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Place et rôles des temples protestants malgaches dans la construction d'une communauté à Paris

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par Hery Andry I.V RAKOTONANAHARY
Université Denis Diderot Paris 7 - DEA Sociologie 2002
  

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1.2.3 De l'ethnicisation de l'émigration et de l'immigration malgache?

Beaucoup de recherches historiques attestent la migration importante des Mérinas (DESCHAMPS (1959), RANDRIAMARO (1997), CRENN (1998)) à l'intérieur comme à l'extérieur de Madagascar. De l'intérieur de Madagascar, ces originaires des Hauts-Plateaux, les Mérinas, ont conquis la Grande île pour diverses raisons : politique, économique, agricole ou démographique. La première présence des Mérinas dans de nombreux lieux de Madagascar se trouve encore vivante dans la mémoire des Malgaches65. C'est surtout avec

61 « Cette répression contre la culture française et l'enfermement de l'île sur elle même, contribuèrent à la fuite de ces mêmes Merina qui avaient pourtant lutté contre l'oppression française. Si la malgachisation de Didier Ratsiraka a dépassé leur désir, elle a toutefois accéléré la prise de conscience de leur ambivalence latente ».Crenn, 1998, p317.

62 Cette politisation se manifeste par les modifications des ordonnances de 1945. L'ordonnance du 2 novembre 1945 « relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France » contient l'essentiel des règles françaises en matière d'immigration. Elle a été modifiée une 25 e fois par la loi Chevènement en 1998. La montée du Front National comme l'utilisation des idées sur l'immigration lors des élections sont aussi parmi cette politisation de l'immigration.

63 MAHATODY (2000), dans son rapport analyse une forme particulière de la migration malgache, pour l'auteur les migrants malgaches (Nord Ouest de Madagascar) participent à un marché matrimonial mondial. Ce qui n'est pas une exception des filles du Nord Ouest de Madagascar.

64 Menja, prénom d'une jeune fille malgache victime de l'esclavage moderne est la plus connue pendant l'été 2001. Voir aussi l'article de Thierry PARISOT « Sur la piste de l'esclavage moderne » in Manière de voir N°62. Le Monde Diplomatique mars avril 2002 titré « Histoire(s) d'immigration ».

65 Voir COLE (2001), la présence mérina dans la mémoire collective betsimisaraka.

le Roi RADAMA II, au début du XIXe siècle que la dispersion des Mérinas a été la plus visible. Pendant ce temps là, plus de la moitié de la Grande île ont été mise sous administration mérina. L'usage d'une structure communautaire appelé « fokon'olona »66 pour dominer les « petites » structures communautaires des lieux à conquérir, la création des taxes67 pour réguler les activités socio-économiques ainsi que l'appel aux corvées ont été parmi les principaux moyens utilisés pour asseoir l'hégémonie mérina.

Sous l'administration française, cette mobilité mérina a été suivie et renforcée dans le nouveau contexte colonial. DESCHAMPS (1959), rapporte que la majorité des fonctionnaires recrutés sont des Mérinas68 et ils ont été envoyés dans tous les recoins de l'île pour administrer les lieux. L'auteur observait que la migration intérieure « malgache » est caractérisée pendant cette période par une part d'individualisme et des regroupements ethniques.69Dans cette migration intérieure, on remarque une forte mobilité des Mérinas.70

Concernant la migration à l'extérieur de Madagascar, étant moi- même Mérina, je trouve ethnocentrique le fait d'attribuer et de croire à une importance déterminante de la présence massive des Mérinas à l'extérieur de Madagascar. Aucune statistique basée sur une catégorisation ethnique n'est disponible actuellement dans les Ministères malgaches pour affirmer que les Merinas sont effectivement la masse majoritaire des migrants malgaches71. D'autre part, affirmer une lignée mérina à chacun des individus présent hors de Madagascar, en particulier, dans les Temples parisiens est impossible. Cela supposerait que ces individus s'identifient à une origine mérina, ce qui ne va pas du tout de soi. Le profil des enquêtés (chapitre 1.4) ainsi que le résultat de mes entretiens (Partie deux) offrira une identification et révélera les auto-identifications qui ne présupposeront pas une valeur automatique et première à cette appartenance mérina. La communauté des Temples a sa propre identification.

66 « fokon'olona », concept désignant la structure sociale et son fonctionnement sous le règne du Roi ANDRIANAMPOINIMERINA. Voir ARBOUSSET (1950)

67 Exemples les « isampangady », « isandahy » littéralement taxe pour chaque bêche ou travailleur de terre, et taxe pour chaque homme.

68 Sur 10.956 fonctionnaires malgaches 59% (6465) sont Mérinas. P99, « l'occupation française, loin de freiner l'expansion mérina l'a accélérée en achevant la pacification, en ouvrant des route, en créant des villes ».p90

69 « Le maintien des ethnies est cependant beaucoup plus fréquent que la fusion ». p265 (1959).

70 Déjà en 1948, selon les statistiques de l'administration coloniale avançaient que 16, 38% des Mérinas est en diaspora (source : RANDRIAMARO, p75)

71 Exception peut être le livre de François ROUBAUD (2000) qui évoque en terme ethnique l'appartenance sociale des enquêtés. Voir le Projet MADIO, agence statistique officielle à Madagascar. Le livre décompte les Mérinas, Betsileo...

Quoi qu'il en soit, c'est à travers des observations, des entretiens et des documents de recherches72 que j'ai pu admettre la présence quasi- majoritaire des Mérinas du moins dans les Temples protestants en France.

En utilisant le mot générique « Mérina » pour désigner les gens des Hauts Plateaux, je participe moi-même à réifier une catégorisation polysémique. « La nomination n'est pas un énoncé qui relève de la vérité, ce n'est pas la constatation d'un état de fait »73, mais la désignation mérina est pertinente dans la mesure où même si elle n'est pas une référence première, elle est une réalité vécue et commune pour les Malgaches. « Lorsqu'un peuple existe en tant qu'acteur historique collectif, il se reconnaît nécessairement un nom, quel qu'il soit- symbole parmi d'autres de son unité ». 74

De nombreux discours concernant Madagascar peuvent faire admettre qu'il y a une certaine pesanteur historique à toujours voir la réalité malgache à travers ses ethnies (souvent présentée à dix huit ethnies), plus distinctement, à travers le couple « Mérina »/ «Côtier » 75.

Cette vision de chose n'est pas nouvelle et elle n'est pas exclusivement propre entre Malgaches. L'administration coloniale française, les premiers historiens et les premiers voyageurs occidentaux qui ont débarqué sur la Grande Ile ont plus ou moins contribué à voir et à faire voir la réalité du peuplement de Madagascar sous cet angle. En 1898, on a pu lire dans le « Guide de l'Immigrant à Madagascar » que « les Mérinas demeurent l'élément central de la vision européenne des Malgaches. C'en est aussi la référence obligée par rapport à laquelle se hiérarchisent ensuite les autres groupes de l'île. Les superlatifs ne manquent pas pour traduire cette supériorité ».76

Par ailleurs, les Mérinas sont parmi les populations les plus évangélisées, c'est une des caractéristiques de la population au Centre de Madagascar. La réalité est tout autre sur le littoral77.

Une mobilité géographique déjà forte à l'intérieur de Madagascar, une culture
majoritairement chrétienne, un contact historique fort avec les Français
peuvent ils être considérés comme des indices explicatifs de la présence de

72 La présence quasi effective des Mérinas dans les paroisses est confirmée par CRENN (19991) et MAHATODY (2000).

73 p123 Jean BAZIN

74 Idem. p 123.

75 Voir le chapitre « l'opposition Mérina /Côtier » dans J-R RANDRIAMARO « Padesm et lutte politique à Madagascar. De la fin de la deuxième guerre mondiale à la naissance du PSD »Eds Karthala. 1997. pp74-80.

77 . « Les chrétiens représentent moins de la moitié de la population totale du pays, que leur proportion est inférieure à 10% dans l'ensemble des régions côtières » dans « Histoire oecuménique. Madagascar et le christianisme » dirigée par Bruno HÜBSCH. Eds Ambozontany, ACCT, Karthala. 1993. p459.

76 Dans A.CHALLAND, Paris, 1898 cité par CLESSE dans RANDRIAMARO (1997). p115.

la diaspora mérina en France actuellement? Peut on affirmer que ces indices ont pu se constituer en une culture spécifique : une sorte de culture du migrant malgache?

Ce que je peux affirmer c'est que la configuration actuelle de la migration des Malgaches en France est déterminée par des dimensions historiques. Donc le fait que la présence malgache en France est visiblement protestante et elle est en rapport étroite avec les gens des Hauts-Plateaux (les Merina) n'est pas une donnée surprenante de point de vue historique.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe