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Le coton et l'hypocrisie des pays riches

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par Oumar Sissoko Fakaba
Université Paris X Nanterre - Master 2 Economie Internationale, Politique Macroeconomique et Conjocture 2009
  

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III) Les problèmes politiques et économiques soulevés par les subventions au coton.

Dans cette dernière partie nous allons aborder différents problèmes, mais qui tous ont une relation avec notre sujet. Ces différents problèmes sont les suivants : en premier lieu, nous allons voir quelle ont été les réponses apportées par l'UE et les USA aux problèmes soulevés par les quatre pays africains producteurs de coton. Ainsi nous montrerons en quoi leurs positions et leurs propositions sont hypocrites. Dans un second temps, nous aborderons les problèmes que les subventions engendrent sur le développement des pays africains, en nous intéressant particulièrement aux effets des gains dynamiques à l'échange.

La première remarque que l'on peut formuler est que ce sont en premier lieu les pays développés (et surtout les USA et L'UE) subventionnant fortement leurs agricultures qui sont visés par cette initiative sectorielle.

Dans les années 80 avec le "consensus de Washington", une nouvelle doctrine du développement apparait. Elle préconise la libéralisation dans les pays les moins avancés de presque tous les secteurs économiques. Cette libéralisation est censée amener ces pays dans le chemin du développement par les bienfaits du marché (concurrence, rationalisation, libre-échange). Toutefois, le résultat de ces politiques a été catastrophique. A tel point que beaucoup disent que ce consensus n'a eu d'autre but que de trouver aux pays riches de nouvelles sources de profits, au détriment de toute considération économique et sociale. Même le FMI, qui a pourtant été l'institution internationale qui a mis en oeuvre cette politique aux travers des plans d'ajustement structurel, reconnait elle-même que ses politiques n'étaient pas toujours "adaptées".

Toujours est-il que certains pays ont réussi à tirer leur épingle du jeu, comme certains pays d'Afrique de l'Ouest (en particulier les pays producteurs de coton). Bien que ces pays demeurent très pauvres, nous avons vu en première partie que la culture et l'exportation du coton fait vivre pas moins de dix millions de personnes. Or, les subventions qu'attribuent les pays développés à leur agriculture viennent s'opposer aux principes de libre-échange qu'ils défendent. Dans le texte que les quatre pays africains ont déposé, ils ne demandent pas des mesures de traitement différencier ou de nouvelles aides, ils ne demandent que l'application des règles de libre-échange qui leur ont parfois été imposées.

C'est cela qui pose problème aux Américains et aux Européens. Alors qu'auparavant c'étaient des pays plutôt riches subventionnant leur agriculture (de manière beaucoup moins forte, certes) qui dénonçaient les subventions agricoles européennes et américaines (en particulier les pays de Cairns, à savoir : Argentine, Australie, Nouvelle-Zélande, et Canada), ce sont aujourd'hui des pays pauvres, dont les seules ressources d'exportations sont les produits agricoles qui dénoncent ces subventions. Les USA et l'UE avaient mis en place des politiques de préférence envers les pays les moins avancés afin que leurs subventions ne pénalisent pas trop ces pays. Ainsi l'UE, en signant les accords de Cotonou (2001) a mis en place le programme "Tout sauf les armes" qui accorde des préférences tarifaires sur certains produits en provenance des pays de l'ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), ainsi qu'un meilleur accès au marché européen. Dans la même logique, les USA ont instauré un programme similaire : l'AGOA (Africa Growth Opportunity Act). Par ailleurs, Europe et Etats-Unis sont venus en aide aux producteurs agricoles du Sud lorsque les prix agricoles étaient trop bas par un mécanisme de stabilisation des prix : le Stabex. Lorsque les prix descendaient en dessous d'un certain prix planché, ces deux puissances accordaient des aides aux producteurs du Sud en difficultés. Toutefois, la logique de l'initiative coton dépasse cette logique d'assistanat des pays pauvres. En dénonçant les subventions au le coton, les pays d'Afrique de l'Ouest ne demandent pas des mesures exceptionnelles en leur faveur, mais seulement l'application de leurs droits.

Le coton étant un secteur stratégique pour ces pays en développement, les USA et L'UE n'ont pu se contenter d'éluder le problème. Pour autant, ils ne l'ont pas réglé non plus. En effet, le non respect des règles de libre-échange de la part des pays développés n'est pas le seul problème que soulève le texte qui a été déposé. En demandant l'arrêt des subventions dans le secteur cotonnier et la compensation des préjudices subis, le Mali, le Burkina Faso, le Tchad et le Bénin ouvrent une brèche dans laquelle les USA et l'UE ne veulent surtout pas s'engouffrer : la remise en cause partielle de leur politique agricole pourrait faire "jurisprudence" et être un "modèle" pour la contestation de toute leur politique agricole. C'est pourquoi les mesures que se sont engagées à prendre les USA et l'UE sont dérisoires et hypocrites : en guise de solution, l'UE s'est engagé à découpler ses aides (60% seront versées sous forme d'un montant unique, et 40% resteront indexées sur les superficies cultivées avec une surface maximale déterminée) et à préciser que celles-ci n'étaient pas la cause de la baisse des prix, car n'étant pas des subventions à l'exportation elles n'introduisaient qu'une très faible distorsion. Les USA quant à eux ont proposé de remettre en cause tout les accords du secteur textile, et pas seulement les subventions au coton. S'il est vrai que les quotas textiles (accords multi fibres, AMF, et les accords textiles vêtements, ATV), ont un effet dépressif sur la demande de coton, cette proposition est surtout stratégique : elle permet, par la révision de ces accords, aux USA de gagner du temps et de ne pas résoudre le problème.

Par ailleurs, nous voudrions souligner une recommandation faite à la fois par l'UE et par les USA aux pays producteurs de coton se trouvant dans le texte ci-après, qui est le draft d'une déclaration ministérielle faite pendant Cancún :

« Nous reconnaissons l'importance du coton pour le développement d'un certain nombre de pays en développement et comprenons la nécessité d'une action urgente pour traiter les distorsions des échanges sur ces marchés. En conséquence, nous donnons pour instruction au Président du Comité des négociations commerciales de tenir des consultations avec les Présidents des Groupes de négociation sur l'agriculture, sur l'accès aux marchés pour les produits non agricoles et sur les règles pour traiter l'incidence de distorsions qui existent dans le commerce du coton, des fibres synthétiques et artificielles, des textiles et des vêtements afin d'assurer un examen global de l'ensemble du secteur. Il est donné pour instruction au Directeur général de tenir des consultations avec les organisations internationales pertinentes, y compris les institutions de Bretton Woods, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture et le Centre du commerce international, pour orienter effectivement les programmes et les ressources existants vers la diversification des économies dans lesquelles le coton représente la majeure partie du PIB. Les Membres s'engagent à s'abstenir d'utiliser leur pouvoir discrétionnaire dans le cadre du paragraphe 1 de l'Annexe A afin d'éviter de procéder à des réductions du soutien interne pour le coton. »

Ce texte est peut-être l'une des meilleures illustrations de l'hypocrisie de l'UE et des USA. Pour faire face à la crise qui sévit dans le coton, les pays ne pouvant accorder des subventions à leurs producteurs doivent impérativement ... diversifier leur production.

Dans cette seconde partie, nous allons aborder plus spécifiquement les problèmes de développement que posent les subventions octroyées par les pays riches à leurs producteurs de coton. Pour cela, nous allons nous baser non pas sur les gains statiques, mais sur les gains dynamiques qu'il peut y avoir à l'échange. Le problème majeur qui va se poser ici, est que ces gains sont très difficiles à appréhender, et il n'existe pas vraiment d'études ou de recherches qui ont réussi à calculer ces gains dynamiques. Aussi notre démonstration se basera t'elle plus sur des notions théoriques que sur des études économétriques (contrairement à ce qui a pu être le cas dans la partie précédente).

En premier lieu, nous allons définir ce que sont les gains dynamiques issus de l'échange et quels sont leurs effets sur l'économie. Comme leur nom l'indique, les gains dynamiques sont les gains à l'échange qui apparaissent lorsque l'on prend en compte le temps. En d'autres termes, ce sont les effets à long terme de l'ouverture des économies (alors que les gains statiques seraient les effets à courts terme). On peut distinguer plusieurs sortes de gains dynamiques parmi lesquels :

- les économies d'échelle. En s'ouvrant au commerce, un pays ne fera plus seulement face à une demande nationale dans le produit pour lequel il présente un avantage comparatif, mais il va faire face à une demande internationale. Pour pouvoir faire face à cette demande, le pays va devoir restructurer son appareil productif, et cela peut passer par la constitution d'entreprises plus grandes : l'idée est qu'en produisant sur des quantités plus grandes, on arrive à baisser les couts de production (jusqu'à un certain volume de production les entreprises bénéficient de rendements d'échelle croissants). Les entreprises nationales sont donc plus grandes et plus efficaces, elles sont donc plus compétitives sur le marché mondial.

- les effets d'apprentissage liés à la spécialisation. Cette idée recoupe quelque peu l'argument précédent : en s'ouvrant au commerce, le pays va se spécialiser dans une production donnée. Les salariés seront plus productifs et les entreprises plus compétitives car ils ne seront plus concentré qu'à faire un type de production. C'est un peut l'idée qu'on retrouve chez A. Smith lorsqu'il évoque la division du travail : en ayant qu'une tâche précise à faire, un employé sera plus productif car il aura l'habitude d'exécuter cette tâche.

- la pression de la concurrence internationale. Cette concurrence aura deux effets. Le premier sera de la rationalisation des coûts : tous les "gaspillages" seront traqués sous l'effet de la concurrence, cela aura pour effet de diminuer l'X-inefficience et donc de rendre les entreprises plus compétitives. Le second sera l'innovation et le progrès technique. Afin de pouvoir garder des parts de marché ou d'en conquérir, les entreprises seront amenées à innover tant dans les procédés (pour pouvoir être plus productives, et donc plus compétitives), que dans les produits (afin de différencier leurs produits de ceux des concurrents).

- les spillovers technologiques. Grace au commerce international, les pays qui s'ouvrent aux échanges peuvent bénéficier de transferts de connaissances, notamment en consacrant une partie de leurs revenus (et de fait cette partie sera plus importantes s'ils dégagent des recettes d'exportations importantes) à l'achat de technologies qu'ils ne maitrisent pas, ou en bénéficiant de la formation de leur population (notamment par des accords bilatéraux, comme par exemple, lorsqu'une entreprise étrangère doit former les travailleurs locaux à ses technologie lorsqu'elle remporte un contrat sur le marché local).

Selon la littérature économique, ces gains seraient beaucoup plus importants que la simple baisse des prix engendrés par l'ouverture au commerce, notamment pour les pays en voie de développement (R. Wacziarg).

Le gain statique de l'échange

L'ajout de gains dynamiques

Dans le cas des pays africains producteurs de coton, beaucoup de faits empiriques poussent à valider cette théorie. Mais ils poussent aussi à souligner que les aides demandées pour atténuer les effets des subventions ne compensent que très partiellement les pertes subies. Les aides promises (leurs modalités d'attribution, ne sont, rappelons-le, à ce jour pas encore définies) ne viennent qu'atténuer "l'effet prix" des subventions : elles permettront aux producteurs des pays d'Afrique de recevoir un revenu qui compensera les pertes subies par la vente du coton à un prix artificiellement bas. En aucun cas ces aides ne sauraient contrebalancer "l'effet quantité", et encore moins gommer les pertes dues aux gains dynamiques. "L'effet quantité" peut se définir comme une restriction de la production. Les subventions octroyées ont deux effets : celui de baisser les prix, or l'agriculture est un secteur à rendements décroissants : en dessous d'un certain prix, les surfaces qui pourraient être mises en cultures ne sont plus rentables (D. Ricardo avait déjà formulé cette idée dans son explication de la rente), et celui d'inciter à la production pour les producteurs qui ces subventions ; les surfaces non rentables sans subventionnement au Nord pourraient être remplacées par la mise en culture de nouvelles parcelles, notamment dans les pays d'Afrique de l'Ouest.

Ici, "l'effet quantité" peut être considéré comme une perte de gains dynamiques. En effet, les quantités produites par les pays africains sont en quelque sorte bornées par les subventions des pays développés, et cela a pour effet de minorer les économies d'échelle ainsi que les effets d'apprentissage. C'est pourquoi, on remarque que les récoltes augmentent jusqu'au milieu des années 90 en Afrique puis, avec la chute des cours du coton, la production et les rendements ralentissent. Par ailleurs, d'autres effets sur les gains dynamiques sont visibles : au niveau de "l'animalisation" de la production, on remarque que ce sont les régions dans lesquelles le coton est produit où l'utilisation des animaux de traits est la plus élevée. Enfin, on remarque que les effets d'entrainements, notamment l'industrialisation des pays africains a été stoppée, en partie par les pertes de gains dynamiques. Ainsi, alors que l'on comptait 41 unités de production industrielle dans la zone UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine), on en compte aujourd'hui à peine une vingtaine.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci