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Première alternance politique au Sénégal en 2000: Regard sur la démocratie sénégalaise

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par Abdou Khadre LO
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - DEA Science Politique (Sociologie Politique) 2001
  

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4. 1990 2000 : Une décennie déterminante :

S'il faut remonter assez loin pour comprendre le changement de 2000, la dernière décennie a été sans conteste celle qui a enregistré les évolutions les plus visibles dans le cadre institutionnel et politique.

En Septembre 1991, l'assemblée nationale sénégalaise, dans un climat politique apaisé par les tractations entre le pouvoir et l'opposition et l'entrée de celle-ci au gouvernement ( en avril), adopte plusieurs amendements au code électoral.

1°) Les élections ont désormais lieu à deux tours, le vainqueur étant désigné à la majorité absolue.

2°) Le mandant présidentiel, limité à deux exercices, est fixé à sept ans.

3°) L'âge des votants est abaissé à dix huit ans.

4°) Les élections législatives qui devront avoir lieu tous les cinq ans et les présidentielles sont désormais dissociées.

En février 1993, les élections présidentielles présentent un schéma quasi identique à celles de 1988 : fraudes électorales, violences, arrestations de certains chefs de l'opposition (en tête desquels, Abdoulaye Wade) qui libérés finissent par entrer à nouveau au gouvernement. Il faut noter que le bon déroulement de la consultation est entaché par les longueurs et la confusion autour des procédures de dépouillement. La commission nationale de recensement des votes suspend ses travaux sur un constat d'échec, le conseil constitutionnel étant obligé de prendre le relais. La proclamation des résultats n'intervient que le 13 mars, dans un climat de contestation.

Ce qui est remarquable, ici, c'est la poursuite de l'effritement des voix du chef de l'Etat au profit de maître Abdoulaye Wade.

En mai 1993, les élections législatives sont remportées par le PS avec 84 sièges sur 120 contre 27 sièges pour le PDS qui a réalisé de bons scores dans les centres urbains. (Nous reviendrons sur cette présence de l'opposition dans les centres urbains).

Résultats des élections de 1993 :

PRESIDENTIELLES

 

LEGISLATIVES

 

Abdou Diouf (PS)

58,40%

PS

84 sièges

Abdoulaye Wade (PDS)

32,03%

PDS

27 sièges

Landing Savané (And-Jëf/ PADS)

2,91%

LD/ MPT

3 sièges

Abdoulaye Bathily (LD/ MPT)

2,41%

Jappo ligeyal Sénégal (coalition travaillons ensemble pour le Sénégal RND ; CDP/ G ; AJ/ PADS)

3 sièges

Iba Der Thiam (CDP/ Garab gui)

1,61%

 

2 sièges

Madior Diouf (RND)

0,97%

 

1 sièges

Mamadou LÔ (indépendant)

0,85%

 
 

Babacar Niang (PLP)

0,81%

 
 

La crédibilité de ces résultats, fut comme d'habitude remise en cause. Le retard dans la proclamation entretenait le sentiment de la manipulation des suffrages. Les sénégalais vécurent trois semaines d'attente, de blocage institutionnel des dépouillements et de guerre de communiqués. Une climat tendu auquel s'ajoutait la démission de Kéba M'Baye, Président du conseil constitutionnel ; une démission interprété par les populations comme un signe de désaveu de la fraude et de la triche électoral.

La période post-électorale est marquée par l'assassinat du vice-président du Conseil constitutionnel, maître Babacar Sèye, par l'arrestation de maître Wade, puis de membres du PDS désignés comme suspects. L'affaire « Me Seye » empoisonne durablement le climat politique. Le PDS reste dans l'opposition, mais le nouveau « gouvernement d'union » formé en juin intègre des membres des partis de l'opposition tels que le Parti de l'Indépendance et du Travail (PIT) et de la Ligue Démocratique.

Abdoulaye Wade entrera à nouveau dans le gouvernement d'ouverture ( que les sénégalais nomment « gouvernement de partage du gâteau »), en février 1995.

Cette nouvelle entrée du PDS au gouvernement socialiste est intéressante, dans la mesure ou elle démontre parfaitement combien les critères idéologiques traditionnelles des partis politiques, du gouvernement ou de la politique occidentale en générale conviennent difficilement à la vie politique sénégalaise. En effet ici comme ailleurs (nous le verrons notamment dans le soutien apporté par les partis dits de gauches à Wade au second tour) les étiquettes classiques ( extrême gauche, gauche, centre, droite etc.) ne sont point pertinentes.

Il est assez aisé de comprendre que même lorsque les trois courants de pensées furent établis par Senghor, les catégories dégagées étaient inappropriées aux partis politiques sénégalais. Comme le rappelle Antoine Tine, ces étiquettes choisies et imposées par Senghor furent reçues « au mieux comme des emblèmes administratives pour obtenir un récépissé de reconnaissance et au pire comme des « camisoles de force »9(*)

Aujourd'hui encore, il est très difficile de délimiter les frontières idéologiques entre les partis politiques sénégalais. Certes, si l'on se réfère aux statuts, les différences apparaissent clairement, mais dans la pratique et l'expérience de la discussion publique (lors des campagnes électorales) les lignes de démarcation sont assez floues. Le clivage idéologique n'est pas déterminant pour rendre compte de la configuration partisane sénégalaise, des pactes, des réseaux et des complicités clientélaires qui s'y déploient.

Les clivages qui existent ne s'appuient pas tant sur des critères d'efficacité clientéliste et de performance électorale. Du coup, les partis qui ne sont représentés ni au parlement ni au gouvernement sont absents de la scène politique et servent plus ou moins de figurants. Ils sont comme des membres sur des bases relevant plus des relations personnelles ou d'allégeances primordiales que d'une adhésion réelle à un projet politique commun.

On pourrait dire aussi que ce qui différencie réellement les partis politiques sénégalais c'est soit la radicalité de leur opposition soit l'acceptation de la « solidarité gouvernementale ». L'expérience des dernières années illustre bien ce propos. Avec l'accession de Diouf à la magistrature suprême, l'appel au « sursaut national » et surtout depuis les émeutes post-électorales de 1988, le Sénégal a connu une expérience originale de cohabitation gouvernementale : le parti majoritaire et dominant conviait les autres à se rassembler derrière lui, non pas parce qu'il n'a pas de mandat électoral suffisant pour gouverner seul le pays, mais dans le but de calmer la tension sociale et de briser la contestation politique.

La cohabitation gouvernementale sénégalaise est une tactique ou une ruse de pacification sociale qui intervient à chaque fois que les élections sont contestées et que la légitimité du PS est rudement mise à l'épreuve. Les partis politiques se distinguant selon qu'ils acceptent ou non d'intégrer le gouvernement.

En novembre 1996, des élections régionales, municipales et locales ont lieu. Le PS de Abdou Diouf que l'on pensait affaibli, remporte très largement ces scrutins avec 300 communautés rurales sur 320, 56 mairies sur 60, l'ensemble des 10 régions, 38 mairies d'arrondissement sur 43 de la communauté urbaine de Dakar qui est de ce fait dirigé par un maire PS.

Mais ces élections ont eu lieu dans la confusion et témoignent d'une préparation matérielle insuffisante. Le scrutin doit être repris dans 100 bureaux de vote sur 1000. Les accusations de manipulations, les contestations et les recours légaux (par ailleurs rejetés) n'empêchent pas le PS de conforter ses positions, y compris dans les zones où le PDS avait réalisé de bons scores en 1993. Malgré la polémique, le PDS de Abdoulaye Wade reste au gouvernement, où il était déjà revenu en février 1995.

En mai 1998, les élections législatives se tiennent dans le calme, sous l'égide d'un nouvel organisme, l'Observatoire National des Elections (ONEL), chargé de garantir la régularité du scrutin. C'est le premier exercice électoral relativement apaisé que connaît le pays depuis bien longtemps, malgré les accusations traditionnelles de fraudes. Il voit la victoire du Parti Socialiste avec 93 sièges sur 140 10(*), contre 23 sièges au Parti Démocratique Sénégalais et surtout l'émergence d'une troisième force, L'Union pour le Renouveau Démocratique (URD) de Djibo Leyti KA (ancien « baron » du PS ayant occupé plusieurs postes ministériels) qui emporte 11 sièges. « And Jëf » (travailler ensemble )/Parti Africain pour la Démocratie et le Socialisme, un parti d'obédience marxiste obtient 4 sièges.

Onze partis en tout sont représentés dans la nouvelle Assemblée au terme d'un processus, une fois de plus, contesté par l'opposition qui a réclamé son annulation sans succès.

En janvier 1999, des élections indirectes au Sénat (récemment institué) sont convoquées par les membres de l'assemblée nationale et les conseillers régionaux, municipaux et locaux. L'opposition qui avait contesté, dans sa majorité, l'élection de ces conseillers, en novembre 1996 ainsi que les élections de mai 1998, boycotte les sénatoriales. Grâce à cette politique de chaises vides, le PS gagne la totalité des sièges mis en compétition, avec 91,3% des voix, c'est-à-dire les 48 sièges, en plus des 12 sièges pourvus par décret du Président de la République.

Parmi les sénateurs désignés directement par le chef de l'Etat figurent deux représentants de « petits partis »11(*) le Parti libéral Sénégalais du dissident et ancien bras droit du PDS de Abdoulaye Wade, maître Ousmane Ngom et le Parti Africain de l'Indépendance (PAI) du doyen des partis marxistes sénégalais, Majhemouth Diop.

Cependant, ce tableau ne saurait être complet si nous ne prenons pas en compte les instances qui devaient organiser et surtout veiller au bon déroulement des opérations électorales. Il s'agit principalement de l'Observatoire National des Elections (ONEL) et du Ministère de l'Intérieur à la tête du quel le président Abdou Diouf avait nommé un Général d'armée.

* 9 Cf. l'article de Antoine Tine, Du multiple à l'un et vice versa ? Essai sur le multipartisme au Sénégal (1974-1996), Institut d'Etudes Politiques de Paris, disponible sur Internet, www.Cean-u bordeaux.fr/polis/vol.3nl/arti4.html.

* 10 L'assemblée nationale étant passée de 120 députés à 140 en 1998.

* 11 Petits dans l'échiquier politique sénégalais, c'est-à-dire obtenant généralement O ou 1 député à l'Assemblé nationale.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci