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La motivation de l'élève en difficulté


par G J
IUFM des Pays de la Loire
Traductions: Original: fr Source:

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III - Quelques mises en pratique et réflexion

Ces réflexions sur la remédiation des problèmes d'orthographe, le travail en groupe, et la motivation des élèves m'ont permis d'effectuer quelques expériences auprès de mes élèves afin de résoudre les problèmes auxquels j'avais à faire face, notamment celui de la démotivation d'élèves en difficulté auxquels je ne pouvais pas consacrer assez de temps dans la classe.

8- Les fiches de suivi orthographique

Pour les élèves qui en avaient besoin et qui commençaient à délaisser leur fiche, j'ai organisé une petite réunion pendant une heure d'aide individualisée à laquelle tous pouvaient assister. Je leur ai rappelé mais de façon un peu plus longue ce que je leur avais dit en début d'année au sujet de cette heure et de la fiche qu'ils avaient à remplir. Nous avons ensuite entamé un dialogue sur les raisons qui les avaient poussés à déserter peu à peu cette heure dont ils avaient tant besoin. Certains ne voyaient pas l'utilité d'une fiche faite « pour le prof ». L'objectif de début d'année avait donc été totalement oublié ou mal expliqué par moi.

Je décidai de leur rappeler le but de leur démarche. A cette époque de l'année tous n'avaient pas encore de projet d'orientation. Le seul objectif un peu éloigné dans le temps qu'ils arrivaient à prendre en compte était le bac de français. J'aurais préféré qu'un but à plus long terme tel qu'une activité professionnelle devienne leur motivation principale, mais ces élèves en difficulté ont du mal à se projeter dans l'avenir.

Comme l'heure d'aide individualisée voyait passer des élèves de bon niveau, je décidai d'utiliser leurs compétences afin d'aider leurs camarades à corriger les erreurs orthographiques dans leurs copies. Aurélie qui ne fait pas excessivement de fautes a ainsi pu constituer un binôme avec Pierre. Ils ont ainsi pu travailler tous les deux pendant que j'aidais d'autres élèves à comprendre les erreurs qu'ils avaient commises dans des dissertations.

Pour que l'élève comprenne que la fiche était faite pour ses propres besoins en orthographe plutôt que « pour le prof » de français j'ai demandé à Pierre et à Aurélie de corriger les fautes commises dans un cours d'histoire-géographie. Quand Aurélie a terminé la correction de sa copie de français, elle a pu aider Pierre penché sur son cours de géographie. Aurélie m'a ainsi fièrement exhibé sa fiche (Annexe 1) « C'est bon monsieur ? » avant de retourner aider son camarade. Quant à Pierre, une fois sa fiche remplie (Annexe 2), nous avons pu commencer à l'analyser ensemble. Il a tout de suite pris conscience de ses erreurs les plus fréquentes : l'accord des noms et des adjectifs au pluriel. « C'est parce que je fais pas attention »

L'objectif que nous nous sommes fixé est clair et restreint : il devra porter toute son attention sur les noms et les adjectifs au pluriel. Le processus est en cours et j'attends impatiemment de voir sa copie du contrôle commun de secondes pour voir s'il est parvenu à se concentrer durant les trois heures pour éviter les erreurs d'accord des noms et adjectifs.

D'autres élèves ont rempli la fiche (Annexe 3) sans qu'il ait fallu leur fixer d'objectif précis à atteindre sinon de tenter de mémoriser leurs fautes pour ne plus les reproduire.

Il reste néanmoins Maxime qui oublie de plus en plus souvent de venir en aide individualisée : « monsieur, je savais pas que c'était aujourd'hui ». Cet élève semble volontaire mais il se dérobe souvent au dernier moment dès que je lui demande un travail concret à effectuer.

La constitution de binômes m'a donc permis de gagner du temps en aide individualisée pour être à la disposition de davantage d'élèves. De plus les élèves en difficulté semblent travailler de façon plus efficace avec une camarade attentionnée à leurs côtés qu'avec le regard du professeur au-dessus de leur épaule

9- La production de poèmes

Lors d'une séquence sur le portrait, nous avons étudié le contre-blason. Je leur ai demandé d'en produire un eux-mêmes sur le modèle de Du Bellay qu'ils avaient pu découvrir. Lors de la lecture de leurs poèmes, ils semblaient tous enthousiasmés au point de s'applaudir entre eux à la fin du contre-blason. Cet entrain semblait également toucher certains élèves en difficulté, si bien que l'un deux accepta de lire son poème devant toute la classe. D'habitude David prenait rarement la parole mais lors de cette intervention il avait l'air particulièrement fier de lui.

Je décidai de profiter de cette occasion pour l'inclure dans un groupe de travail autour du blason. Je lui demandais s'il voulait bien collecter tous les poèmes des jeunes auteurs qui acceptaient d'être lus par le reste de la classe. Il aurait ensuite à saisir les poèmes sur son ordinateur, à les imprimer puis je les photocopierais pour le reste du groupe. Je ne lui ai donné aucune limite de temps et le fruit de son travail n'était pas destiné au professeur mais à ses camarades. Il est simplement venu me consulter pour obtenir des conseils de présentation. Après quelques essais où les poèmes s'étalaient sur plusieurs pages ou bien n'étaient pas présentés de façon satisfaisante, David m'a apporté une vingtaine de jours plus tard la version définitive (Annexe 4). Les poèmes ont ainsi pu être signés par chaque auteur avant d'être photocopiés puis distribués à l'ensemble de la classe.

Le premier poème que m'a remis David ne comportait pas de fautes. C'est un premier point qu'il faut signaler car en début d'année c'est un élève qui commettait des fautes dans toutes les phrases. Mais je pense que cet épisode de la vie de classe où une responsabilité lui était confiée lui a permis d'augmenter sa motivation. Ainsi cet élève d'apparence timide en début d'année est depuis devenu plus présent et plus attentif en cours : il pose des questions et est capable de formuler des réponses en classe. S'il paraissait en difficulté au premier trimestre, au second trimestre il est parvenu à revenir dans la moyenne de classe.

10- « Les lycéens au cinéma » et leurs productions écrites

L'opération « lycéens au cinéma » à laquelle mes élèves participent doit être exploitée en cours de français pour relier les films à différents objets d'étude tels que le comique, le tragique, le fantastique. Mais étant donné que les retours que je faisais sur les films pendant les séances étaient succincts, les élèves sont restés avec l'idée que la projection des films était plus ou moins déconnectée du cours de français.

J'en ai donc profité pour constituer des groupes de travail, où chaque groupe aurait une tâche différente. Il était facile de travailler sur le narratif en leur demandant de développer les synopsis qu'ils avaient lus. Mais dans ce genre d'exercice, il faut toujours penser au programme et au bénéfice dont on peut tirer de chaque exercice. Les objets d'étude doivent constamment être croisés et l'argumentation fait partie de ces notions qu'il faut sans cesse faire revenir dans les séances. D'autres groupes auraient donc à travailler l'argumentation sur les films en commençant par classer les critiques dont ils disposaient dans leurs plaquettes puis à en trouver d'autres. Ces critiques avaient donc à être classées en « pour » et « contre » (éloge/blâme).

J'ai laissé les élèves s'inscrire dans le groupe de leur choix. Il restait simplement Kévin à ne s'être inscrit dans aucun des groupes de travail. J'insistais pour qu'il choisisse, mais il m'a simplement répondu « bah c'est vous qui voyez ». Le travail entrepris n'arrivait donc pas à mobiliser tout le monde.

Les élèves en difficulté se sont naturellement répartis dans les différents groupes, il n'y a pas eu de concentration de « bons » ou de « moins bons » élèves. Une partie du travail devait s'organiser en classe pendant le module et la production du texte devait se faire en dehors des séances. J'ai simplement pu observer comment se divisait le travail entre les élèves. Maxime qui s'était mis dans le groupe devant développer le synopsis de L'homme sans passé de Kaurismäki proposait d'ajouter de nombreux détails, mais ne semblait pas prendre la plume pour assurer la rédaction.

J'ai donc simplement demandé aux groupes de me rendre le travail « prochainement », sans donner davantage de précision afin que le travail reste le plus libre possible.

Sur les trois synopsis demandés, j'ai pu en obtenir un saisi à l'ordinateur (Annexe 5) et un autre à l'état de brouillon (Annexe 6). Maxime était chargé de taper le dernier document. Il m'aurait pourtant semblé intéressant de voir le texte saisi avec un correcteur orthographique. Les quelques fautes de sa camarade auraient-elles disparues dans la version finale ? Je lui ai demandé plusieurs fois où en était son travail mais un événement inopportun l'avait toujours gêné : « J'ai plus d'encre dans mon imprimante », « J'ai perdu la feuille ». Pour le synopsis de Sleepy Hollow de Tim Burton, j'ai rencontré encore moins de succès puisque j'ai bien vu un texte en cours de production, mais je n'ai jamais vu le travail achevé.

L'argumentation, exercice jugé plus difficile par les élèves, a été couronnée de davantage de succès (Annexes 7 à 11). Ce sont les groupes où j'ai vu les élèves en difficulté le plus s'investir : dans la parole tout d'abord pour défendre leurs idées et pour certains comme Pierre jusque dans l'écriture. Mais ses camarades se jugeant plus compétents ont préféré écrire à sa place. Les brouillons que j'ai pu relever ne sont pourtant pas exempts de fautes.

Il ne faut donc pas hésiter à donner des exercices jugés un peu plus difficiles aux élèves en difficulté qui y trouveront sans doute plus d'intérêt.

La liberté accordée dans le travail demeure cependant un problème difficile à gérer : le travail est peut-être effectué en dehors de la classe mais le professeur n'a aucune possibilité de contrôle pour apporter des corrections à la production écrite ou proposer une éventuelle remédiation. Et quelle marge de liberté laisser à l'élève pour ne pas faire chuter sa motivation tout en respectant le rythme de travail de l'année ?

11- Limites et enjeux

1. Le temps limité

Un des problèmes dont je n'ai pas tenu compte pour l'écriture est celle du temps limité. Le nombre de fautes dans une copie ne sera pas le même si le devoir est rédigé à la maison ou bien en classe en temps limité. Ces considérations amènent à évoquer le problème de la vigilance orthographique qui est plus ou moins soutenue en fonction de facteurs comme le stress et une autonomie variable des phénomènes de réflexion : plus les élèves auront à mettre en oeuvre leurs facultés de jugement (notamment dans la dissertation et le commentaire littéraire), plus leurs graphies seront approximatives. Le développement systématique de la vigilance orthographique devra par conséquent être intégré aux remédiations.

2. L'aide individualisée

Il est évident que le professeur ne peut faire face aux demandes spécifiques d'une vingtaine d'élèves avec simplement une heure d'aide individualisée une fois toutes les deux semaines. Or les inégales capacités de compréhension conduisent trop souvent certains élèves à l'échec scolaire. Pour certains cette heure d'aide signifie d'abord la fin d'un mythe, celle de la classe homogène.

De plus cette aide apportée par le professeur ne peut pas résoudre toutes les difficultés. J'ai appris un peu tardivement que Maxime avait des problèmes d'orthophonie. Je n'ai pas suffisamment de compétences pour traiter toutes les difficultés qu'il peut rencontrer à l'écrit.

3. La motivation

La lecture de La motivation en contexte scolaire de Rolland Viau permet de relativiser les effets de l'enseignant sur l'attitude et la motivation de ses élèves. Même si l'apprentissage découle de la relation pédagogique qui s'établit entre l'apprenant, l'enseignant et la matière, il est également influencé par un grand nombre de variables extérieures à cette relation.

Les variables relatives à la famille ne sont pas négligeables (valeurs, situation financière, culturelle, etc...), ni celles relatives à l'apprenant (âge, sexe, milieu social, attitudes, capacités intellectuelles, valeurs, connaissances antérieurs ...), il faut également prendre en considération les variables relatives à l'institution (but, valeurs, ressources humaines, financières, etc...), et celles relatives à la société (lois, valeurs, système politique, culture, etc...).

On s'aperçoit que la motivation est une composante parmi tant d'autres, et qu'elle n'est pas la panacée à tous les problèmes que l'on rencontre dans le milieu scolaire. Il est quasiment impossible d'agir dans le cadre scolaire sur les variables relatives à la société et à l'institution. Concernant les variables relatives à l'apprenant et à sa famille, l'enseignant, la plupart du temps, ne peut que constater les problèmes, et en tenir compte dans son attitude envers l'élève. Il s'agit alors d'accepter de ne pas être tout puissant, tout en sachant pertinemment que le soutien parental est l'un des facteurs capital à sa réussite.

4. La pédagogie de groupe

Je n'ai peut-être pas su me méfier à temps de certains dangers du travail en groupe. A la lecture de Philippe Meirieu11(*) on prend davantage conscience des différents enjeux de ce type de pédagogie.

Le danger provient du fait que le groupe va facilement s'organiser avec d'un côté les concepteurs, d'un autre les exécutants et enfin, isolés, les chômeurs. Le problème de ce type d'organisation est qu'exclut de l'apprentissage les élèves en difficulté qui en auraient le plus besoin et dont la production dévaloriserait la production commune.

La principale dérive observée est que le projet peut être stimulant mais les acquisitions intellectuelles seront faibles

Pour que ces travaux soient profitables il faut que tous les éléments du groupe puissent apporter un élément de contribution. La production d'un poème pour le groupe rend à l'élève sa spécificité par rapport aux autres. Dans le travail en binôme les deux protagonistes apportent un élément : le support et l'aide. C'est seulement dans ce type de situation que le travail en groupe se révèle être positif.

* 11 Itinéraire des pédagogies de groupe. Apprendre en groupe ?

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