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Le Jouet ancien au musée - idole d'un nouveau lieu


par Cécile Bricault
Université Lille 3
Traductions: Original: fr Source:

Disponible en mode multipage

MÉMOIRE DE SENSIBILISATION PROFESSIONNELLE

VOLUME II

Le jouet ancien au musée

-

idole d'un nouveau lieu

Comment le jouet ancien,

de par sa présence,

permet-il au musée-trésor

de devenir

un lieu contemporain de la mémoire vivante ?

Bricault Cécile

Master Pro 1, Administration patrimoniale : Gestion de sites du Patrimoine

Sous la direction de

Mr Arnaud Timbert, Maitre de conférences

Mr Jean-Paul Deremble, Maitre de conférences

UFR Sciences Historiques, Artistiques et Politiques

Université Charles de Gaulle / Lille 3

2007-2008

Remerciements

En préambule à ce mémoire, je souhaite adresser ici tous mes remerciements aux personnes qui m'ont apporté leur aide et qui ont ainsi contribué à l'élaboration de ce mémoire.

Tout d'abord Monsieur Arnaud Timbert, directeur de ce mémoire, Maitre de conférences à Lille 3, et responsable de la formation Master 1 Gestion de sites du Patrimoine, pour l'attention qu'il a apporté à la lecture de ce mémoire.

J'exprime ma gratitude à Monsieur Jean-Paul Deremble, Maitre de conférences à Lille 3, directeur de recherches pour le Master 2 Gestion de sites du Patrimoine, pour ses conseils, le temps qu'il a bien voulu me consacrer et qui m'a aidé à développer ma réflexion.

J'aimerais aussi témoigner ma reconnaissance à Monsieur Franck Astruc, directeur du Musée de la Poupée et du Jouet Ancien, pour m'avoir acceptée comme stagiaire au sein du Musée, stage qui a motivé mon choix de sujet.

Je remercie également tous les bénévoles de l'association Les Amis du Jouet Ancien, pour m'avoir permis de partager leur passion du jouet ancien.

Enfin, j'adresse mes plus sincères remerciements à mes parents, ainsi qu'à tous mes proches et amies, notamment Alexandra Barbier-Guyot, Marie Métivier, Isabelle Josso, Véronique Matignon, qui m'ont toujours soutenue et encouragée au cours de la réalisation de ce mémoire.

DEUXIÈME PARTIE

COMMENT LE JOUET ANCIEN, DE PAR SA PRÉSENCE,

PERMET-IL AU MUSÉE-TRÉSOR DE DEVENIR

UN LIEU CONTEMPORAIN DE LA MÉMOIRE VIVANTE ?

Introduction

Créé dès les premiers âges de l'humanité, accompagnateur de l'homme de sa naissance à sa mort, compagnon de jeux, le jouet est devenu un révélateur de l'âme humaine. le jouet se considère comme un patrimoine vivant de l'humanité.

Le jouet entretient des relations étroites avec les inventions et les découvertes de l'homme. Présent dans la conscience humaine collective et plus particulièrement enfantine, ses formes ont sans doute évolué et varié avec le temps, mais dans le fond, dans son essence même il est toujours resté identique. Compagnon d'un instant ou compagnon le plus fidèle de l'homme, le jouet a peu changé de statut. Il a évolué avec l'homme, car il symbolise la vie, le changement, l'interprétation, le génie. Il apporte la preuve d'une civilisation, il devient de l'ordre du mythe.

Jusqu'au XIXème siècle, le jouet désignait n'importe quel objet destiné à l'amusement des adultes comme des enfants, quelque soit la forme et la nature de l'objet. Le XIXème voit plusieurs révolutions dans l'univers du jouet. Il est alors considéré comme un objet strictement dévolu à l'univers enfantin. En outre, grâce à une industrialisation accrue, à la découverte d'autres éléments compositionnels et d'autres matériaux adaptés aux modes, le jouet devient plus attractif. Industrialisé, le jouet se démocratise. De jouet d'élite à jouet populiste, bientôt le jouet s'adapte aux moyens de toutes les familles. A la fin des années 1960, il n'existait pas une chambre d'enfant sans jouet. La nouvelle décennie marque cependant une rupture dans le monde du jouet, car il reflète les nouvelles tendances d'une société en mutation.

Cependant la fin du XXème et le début de ce XXIème siècles sont l'occasion d'assister, en France et dans le monde, à un souci effréné et presque compulsif d'une recherche du passé, de son passé, du patrimoine universel, et de son patrimoine personnel. Cette volonté de retour, non pas en arrière, mais dans le passé même, oblige les sociétés contemporaines, ou plus exactement actuelles, à s'occuper activement de leur patrimoine, et partant de leur mémoire nationale tout prêt de tomber dans le gouffre de l'oubli. Or le patrimoine est « l'ensemble de tous les biens naturels ou créés par l'homme sans limite de temps ou de lieu »1(*). Définition qui engobe également le jouet, en tant que création humaine. En outre le jouet est le premier objet touché et manipulé par l'être humain, qui provoque son intégration dans le monde réel et imaginaire.

Le besoin de conservation et la sauvegarde continue du patrimoine ont donc conduit ce jouet au sein de structures muséales. C'est-à-dire dans des lieux spécialisés où sont entreposées, classées, des collections d'objets rares et précieux, qui présentent un intérêt artistique, historique, technique et scientifique, en vue de leur conservation et présentation aux publics. L'équivalent de ces trésors grecs au sein des temples, bâtiments recélant des dons et les trophées offerts aux dieux. Les collections présentées en ces espaces offerts au jouet regroupent les jouets de la période comprise entre 1820 et 1960 au plus, sous l'appellation intéressante de « jouet ancien ».

Cette nouvelle destinée promise à ce patrimoine ludique change sa valeur. Le jouet devient objet de patrimoine et objet de mémoire. Cependant au coeur de cet espace muséal, le jouet accède à une dimension particulière. De simple objet de jeu solitaire, le jouet est soudain proposé à l'adulation des foules, de ces publics qui fréquentent le musée. Or cette mutation de son statut et de son usage n'affecte pas seulement le jouet. Elle modifie également et réforme le lieu même où se trouve le jouet. Le jouet renouvelle l'univers muséal.

Comment alors le jouet ancien, de par sa présence, permet-il au musée-trésor de devenir un lieu contemporain de la mémoire vivante ?

Cette optique de réflexion nous amène à nous intéresser de près au destin du jouet. Que devient celui-ci, une fois le magasin quitté ? Comment parvient-il de la chambre au seuil du musée ? Comment évolue le jouet en tant que patrimoine de musée ? Et que signifie-t-il ? Quelles relations entretient le jouet avec la Mémoire ?

Autant de questions peu défrichées en l'état actuel des recherches. En effet d'autres milieux se sont intéressés au thème du jouet, dans les domaines historique, psychologique, sociologique... Mais dans le domaine de l'art et du patrimoine, peu de travaux concernent aujourd'hui l'étude du jouet au sein même du musée. Cependant dans le souci historique de contribuer à l'avancée des connaissances et de déchiffrer ses mystères, partons alors nous-mêmes à la découverte de ce patrimoine récent, qui nous mène au « Pays des Merveilles ».

1 Le Jouet, de la chambre au musée

Des jouets, il en existe de différentes sortes : il y a les jouets avec lesquels on joue, et ceux qui sont si précieux qu'on les expose dans des armoires vitrées ou sur des étagères. Tous ces jouets appartiennent à un monde imaginaire, un monde miniaturisé, et sont autant l'apanage des enfants que des adultes. Tous ces jouets méritent que nous nous attardions un peu sur leur histoire et découvrions comment leur destinée les a conduits d'une chambre d'adulte ou d'enfant aux collections d'un musée.

1.1 La première vie du jouet

Le jouet a été créé et conçu pour le divertissement et l'amusement. Son possesseur joue avec, le touche, le manipule, le bouscule... Le jouet tombe, se casse, se répare... En un mot, le jouet prend vie. Il vit. Cette vie du jouet est une vie sensorielle, sensitive. Le jouet joue sur les cinq sens, et sur la matière ... Le jouet est le témoin d'histoires inventées, par substitution, il devient l'acteur de sa propre histoire.

Le jouet, conçu comme une miniaturisation du monde adulte, adapté à l'enfant, transpose la réalité dans un monde fictif, où s'effectue un renversement des rôles : les enfants se substituent aux adultes et doivent se comporter comme tels, face à des jouets considérés comme leurs rejetons. Jusqu'aux années 1960, la société est basée sur des règles particulièrement strictes, régies par la différenciation sexuelle. Filles, garçons, chacun possède ses jouets et ne les mélange pas. Ainsi la petite fille se voit offrir des objets qui la préparent à son futur rôle de mère: dînette et ustensiles de cuisine en bois, table et chaises en étain, meubles de poupée. Le garçon reçoit chevaux de bois, animaux en étain moulé et peint, soldats de plomb et divers objets flottants en bois. Les garçons jouent à la guerre pour rire et s'identifient à de grands héros nationaux ou imaginaires. Les filles jouent « à la maman » avec leurs poupées. Les enfants participent en secret de ce monde de l'adulte dans lequel pourtant ils ne sont ni aptes ni autorisés à pénétrer. Grâce au jouet, ils se créent un monde à leur dimension, un monde imaginaire. La chambre est l'univers des enfants, le jouet le reflet de leurs envies et aspirations les plus secrètes. L'enfant pétri d'imaginaire, et d'idées foisonnantes, ne manque d'inventer à ses jouets toute une histoire, un contexte familial ou historique.

Le détenteur du jouet parait alors à l'image du Dieu biblique qui en insufflant une âme dans un tas de glaise, crée un être humain. De même l'homme a façonné le jouet, lui a donné matière et forme, mais c'est l'enfant ou son possesseur qui le crée véritablement en l'intégrant profondément dans sa vie. Le jouet vit de la vie de son possesseur, il s'en imprègne. Lui appartenir l'amène à devenir un patrimoine personnel. L'enfant-démiurge a insufflé une étincelle à son jouet. Etincelle qui dote le jouet d'une personnalité. Et le jouet va voir accroitre cette aura au fil de son destin.

Conçu pour être le serviteur de l'enfant, le jouet est soumis à ses désirs et à ses souhaits. Il ne vit pas par lui-même. Il ne vit pas encore de lui-même. Cependant, le jouet exerce une grande influence sur l'enfant. Il est le complément indispensable à ses jeux. Parfois même il les inspire. Sans jouet, l'enfant n'a pas de jeux. Le jouet crée et dirige le jeu. Il existe alors un lien « transmué » de créateur à créature, les deux protagonistes occupant simultanément ces deux fonctions. Une transmutation, comme l'alchimiste qui à partir du plomb, crée de l'or, mais c'est le plomb qui crée l'alchimiste.

Le jouet est un objet totalement adapté à l'enfant. Celui-ci vit dans le présent, et le jouet reflète la culture et la civilisation dont il est issu. Il est la marque d'un présent infini. Il est un point perpétuel sur l'axe du temps. Même si le jouet est cassé, oublié dans un grenier ou jeté, il reste toujours la trace de l'instant où il a été conçu, l'instant où il a été créé. Le problème est que cet instant ne coïncide guère avec la succession d'instants du « présent réel ». Le temps qui passe fait dévier les goûts de l'enfant. Lui-même grandit et risque fort d'abandonner sa création, et d'une certaine manière il hasarde la vie et la mort de son jouet.

Cependant dans un ordre paradoxal des événements, la vie du jouet va suivre chez certains une orientation différente. Eléments de possession, éléments de patrimoine, héritage parfois, le jouet est légué de générations en générations. Il est parfois usité avec précaution, comme si l'enfant savait d'instinct qu'il tient une créature précieuse entre ses mains, ou sans doute se plait-il à l'imaginer. Sensible au charme de son jouet, à cette aura qu'il a inspirée, il le conserve et le traite comme un objet de valeur, comme un être à part entière.

D'une première vie uniquement sensitive, le jouet devient par la force des événements et des sensations, un objet animé, un être doué d'une certaine vie, mais d'une vie certaine. Le jouet personnifie la vie. Patrimoine personnel, possédé, détenu, il apparait comme un patrimoine vivant qui reflète le passé.

1.2 Le sanctuaire privé de la collection particulière

Adultes et enfants, non contents d'avoir en leur possession un jouet à qui ils ont donné vie, souhaitent en acquérir d'autres. Ils gardent leurs possessions ou cherchent à remplacer les jouets abimés, cassés. Ils commencent à collectionner. Pour agrandir leur galerie, ils partent à la conquête d'autres jouets, tels des explorateurs souhaitant maintenir leurs découvertes et acquisitions par devers eux. Ils deviennent ainsi les gardiens de leurs propres trésors. Ils opèrent sur le jouet un renversement des valeurs : d'objet d'usage, banal parfois, le jouet devient objet d'art, objet de collections, objet de bien des attentions. L'acquéreur confère à son objet, à son jouet, un caractère exceptionnel. D'héritage à conserver, le jouet devient un patrimoine à acquérir, un patrimoine acquis.

Il existe plusieurs formes de collection. Celle-ci peut aussi bien être organisée selon des critères précis, que céder à une forme de boulimie de son acteur principal et devenir un grenier en désordre, une « caverne d'Ali-Baba », sans aucune logique apparente, hors celle de son exécuteur. Ainsi Walter Benjamin, dans son oeuvre Je déballe ma bibliothèque2(*), explique que chaque livre qu'il découvre en le sortant d'un carton, lui murmure son histoire, lui fait revivre les événements qui ont amené l'acquéreur à s'intéresser à lui. Ses collections ne sont cataloguées que dans l'esprit du possesseur. Après une sélection qualitative, pariant sur la valeur première ou future de l'objet, il ne semble pas posséder de critères précis de rangement, de même qu'il ne les range par ordre alphabétique d'auteurs ou d'oeuvres sur ses étagères. A l'encontre de cette attitude, d'autres collectionneurs tiennent un inventaire détaillé de leurs collections, avec photos, descriptions, noms... D'autres encore les entassent dans leur domaine, et sacrifient leur espace vital à un espace toujours croissant, un « lieu » dévolu aux jouets.

Chaque collection porte la marque de son auteur, sa griffe, son style. Chacune représente la personnalité du collectionneur, un créateur au sens second du terme3(*) : un inventeur, un fondateur. Un second créateur. Il place côte à côte des oeuvres d'arts, ou des jouets des plus banals, selon un sens et une organisation qui lui appartiennent en propre, selon ses goûts, ses envies et ses valeurs. Selon Krzysztof Pomian, « un lien fort commence à unir le collectionneur à sa collection, qui devient, pour lui, une partie et un prolongement de lui-même et, pour les autres, son autoportrait composé d'objets qu'il a choisis et exposés, l'expression tant de son statut et de sa richesse que de son intériorité : de son savoir, de sa sensibilité, de ses aspirations, ses intérêts et ses goûts »4(*). Les collectionneurs de jouets obéissent aux mêmes règles que les autres collectionneurs : réunir des « objets merveilleux gardé[s] dans un réduit sacré »5(*). Si ce n'est que le monde qu'ils collectionnent est un monde rêvé, un monde qu'ils ont perdu en passant le cap de l'âge adulte. D'une certaine manière, collectionner des jouets revient à ne pas vouloir quitter un monde valorisé, ou à retrouver le monde des « jouets de l'âge d'or », comme le titre l'ouvrage de Jac Remise et Jean Fondin6(*). Construire une réalité utopique et invisible autour de lui-même amène le collectionneur à vouloir toujours posséder davantage et à s'immerger totalement dans ce monde recréé. Le collectionneur donne du sens à ses actions par la représentation qu'il accorde à l'objet. Le jouet devient alors l'idole du collectionneur. L'emprise du jouet est telle sur le possesseur qu'elle crée une dépendance qui incite le collectionneur à sacrifier davantage de lui-même dans l'optique désirée. Dans le même temps, le collectionneur reçoit une compensation : il s'approprie la culture du jouet pour lui-même. Il l'emprisonne au sein d'un lieu fermé et réservé aux seuls initiés.

Le jouet est un objet avec une certaine histoire, une certaine aura - ou des auras diverses qu'il arrive parfois à percevoir7(*), une personnalité certaine et un devenir certain et nouveau au sein de sa collection. Il rappelle un souvenir précis, ou imaginaire. Selon Gilles Brougère, professeur au Département des Sciences de l'Education de Paris XIII, « les jouets ne sont pas des objets lisses et sans paroles, ils sont porteurs de multiples dimensions »8(*). Le rapport du collectionneur au jouet qu'il achète, ou qu'il reçoit, est un lien tissé d'immatériel, un lien qui ne possède que peu d'emprise sur le temps. Le jouet est l'objet en effet qui correspond le mieux aux trois présents définis par Augustin d'Hippone dans Les Confessions 9(*). Le présent du passé : le jouet ancien qui existe encore actuellement est une preuve tangible de l'époque qui l'a créée, de l'existence de l'enfant qui l'a usité. Le présent du présent : l'acte de possession de l'objet par le collectionneur a et est d'un effet immédiat, un moment qui ne perdure pas dans le temps, c'est l'acte en lui-même. Le troisième présent est le présent dans l'avenir, le jouet est donné ou acheté pour une finalité, qui suppose dans le terme même la conception d'une action future : constituer une collection, l'agrandir, se « délecter »10(*) devant son acquisition...

La poursuite assidue de sa délectation personnelle oblige le collectionneur à un certain nombre de pratiques qui tiennent du monde sacrificiel. La notion de sacrifice définie par Krzysztof Pomian11(*) s'applique extraordinairement à notre sujet : un objet du quotidien est retiré de sa sphère d'usage et est sacrifié sur l'autel de l'invisible. Bien que le sacrifice s'exécute en général en public et soit dédié à une divinité quelconque, la collection particulière de jouets participe de cette mutation. Le jouet comme protagoniste de ce sacrifice accède à une autre dimension. Le collectionneur est le grand-prêtre, le jouet à la fois le dieu et l'objet du sacrifice. Le jouet pénètre dans le monde du sacré. Le lieu clos où il est conservé participe également de cette nouvelle dimension. Il se révèle être alors un lieu sacré, un lieu consacré au jouet, un sanctuaire construit de lui-même autour de l'autel sacrificiel. Un sanctuaire privé suppose une nouvelle « religion », une croyance révérée, vénérée et partagée par le seul collectionneur. Le collectionneur sacrifie tout à sa collection, à ses jouets : son temps, son argent, ses loisirs, et jusqu'à sa vie parfois. Ces diverses immolations atteignent ainsi par extension le sacrifice humain. Par cette mort, le jouet devient un patrimoine sacralisé. Cette mort sacrificielle engendre la vie divinisée du jouet. Renaissance ou mort du jouet en réalité ? En tout état de cause, le jouet perd son identité première. Cette mutation d'usage qui le conduit à être prisonnier sans révolte de sa boite d'emballage ou d'une étagère, l'entraîne vers une mort lente. Comme ces statues païennes qui ont perdu leur dimension religieuse, et qui exposées pour un plaisir personnel et égoïste au final, ne peuvent se soustraire au regard inquisiteur et jaloux de leur propriétaire.

Au sein de ce sanctuaire, le jouet perd sa raison d'être. Il s'éteint.

1.3 Transposer un imaginaire privé dans un milieu public.

Les collectionneurs de jouets participent, plus que tout autre, à une résurrection certaine du passé à travers des objets quotidiens transcendés et valorisés. Les collectionneurs d'aujourd'hui sont les enfants d'hier. Ils constituent un monde à part, car ils conservent l'univers enfantin. Ils édifient leur propre patrimoine et leur propre culture.

La difficulté de collectionner des jouets, ou d'autres objets de collection, réside en ce que la collection appartient à chaque auteur en propre. Autant un collectionneur d'affiches ciblera telle période, telle marque, telle dessinateur, ou un collectionneur de timbres se montrera-t-il plus sélectif dans le choix de ses vignettes, autant un collectionneur de jouets, en fonction de ses préférences, est au seuil de deux chemins. Un collectionneur particulier satisfait son intérêt personnel en sélectionnant soigneusement ses acquisitions. Il peut ne s'intéresser qu'aux poupées en porcelaine, ou bien décider de constituer une collection sur le thème de l'évolution de la poupée, et chercher alors à posséder des oeuvres en bois, en papier mâché, en porcelaine ou en cellulose. De même une passion exclusive pour les voitures Citroën peut animer la recherche et la conception d'une autre collection. Néanmoins si ce collectionneur appartient à une association de collectionneurs, et même s'il préfère une période particulière, il ne peut s'empêcher d'accepter les jouets de toutes sortes, d'où qu'ils proviennent. Ceci afin de participer à la constitution d'une collection la plus exhaustive possible. Ce sont eux, collectionneurs particuliers, ou membres d'association, qui vont offrir au jouet son nouveau destin.

La gageure de présenter des jouets anciens est qu'il faut accepter avec le jouet matériel, toute la part d'immatériel qui émane de lui. Le jouet ne vient pas seul. Il a une histoire créée pour lui et qui lui donne son charme, un contexte que nous pourrions qualifier d'historique - achat, vente, dons..., et un parcours géographique qui parfois le marque physiquement, à l'instar de ces vierges d'Auvergne incendiées décrites par André Malraux12(*). Mais le jouet possède une richesse insoupçonnée, une substance extraordinaire et précieuse. Contrairement aux autres objets d'une collection lambda, timbres, vaisselle ou objets qui n'ont de valeur que par leur appartenance et leur présence dans un hôtel ancien ou un paquebot, contrairement aux tableaux, ou statues, qui sont créés à partir d'un thème, et dont le titre est la cause directe de leur création, le jouet a une identité. Une identité personnelle. Son créateur lui a donné un nom. Un nom propre, qui le reflète et le définit. Or le nom est dans nombre de cultures une connaissance si précieuse de ce qu'est et de qui est le détenteur que le donner ou le savoir est un double pouvoir. Pour le détenteur comme pour le receveur... De même le jouet n'accorde son nom que lorsqu'il se sent en confiance. Le collectionneur le ressent alors comme une évidence.

Tout cet immatériel qui flotte autour de lui, le collectionneur qui expose ses oeuvres, sa collection, ne peut manquer d'y prendre garde. Sa scénographie, sa mise en scène se soumettent à ces « contraintes » imposées, non par le collectionneur, mais par le jouet. Le collectionneur connait ses possessions, il les sent. Il leur crée ainsi un nouvel univers, un nouvel imaginaire.

Seulement le jouet ne se satisfait pas d'un admirateur unique ou de quelques initiés minutieusement choisis. Créé pour le mouvement et l'action même fictive, l'enfermement et l'immobilité le détruisent peu à peu. Dans le même temps, le collectionneur est en proie à un curieux paradoxe. Lui qui a caché ses richesses, qui les a thésaurisées, ressent un manque croissant de reconnaissance. Pour y remédier, le collectionneur n'a guère le choix. Dévoiler et partager sa collection lui apparaissent alors indispensable à son bien-être. Mais il se doit de réussir à susciter l'intérêt et l'admiration de ses visiteurs. Cependant le collectionneur est souvent désarmé en face de ses invités. Soit il se perd en explications de plus en plus détaillées sur un objet particulier, et risque de provoquer l'ennui. Soit il laisse ses visiteurs vagabonder au sein de sa collection, sans véritables directives. Plongé au coeur de sa passion, le collectionneur connait ainsi de nombreuses difficultés. Il a peur de trop dévoiler de lui-même, et conscient du regard des autres, se rétracte dans le rôle d'un guide anxieux et silencieux. Il risque ainsi la perte de la compréhension de sa collection. De même qu'il craint les photos, dans l'appréhension d'une appropriation étrangère de sa collection. Ultime réflexe de propriétaire à l'égard de ses jouets. La frustration des visiteurs est évidente. Sevrés d'explication, ce premier public ne ressent pas les objets de la même manière que le collectionneur, et peut parfois douter de l'utilité et de l'intérêt de la collection.

Néanmoins, le jouet n'est pas un objet de collection comme les autres. Il vit. Il parle et murmure. « Réveillé » par la présence d' « intrus », il les attire. Confronté à d'autres êtres, qui ne le connaissent pas, qui le comprennent pas forcément au premier abord, et à qui il doit se présenter et plaire, le jouet sort de son inertie. Exposé à la lumière des « projecteurs », le jouet quitte les ténèbres de son sanctuaire.

Cependant certains collectionneurs, contrairement à ceux qui se résolvent parfois en dernier recours à montrer leurs collections, constituent les leurs dans l'optique de faire connaitre et apprécier le jouet ancien, de partager leur amour et leur passion de ces jouets au public. Ils exposent alors dans des lieux ou espaces publics, lieux prêtés pour l'occasion, lieux sujets à de nombreuses influences, lieux malléables. Cette immersion dans un monde entièrement différent du sien, l'appropriation d'un lieu temporaire, transforment encore le jouet. Il se retrouve exposé aux regards, non d'une seule personne, ou de rares privilégiés, mais aux yeux innombrables d'une foule qui le scrute avec surprise. Le jouet renait une nouvelle fois de cette apparition publique, de cette confrontation nouvelle avec les yeux d'un enfant, de ses parents. Ceux-ci sacrifient au jouet leurs présences, leurs pensées, leurs rêves. S'effectue alors sa première « incarnation »13(*). Le jouet se divinise, à l'instar de ces statues de l'Empereur romain, exposées dans le Forum, premier pas vers la divinisation et l'adulation. Une nouvelle vie commence pour le jouet, faite de séduction. Il ne peut certes plus être touché ou manipulé, et n'est plus dans la capacité d'atteindre sensoriellement son public, excepté par le sens de la vue. Mais il effleure l'âme du public. Cette deuxième approche avec le public - la première approche s'effectue au magasin, mais il y est prisonnier du choix de l'acheteur, ici le jouet est libre et il domine - permet au jouet de redevenir un patrimoine vibrant, un patrimoine vivant. Il métamorphose alors son lieu d'exposition en un lieu nouveau, plein des histoires rapportées par ses semblables exposés, rempli des souvenirs mutuels partagés du jouet et du public. Le jouet ancien crée un nouveau milieu, qui l'englobe avec le public, et l'englobe de son essence.

Le jouet introduit le passé dans le présent public. Témoin d'un passé révolu, il fascine encore son public et lui transmet son histoire. Il devient « personne » publique, archive pour les historiens, objet de rêve et d'imaginaire pour d'autres. Il est patrimoine, nourri des sacrifices de son collectionneur et de son public.

De sa création industrielle à son devenir éducatif, le jouet a traversé bien des océans, et pénétré dans bien des chambres. Mais à l'heure où le jouet se transforme à l'image de cette société du nouveau millénaire, le jouet ancien se prépare à vivre une nouvelle aventure. Le collectionneur dépassé par son jouet va sacrifier une dernière fois : il offre sa collection au public. Ultime oblation...

A cet instant, le jouet est parvenu au seuil du musée.

2 Le Jouet, patrimoine de musée

Le Jouet est aux portes du musée. Il est prêt à être montré, vu, exposé et entendu. « Part de nos rêves et en même temps la marque d'un passé »14(*), le jouet devient une réponse à la recherche de racines identitaires. Il devient patrimoine. Un patrimoine nouveau, extraordinaire. Un patrimoine qui entre dans la compréhension de tous, qui symbolise la culture de tous. Un patrimoine qui a vécu et qui se sent revivre. Le jouet entre au musée et le transforme.

2.1 Les musées du jouet

Qu'est-ce qu'un musée ? et surtout qu'est-ce qu'un musée du jouet ?

La définition du musée donnée par l'ICOM15(*) suppose la présentation au public de collections d'objets, témoins du passé, à des fins intellectuelles. Lieu prédestiné des Muses, il est hautement symbolique. Ces neuf divinités, engendrées par Zeus et Mnémosyne, représentent les arts intellectuels, révélateurs du génie humain. Le musée est un hymne à la gloire des inventions humaines passées sous toutes ses formes. C'est un lieu où le temps s'arrête. D'une certaine manière, le musée représente la synthèse du temps, une continuité - sans cesse interprétée et transformée par les souvenirs - de ces successions d'instants qui ont fait le passé, qui font le présent, et qui feront l'avenir. Intervention dans l'Histoire, interruption de l'axe temporel, son existence crée la permanence du passé dans le présent et nimbe ses possessions d'immortalité16(*). Agir contre le « fil brisé du passé », selon l'expression de Frédéric Gaussen17(*), devient la devise du musée...

Mais la mythologie du musée offre l'image d'un lieu austère, aride, foisonnant de connaissances exploitables uniquement par des savants, des initiés, et non accessibles pour des publics diversifiés. Qu'en est-il du plaisir alors, du simple plaisir d'une « balade » entre les oeuvres, de cette délectation non purement intellectuelle qu'il y a à arpenter les salles d'un musée, à admirer la beauté d'une oeuvre et à la ressentir d'une façon sensitive ? Spécialement si cette oeuvre, déconnectée de la réalité contemporaine, séparée et isolée des autres par l'espace et la scénographie, devient de plus en plus incompréhensible à nos sens, et ne requiert que notre intellect pour être comprise et entendue ? Le problème majeur du musée se révèle dans cette succession d'oeuvres et de cartels, qu'un néophyte ne saisit pas, et dont il ne devine pas la continuité. Les salles de peinture et de sculpture demandent, pour être appréciées, du recul et des savoirs qui ne sont pas innés. Bien qu'André Malraux assure dans Le Musée Imaginaire18(*) qu'une oeuvre peut se comprendre par elle-même grâce à son aura qui révèle son intégrité, il est peu probable qu'un non-initié passe énormément de temps de lui-même dans les galeries d'art contemporain, par exemple, s'il ne possède pas des clefs de compréhension...

En outre, ces tableaux, ces sculptures, ces collections d'arts décoratifs sont des oeuvres mortes aujourd'hui. Au moment où elles ont été créées, dans le passé, elles possédaient une signification et une finalité. Elles ne possèdent plus ni l'un ni l'autre dans le présent, car elles n'ont plus d'accords avec la réalité, la mentalité et la compréhension actuelles des objets et des événements. Elles retrouvent une certaine utilité d'un point de vue purement scientifique et intellectuel, mais n'ont désormais ni liens ni affinités avec les publics. Ces oeuvres sont juste conservées dans l'espoir de les sauver de l'oubli et d'une destruction temporelle.

Ces musées ressemblent alors à un dépôt organisé d'oeuvres diverses exposées, qui s'invalident les unes les autres, et qui apparaissent de plus en plus incompréhensibles. Comme ces trésors grecs, bâtiments construits au sein des temples, regorgeant d'objets, de dons et de trophées offerts aux divinités antiques. Ou l'égal de ces monuments antiques, dont Quatremère de Quincy disait qu'ils sont des « espèces de bibliothèques publiques[...] dépositaires des rites, des dogmes, des exploits, de la gloire ; enfin de l'histoire philosophique ou politique de la nation »19(*).

A contrario, un musée du jouet est un lieu20(*) fondamentalement différent. Ne serait-ce que par sa terminologie même. Le « musée » s'allie avec le « jouet ». C'est une avalanche de notions paradoxales qui s'attirent : l'ordre et le désordre, le travail et le jeu, le sérieux et l'amusement, l'immobilité et le mouvement, le rationnel et l'imaginaire, la mort et la vie enfin... La Philosophie explique que chaque notion n'existe que par son contraire, chaque notion ne se définit que par son opposé. Notions dont la complémentarité définit leur intégrité et leur essence même. De même le concept de « musée » parait être diamétralement opposé au concept « jouet ». Cependant il existe des musées du jouet, parce que celui-ci est devenu patrimoine, et qu'un patrimoine, à l'heure actuelle, se sauvegarde à travers une structure officielle qui est le musée. Relation ambiguë dès le départ certes, mais tournée vers l'achèvement du musée.

« Musée du jouet ». Paradoxe, oxymore, cette expression connait néanmoins l'avantage d'attirer l'attention des visiteurs, davantage que d'autres dénominations muséales. Les divers musées du jouet qui existent en Europe et dans le monde manquent certes d'originalité dans leurs titres21(*) : « musée du jouet », « musée du jouet ancien », « musée de la poupée », « musée des jouets », « musée de la poupée et du jouet ancien », « musée du jouet et de la poupée ancienne »... Chaque nom reflète la dimension patrimoniale culturelle accordée au jouet, et l'esprit des collections, avec un subtil distinguo entre les jouets et les poupées, qui rappelle cependant la non mixité des jouets anciens. Il est intéressant de constater aussi que certains musées usent d'une appellation différente : « La Nef des Jouets » de Soultz (Alsace), ou encore « L'isle aux jouets », ancien nom du musée de Wambrechies, choisi en référence à la ville de Lille, et à une époque où le mot « musée » était par trop poussiéreux. D'autres collections de jouets ne bénéficient pas de lieux spécialisés. Elles appartiennent à des musées d'arts décoratifs - Paris, Strasbourg, ou alors sont conservées au sein de musées de l'Education, de l'Enfance... Dénomination qui oriente le visiteur sur un aspect en particulier du jouet, fabrication sérielle et industrielle ou en tant que valeur pédagogique, éducative et d'apprentissage. Cette désignation menace le jouet dans son intégrité.

Ces musées du jouet sont également différents des « musées du jeu ». Ceux-ci présentent plus particulièrement des jeux de société - jeux de cartes, jeux de l'oie, jeux flamands... Or le jeu de société s'oppose par définition au jouet, qui est destiné à un usage unique, pour un enfant unique. Certains musées proposent néanmoins un rapprochement entre ces deux concepts, telle la future Galerie du jeu et du jouet de Cholet. Mais ces divers musées ne sont en aucune façon des ludothèques.

Contrairement à ces espaces qui proposent aux enfants l'utilisation de jeux ou de jouets actuels, dans un but pédagogique clairement affiché, le musée du jouet est une transposition des jouets passés dans le présent. Seulement ces jouets sont intouchables sensoriellement, puisque protégés dans des vitrines... Le musée se place ainsi dans une véritable et totale opposition avec les notions défendues par le jouet. D'un objet sensoriel, il fait un objet lointain, impalpable et inviolable ; d'un objet destiné à une personne, il fait une oeuvre collective et universelle. Voulant être une traduction fidèle du passé, il manifeste paradoxalement une trahison avec l'esprit et le but originel de ces oeuvres qu'il présente22(*). Alors, « loin de se résumer à une transmission pure et simple, le sens du patrimoine s'inscrit, à chaque moment, dans un contexte d'interprétation »23(*). Le musée du jouet n'est donc ni une traduction fidèle, ni une transmission irréprochable du passé. Il propose, par la présence de ces jouets en vitrine, une interprétation du passé, une compréhension de ce patrimoine ludique, et en cela l'assimile à un patrimoine scientifique. Car l'interprétation suppose la recherche. Ainsi le Musée du Jouet de Moirans-en-Montagne, Musée de France, propose des colloques internationaux en ses locaux. Mais plus surprenant encore, cette action qui rend le musée un centre d'interprétation, en fait également un centre de débat, d'idées, et donc de changement, de mouvement, intellectuel comme imaginaire... Le musée devient alors à l'image de son objet possédé, à l'image du jouet : un centre et un lieu de vie.

Ainsi le jouet est l'élément complémentaire du musée. Il lui insuffle un souffle et un esprit vital par le partage de son âme. Et cela rappelle le Musée Animé du Jouet et du Petit Train de Colmar. Le jouet instigateur du musée en devient le véritable créateur. Mais le jouet crée aussi un enchantement, puisqu'il transporte le musée dans un monde enchanté, pétri d'imaginaire, le transforme en un lieu enchanteur et transpose un passé rêvé dans le monde actuel.

2.2 Le jouet de musée

« Le patrimoine touche au plus intime de chacun : ses origines, ses souvenirs, ses références propres ou collectives, sa part de rêve »24(*). Le jouet est tout cela, mais il est davantage encore. Le jouet est un patrimoine remarquable.

Il est même l'initiateur d'un quiproquo intéressant. Dénommé « jouet ancien » par opposition aux jouets actuels, il a été conçu et fabriqué à l'époque industrielle, vers le milieu du XIXème siècle. Or cette période est considérée par les historiens comme la période dite « contemporaine », selon un découpage fictif opéré de 1815 à la seconde Guerre Mondiale environ, et suit les périodes« moderne », « médiévale » et « antique ». Il n'y a pas de période « ancienne ». La période que nous vivons actuellement est désignée sous la dénomination originale de Histoire immédiate, ou Histoire du présent, ou post-contemporaine ou encore l'Histoire du Temps Présent. Dénominations qui - en passant - posent de sérieux problèmes : nous sommes dans l'Histoire, le temps ne cesse de s'écouler, alors qu'adviendra-t-il de ces périodes qui suivront la période « actuelle » ?

En résumé, le jouet « ancien » est un objet « contemporain », mais non actuel. Distinction spécieuse, seulement comprise et intégrée pleinement par les historiens. Les termes mêmes posent une contradiction intéressante. En tout état de cause, le jouet en tant que patrimoine à sauvegarder appartient au patrimoine contemporain. Puisqu'il devient un objet de musée, il participe aussi d'une certaine idée de l'art. En effet, à l'heure actuelle, la notion d' « art » recouvre une intention artistique dont la présence aux temps et lieux éloignés est purement spéculative. En tant que tel, le jouet représente une autre apparence de l'art contemporain. Les musées du jouet présentent donc des collections d'art contemporain. Une forme d'art originale, un mélange de genres, dont l'art contemporain est d'ailleurs si friand, un rapprochement entre la sculpture, pour la fabrication sérielle à partir de moules, l'assemblage de matériaux différents, la peinture, pour la décoration extérieure de l'objet, et la couture de mode -autre forme d'art également... Le jouet suit l'esthétisme de la mode et de la société. Il transpose dans sa forme et sa dynamique une certaine idée de cette société contemporaine qui l'a créé. Il correspond d'une certaine manière à la définition d'Hegel dans ses Leçons sur l'esthétique25(*) : « Le beau artistique est plus élevé que le beau dans la nature [puisqu'il] dégage des formes illusoires et mensongères de ce monde imparfait et instable la vérité contenue dans les apparences, pour la doter d'une réalité plus haute créée par l'esprit lui-même ».

De patrimoine possédé, le jouet devient un patrimoine à conserver, à étudier et à présenter26(*). Néanmoins comme le jouet est un patrimoine vivant, il devient ainsi un rappel vivant et permanent de la mémoire dans le présent, liaison entre l'invisible et le visible, entre la mort et la vie. Il est l'objet d'une pensée à la fois consciente et inconsciente, individuelle et collective, un esprit libre et imaginatif qui communique avec le monde extérieur. Selon Hannah Arendt27(*), l'art transcende la réalité. Il traduit une réalité métasensible. Le spirituel apparait alors dans le concret. Le jouet devient alors un « monument »28(*). Il est considéré comme une oeuvre digne de durer, digne d'être conservée, digne d'être sacrifiée sur l'autel d'une vision future d'une réalité invisible29(*). Il est un objet qui rappelle ce qui a existé, un objet qui a gardé une empreinte et une marque.

Le jouet reflète aussi un patrimoine local30(*). La constitution des collections d'un musée du jouet s'accomplit par des achats certes, mais aussi de dépôts et de donations faites par le premier propriétaire du jouet. Ce qui augmente encore, s'il était possible, l'ampleur du sacrifice consenti pour le bien du jouet. Ces propriétaires des environs voient dans le musée le moyen idéal de pérenniser leur jouet, et en apportant une part d'eux-mêmes au musée, ils en deviennent des visiteurs parfois assidus.

Le jouet détient également une dimension hors norme. Contrairement aux autres objets dont regorge le musée, le jouet n'est pas un objet élitiste. Bien évidemment certains jouets variaient en fonction de la classe sociale, objets aux détails plus soignés, aux matériaux et étoffes plus riches.... Mais toute fillette a un jour possédé une poupée, chaque garçon a fait avancer une voiture ou chevauché une monture de bois. Chaque individu a joué au cours de sa vie, ou a eu un jouet en sa possession. Ce patrimoine est commun à tous. Il a une signification réelle, actuelle et partagée par tous. Il jouit d'une dimension universelle. Le jouet dépoussière le musée, le démocratise en quelque sorte. Cette importance se reflète dans la variété des publics qui viennent sacrifier au jouet.

Un sacrifice de leurs temps et de leurs loisirs un peu différent de celui offert lors d'une exposition temporaire de jouets. En effet, une exposition temporaire ne permet qu'une approche approximative avec le jouet, car sujette à des contraintes de durée, elle ne peut pas proposer une relation approfondie entre le jouet et le visiteur. Or le musée permet une permanence de la présence du jouet. Il sert de lieu de rencontre intemporel entre l'objet conservé et le visiteur. Le jouet n'a donc pas à s'efforcer de séduire absolument le visiteur. Il le laisse s'approcher, venir à lui. Il le laisse s'emprisonner sous son charme. Il l'envoûte.

Phénomène d'hypnose d'autant plus important que le jouet est un objet en 3D, coloré, habillé, à l'extrême opposé des statues antiques grecques ou romaines. Comparable de manière plus évidente aux petites statues découvertes dans les tombes des pharaons égyptiens, il exerce la même fascination à l'encontre du visiteur. Eloigné du public par des vitrines, des barrières, il est considéré comme inaccessible et provoque de ce fait une attirance croissante, chaque visiteur caressant l'illusion de s'approprier un court instant le jouet.

L'imaginaire du visiteur renforce d'autant cette utopie que les collections permanentes de jouets dans un musée subjuguent par une mise en scène révélant des concepts novateurs de muséologie. En effet, les musées ont des habitudes de monstration bien particulières. En règle générale, les oeuvres sont placées les unes à la suite des autres, selon une logique thématique, géographique ou chronologique, mais hors de tout contexte. Il a fallu attendre l'arrivée de Georges Henri Rivière31(*) pour les renouveler. Celui-ci applique lors de la création du musée national des Arts et des Traditions populaires une nouvelle technique de monstration. Il présente les oeuvres en les replongeant dans leur contexte. Contrairement à André Malraux, qui défend la thèse de la compréhension de l'intégrité de l'oeuvre juste par sa présence et quelque soit son cadre, Georges Henri Rivière estime que l'oeuvre est davantage reconnaissable et identifiable par l'intellect et la mémoire, si elle est restituée dans son cadre familier.

Les musées du jouet présentent à travers leurs différentes mises en forme de leurs collections de jouets, dues aux différentes conceptions inhérentes à chaque musée, une unité de monstration. Faire revivre les jouets est la conséquence de cette méthode spécifique qui sert à faciliter davantage la compréhension et à provoquer l'admiration et la fascination du visiteur. La recontextualisation des poupées, au sein de meubles, de décors, de vaisselle, transforme les salles de collection de poupées en de véritables maisons de poupées surdimensionnées. La mise en contexte des trains, des voitures, des soldats de plomb ou des avions a permis la création, à l'image des paysages des trains miniatures, de paysages à l'échelle voulue, de maisons, de personnages et de décors. Même les peluches, en l'occurrence les ours, retrouvent leurs montagnes, ou sont introduits dans des univers nouveaux comme des plages...Le musée se transforme en des immenses salles de jeu gardées par des vitrines. Ces dioramas donnent une idée très précise du jouet, et le représentent en action dans sa vie quotidienne et créent autour de lui tout un monde imaginaire, dont il est l'habitant principal, mais également l'entité supérieure qui le domine.

Ces diverses mises en scène participent en réalité d'un rituel particulier. Cette scénographie du jouet est une suite d'actions chargées de significations souvent symboliques, organisées dans le temps, codifiées et fixées par des règles. Ce sont là, à n'en pas douter, les caractéristiques d'un rituel. Divers rites, qui conduisent ainsi à travers l'exhibition quelque peu triomphatrice de ces jouets qui défient le temps et son érosion derrière leurs vitrines, à une nouvelle renaissance du jouet. Cette symbolique, dédiée aux visiteurs et amplifiée par ceux-ci, reprend et confirme l'étendue et la perception à la limite du sacré du jouet. Or l'étymologie du terme « rituel », en tant qu'ensemble de rites, se rapporte aux verbes « relier »et « se recueillir », ce qui signifie qu'un rituel amène à s'unir volontairement à la tradition que le rite consacre. Or c'est bien là l'attitude des visiteurs d'un musée de jouets, que de participer pleinement et activement à l'amplification de l'aura du jouet. Ces rituels profanes de monstration des oeuvres participent du monde sacré, et le rite de monstration du jouet y appartient de plein droit.

2.3 Un « espace sacré» dédié au jouet ?

« Par l'attachement patrimonial, nous nous créons nous-mêmes de grandes difficultés. Peut-être faut-il rappeler que dans toute société le patrimoine se reconnait au fait que sa perte constitue un sacrifice et que sa conservation suppose des sacrifices ? C'est la loi de toute sacralité. »32(*)

Comment devons-nous dès lors définir ce musée du jouet ? Cet espace matériel et temporel où repose cette sacralité ? Car le rituel attaché à la monstration du jouet sous-entend une certaine forme de culte. Un culte auquel par ailleurs sacrifient des publics qui ne sont pas d'emblée attirés par le monde muséal. Cette dimension universelle accroit l'ampleur de ce phénomène cultuel. En outre, le jouet défini comme un patrimoine vivant amène le musée à se dépasser lui-même, pour atteindre une autre dimension, pour gravir un autre palier. Le musée devient un berceau de vie grâce au jouet. Il devient un lieu consacré au jouet, une nef qui guide le visiteur dans sa participation au rituel, dans la célébration de ce culte rendu au jouet.

De par le culte universel qui lui est rendu, de par ces sacrifices offerts par des publics aussi divers que variés, le jouet, déjà idole du collectionneur privé au sein de son désert sacré, devient l'idole des foules. Dans son attitude de déité, le jouet remplit son rôle. Il crée des besoins chez les visiteurs, particulièrement des besoins sensoriels, ou en révèle d'autres, comme l'envie de possession, de retourner dans un monde révolu... Les visiteurs transfèrent sur lui leurs attentes, leurs besoins, leurs rêves. Il leur sert de repères. Au sein d'un monde qui se transforme continuellement, en perpétuelle mutation, le jouet apparait paradoxalement comme un jalon stable, une réponse sûre aux questions existentielles refoulées dans les subconscients. Il révèle une réalité invisible et utopique. Le jouet touche les gens de toutes les manières possibles et il occupe à cet égard une place privilégiée. Il leur permet de s'assumer en assumant leurs rêves d'enfants, devant lesquels ils sont soudainement confrontés, et d'affronter l'extérieur et eux-mêmes. Le partage qui se crée entre le jouet-idole et le visiteur-fidèle, permet au jouet d'instaurer dans son visiteur une confiance absolue en lui-même et en ses capacités d'imaginaire et de rêve à accomplir.

Le jouet est placé dans le musée aussi savamment que les statues antiques au sein du naos d'un temple. La seule différence d'avec ces anciennes idoles, est que le naos était fermé aux fidèles et n'était accessible uniquement qu'aux prêtres. Ce qui produit, dans le cas du musée du jouet, une conséquence assez intéressante. Le musée est ouvert à tous les publics. Il n'existe pas de restriction d'accès. Ainsi tous pénètrent dans le naos. Tous revêtent alors la charge de « prêtre », d'organisateur du rituel, puisque lors d'une visite individuelle ou même collective d'une collection muséale de jouets, le visiteur est seul face au jouet, et s'abandonne en solitaire dans une communication avec lui. Ce que le visiteur ressent face au jouet lui est personnel, et n'existe qu'au vu de son expérience intime.

Un théâtre permanent donc où le jouet est en perpétuelle représentation - et même le terme « théâtre » appartient au vocabulaire du monde sacré, où le jouet, image idéalisée d'un monde disparu, d'un monde rêve, se construit une nouvelle identité par la confrontation d'avec ses visiteurs-fidèles. « Pour être soi, il faut se projeter vers ce qui est étranger, se prolonger dans et par lui. Demeurer enclos dans son identité, c'est se perdre et cesser d'être. On se connait, on se construit par le contact, l'échange, le commerce avec l'autre »33(*). En poursuivant l'idée de Jean-Pierre Vernant, nous arrivons ainsi à définir le jouet comme un pont. Un pont qui relie le monde actuel et une réalité invisible, représentée par le jouet et changeante comme un diamant aux milles facettes, selon la personnalité et la perception imaginaire du visiteur.

Plus qu'un monument34(*), le musée est à la fois un temple, c'est-à-dire tout ce qui est compris dans l'enceinte sacrée, dans le « temenos », le lieu du sacrifice donc l'autel, placé de façon à être visible par tous et pour tous, et le naos, le lieu sacré par excellence où se trouve la statue de la divinité. Espace à part, et hors du temps, il s'apparente à une hiérophanie, car il permet la manifestation d'un irréel divinisé dans une réalité concrète35(*). Le musée est à la fois tout cela. Comment donc nommer cet espace tissé de patrimoine matériel et immatériel ?

Il est néanmoins un terme que nous pouvons utiliser. Les sanctuaires, églises ou temples se désignent également par la désignation de « lieu sacré » Les juifs de l'Antiquité, ancêtres de ce peuple de mémoire, qualifiaient les collines ou hauteurs où ils élevaient leurs autels et faisaient leurs sacrifices par l'expression de « haut-lieu ». Le musée devenu par extension un endroit de sacrifices, devient un « lieu »36(*), dans toute l'acception actuelle de ce terme. C'est-à dire un lieu matériel : le musée dans sa spatialité en tant que bâtiment, et dans la transformation du temps en espace défini ; un lieu fonctionnel : l'affectation concrète du lieu de par les fonctions du musée, une pratique de fréquentation des collections de jouets, les pratiques de présentation... ; un lieu symbolique enfin, puisque le jouet apporte un autre monde imaginaire, de nouveaux rituels et de nouvelles significations.

Au final le musée du jouet est un lieu nouveau et contemporain où s'incarne le jouet ancien et sa mémoire. Un lieu vivant à la signification réelle et actuelle. Un lieu à la fois quantitatif et qualitatif, et non un de ces monuments sauvegardés qui ne peuvent se passer d'explications et de recherches pour pouvoir être compris par les publics actuels. Le musée du jouet est un lieu compris intégralement par les publics, un lieu d'échanges multiples et variés entre l'oeuvre exposée et les visiteurs, un lieu de communication autour d'un objet universel et sacralisé.

Le musée-trésor s'anime d'une vie extraordinaire par la présence du jouet. Patrimoine inhérent de notre civilisation, patrimoine de musée mais patrimoine vivant intégré dans nos coutumes actuelles et dans nos mémoires, le jouet ne perd pas sa vocation première d'amuser, de distraire et d'encourager le rêve. Ses missions sont même amplifiées par sa présence au sein du musée. Le musée parvient alors à une autre dimension. Il devient un lieu porteur de notre mémoire immédiate et de notre conscience actuelle du passé.

3 Jouet et Mémoire

Dans son piédestal de verre, le jouet, témoin de l'Histoire, nous raconte... Que nous transmet-il ? Que souhaite-t-il nous transmettre ? Tel l'oracle de Delphes, qui transposait la parole divine d'Apollon, seigneur des Muses, dans le monde des humains, le jouet est une incarnation de la Mémoire.

3.1 Jouet de Mémoire

Chaque jouet porte en lui sa propre mémoire individuelle, mais aussi la mémoire globale de l'ensemble de cette catégorie d'objet qu'est le jouet : la mémoire collective37(*). Mémoire plurielle et singulière, prise dans son unicité et dans sa diversité38(*), le jouet devient l'interprète d'une mémoire d'une grande richesse. Le contact avec le public offre au jouet des occasions de confronter le visiteur avec sa propre mémoire. Il le confronte à l'Histoire, à sa propre histoire, et à son patrimoine. Le jouet en tant qu'objet révélateur des techniques et des modes d'une époque, est une source inestimable de l'Histoire du Goût, un des développements actuels de l'Histoire. Reflet d'une époque, le jouet révèle la société, les coutumes, mais aussi les modes vestimentaires, les modes sociales, le goût de ses concepteurs comme celui de ses acquéreurs. En tant que tel, le jouet, défini comme « monument » précédemment, devient un « monument historique », selon la définition donnée par André Chastel, c'est-à-dire « tout ce qui peut fixer, illustrer, préciser l'histoire nationale »39(*). Ce qui est précisément le propre du jouet. Néanmoins à la différence des monuments spatiaux, comme les cathédrales et les châteaux, le jouet comporte cette spatialité en lui-même.

Créé pour l'éducation des enfants auxquels il était destiné, le jouet conserve toujours, même en tant qu'objet de musée, et davantage d'ailleurs en tant que tel, une valeur d'apprentissage certaine. Grâce à son contact avec l'enfant, le jouet effectue un transfert de sa mémoire sur le jouet actuel, et le dote, grâce au souvenir de l'enfant et à la fusion de celui-ci avec son jouet, d'une part de la mémoire globale du jouet. Celui-ci est créateur de souvenirs40(*). Mémoire plurielle qui s'inscrit dans une mémoire singulière, le jouet actuel devient alors un rappel permanent du jouet ancien du musée.

En outre la mémoire joue un rôle important dans les relations intergénérationnelles, décrites par Gaëlle Delorge41(*), qui permettent le phénomène de patrimonialisation du jouet. « Les générations précédentes sont [...] détentrices de la mémoire collective, [...] elles [... ] permettent de s'inscrire dans le présent »42(*). De ce fait, le jouet apporte sa mémoire au public, mais reçoit également un apport de la mémoire individuelle du visiteur. Chacun d'eux possède une histoire particulière sur chaque objet, reléguée au fond de leur mémoire. Il donne alors à l'objet placé en vitrine et qui ressemble peu ou prou à celui de son enfance, ou de sa collection personnelle, l'histoire qu'il a gardée en mémoire. Le jouet s'enrichit et son aura spirituelle s'accroît43(*). Le jouet renforce les liens intergénérationnels et le phénomène inter-mémorial, parce qu'il est lui-même l'interprète de la mémoire intégrale de l'objet et de la mémoire personnelle de l'autrui. Il apparaît alors comme un médiateur de la mémoire, un pont où s'effectuent des échanges mémoriaux.

Mémoire historique44(*), mémoire familiale, mémoire enfantine, mémoire archive, mémoire souvenir ou même mémoire imaginaire, nombreuses et variées sont les formes de la Mémoire. Le jouet en est l'initiateur, un guide quelque peu touche-à-tout, car il les englobe toutes, et les redistribue à foison à ses visiteurs. Le jouet apparaît toujours comme une terre vierge, sur laquelle se greffe chaque sensation, se construit chaque histoire, chaque aventure. Cette contribution incessante concourt au développement expansif de l'aura ou des auras du jouet45(*). Le jouet possède ainsi une mémoire matérielle, une mémoire spatiale. Mais il détient aussi une mémoire immatérielle, due à son aura et à tout ce patrimoine de l'immatériel qu'il intègre.

Le jouet ne nécessite pas d'efforts particuliers de mémoire pour un rappel fatiguant de ses fonctions ou de son usage. Il représente une mémoire active toujours en essor, donc une mémoire vivante. Il correspond donc à la notion du « milieu de mémoire » définie par Pierre Nora. Mais contrairement à l'auteur qui affirme que les milieux de mémoire sont remplacés par des lieux de mémoire qui servent la bonne conscience patrimoniale de la civilisation actuelle, le jouet est un milieu de mémoire, mais également un lieu de mémoire. Lieu, grâce à sa spatialité, car celle-ci met en oeuvre une mémoire visuelle46(*). Le jouet de par sa matérialité est la représentation d'un temps figé, d'un certain instant du passé. Grâce aussi à sa conception en tant que « monument » et même « monument  historique », il est un réceptacle de la Mémoire. Mais le jouet transfère cette spatialité mémorielle au musée. Comme ces sarcophages imbriqués l'un dans l'autre, où reposait la momie du Pharaon, le jouet et le musée sont des transmetteurs de mémoire, des protecteurs de la mémoire. Mais ils la matérialisent également à travers le jouet : celui-ci devient alors un objet de mémoire incarnée et vivante.

Milieu de mémoire active dans un lieu évolutif aussi, de par l'apport permanent des mémoires, le jouet est donc un coquillage immergé dans « la mer de la mémoire vivante »47(*). Ambassadeur de la Mémoire, conciliateur, le jouet renaît une nouvelle fois et se découvre une nouvelle vocation.

3.2 Mémoire de jouet

En parallèle à cette inscription du jouet au rang d'objet de Mémoire, il existe une autre forme de mémoire, à laquelle est exposé le jouet au sein du musée. Il peut être la cible d'une mémoire rapportée, une mémoire d'intention. Une mémoire qui ne reflète pas forcément sa mémoire intrinsèque.

Cette mémoire nait à l'occasion des expositions temporaires de jouets, qui suivent une thématique et un axe précis de découverte de ces jouets. Une exposition thématique focalise l'attention du visiteur sur un aspect précis. Elle plonge le visiteur dans une autre dimension. Elle revit et revisite l'Histoire ou des histoires imaginaires, présentées au visiteur. L'exposition thématique est conçue comme une pièce de théâtre, avec une intrigue, une entrée, un développement, un dénouement et une véritable scénographie. De ce théâtre « surréaliste », les jouets sont les acteurs. Mais ils ne sont plus les protagonistes de leur propre histoire. Non, dans ce cas, ils servent de figurants. Ils sont acteurs, au sens artistique actuel du terme, de l'histoire d'un autre, d'un scénario qui ne leur appartient pas en propre. En jouant cette histoire, le jouet s'oublie derrière elle. Il n'est plus porteur de son imaginaire intrinsèque. Il révèle simplement l'imaginaire d'un autre, la conscience de l'être humain, qui en l'occurrence a conçu l'exposition.

Mémoire artificielle, selon l'expression de Frances Yates48(*). Mais aussi mémoire subjective49(*). L'exposition thématique est une représentation mémorielle de l'Histoire. Un bref aperçu d'une vision continue d'un aspect de la vie. Ce phénomène de réécriture de l'Histoire se décèle plus particulièrement derrière les événements et manifestations qui entourent les commémorations de faits historiques50(*). La Mémoire y est d'ailleurs fortement sollicitée.

Or l'année 2008 est l'occasion pour le département du Nord (59) de célébrer le 90ème anniversaire de la fin de la Grande Guerre de 1914-1918. Pour ce souvenir, le Musée de la Poupée et du Jouet Ancien de Wambrechies (59) organise une exposition thématique d'une durée d'un an, intitulée « Le Jouet s'en va-t-en guerre ! ». Titre au combien symbolique, avec un impact psychologique puissant. Car il place en parallèle deux mots qui, dans leurs concepts, se contredisent : « jouet » et « guerre ».

Le jouet est un objet vivant, allégorie du mouvement, tournée vers l'imagination et la vie. La guerre est l'exact opposé. Elle est une personnification de l'action et du mouvement, mais dans une finalité de destruction et de mort. D'autant plus lorsque cette guerre évoquée est la Grande Guerre, le premier emblème de la destruction totale et systématique des guerres du XXème siècle. C'est donc d'une dénégation et presque d'une absurdité extraordinaire que la vie raconte la mort, que le jouet remémore la guerre. Il s'agit là d'une transgression forte des valeurs intrinsèques du jouet, en vue d'une commémoration d'événements militaires historiques.

Cette mémoire contextuelle, non forcément permanente, est accrue selon deux types de profils de jouets. Le cas des jouets de guerre est un aspect particulier de l'exposition. Les jouets de guerre de la première guerre mondiale représentent un patrimoine important et d'une portée infinie. Ceux-ci sont créés pendant la guerre, parfois par les poilus dans les tranchées, ou bien par les grands magasins, comme le Printemps ou le Bon Marché : poilus, Feldgrau, soldats de plomb.... Ou bien encore après la fin de la guerre, avec des matériaux récupérés, tels des chars-jouets, des avions, ou des représentations de combats...

Les vitrines prévues rassemblent des jouets créés pendant la guerre, ou juste après. Tous figurent la guerre, et possèdent d'entrée de jeu cette mémoire commémorative inscrite dans leur conception même, dans leur aura technique et compositionnelle51(*). Ce qui leur confère un plus grand impact sur les visiteurs, de par leur authenticité même.

Mais il existe un deuxième profil tout aussi intéressant. Il s'agit de jouets anciens, ou actuels, qui ne sont pas des jouets de guerre. Néanmoins ils le deviennent par analogie, par le fait même qu'ils sont intégrés dans les vitrines pour représenter les grands événements de 14-18 : baigneurs PetitCollin, poupées 1900, voitures Citroën... Les poupées vont ainsi s'investir dans la peau des soldats du front ou des civils de l'arrière.

Ces vitrines d'exposition, ces scènes de guerre, d'une atmosphère toute particulière, servent de cadre à un transfert de mémoire de ces jouets entre eux, les authentiques jouets de guerre et les autres. Par exemple, le Printemps avait sorti à la fin de la guerre une reproduction des tranchées, dans une sorte de liège, de 15 cm2, représentant le sol laminé, les barbelés, les poteaux pour stabiliser le sol... Pour les besoins de l'exposition, cette oeuvre sera reproduite en mortier à une échelle supérieure de 2mx1m. Cependant cette reproduction, cette copie52(*), même si elle n'est pas spécifiquement un jouet en tant que tel, bénéficie et récupère l'aura psychologique qui se dégage de l'oeuvre originale.

Ces différentes vitrines de jouets de guerre forment un nouveau mémorial de la guerre. La direction prise par la Mémoire suit une voie tracée, une « voie sacrée »53(*), et dévie quelque peu de son but originel. Le phénomène d'intention qui sous-tend l'exposition thématique amène à une fin « mémoriale » et immémoriale de la compréhension de l'événement. La mémoire personnelle du jouet-objet s'efface au profit d'une mémoire historique et partielle. En outre, les concepteurs de cette exposition « Le Jouet s'en va-t-en guerre ! » souhaitent que l'exposition, de par son intérêt et son importance tant matérielle - quarante vitrines - que spirituelle et historique, devienne permanente. Cela risque à terme de condamner le jouet à ne refléter que l'intention du concepteur d'exposition, à ne révéler qu'une seule interprétation possible, et à détourner le jouet de sa mission personnelle, singulière et intime, de transmission dans son contact avec le visiteur, puisqu'il est ici englobé dans un tout.

Cela conduit à l'atrophie intrinsèque de la mémoire du jouet, qui ne se représente plus lui-même, qui, à cause d'expositions thématiques, n'existe encore une fois ni par lui-même, ni de lui-même.

3.3 Vers un devoir de mémoire ?

Cependant la mémoire du jouet est vivante, parce que, de par sa proximité temporelle et spatiale, elle touche encore le visiteur. Le jouet ancien et le visiteur actuel appartiennent à la même culture, à la même civilisation.

La mémoire transmise par le jouet ancien apporte une stabilité et une confiance face au jouet actuel, ou face aux futurs jouets. Il existe entre eux un lien invisible de transmission des connaissances, des missions, une connexion, qui fait du jouet actuel l'héritier du patrimoine et le dépositaire de la mémoire du jouet ancien. Selon Jacques Legoff qui explore l'aspect identitaire de la mémoire, « la mémoire est un élément essentiel de ce que l'on appelle désormais l'identité individuelle ou collective, dont la quête est une des activités fondamentales des individus et des sociétés d'aujourd'hui, dans la fièvre et l'angoisse »54(*). La mémoire permet de retenir le passé dans le présent. Elle amène ainsi à accepter le présent et à faire face à l'avenir, à s'attaquer « aux maux du monde moderne »55(*).

Cette société actuelle en perte de vitesse, en pleine crise intellectuelle et identitaire, cherche à se rassurer en pénétrant dans l'espace sacré dévolu au jouet. Elle pense pendant un court instant avoir prise sur le temps et effectuer un retour en arrière. « La mémoire, où puise l'histoire qui l'alimente à son tour, ne cherche à sauver le passé que pour servir au présent et à l'avenir »56(*). Le visiteur cherche donc à travers le jouet à retrouver des marqueurs temporels stables et compréhensibles. Il vient quérir des repères, qui l'amènent en assumant le passé historique à assumer sa propre histoire, son propre passé, en le plongeant dans cette mémoire offerte par le jouet à se connaitre soi-même, à reconnaitre ce qu'il est et qui il est. Paul Ricoeur insiste par analogie du labeur de traduction, sur cet effort que constitue la transmission des savoirs dans l'équilibre d'un être : « le travail de mémoire ne va pas sans un travail de deuil »57(*)

Cependant cette conscience que le jouet et le visiteur ont l'un de l'autre, se risque à disparaitre avec le temps. En effet, sur l'axe temporel, le curseur « présent » avance perpétuellement, tandis que le point « passé » reste toujours fixe. Le passé s'éloigne inexorablement de nous. Les jouets anciens deviendront de plus en plus « anciens », tandis que nos jouets actuels deviendront eux des jouets « anciens ». Allons-nous, en même temps qu'une perte toujours accrue des témoins du passé et partant de nos connaissances, perdre aussi notre conscience vivante du jouet ? Rattraper la culture du passé est la finalité de la mémoire, son leitmotiv. Le jouet ancien est un jalon dans la course contre le temps. La peur d'une perte de cet héritage et de sa signification, de la perte de ses souvenirs d'enfance, amène le visiteur à fréquenter assidûment les musées de jouets. Ce lieu accorde au visiteur la paix avec sa mémoire individuelle de l'âge d'or de l'enfance, monde qui appartient dorénavant au passé. Un monde révolu, fini, que le visiteur espère faire revivre. Comme une prière exaucée, la mémoire conduit les générations dans ces reconstructions imaginaires du passé.

Mais cette acceptation de soi-même, ce « travail de deuil » décrit par Paul Ricoeur58(*), amène peu à peu les générations futures à accomplir un effort de plus en plus considérable pour se souvenir du jouet, de ce qu'il est dans son essence même. Nous dirigeons-nous alors inexorablement vers un « devoir de mémoire »59(*) du jouet ? Le jouet importe car il est un des fondements de la culture enfantine, il contribue à l'équilibre de l'homme. Le jouet est même un des éléments constructeurs de sa mémoire. Il convient de prendre garde à ne pas l'oublier. L'enfant ou l'adulte se raccrochent au jouet dans leur découverte du monde, aussi bien passé que présent et surtout futur. Le jouet anticipe leurs angoisses et leur permet de les surmonter. Ce qu'effectue également en parallèle la mémoire du jouet préservé dans le musée.

Pour l'instant, le jouet au sein du monde muséal reconstitue par lui-même son univers et offre une vision globale et partielle de l'Histoire, dont la mémoire s'empare dans des desseins divers. Mais la possibilité qu'un jour ce jouet ancien risque l'incompréhension des générations qui fréquenteront le musée existe, et n'est pas à exclure. Comment le jouet opérera alors la transmission de Mémoire ? Exigera-t-il un « devoir de mémoire »60(*) ? Rien n'est moins sûr. Même si sa mémoire contextuelle et historique s'érode peu à peu, le jouet garde son aura personnelle et intrinsèque61(*). La mémoire du jouet évolue en fonction des contacts avec les visiteurs. Elle s'adapte aux connaissances et aux souhaits des visiteurs du musée. En conséquence, le jouet sera toujours compréhensible à l'esprit d'un visiteur et accessible à son imaginaire. En ce sens, le jouet demeurera toujours un médiateur privilégié de la Mémoire.

Conclusion

Quelque soit sa destinée, le jouet est toujours porteur de valeurs vivantes et actives, qui ne demandent qu'à être partagées. Cette notion de partage, si importante tant au point de vue du Patrimoine que de celui de la Mémoire, est la clef de compréhension du jouet. A travers le jouet-patrimoine se reflètent à la fois le visiteur et la Mémoire. Et ce contact permanent, ces échanges mémoriaux incessants, transforment le jouet en un conciliateur objectif mais subjectif dans le même temps, car il ne peut s'empêcher de greffer sa propre mémoire à la mémoire collective. Mais ils transforment aussi le musée. Ce musée qui symbolise au premier abord une « mémoire-papier » selon l'expression de Pierre Nora62(*). Mais qui reçoit de plein fouet une mémoire vivante. Il accède alors à un rang supérieur. Il n'est pas juste un « lieu de vie »63(*). D'un « simple » lieu de mémoire, un garde-mémoire, à l'image presque trop absolue d'un garde-meuble, il se transfigure en un lieu de mémoire vivante. Un lieu plein des « Mystères », qui en appelle à la sacralité de la Mémoire. Un lieu enfin où se déroule une initiation bien particulière. Le couple Musée/Jouet permet au visiteur de se remémorer ses propres origines. Il ancre le visiteur dans le passé et lui crée son propre mythe fondateur. Le visiteur reporte alors son besoin de sacré sur un jouet alors divinisé, statufié, et placé sur un piédestal.

« Le besoin de mémoire est un besoin d'histoire »64(*). En fréquentant le musée, le visiteur devient son propre historien. Il écrit sa propre histoire. Mais, sujet de la Mémoire, il la réinterprète également. Finalement le musée n'est pas le seul objet soumis à la capacité de métamorphose du jouet. Le visiteur évolue. Il pérennise son existence dans le jouet-patrimoine. En se laissant imprégner de la mémoire transmise par le jouet, le visiteur se grandit, car lui-même devient alors un objet d'histoire, et un objet de mémoire. Le visiteur se meut alors dans un présent qui est la continuité sans interruption du passé. Il a retrouvé sa mémoire, il a redécouvert des repères.

Or Krzysztof Pomian affirme que « toute culture se caractérise par l'ensemble d'objets qu'elle soustrait à l'usage et soumet à la protection ou auxquels elle réserve un traitement à part, différent de celui qu'elle accorde aux objets usuels »65(*). Notre civilisation qui préserve son jouet de la course destructrice du temps, qui est nommée par ses détracteurs la « culture de loisirs », ne peut-elle s'affranchir de cette image négative, et devenir cette « culture du jouet », puisque celui-ci est fondateur de l'individualité d'un être humain ? une culture acquise et à transmettre, une culture artistique, historique et mémorielle...

Ultime et incessant adieu à l'enfance, la visite d'un musée du jouet ancien convertit le visiteur. Sa foi et sa confiance dans le jouet lui permettent d'affronter ses peurs, comme il les affrontait dans son passé. Car le jouet revivifie son créateur et ne l'abandonne jamais, qu'il reste dans ses souvenirs ou au sein du musée. La Mémoire est intemporelle : le jouet mémorial accède à l'immortalité et à l'éternité.

Bibliographie

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http://www.cairn.info/revue-dialogue-2001-4-page-99.htm

Yates Frances, L'art de la mémoire. Gallimard, 1987.

Annexes

Annexe 1 Liste non exhaustive des Musées de jouets en France 40

Annexe 2 Liste non exhaustive des Musées de jouets en Europe et dans le monde 41

Annexe 1 Liste non exhaustive des Musées de jouets en France

MUSÉES DE JOUETS EN FRANCE

DÉNOMINATION

VILLE

SITE WEB

 
 
 

MUSÉE DU JOUET

POISSY

 

MUSEE DU JOUET

MOIRANS

www.musee-du-jouet.com

MUSEE DU JOUET

MALINES

 
 
 
 

MUSÉE ANIMÉ DU JOUET ET DU PETIT TRAIN

COLMAR

www.museejouet.com

MUSÉE DU TRAIN ET DU JOUET

ARPAILLAGUES

www.jouetmusee.com

 
 
 

MUSEE DE LA POUPÉE

PARIS

www.museedelapoupeeparis.com

MUSEE DE LA POUPÉE

NEUFCHATEAU

www.musee-de-la-poupee.com

MUSEE DE LA POUPEE

GENISSIEUX

http://bastide.des.poupees.site.voila.fr

 
 
 

MUSEE DE LA POUPÉE ET DU JOUET ANCIEN

WAMBRECHIES

www.musee-du-jouet-ancien.com

MUSÉE DU JOUET ET DE LA POUPÉE ANCIENNE

ISLE SUR LA SORGUE

 
 
 
 

LA NEF DES JOUETS

SOULTZ

 
 
 
 

GALERIE DU JEU ET DU JOUET

CHOLET

 
 
 
 

MUSÉE DE L'ART DE L'ENFANCE (FERMÉ EN 2003)

MARCELLAZ-ALBANAIS

 

MUSÉE DES ARTS ET DE L'ENFANCE

FÉCAMP

 
 
 
 

MUSÉE DÉPARTEMENTAL DE L'ÉDUCATION

SAINT-OUEN

 

MUSÉE NATIONAL DE L'ÉDUCATION

ROUEN

 
 
 
 

MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS

PARIS

 

MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS

CENTRE DE L'ILLUSTRATION TOMY UNGERER

STRASBOURG

 

Annexe 2 Liste non exhaustive des Musées de jouets en Europe et dans le monde

MUSÉES DE JOUETS EN EUROPE ET DANS LE MONDE

DÉNOMINATION

VILLE

SITE WEB

 
 
 

MUSEE DU JOUET

BRUXELLES (BELGIQUE)

www.museedujouet.be

MUSEE DU JOUET

CATALOGNE (ESPAGNE)

 

MUSEE DU JOUET

MECHELEN (BELGIQUE)

 

MUSEE SUISSE DU JEU

LA TOUR DE PEILZ (SUISSE)

 

SPIELZEUGMUSEUM

NUREMBERG

 

SPIELZEUGMUSEUM DES SALZBURGER MUSEUMS CAROLINO AUGUSTEUM

SALZBOURG (AUTRICHE)

 

MUSEO VALENCIANO DEL JUGUETE

IBI (ESPAGNE)

 

CASA MUSEO DEL GIOCO E DEL GIOCATTOLO MEDITERRANEO TOLI TOLI

AGRIGENTE (SICILE)

 

MUSEO DEL GIOCATOLLO E DEL BAMBINO

MILAN (ITALIE)

 

TOY COLLECTION LEGOLAND

BILLUND (DANEMARK)

 

MUSEUM OF CHILDHOOD

LONDRES (ROYAUME-UNI)

 

BENAKI MUSEUM, CHILDHOOD YEARS AND TOY DEPARTMENT

ATHÈNES (GRÈCE)

 
 
 
 

MUSEE DU JOUET ANCIEN

SINGAPOUR

 

WOODEN TOY MUSEUM

IKUTAHARA (JAPON)

 
 
 
 

CHILDREN'S MUSEUM

MANHATTAN (USA)

 

PAPALOTE CHILDREN'S MUSEUM

MEXICO (MEXIQUE)

 

TOY MUSEUM

MEXICO (MEXIQUE)

 

Table des matières

Remerciements 2

Introduction 4

1 Le Jouet, de la chambre au musée 6

1.1 La première vie du jouet 6

1.2 Le sanctuaire privé de la collection particulière 8

1.3 Transposer un imaginaire privé dans un milieu public. 11

2 Le Jouet, patrimoine de musée 15

2.1 Les musées du jouet 15

2.2 Le jouet de musée 19

2.3 Un « espace sacré» dédié au jouet ? 23

3 Jouet et Mémoire 26

3.1 Jouet de Mémoire 26

3.2 Mémoire de jouet 29

3.3 Vers un devoir de mémoire ? 32

Conclusion 35

Bibliographie 37

Annexes 39

* 1 DESVALLEES A., « Emergence et cheminements du mot patrimoine », Musées et collections publiques de France, 1995, 3, n°2008, p.6-29. Cité par Claude BADET, Benoit COUTANCIER, Roland MAY, Musées et Patrimoine, CNFPT, 1997, p.11.

* 2 Walter BENJAMIN, Je déballe ma bibliothèque.2000.

* 3 Dictionnaire Petit Robert, article « créateur », p377, éd. 1973.

* 4 POMIAN Krzysztof, Des saintes reliques à l'art moderne, Venise-Chicago, XIIIè-XXè., Avant-propos, p11, Gallimard, éd 2003.

* 5 POMIAN Krzysztof, Des saintes reliques à l'art moderne, Venise-Chicago, XIIIè-XXè., Avant-propos, p9, Gallimard, éd 2003.

* 6 REMISE Jac, FONDIN Jean, L'âge d'or des Jouets, Edita Lausanne, 1967.

* 7 BARBIER-GUYOT Alexandra, L'aura et/ou la valeur d'usage. Mémoire de Master 1 professionnel Administration patrimoniale, Lille 3, 2008.

* 8 BROUGÈRE Gilles, in GARON Denise, Le Système ESAR, Guide d'analyse, de classification et d'organisation d'une collection de jeux et de jouets. Préface, p12, éd. Cercle de la Librairie, 2002.

* 9 (SAINT) AUGUSTIN D'HIPPONE, Les Confessions, Garnier-Flammarion, 1973.

* 10 Se « délecter », au sens de la délectation intellectuelle, notion introduite par André Malraux in Le Musée Imaginaire, et Krzysztof Pomian in Des saintes reliques à l'art moderne, Venise-Chicago, XIIIè-XXè.

* 11 Krzysztof POMIAN, Des saintes reliques à l'art moderne, Venise-Chicago, XIIIè-XXè., Gallimard, éd 2003.

* 12 André MALRAUX, Le Musée Imaginaire. 2006.

* 13 Au sens premier de revêtir un être spirituel d'un corps charnel, d'une forme humaine ou animale.

* 14 Dominique AUDRERIE, La notion et la protection du patrimoine. PUF, Que sais-je ?, 1997, Introduction, p3.

* 15 « Le Musée est une institution permanente, sans but lucratif au service de la société et de son développement ouverte au public, et qui fait des recherches concernant les témoins matériels de l'Homme et de son environnement, acquiert ceux-là, les conserve, les communique, et notamment les exposes à des fins d'études, d'éducation et de délectation ». ICOM.

* 16 Développement d'après les notions de Pierre NORA, Les Lieux de mémoire, Gallimard, 1997.

* 17 Frédéric GAUSSEN, Le goût nouveau de la tradition. Le Monde.

* 18 André MALRAUX, Le Musée Imaginaire, 2006.

* 19 QUATREMÈRE DE QUINCY, De l'architecture égyptienne, 1785, cité in POULOT Dominique, Musée, Nation, Patrimoine, 1789-1815, Gallimard, 1997, p.58.

* 20 Au sens premier du terme : portion déterminée de l'espace, considérée de façon générale et abstraite. Dictionnaire Petit Robert, article Lieu, éd 1973.

* 21 Cf. Annexes 1&2 : Liste non exhaustive des musées de jouets en France, en Europe et dans le monde.

* 22 Développement d'après les notions abordées par RICoeUR Paul, La Traduction, 2004

* 23 Dominique POULOT, Musée, Nation, Patrimoine, 1789-1815, Gallimard, 1997, p.36.

* 24 Dominique AUDRERIE, La notion et la protection du patrimoine, PUF, Que sais-je ?, 1997, p11.

* 25 Heinrich HEGEL, Leçons sur l'esthétique.

* 26 Les missions des musées de France sont référencées comme suit dans le Code du Patrimoine de 2004, Livre IV-Musées, Titre IV-Régime des Musées de France, Chapitre 1-Définition et Missions, Article-L.441-2 : « Les Musées de France ont pour missions permanentes de :a) Conserver, restaurer, étudier et enrichir leurs collections ; b) Rendre leurs collections accessibles au public le plus large ; c) Concevoir et mettre en oeuvre des actions d'éducation et de diffusion visant à assurer l'égal accès de tous à la culture ; d) Contribuer aux progrès de la connaissance et de la recherche ainsi qu'à leur diffusion ».

Ses missions, réservées aux Musées de France, peuvent néanmoins être les objectifs d'autres musées ou à d'autres personnes morales de droit public ou privé non lucratif, ne bénéficiant pas de ce label.

* 27 Hannah ARENDT, La crise de la culture.

* 28 Notion développée par Pierre NORA, Les lieux de mémoire, Introduction. Tome 1.

* 29 Notion développée par Krzysztof POMIAN, Des saintes reliques à l'art moderne. 2003.

* 30 Notion développée par Frances YATES, L'Art de la Mémoire. 1987.

* 31 Georges Henri Rivière, né le 5 juin 1997, à Paris, études de musique jusqu'en 1925, prend le goût des musées en suivant, de 1925 à 1928, les cours de l'école du Louvre puis devient conservateur de la collection David-Weill. Il réorganise le musée d' Ethnographie du Trocadéro, qui deviendra le Musée de l'Homme, le musée français le plus moderne d'Europe. Sous la direction de Paul Rivet, il y présente quelques 70 expositions de 1928 à 1937. De 1937 à 1967, il invente, conçoit et réalise le Musée national des arts et traditions populaires qu'il parvient à installer sur son site actuel, en bordure du bois de Boulogne. Il y développera une muséographie révolutionnaire et en assurera le couronnement scientifique par la création du Centre d'Ethnologie Française. Grand découvreur de talents, meneurs d'hommes, il joue un rôle essentiel dans la fondation de l'ICOM et dans l'invention du concept d'Ecomusée.

Environnement, pluridisciplinarité, furent ses idées maitresses sur lesquelles furent fondées, entre autres, les Recherches Coopératives sur Programme d'Aubrac et du Châtillonnais dans les années 1960. Même à la fin de sa vie, il ne cessera de conseiller, d'innover, et de dynamiser ceux qui poursuivaient son oeuvre.

Source : http://www.culture.gouv.fr/culture/atp/mnatp/francais/histoi12.htm

* 32 Notion développée par Jean Paul BABELON & André CHASTEL, La notion de patrimoine, Paris 1994, cité in BADET Claude, COUTANCIER Benoit et MAY Roland, Musées et Patrimoine, CNFPT, 1997, p43

* 33 Jean-Pierre VERNANT, Franchir un pont, texte commandé pour le cinquantième anniversaire du Conseil de l'Europe, inscrit sur une borne du Pont de l'Europe qui relie Strasbourg à Kehl.

* 34 Au sens premier d'ouvrage d'architecture destiné à perpétuer le souvenir de quelqu'un ou de quelque chose.

* 35 Développement d'après les notions développées par Ralph STEHLY, professeur d'histoire des religions à l'Université Marc Bloch de Strasbourg, Phénoménologie religieuse,

http://stehly.chez-alice.fr/nouvelle27.htm

* 36 Développement d'après les notions abordées par Pierre NORA, Les lieux de mémoire.

* 37 Maurice HALBWACHS, La mémoire collective, 1950.

* 38 Développement d'après les notions abordées par Paul RICoeUR, La Traduction.

* 39 André CHASTEL, La notion de patrimoine, in NORA Pierre, Les lieux de mémoire, tome 1, p. 1447.

* 40 Développement d'après les notions abordées par André CHASTEL, La notion de patrimoine, in NORA Pierre, Les lieux de mémoire, tome 1, p. 1436.

* 41 Gaëlle DELORGE, Vers une politique d'animation intergénérationnelle au Musée de la Poupée et du Jouet Ancien, Wambrechies. Mémoire de Master 1 professionnel Administration patrimoniale, Lille 3.

* 42 Gaëlle Delorge, Vers une politique d'animation intergénérationnelle au Musée de la Poupée et du Jouet Ancien, Wambrechies. Mémoire de Master 1 professionnel Administration patrimoniale, Lille 3, p20.

* 43 Les diverses auras sont développées par Alexandra BARBIER-GUYOT, L'aura et/ou la valeur d'usage, mémoire de Master 1 professionnel Administration patrimoniale, Lille 3, 2008.

* 44 Notion abordées par Maurice HALBWACHS, La mémoire collective, chapitre II, 1950.

* 45 Cf. note 43.

* 46 Frances YATES, L'art de la mémoire. 1987.

* 47 Pierre Nora, Les lieux de mémoire. Citation exacte : Les lieux de mémoire ne sont « plus tout à fait la vie, pas tout fait la mort, comme ces coquilles sur le rivage quand se retire la mer de la mémoire vivante ».

* 48 Frances YATES, L'art de la mémoire. 1987.

* 49 Opposition entre la mémoire subjective défendue par Platon et la mémoire objective prônée par Aristote. Cours de master Patrimoine et Mémoire, de Jean-Paul DEREMBLE.

* 50 Jean-Yves BOURSIER, « Le monument, la commémoration et l'écriture de l'Histoire », N°9-2001, Commémorer, Site Web Revues.org, catégorie Socio-Anthropologie.

http://socio-anthopologie.revues.org/document3.html

* 51 Alexandra BARBIER-GUYOT, L'aura et/ou la valeur d'usage. Mémoire de Master 1 professionnel Administration patrimoniale, Lille 3, 2008.

* 52 Voir André MALRAUX, Le Musée Imaginaire, le phénomène de la copie.

* 53 Nom donné par Philippe Pétain à la voie qui reliait Verdun à la France et qui menait sans interruption des ressources humaines et militaires.

* 54 Jacques LEGOFF, Histoire et Mémoire, p. 174.

* 55 Dominique POULOT, Musées, nation, patrimoine, p. 36.

* 56 Jacques LEGOFF, Histoire et Mémoire, p. 177.

* 57 Paul RICoeUR, « Cultures, du deuil à la traduction », Le Monde, 25 mars 2004.

* 58 Cf. note 57.

* 59 Au sens d'un effort considérable à effectuer pour se souvenir.

* 60 Au sens actuel, d'une obligation de se souvenir d'un fait, ou de quelque chose.

* 61 André MALRAUX, Le Musée Imaginaire.

* 62 Pierre NORA, Les lieux de mémoire, Introduction, p. 31.

* 63 Jean-Christophe CASTELAIN, directeur des Éditions ArtClair, « Les musées qui réussissent, sont ceux qui sont bons partout, qui cumulent tous les atouts et qui deviennent des lieux de vie où l'on a envie de venir. ». La Voix du Nord, 6 juin 2008, au sujet du palmarès des musées du Nord Pas de Calais, établi par le Journal des Arts.

* 64 Pierre NORA, Les lieux de mémoire, Introduction, p. 30.

* 65 Krzysztof POMIAN, « Pourquoi protégeons-nous les monuments ? », Revue Patrimoine, N°1, INP.








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