérations du département (Bourg, Belley, Ferney-Voltaire) siègent tous les jours. Les comités de surveillance ont des fonctions de police politique (avec l'attribution des certificats de civisme qui garantissent la bonne ligne politique des citoyens). Tous les comités disposent de la possibilité de déclarer suspect des citoyens. Ils recueillent les dénonciations et après une enquête, délivre un mandat d'arrêt où pas.

Mais une "spécialisation" se fait jour, en fonction du lieu où se trouve le comité. Les comités de surveillance du pays de Gex, sont principalement occupés par la chasse aux émigrés, aux accapareurs et aux contrebandiers de numéraire et de nourriture, qui empruntent les chemins que prenaient avant eux les fauxsaulniers. Celui d'Ambronay est occupé par la surveillance de la prison. Les comités de surveillance doivent rendre compte à chaque décade, des travaux effectué à l'agent national de leur district.

Outre ces deux éléments de la vie politique et sociale de la Terreur, Albitte va aussi s'appuyer sur un personnage dont les fonctions correspondent à l'action du Gouvernemt Révolutionnaire : c'est l'agent national. Ce poste se trouve à deux échelons des administrations départementales, au district et à la municipalité. Chaque administration de district a dans son personnel un agent national, qui est responsable au niveau de cette entité administrative, de l'exécution des lois. Au niveau de la municipalité, un agent national se voit aussi confier cette fonction sur l'étendue de la commune. Les agents nationaux des districts ont de loin des pouvoirs beaucoup plus étendus et plus forts que leurs collègues des municipalités. Les pouvoirs conférés à l'agent national de district, font de lui un agent et un activiste révolutionnaire de choix. Les agents nationaux ont pour but "de placer Municipalités et districts sous la dépendance plus étroite du gouvernement central"418(*). Afin que le pouvoir central puisse contrôler ces derniers, les agents nationaux doivent rendre au Comité de Salut Public un compte décadaire de leurs actions. Le rôle d'un agent national s'exerce aussi bien "sur les autoritées constituées que sur les particuliers, et leur domaine d'intervention est extrèmement vaste puisqu'ils ont pour tâche la surveillance de l'application des lois et décisions de la Convention et de ces Comités"419(*). Mais à ces pouvoirs s'ajoutent celui de veiller à l'exécution des arrêtés des représentants du peuple, qui ont force de lois. Dans l'Ain Rollet-Marat, agent national du district de Bourg, occupe un rôle déterminant par rapport à ses collègues des districts voisins. En effet il a pour attribution officieuse, de faire passer les arrêtés du représentant à ses collègues420(*). Si la place de maire est importante durant la présence d'Albitte dans l'Ain , celle d'agent national lui est supérieure. Il faut donc voir dans les agents nationaux, des partisans de la Révolution et de la République, sans faille ni travers.

La situation du département de l'Ain ainsi que les événements qui s'y sont produits jusqu'à l'arrivée d'Albitte ont façonné chez les Sans-Culottes une idéologie politique précise. Il est intéressant de comprendre maintenant quelles sont les motivations politiques, primaires, des Sans-Culottes et leur cheminement durant la mission d'Albitte dans l'Ain.

* 385Mémoire justificatif de Rollet-Marat du 1er pluviôse an II. Op.cit.

* 386E.Dubois, Ibid page 351.

* 387Proclamation du 6 frimaire an II cité par Ph.le Duc, Op.cit, tome 4 page 132.

* 388Mémoire justificatif de Rollet-Marat à Albitte du 1er pluviôse an II. Op.cit.

* 389E.Dubois Op.cit, tome 4 page 117.

* 390Le 8 pluviôse an II, le curé de Grand Corent est suspecté de faire la messe. A.D.A 2L26

* 391Cahier de dénonciation n°1, Op.cit, page 77

* 392Cahier des Sans-Culottes de Treffort. Op.cit.

* 393Registre de la Société populaire de Montleul, cité par Ph le Duc, Op.cit, tome 4 page 324.

* 394Registre de délibérations du directoires du départemnts de l'Ain, scéance du 23 nivose an II, A.D.A L87

* 395Ibid.

* 396compte rendu de l'agent national de district de Belley du 22 nivôse an II. A.D.A 1L98.

* 397Requête du Conseil général de Polliat au représentant Albitte. A.D.A fonds non classé;

* 398compte rendu de l'agent national du district de Belley, Ibid.

* 399"j'ai vu Rollet et Juvanon. . .maltraiter sans cesse, soit par des menacs, soit par des propos injurieux, ironiques et railleurs, les habitants des campagnes qui venaient leur demander des instructions". Témoignages de François-Marie Charron, comis en chef des contributions du district de Bourg. Cahier de dénonciation 1, Op.cit.

* 400Meillonnas, dénonciation contre Duclos, Thevenin, Chaigneau et Rollet. Op.cit.

* 401Registre du comité révolutionnaire de la société des sans-culottes de Bourg, levé contre le fédéralisme de la cité et du département. A.D.A série L, fonds non classé.

* 402Lettre du comité de surveillance de Bourg à celui de Coligny, du 16 nivôse an II. Registre du comité de surveillance de la commune de Bourg-Régénéré. A.D.A série L fonds non classé.

* 403E.Dubois in Histoire de la Révolution. . .. Op.cit, tome 4 page 45.

* 404Registre du comité de surveillance révolutionnaire de Bourg, cité par E.Dubois in Histoire de la Révolution . . . , Op.cit, tome 4 page 51.

* 405Scéance du 11 jour du 2ième mois de la République. Registre du Comité Révolutionnaire de Bourg. A.D.A série L fonds non classé.

* 406Cette incompréhension des campagnes, est constante durant toute la période de la Terreur. En effet, le 23 ventose an II, Rollet-Marat, se plaint à Albitte, que les administrations du district de Montrevel on contestés ses ordres concernant l'éxecution des arrêtés d'Albitte. Registre de correspondance du directoire du district de Bourg-Régénéré, A.D.A 2L28

* 407"Frères et amis. Nous ne le cèderons jamais en patriotisme à qui que ce soit. . .nous n'avons jamais oubliés les patriotes opprimés et nous n'aspirons qu'au moment de les voir rentrer dans notre sein et de les serrer dans nos bras". Lettre des sans-culottes belleysiens à ceux de Bourg du 13 pluviôse an II. A.D.A série L fonds non classé.

* 408Lettre de la société populaire de Belley à un sans culotte de Bourg. A.D.A série L fonds non classé.

* 409"Désignation des membres des autorités constituéesde Bourg". A.D.A série L fonds non classé.

* 410Dans son arrêté du 6 pluviôse an II, réorganisant l'administration du département de l'Ain, Albitte reconnait "avoir pris les renseignements les plus scrupuleux et les plus précis, et consulté l'opinion de la société populaire de Bourg-Régénéré". Registre du directoire du département de l'Ain. A.D.A L45.

* 411E.Dubois in Histoire de la Révolution. . ., Op.cit, tome 4 page 41

* 412Discours de Rollet-Marat à la société populaire de Châtillon-sur-Chalaronne, du 23 octobre 1793, cité par E.Dubois in "La Société populaire des Amis de la Constitution de Châtillon-sur-Calaronne, Op.cit.

* 413Lettre de la société des Sans-Culottes de Bourg à la société des Sans-Culottes de Treffort, du 24 brumaier an II, signée Convers président et Anselme secrétaire. Collection privée M.Berger.

* 414"Désisles prétendait que les sociétés populaires ne devaient être composées que d'un petit nombre d'individus, qui tous de vaient être révolutionnaires". Témoignage de Convers, Op.cit.

* 415Le chiffre de 900 membres avancé par L.Trénard semble énorme. La société populaire de Bourg au 11 prairial an II, ne compte tout au lus que 136 memebres. Malgré l'épuration conseillée par Albitte, au début de pluviôse an II, il est fort improbable que la société ait comptée autant d'adhérent. Le chiffre qui serait le plus admissible est d'environs 300 sociétaires et spéctateurs "assidus" des tribunes. Debost, détenu à Lyon à partir du 30 nivose an II, donne comme nombre de membre 163 personnes divisées en quatre classes :

"Dans la première, les chefs terroristes de Bourg, correspondant avec les Jacobins de paris, au nombre de 21

dans la deuxième, les patriotes se prêtant volontiers aux mesures de rigueur, au nombre de 15

dans la troisième, les gens instruits et peureux, servants par faiblesse le parti dominant, au nombre de 32

dans la quatrième, les gens de la classe ouvrièere et besogneuse, devenus par intérêts les ageens et les aboyeurs des chefs, au nmbre de 95" Debost, cité par Ph. le Duc, Op.cit, tome 5 page 57.

* 416Décalaration de Convers, Op.cit.

* 417Voir J.Croyet : Les comités de surveillance dans l'Ain, 1793-an III.

* 418C.Lucas, Op.cit, page 163.

* 419J.Tulard-J.F Fayard-A.Fierro in Histoire et dictionnaire de la Révulotion Française.Editons Robert Laffnt, Paris 1987, paage 510.

* 420"il (Albitte) me charge de plus, de te faire passer un extrait dudit arrêté pour chacun des agents nationaux des différents districts du dé partement de l'Ain, auxquels tu voudras bien le leur faire parvenir sans retard". Lettre du 11 pluviôse an II, de Darasse à Rollet-Marat. A.D.A série L fonds non classé.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld