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Opinion publique et géopolitique

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par Daouda GUEYE
Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal) - Diplome d'Etude Approfondie (D.E.A) 2004
  

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II- ENTRE LE MARTEAU ET L'ENCLUME

Un monde aspirant à une existence pacifique n'a jamais eu besoin d'une opinion publique mature et responsable comme c'est le cas aujourd'hui. Par une existence pacifique nous n'entendons pas cette paix imposée unilatéralement comme ce fut le cas avec les situations historiques baptisées naguère « pax romana » ou « pax britanica ». L'existence pacifique en question ici est conçue comme devant résulter d'un consensus au niveau des esprits, des coeurs et des volontés de tous les habitants de la planète, ou, plus précisément de cette partie du genre humain, majoritaire du point de vue de son nombre. Ce n'est en effet que par l'existence d'une société civile ou civilisée internationale, non plus au sens hégélien du terme, mais plutôt selon la notion définitionnelle mise dans ce concept par la modernité, que l'on peut parvenir à une existence faite de justice sociale, de paix, d'égalité parmi les hommes, etc.

Nous avons vu dans le précédent point la situation réelle à laquelle se trouve aujourd'hui confrontée l'opinion publique internationale - Vu que cette totalité qu'est l'opinion publique internationale n'est pas assimilable à la nuit noire de Schelling où toutes les vaches sont grises, mais qu'il s'agit plutôt d'une totalité différenciée, ne devrait-on pas parler des opinions publiques ? -, ainsi que quelques conceptions qui ont été dégagées par rapport à celle-ci., Même si généralement, comme c'est le cas avec Habermas, on lui dénie toute réalité, l'opinion publique demeure un paramètre qu'il faut nécessairement prendre en compte dans l'établissement de lois, dans les discours officiels, dans le programme des politiques etc. Forte de cette caractéristique, l'opinion publique revêt une importance cruciale pour les politiques mais aussi pour les producteurs de biens, pas seulement de consommation, mais de toutes natures.

Une opinion publique pas assez mature - Est qu'elle peut l'être absolument ? - pour être en mesure de se prémunir contre le viol psychique se trouve ainsi prise entre le marteau et l'enclume, entre la propagande politique visant la satisfaction d'intérêts crypto-personnels, électoralistes et la propagande menée par des médias dont l'objectivité n'est guère la caractéristique fondamentale.

1°) L'OPINION PUBLIQUE ET LA PROPAGANDE

POLITIQUE

Habermas dit de l'opinion publique qu'il s'agit d'une « fiction institutionnalisée ». Elle est caractérisée, à son avis, par sa quasi-abstraction qui rend difficile, voire impossible son identification claire et distincte. Toutefois, ajoute Habermas, que ce soit en droit constitutionnel ou en science politique, il est impossible, du moins dans le cadre d'une « démocratie de masse », de ne pas prendre en considération l'opinion publique. C'est surtout vrai lorsqu'il est question d'analyser « les normes dans leur rapport à la réalité de leur application dans le cadre d'une démocratie de masse (dotée de la structure d'un Etat-social) »34(*).

Les politiques ont toujours été obligés de tendre l'oreille pour s'imprégner de la rumeur qui émane du public. Ces mêmes politiques pourtant défendent l'idée selon laquelle la partie de l'Etat composée par la masse des citoyens serait inculte et incapable de s'auto-gouverner, ou de gouverner tout simplement. Ils sont toutefois tenus de tâter, par moment, ou même constamment, le pouls de l'opinion pour connaître ses intentions, son état d'esprit, ses orientations et ses aspirations. « D'où cette puissance de l'opinion ? », se demande Alain. En effet, dit-il, « nul pouvoir n'a jamais bravé l'opinion », au contraire, même « les pouvoirs les plus arrogants se plient aussitôt à l'opinion, comme la flamme au vent ». S'il arrive qu'on doute de cela, continue Alain, il faut s'expliquer ce doute comme résultant du fait qu'on prend souvent pour l'opinion celle que l'on voudrait que tout le monde ait. «Un ambitieux qui serait indifférent à l'opinion est un monstre, un être impossible ; supposons même un tel homme ; il n'arrivera jamais au pouvoir. C'est la rumeur qui fait la nourriture de l'ambitieux. Il l'écoute ; il en discerne toutes les nuances ; il se gonfle et se dégonfle selon ses souffles extérieurs. »35(*)

L'opinion publique constitue une force, objet de toutes les convoitises, notamment des politiques en quête de légitimité. En politique nationale comme en politique internationale, il est besoin pour les hommes politiques de donner une légitimité à leurs actions ; donc d'avoir l'opinion publique nationale et internationale acquises à leur cause. Par exemple, lorsqu'un Etat, aussi puissant qu'il puisse être, décide de s'attaquer à un autre Etat, on le voit aussitôt mettre en branle sa machine diplomatique afin de se doter d'une coalition d'Etats qui, venant ainsi adhérer à sa cause, est supposée devoir apporter de la légitimité à son entreprise. La puissance militaire, technologique ou encore celle de la logistique, pas plus que l'offense qu'il aurait subie, si toutefois offense il y a - et il n'est pas nécessaire que l'offense soit réelle - ne suffisent plus aujourd'hui à un Etat pour conduire une guerre et espérer la gagner. Les chefs politiques, les chefs de factions, les instigateurs de mouvements insurrectionnels l'ont bien compris ; ils ont du moins intérêt à ce qu'il soit ainsi.

Aujourd'hui les conflits de toutes natures sont précédés par ce qu'on est convenu aujourd'hui de désigner par l'expression « la guerre des informations » qui, parallèlement aux opérations constitutives du conflit proprement dit, continue de se déployer. Nous disons aujourd'hui mais il en a toujours été ainsi tout au long de l'histoire. Seulement avec les avancées fulgurantes que nous avons notées dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, mais aussi avec le boom qu'ont connu les médias de masses, ces deux faits favorisant l'instantanéité de l'information, cette guerre des informations se présente aujourd'hui avec beaucoup plus d'acuité et de visibilité.

L'enjeu de cette guerre des informations, c'est bien entendu la victoire finale. Mais il s'agit avant tout de mener une propagande sophistiquée qui doit consister en un viol psychique de la masse des citoyens nationaux comme extranationaux dans le but de leur « vendre » une guerre dont elle ne voudrait pas, à la quelle elle s'opposerait en la privant de légitimité, si seulement elle était assez lucide pour ne pas se laisser emporter par les flots de la propagande. En effet il est un fait avéré que les traités d'alliance et les accords secrets ne suffisent plus pour avoir les faveurs de l'opinion publique des Etats alliés. Or, comme nous l'avons déjà montré, cela a son pesant d'influence sur l'issue de la guerre. La première guerre totale qu'a connue l'humanité a fait voir que « la mobilisation des consciences » ou le bourrage des crânes - comprenez la propagande politique - représente une impératif majeur. Comme l'écrit Mattelard, au sortir de la Grande guerre, « l'idée se forme que la démocratie ne peut plus se passer de ces techniques modernes de « gestion invisible de la grande société »(de l'opinion publique internationale), à l'intérieur comme à l'extérieur du périmètre de l'Etat-nation. Désormais, estiment déjà les premiers spécialistes en « relations internationales », la diplomatie va devoir compter sur la « psychologie des masses », plus que sur les « offensives de charme » et les « accords secrets ».36(*)

Si l'on sait les résultats, tout au long de l'histoire, fournis par la propagande politique bien menée, comme se fut le cas, par exemple, avec les propagandes nazie et fascistes pendant la deuxième guerre mondiale, et américaine et soviétique durant la guerre froide, on ne peut que craindre la récurrence de l'époque des Gustav le Bon et autres Tchakhotine que ce dernier a essayé de peindre à travers ces mots : « ce qui caractérise, en vérité, l'époque où nous vivons est plutôt une décroissance de l'influence réelle des collectivités sur la vie publique ; elles deviennent plutôt des instruments dociles entre les mains des dictateurs et même des usurpateurs, qui, utilisant d'une part, une connaissance plus ou moins intuitive des lois psychologiques, et d'autre part disposant de formidables moyens techniques que leur donne aujourd'hui l'Etat moderne, et ne se laissant freiner par aucun scrupule d'ordre moral, exercent sur l'ensemble des individus composant un peuple, une action efficace que nous avons présentée comme une sorte de viol psychique. On peut dire carrément que, sans cesse, ils les violent psychiquement »37(*). En fait, par ces mots, c'est la thèse de le Bon concernant leur époque qu'il considérait comme « l'ère des foules » que s'érige Tchakhotine.

Concrètement, nous pouvons constater comment, durant la guerre froide, la propagande américaine sur ses propres citoyens bien sûr, mais également sur tous les citoyens de la zone d'influence capitaliste, a réussi, à travers l'image qu'il a peinte à ces derniers d'un « péril rouge », à chauffer à blanc l'opinion publique dont le déferlement a conduit à l'exécution des deux immigrants italiens Sacco et Vanzetti en 1927.

Restons toujours avec les Etats-Unis, cette fois dans le contexte d'une guerre chaude les opposant à l'Irak. Cet exemple est très édifiant pour qui voudrait mesurer jusqu'où peut aller la propagande politique pour arriver à ses fins. Les méthodes de propagande jusqu'alors restées ignorer par le public ont clairement été exposées sur les écrans de télévision, sur les ondes radiophoniques, sur le net, à travers le monde. A voir comment l'establishment américain a réussi à vendre à une grande partie du monde l'idée que l'Irak était en possession d'armes de destruction massive et constituait en cela une menace pour la paix et la stabilité mondiale, on ne peut que se persuader de la puissance de la propagande lorsqu'elle est plus ou moins bien menée comme ce fut le cas dans les propagandes nazie, fasciste, bolchevik etc., américaine.

Dans toute l'histoire de l'humanité, jamais un conflit n'a connu une couverture médiatique d'une telle envergure comme dans cette guerre du golf II, comme l'ont baptisée les médias. Nous l'avons déjà dit, l'activité de la propagande nécessite, outre une maîtrise plus ou moins consciente des méthodes d'action, l'existence des moyens matériels. Avec leurs satellites, leur technologie de pointe, leur propagande etc., les Etats-Unis ont pu, avec l'assistance de spécialistes en propagande, rendre évident aux yeux du reste du monde, mais d'abord aux yeux de leur propre population, le fait que l'Irak, un de ce qu'ils appellent des Etats voyous, développe des armes de destruction de masses. En effet, vu la fascination dont font montre les gens vis à vis des produits de la techno-science, mais vu également la confiance parfois aveugle qu'on leur voue, l'on ne s'étonne plus, si on ajoute à tout cela le traumatisme du 11 septembre 2001, des résultats obtenus en si peu de temps par la propagande américaine, à une vitesse et deux niveaux, pour légitimer leurs frappes sur l'Irak. Une des ficelles sur lesquelles les spécialistes en viol psychique savent très bien tirer, c'est à coups sûr la peur. Lorsqu'elle est réelle, ou même fictive, c'est à dire non justifiée, elle peut faciliter une propagande qui, assaisonnée d'une rhétorique vraiment suggestive, peut exciter la pulsion combative de ceux qu'elle habite et les amener à réagir conformément aux suggestions du meneur, du propagandiste, mû par l'instinct de conservation ; en vérité, il s'agit d'instinct de destruction. Les deux extrêmes se rejoignent. Par exemple, à voir comment Zapatero est arrivé au pouvoir en Espagne lors des élections présidentielles qui sont intervenues juste après les attentats de Madrid, apparemment conséquence de l'engagement militaire du gouvernement Aznar en Irak, aux coté des Etats-Unis, d'aucuns n'ont pas hésité à parler alors de « démocratie d'émotion ».

La propagande, il est vrai, peut jouer le rôle de croquemitaine. Toutefois, en dépit du dégoût, de la confiance et de la rage que sa seule évocation engendre, on à l'impression que les masses sont dés fois comme dans un état d'hypnose, tellement leurs défenses qui devrait les immuniser contre le principe du viol psychique semblent défaites. « On aura les conséquences, dit le sage d'Israël. Celui qui creuse une fosse y tombera, et celui qui renverse une muraille sera mordu par un serpent. Celui qui remue des pierres en sera blessé, et celui qui fend du bois en éprouvera du danger. »38(*) Les conséquences suivent toujours. Que l'opinion publique, aujourd'hui parvenue à un niveau de culture satisfaisante, prenne maintenant ses responsabilités avec lucidité et clairvoyance, si ce n'est pas là trop lui demander. Car c'est finalement elle qui constitue le peuple dont Rousseau disait que, même s'il se laisse tromper par des factions et des démagogues, il est naturellement bon, comme son homme naturel. Eventuelle proie de la propagande et de la manipulation de la part des pouvoirs politiques, l'opinion publique est également guettée et menacée, d'un autre coté par ce qu'on appelle les médias.

Quelle est la place qu'occupent les médias dans l'activité et la pensée de l'opinion publique ? En quoi peuvent-ils représenter une menace en l'encontre de l'opinion publique ?

* 34 Jurgen Habermas, L'espace public, Payot, 1992, p. 247.

* 35 Alain, Propos, coll. de la Pléiade, Gallimard.

* 36 A. Mattelard, op.cit., p. 42.

* 37 S. Tchakhotine, op.cit., p. 140.

* 38 Ecclésiaste, 9, 10, 8, 9.

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