2.2 Outils et méthodes de mesure de la
pauvreté
2.2.1 Les Outils de mesure de la pauvreté
La littérature permet de distinguer deux sortes d'outils
de mesure de la pauvreté : les indicateurs composites et les indices
composites de bien-être.
Un indicateur de bien-être est défini pour chaque
unité d'une population donnée et un indicateur composite est la
valeur agrégée de plusieurs indicateurs de bien-être en se
servant d'une forme fonctionnelle. Par exemple, le fait pour un individu de
disposer d'une eau potable ou non constitue un indicateur, et la proportion
d'individus ayant de l'eau potable est un indicateur composite.
Un indice composite résulte de l'agrégation d'un
indicateur composite de bien-être sur une population donnée.
La construction de l'indice composite nécessite en
général deux agrégations ; la première concerne les
différents indicateurs pour chaque unité de la population et la
deuxième se fait sur l'ensemble de la population de l'indicateur
composite obtenu pour donner une mesure générale de la
pauvreté de la population. Comme on peut le constater, la construction
d'un indice composite de bien-être passe obligatoirement par la
construction d'un indicateur composite de bien-être (Chakravarty,
Mukherjee, Ranade, 1997).
2.2.2 Les approches de mesure multidimensionnelle de la
pauvreté
Les approches de mesure multidimensionnelle de la
pauvreté peuvent être regroupées en deux : les approches
axiomatiques et les approches non axiomatiques. Une approche axiomatique
consiste à adapter dans le cadre multidimensionnel, certains indicateurs
de pauvreté proposés dans le cadre de la pauvreté
unidimensionnelle (Bourguignon et Chakravarty, 2002). On peut s'appuyer sur
l'approche axiomatique des propriétés de l'indicateur composite
de la pauvreté et sur une mesure de pauvreté se
référant à un seuil donné de pauvreté pour
chaque indicateur primaire (Asselin, 2002). Afin d'étayer nos propos,
considérons une population de taille n, chaque individu i de la
population a un vecteur x, de J attributs, x, E
KIF. Soit X une matrice n x j, où
chaque élement x2.2 de la matrice donne la
quantité de l'attribut j de l'individu i. Soit z,
élement de Z, le seuil de pauvreté pour chaque attribut J, avec Z
E Kir. On peut avoir la forme générale (Bibi,
2002), P(X, z) = F(N(x2, Z)), où N(.) est
la fonction de pauvreté individuelle, indiquant la façon avec
laquelle les différentes dimensions doivent être
agrégées. Et F(.) indique la manière avec laquelle il faut
agréger la pauvreté individuelle afin d'aboutir à une
mesure générale de la pauvreté qui permette d'avoir une
situation générale des n individus.
Exemple :
P(X,Z) = 2,Z),
j=1
avec
N(xi, Z) =1 si xi, > zi
V j =1,2...k
On a ainsi une extension multidimensionnelle de l'incidence de
pauvreté.
Dans l'approche non axiomatique, on distingue deux types de
mesures : les mesures sur les indicateurs agrégés de
bien-être et les mesures sur les données individuelles.
Parmi les mesures du premier type, on peut citer l'indice de
pauvreté de Armand et Sen(1997), plus connu sous l'appelation d'indice
de pauvreté humaine.
IPH = (cilIPHÏ a2IPM
a3IPH3)k
avec ai + a2 + a3 = 1 avec cc
> 1
Nous présenterons les mesures non axiomatiques les plus
citées dans la littérature et les plus utilisées
aujourd'hui dans les pays en développement ; il s'agit des
méthodes fondées sur la théorie des ensembles flous, des
méthodes utilisant le critère de l'entropie ou de l'inertie.
Méthodes fondées sur la théorie des
ensembles flous
Soit M = {mi, ...in... mn} un
ensemble de ménages situés dans un environnement
économique donné (Mussrad, Pi alperin, 2005), et la matrice X
d'ordre n *k des attributs socio-économiques (ressources
disponibles) pour étudier l'état de pauvreté des
ménages ; X=[)(1, , Xk]. Considerons P
un sous ensemble de M tel que m, E P, ce qui
correspond à un niveau de privation dans au moins un des attributs de
X.
Afin de pouvoir définir la fonction d'appartenance d'un
menage i E {1 n} au sous
ensemble P, considérons que (k < n)
:
X2k=1, si le i-ème ménage n'a
pas le k-ème attribut ;
x,k0, sinon ;
On peut définir la fonction d'appartenance du i-ème
ménage au sous ensemble P comme :
Ce rapport est le ratio de pauvreté du i-ème
ménage ; avec w3 le poids relatif du j-ème
attribut et 0 < fip(m2) < 1, les
w3 sont des valeurs qui représentent
l'intensité de privation des attributs de X. Ainsi, plus le
nombre de ménages ne detenant pas l'attribut Xk est grand, plus
la valeur correspondante à wk est petite. Par
conséquent :
- ,up(rni) = 0, si le i-ème
ménage possède les k attributs ;
- uP (mi) = 1 , si le
i-ème ménage ne possède aucun des k attributs
;
- 0 < ,p(mi) < 1, traduit le fait que le
i-ème ménage est privé de certains attributs
présents dans l'ensemble P.
L'indice de pauvreté flou global de l'ensemble A est
calculé par la formule suivante :
n
Ip =
2=1
n
,up(mz)f(az)
f (a2) = 1; 0 < f
(ai) < 1; Vi E 1 . n
i=1
f (ai) : représente le poids relatif
accordé au i-ème ménage.
Méthodes fondées sur l'entropie
C'est suite aux travaux d'ingénierie dans le domaine
de l'informatique, notamment en ce qui concerne le cryptage des messages dans
les réseaux informatiques que cette théorie voit le jour.
L'objectif était de mettre au point des systèmes qui garantissent
que l'information, circulant dans un réseau ouvert à plusieurs
individus comme Internet serait sécurisée. Pour Shanon, si P
est la probabilité d'apparition d'un symbole dans un message, alors
l'entropie de ce symbole est tout simplement l'opposé du logarithme en
base 2 de sa probalité d'apparition. L'entropie d'un message
étant simplement la somme de toutes les entropies des symboles de ce
message. Shanon réussit à démontrer qu'un message ne
pouvait pas être codé avec moins de bits que le nombre
donné par le calcul de son entropie.
Pour illustrer nos propos, considérons qu'un message
contienne les symboles a, b, c, d. Si les probabilités
d'apparition de ces symboles sont Pa
126, Pb -- Pjc --
1,Pd -- l'entropie des symboles a, b, c, d sera
respectivement de 3, 3, 2, 1 et l'entropie de ce message sera de 9, il faudrait
donc au moins 9 bits pour décoder ce message.
C'est Theil qui est le premier à avoir utilisé
cette théorie en économie. Son adaptation à la mesure de
la pauvreté est faite par Maasoumi en 1986.
Sur le plan théorique, nous présenterons
l'entropie et sa formulation
Soit /1), = prob(x = x,), i = 1 . n la
probabilité que le résultat d'une experience soit
x2.
Considérons la fonction décroissante g(.)
telle que g(1)=0 et g(0)-+ --oc, qui permet de capter l'information
générée par l'expérience. Enfin, l'information
anticipée d'une expérience, qui est la formulation de l'entropie
est :
H(P) =
Pig(P,)
z=1
avec P = (P1 Pn) Comme on peut le
constater c'est lorsque g(P,) = --log(P,)/ P que
H(P) represente l'entropie de Shannon.
Pour un événement certain, avec P = (0,
1, 0, , 0) , H(P) = 0
Suite à cela on peut alors définir des mesures
de la différence entre deux distributions. Prenons la distribution Q
= (Q) Qn) et la distribution H = (H1.
Ha). La mesure de la divergence entre ces deux distributions
est :
i=1
D(Q, P) --
n
QQi
Pi
La formule généralisée de la mesure de la
divergence entre deux distributions est :
GE,(Q, =
(a + 1)
Qi [G2i) -11
1 n
avec,
a 0, --1
L'adaptation de cette approche dans la mesure de la
pauvreté se fait comme suit : soit n individus et m attributs servant
à avoir une mesure du bien-être, xi/
represente la valeur que prend l'attribut j en ce qui concerne le
i-ème individu. Tout d'abord, on va déterminer la valeur
agrégée X, qui représente le bien-être dont
jouit l'individu i en employant une partie ou non des ressources disponibles
(attributs). Il suffira alors de minimiser la fonction d'entropie
généralisée suivante :
1
GEQ(xT, X; /3) = (ct #177;
1)
[(Xij-2) -- 11 , 0, --1
v
avec [3 le poids de l'attribut j. Une fois les
résultats des Xi obtenus après mimimisation, on
procède alors au choix des critères de pauvreté.
Méthodes fondées sur l'inertie
C'est à Benzecri que l'on doit une approche qui
s'appuie sur la géometrie euclidienne. Son objectif est de permettre la
visualisation en dimension 2 d'un nuage de points représenté dans
une dimension supérieure à deux. Le problème est qu'il
nous est difficile, voire impossible de visualier de manière
précise, des points dans des espaces de dimension supérieure
à deux. Cette approche consiste donc à projeter nos points dans
des espaces de dimensions deux ou trois, tout en conservant au mieux la
structure initiale de nos points (BRY, 1996).
Plusieurs méthodes sont nées de cette approche
telles que l'analyse en composante principale, l'analyse des correspondances
multiples, l'analyse factorielle des correspondances. L'usage de ces techniques
dans la mesure de la pauvréte se fait comme suit : Soit X la matrice qui
en lignes represente les ménages et en colonnes les variables qui
déterminent le bien-être des ménages, les
coordonnées factorielles des ménages sur le premier axe (axe
d'inertie maximale) sont souvent assimilés à des indicateurs
composites de bien-être des ménages.
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