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Opinion publique et géopolitique

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par Daouda GUEYE
Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal) - Diplome d'Etude Approfondie (D.E.A) 2004
  

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I- NECESSITE D'UNE CONVERSION

MORALE DE L'HUMANITE

Comme nous venons de l'évoquer dans l'introduction, l'humanité fait face à plusieurs défis qu'elle a elle-même créés, et dont l'ensemble se présente comme la créature de Victor Frankenstein de Genève que ce dernier ne parvenait plus à contrôler

Ces défis, nous nous proposons de les analyser à travers trois catégories : il s'agit de la politique, de la civilisation et de l'économie. C'est à travers ces trois paradigmes que nous allons en effet présenter la situation réelle à laquelle se trouve aujourd'hui confrontée l'humanité. Sur le plan politique nous avons constaté des dysfonctionnements au niveau aussi bien de la politique intérieur des Etats, qu'au niveau international. D'ailleurs on pourrait se demander si le désordre qui sévit dans la politique internationale n'est pas en échos à celui caractéristique de pas mal de gestions intérieures, d'autant plus qu'aujourd'hui il apparaît très difficile, voire impossible (du moins dans les faits), d'établir une dichotomie entre le privé et le public, le national et l'international. Quels sont ces dysfonctionnements qui gangrènent la vie intérieure des Etats ? C'est ce que nous essaieront de montrer d'abord. Ensuite, sur le plan civilisationnel nous allons voir comment la poussée de l'identitarisme, récupérée par des démagogues dans le but de servir leurs intérêts personnels, pourrait favoriser une balkanisation du monde en autant d'unités civilisationnelles en conflit. Nous userons ici de la grille de lecture de Samuel Huntington dans Le choc des civilisations. Des dysfonctionnements sur le plan politique, mais des dysfonctionnements également dans le secteur de l'économie. Dans ce secteur, nous parlerons de quelques difficultés dues à l'absence de réglementation, mais aussi, dans les conflits internationaux, du remplacement de l'arme militaire par l'arme économique.

L'exposé de ces trois facteurs ainsi que de la dialectique qui leur est intérieure va nous permettre de montrer en quoi la mobilisation de l'opinion publique internationale nous parait indispensable pour surmonter ces défis, ce qui nous semble être la condition de la survie de l'humanité. Mais avant d'en arriver là, et pour nous en tenir à ce qui mobilise notre attention dans cette première partie, nous verrons que cette opinion publique, en dépit de tous les dénies et autres dénigrements dont elle a fait l'objet, n'en est pas moins une réalité, une réalité dont nul ne peut faire fi absolument.

1°) LA SITUATION REELLE

Avec la faillite du communisme, la carte géopolitique du monde s'est trouvée complètement métamorphosée. Bipolaire depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, le monde ne connaît désormais, avec cet événement, plus qu'un seul pôle de puissance. En d'autres mots, en lieu et place d'un monde partagé entre deux pôles idéologiques - le communisme à l'Est et la démocratie libérale à l'Ouest - ayant chacune sa zone d'influence, et coexistant de manière conflictuelle, la chute « des murs » a fait surgir un autre où ne subsiste plus, triomphante, qu'une seule idéologie. Il s'agit du capitalisme, promu par les pays de l'Ouest avec à leur tête les Etats-Unis faisant office de figure de proue. Notre propos n'est pas d'exposer ici le contenu respectif de ces deux doctrines, mais disons seulement que l'idéologie capitaliste est caractérisée par l'économie de marché, le libre échange et la démocratie, entre autres. Le modèle démocratique libéral, avec les principes qui sont supposés le fonder, fut longtemps - et continue encore de l'être en certains lieux - considéré comme le cadre idéal pour les citoyens, dans tous les pays où il est adopté, qui veulent opiner librement et participer activement aux prises de décisions relatives à la chose publique, tant il est vrai que celles-ci les engagent.

Avec l'échec et la disparition des « coercive utopias » (utopies contraignantes), le nazisme d'abord et le communisme plus tard - surtout de ce dernier qui a su, plus d'un demi siècle durant, se poser comme seule alternative à la démocratie libérale, mais également à cause du caractère attrayant de celle-ci dû valeurs qu'elle défend dans son principe - d'aucuns ont pensé et même laissé entendre que son expansion aux quatre coins du monde devenait plus qu'une possibilité, une certitude. Et l'on a pensé que le cas échéant, le monde connaîtrait la paix perpétuelle tant évoquée, tant rêvée. En effet, si on combine la thèse de l'universalisation de la démocratie libérale6(*) et la loi Doyle7(*) sur l'impossibilité de la guerre entre les démocraties, loi qui, il est vrai, est corroborée par l'expérience, la planète devient pacifique. C'est ce qu'affirme Emmanuel Todd après la lecture des ouvrages de Fukuyama et de Doyle. Il écrit : « si nous ajoutons à l'universalisation de la démocratie libérale(Fukuyama)l'impossibilité de la guerre entre les démocraties (Doyle), nous obtenons une planète installée dans la paix perpétuelle »8(*)

L'expérience montre que les démocraties se sont toujours mobilisées contre le totalitarisme sous toutes ses formes pour défendre la liberté, l'égalité, l'état de droit, la souveraineté de la masse des citoyens, bref le bonheur de l'humanité. Les conflits qui ont jalonné l'histoire ont surtout mis aux prises des constructions politiques non démocratiques, et dans certains cas, celles-ci à des démocraties.

Toutefois, l'accueil réservé à la démocratie libérale dans certaines contrées du monde apparaît comme la mèche dans la soupe. En effet, l'universalisation ou la supposée tendance à l'universalisation de ce modèle politique ne semble qu'idéale ou, si l'on veut, idéelle et non effective et réelle. Ainsi donc si Fukuyama est désavoué(par l'expérience), il ne reste plus que Doyle qui, s'il peut nous garantir l'impossibilité de la guerre entre Etats démocratiques, ne peut pas en faire autant quant aux relations entre les Etats non démocratiques, ou entre ces derniers et les démocraties. Ceci étant, force est de reconnaître que ce n'est pas pour aujourd'hui la réalisation du vieux rêve de l'humanité concernant la paix perpétuelle. Par ailleurs, admettant « que la démocratie libérale mène à la paix, nous admettons aussi que son dépérissement peut ramener à la guerre »9(*). Or, justement, c'est à ce dépérissement de la démocratie que nous assistons aujourd'hui, et ce, de l'avis de Todd, surtout dans les pays avancés, épicentre de ce modèle politique. Comment s'effectue ce processus de dépérissement de la démocratie dans les Etats dits de « vieilles démocraties » ?

La clé de voûte de la compréhension de ce processus c'est l'enseignement. Le développement de l'enseignent supérieur a pour conséquence la formation d'une élite intellectuelle et la réintroduction du concept d'inégalité. En effet, on assiste à la formation d'une nouvelle classe, « the overclass », surtout dans les pays avancés, qui, selon Todd, « a de plus en plus mal à supporter la contrainte du suffrage universel ».

Ceci rend le propos de Tchakhotine adaptable à notre époque sans risque d'anachronisme : « les démocraties d'aujourd'hui ne méritent aucunement leur nom et devraient être plutôt désignées democratoidies : en réalité elles n'appliquent les principes démocratiques qu'à des oligarchies, à de petites minorités privilégiées dans leur sein, aux membres d'une caste dirigeante. L'énorme majorité des citoyens de ces democratoidies sont des « citoyens de deuxième classe », ils sont violés psychiquement par la propagande détenue par la caste dirigeante, qui s'arroge le droit de parler au nom de ces masses »10(*). Une fois au pouvoir, cette « overclass », de manière délibérée ou non, ne prend pas toujours en compte les aspirations et l'opinion du public des citoyens qui, pourtant, est censé, l'avoir portée au pouvoir par des voies « démocratiques ». Regardant la masse des citoyens comme un instrument, elle n'hésite pas, comme moyens pour atteindre ses intérêts crypto-personnels, à « employer le principe du viol psychique des masses, en feignant d'agir dans leurs intérêts et par leur mandat, en faussant ainsi les principes de la démocratie »11(*).

L'opinion publique internationale se trouve ainsi fragmentée par la propagande par-ci par-là menée à travers le monde par des régimes faussement démocratiques ou tout simplement anti-démocratiques. Entourant la masse de leur citoyen d'un voile de Maya, ces derniers arrivent aisément à les mener dans des conflits géopolitiques dont le véritable mobile ne leur est pas toujours bien connu.

Les choses ne vont pas mieux lorsque, à la place des conflits internationaux motivés par des nationalismes tous azimut, qui ont marqué l'histoire depuis l'institution des Etats-nations après la révolution française de 1789, s'élèvent d'autres conflits, cette fois civilisationnels. Or depuis le « tour de force intellectuel » opéré par Huntington en 1996, notre vision des affaires internationales a complètement été révolutionnée, comme le prédisait Brzezinski. En effet voici la lecture que Huntington fait de la situation actuelle du monde, et qui contraste manifestement avec l'optimisme béat de ce qui, certainement emportés par l'euphorie provoquée par la chute « des murs », ont prophétisé l'avènement d'un monde pacifié et harmonieux : « L'illusion d'harmonie, écrit-il, qui s'est répandue à la fin de la guerre froide a vite été dissipée par la multiplication des conflits ethnique et des actions de « purification ethnique », par l'affaiblissement généralisé de la loi et de l'ordre, par l'émergence de nouvelles structures d'alliance et de conflits entre Etats, par la résurgence des mouvements néocommunistes et néofascistes, par le durcissement du fondamentalisme religieux, par la fin de la « diplomatie du sourire » et de la «  politique du oui » dans les relations entre la Russie et l'Ouest, par l'incapacité des Nations Unies et des Etats-Unis à empêcher des conflits locaux sanglants et par la montée en puissance de la Chine. »12(*)

Le caractère révolutionnaire des thèses de Huntington tient au fait que désormais les conflits à venir n'opposeront plus que des Etats-nations, mais aussi et surtout des aires civilisationnelles. Pour rendre compte de ce nouvel état de choses, le concept d' « ethnopolitique » dont l'intérêt réside dans le fait qu'il fait voir très clairement que ce n'est plus exclusivement pour des besoins d'accroissement territorial, comme le laissait comprendre le terme géopolitique dans son acception classique, qu'éclateront des conflits armés, mais bien pour des besoins d'affirmation identitaire.

Quelles que soient les critiques que l'on pourrait adresser à cette grille de lecture utilisée par Huntington, qu'on mette cela par exemple sur le compte du perspectivisme nietzschéen, cela ne change rien au problème. En effet il s'agit et s'agira toujours de conflits dont, quelle que soit la structure, les masses seront les victimes, et d'innocentes victimes. Rien, si ce n'est des scrupules, et ils en sont en privés en général, ne pourrait empêcher des politiques mues par la recherche de la gloire et la libido dominandi, par exemple, et prêts à faire feu de tout bois, d'adopter la rhétorique de ce démagogue vénitien: « on ne peut avoir de vrais amis si on n'a pas de vrais ennemis. A moins de haïr ce qu'on n'est pas, il n'est pas possible d'aimer ce qu'on est. »13(*) On peut facilement imaginer les conséquences désastreuses qu'une fois incrustés dans le psychisme des masses grâce au principe du viol psychique, ces propos peuvent avoir du point de vue moral et humain bien sûr, mais surtout sur la paix et la stabilité internationale.

Ce qui fait la spécificité du statu quo, à la lumière de l'analyse qu'en a fait Huntington, par rapport à ce à quoi on était habitué depuis la révolution française et l'émergence des Etats-nations comme acteurs majeurs sur la scène internationale, mais également par rapport à l'époque de la guerre froide, c'est son caractère vraiment mondial, le fait qu'il implique tous les hommes autant qu'ils sont, pris dans leur individualité. Cette mondialité reste liée au fait que les questions « de quelle nationalité êtes-vous ? » et « dans quel camp êtes-vous ? » ont perdu de l'importance face à la question plus fondamentale « qui êtes-vous ? ». « Dans le monde qui est le nôtre, c'est [...] l'identité culturelle qui détermine surtout les associations et les antagonismes entre les pays. Un pays pouvait à l'époque de la guerre froide être non aligné, mais aujourd'hui il ne peut être sans identité. »14(*)

La fibre identitaire étant aussi sensible (peut-être même plus sensible) que celles nationaliste ou idéologique, est-ce que la propagande identitaire, fondée principalement sur la pulsion religieuse, ne pourrait pas connaître un succès supérieur ou égal à celui que jadis la propagande politique a connu, au point de précipiter les masses dans des tourments inextricables ?

Les promoteurs de « nettoyages ethniques », mais aussi les recruteurs de kamikazes maîtrisent bien les mécanismes du viol psychique, qu'ils en soient conscients où non. Les horreurs qu'ils commettent au quotidien et qui nous sont transmises par les médias à l'échelle planétaire sont, malheureusement, pour nous pousser à répondre à la question posée plus haut par l'affirmatif. « Le kamikaze, écrit par exemple Pierre Conesa15(*), est devenu en quelques années la bombe intelligente et bon marché du terrorisme de nouvelle génération, produit d'une idéologie et d'une technique de préparation facilement transposable et exportable »16(*). Les deux dernières caractéristiques de la technique de propagande terroriste confèrent à ce phénomène son caractère mondial. L'attentat du World Trade Center a été commis par des kamikazes de six nationalités (plus d'une quinzaine avec la logistique), et les victimes, au nombre de 3052, venaient d'une centaine de nationalités différentes.

Le corollaire de la démocratie contemporaine, le libéralisme, voit également la réputation que lui ont toujours prêtée ses promoteurs mise à rudes épreuves à cause des dysfonctionnements et des incohérences dont ils recèle. Déjà, dans sa lecture critique des conséquences économiques de la paix de Keynes, Mantoux affirmait que vu la primauté que ce dernier semble donner à l'économique sur le politique, en échos à Essau17(*), on pourrait penser que « les temps annoncés par Burke étaient venus : c'était en vérité l'ère des économistes et des calculateurs »18(*). On venait à peine de sortir de la Grande guerre. L'économie a toujours joué comme un aspect déterminant dans la vie intérieure et extérieure des Etats. Mais c'est surtout de nos jours que son poids se fait le plus sentir dans les politiques nationales et internationales, après qu'elle ait été pendant longtemps reléguée au second plan ou occultée par les nationalismes et les luttes idéologiques. Cette apparition de la logique économique au devant de la scène mondiale est tellement visible que d'aucuns n'ont pas hésité à forger le concept de géoéconomie pour rendre compte du fait que désormais, « lorsque antagonisme il y'a entre pays industrialisés, il trouve son expression pour l'essentiel sous des formes économiques »19(*).

Un nouvel ordre mondial, caractérisé par le remplacement de l'arme militaire par l'arme économique comme moyen pour les Etats d'exprimer leur volonté de puissance et de prépondérance au niveau international, était déjà annoncé par des penseurs comme Edward Luttwak20(*), au tout début des années quatre-vingt-dix. Au lieu de conquêtes territoriales où d'influence et de pressions diplomatiques, il est désormais question, selon ce dernier, « de maximiser l'emploi hautement qualifié dans les industries de pointe et les services de haute valeur ajoutée ». Le but recherché est de « conquérir ou de préserver une position enviée au sein de l'économie mondiale. Qui va développer la nouvelle génération d'avions de ligne, d'ordinateurs, de produits issus des biotechnologies, de matériaux de pointe, de services financiers et les autres produits à haute valeur ajoutée dans les secteurs industriels, petits et grands ? Les développeurs, les ingénieurs, les managers et les financiers seront-ils américains, européens ou asiatiques ? Aux vainqueurs les positions gratifiantes et les rôles dirigeants, aux perdants les chaînes de montage, à condition que leurs marchés nationaux soient assez importants et que les importations de produits déjà assemblés soient rendues impossibles par des barrières douanières »21(*).

Avec l'échec du communisme, on a proclamé le triomphe du libéralisme économique caractérisé par « l'intégrisme du marché », expression préférée par George Soros à celle forgée au 19e siècle par Von Hayek, « le laisser-faire ». Cet intégrisme du marché est fondé sur le présupposé que « les marchés s'auto régulent et qu'une économie mondiale n'a aucunement besoin d'une société mondiale.[...] que le meilleur moyen de servir l'intérêt commun est de laisser chacun poursuivre ses propres intérêts et que toute tentative destinée à protéger l'intérêt commun par des décisions collectives fausse les règles du marché »22(*). La logique du marché, avec la dialectique dont elle recèle entre les prises de décisions individuelles et leurs conséquences au niveau collectif, a fini par placer le monde dans une situation que l'image de la grenade prête à exploser, sur le frontispice du Choc des civilisations pourrait rendre explicite. Les conséquences du libre échange sont en même les défis auxquels est aujourd'hui confronté le libéralisme dans sa prétention à s'ériger en modèle économique viable, le seul modèle à même de permettre à l'humanité de connaître l'opulence, la liberté, l'égalité (du moins au niveau des chances), bref la paix.

En 1992, Zbiniew Brzezinski, le principal animateur de la Commission Trilatérale, et conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter de 1977 à 1981, annonçait que le plus grand problème qui occupera le 21 siècle sera relatif aux questions liées au fossé entre la qualité de la vie dans les pays avancés et celle des pays moins avancés, entre le Nord et le Sud. Et au sein même de ce Nord et de ce Sud, surgit maintenant un Nord (les nantis) et un Sud (les démunis), phénomène que l'éditorialiste du mensuel Le Monde diplomatique décrit comme engendrant une « guerre sociale ».

Le développement du consumérisme dans la société opulente, autre nom de la société de consommation, comportement que Brzezinski qualifie d'hédonisme social, contraste de manière criarde avec le gap, dans les pays pauvres et au sein des pays avancés même, entre les aspirations d'ordre matériel et leurs capacités réelles qui ne leur permettent pas de satisfaire celles-ci.

Ce qui rend la situation engendrée par la dialectique du libre échange plus inquiétante c'est, d'abord, le fait que même s'il existe une loi et des institutions internationales, l'incapacité de ces dernières à empêcher les guerres et à garantir le respect et la protection des droits de l'homme et de la démocratie est manifeste. En raison, ensuite, du caractère transnational de l'économie, la circulation des capitaux, les transactions financières mondiales sont carrément hors de contrôle des autorités nationales ou internationales. Il y a enfin le fait que, mis à part les défauts qui gangrènent les mécanismes du secteur du marché, ce dernier empiète sur « le secteur hors marché » qui finit lui-même par connaître des dysfonctionnements criards. C'est ce secteur hors marché qui, comme l'a décrit Soros, renferme « les intérêts collectifs, les valeurs sociales qui ne s'expriment pas sur le marché »23(*).

La dialectique de ces trois facteurs, géopolitique, ethnopolitique et géoéconomique -avec les conséquences désastreuses que ceux-ci peuvent avoir sur les masses en terme de guerres, de terrorisme, de « nettoyage ethnique », d'inégalités, d'absence de critères éthiques dans les rapports entre l'homme et son milieu, mais également dans les rapports de l'homme avec lui-même et avec ses semblables - a fini par asseoir l'humanité sur une poudrière. Cette situation rappelle bien que les vieux démons qui ont toujours guetté les hommes sont toujours là. Et ceux-ci, lorsqu'ils ont eu l'occasion de se saisir d'elle, ont montré sans retenue leur capacité de dégradation morale et physique. Pour en finir pour de bon avec la conflictualité sous toutes ses formes, les différentes unités politiques en lesquelles l'humanité est fractionnée ont oeuvré à former une société internationale régie par un droit international qui transcende donc les législations des membres souverains . C'est ainsi que des institutions ont été mises sur place : l'ONU et ses différentes branches relatives chacune à un domaine particulier de l'existence humaine, par exemple, l'OMC, l'UNESCO, l'AIEA, entre autres, ainsi que des TPI et CPI. Cependant, il est clair que nonobstant toutes ces institutions, l'humanité demeure confrontée à des difficultés qui la mettent au bord du gouffre. Les principales raisons de cet état de fait ont toujours été situées dans le concept de souveraineté qu'on considère généralement comme seul obstacle à l'avènement de cette société internationale régie par un droit du même nom, synonyme selon beaucoup de paix perpétuelle et d'unité de l'espèce humaine. Ce sont ces détracteurs de cette notion de souveraineté, notion abstraite selon eux, et non moins promoteurs de l'idée de communauté internationale, dont Julien Freund dit qu'ils font « preuves d'inconséquence » en rejetant « la souveraineté parce qu'elle serait métaphysique » pour proposer à la place, « avec intempérance une métaphysique phraséologique dans le concept de communauté internationale en lui attribuant le prestige des vertus morales et le rôle de protectrice des valeurs ». « Le lecteur des traités de droit international, continue Freund, ne peut être que surpris que par l'imprécision de la notion de communauté internationale : une espèce de bric à brac de morale, de politique, de droit, d'économie, d'histoire, et de philosophie de l'histoire dont le vague tient lieu de définition »24(*).

Cette position de Freund est légitimée par le fait que dés qu'on parle de relations entre Etats, c'est aux classes dirigeantes de ces derniers qu'on pense .Or ces dernières, formant une oligarchie au sein de leur peuple, n'agissent pas toujours dans l'intérêt des masses qu'ils obligent en général, par les moyens de la propagande, à entrer dans des situation qui mettent leur existence en péril.

Toutefois, les Etats n'ont jamais été constitués que de politiques ; il y'a en effet la grande masse des citoyens qui forme ce qu'on appelle l'opinion publique qui, de plus en plus, est en train de gagner un pesant d'influence sur les relations internationales.

Quelle est la nature de cette opinion publique ? Est-elle prête aujourd'hui pour remplir la tache de mobilisation - ce qui lui est nécessaire - transnationale pour constituer une force de pression assez puissante et ainsi fonctionner comme un contrepoids à l'action des politiques, en général exclusivement mus par la libido dominandi ? Assez puissante et assez mature, est-ce que cette opinion publique l'est pour être en mesure de parer aux dérives du capitalisme sauvage et transcender les clivages culturels et civilisationnels pour beaucoup plus d'égalité, d'éthique, de tolérance et de respect de l'autre, gages d'une justice universelle, d'une paix perpétuelle ?

Voilà autant de questions, et d'autres que nous n'avons pas mentionnées ici, qui vont constituer la trame de notre réflexion dans les pages qui vont suivre.

* 6 Développée par Francis Fukuyama dans La fin de l'Histoire et le dernier Homme,

* 7 Michael Doyle,  «Kant, liberal legacies and foreign policy», Philosophy and public affairs, I et II, 1983.

* 8 Emmanuel Todd, Après l'empire, Essai sur la décomposition du système américain, Gallimard, 2002, p. 21.

* 9 Ibid., p.31.

* 10 Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande politique, Gallimard, 1952, p. 451.

* 11 Ibid., p. 451.

* 12 Samuel P. Huntington, Le choc des civilisations, Odile Jacob, 1997, p. 29.

* 13 Michael Dibdin, Dead Lagoon, in Samuel P. Huntington, op.cit., p. 16.

* 14 S. P. Huntington, op.cit, pp.177-178.

* 15 Haut fonctionnaire à Paris.

* 16 Sri Lanka, Irak, Tchétchénie, Israël..., Aux origines des attentats-suicides, Le Monde diplomatique, N°603, Juin 2004, p.14.

* 17 Fils aîné de Isaac qui accepta de vendre son droit d'aînesse à son frère Jacob pour une soupe de lentilles, Genèse, 25, 27 et suivant.

* 18 Etienne Mantoux, La paix calomniée, 1946, Annexes de J.M.Keynes, J.Bainville, Les conséquences économiques de la paix, Les conséquences politiques de la paix, Tel, Gallimard, 2002, p.472.

* 19 Pascal Lorot, François Thual, La géopolitique, Montchrestien, 2e éd., p.116.

* 20 Edward Luttwak, Le rêve américain en danger, Odile Jacob, 1995.

* 21 E. Luttwak, op.cit, in La géopolitique, op.cit, pp.116-117.

* 22 George Soros, La crise du capitalisme mondiale, l'intégrisme des marchés, Plon, 1998, p. 17.

* 23 Ibid., p. 21.

* 24 Julien Freund, L'essence du politique, Paris, Sirey, 1965, p. 474.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand