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La créativité en musicothérapie auprès de personnes schizophrènes comme re-création de soi d'un point de vue phénoménologique

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par Aude Cassina
Université des Arts de Zurich (Suisse) - Master of Advanced Studies en musicothérapie clinique 2010
  

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Monsieur N.

Le cheminement qui amène monsieur N. à l'improvisation et à la créativité a déjà été mentionné lors de la description du déroulement des séances de musicothérapie. Il s'avère que les items des points ci-dessous apparaissent, d'un point de vue clinique, dans l'ordre suivant : 1. Apprentissage d'une technique instrumentale. 2. Meilleure assurance et estime de soi. 3. Lâcher prise. 4. Improvisation. 5. Créativité. L'improvisation a nécessité un apprentissage pour développer une technique menant à un lâcher prise. On observe que la musicothérapeute a initié un travail pédago-musicothérapeutique valorisant afin de permettre l'émergence du Soi, en vue de poursuivre les séances par un travail collectif utilisant l'improvisation comme mode d'expression des sentiments.

4.2.3. Espace musical et temps musical

La musique consiste en une organisation de sons dans le temps. Elle est intemporelle, dit-on communément, mais intrinsèquement organisée et rythmée. Un air plaisant (une organisation savante de sons) verra le temps filer sans jamais ternir et nombre de compositeurs vivent encore par l'intermédiaire de leur musique, inlassablement interprétée, écoutée, recréée. En musicothérapie, une production sonore, une improvisation demeure éphémère. Bien qu'elle puisse être enregistrée, « l'action musicale » passe et on ne la revit jamais deux fois ; tout au plus, peut-elle être « subie » si on la réécoute. A l'espace modifié correspond l'espace sonore, qui peut s'organiser de deux manières : soit à la verticale, et il s'agit de la mélodie, soit à l'horizontale, et c'est ce que l'on nomme l'harmonie. La mélodie se résume à plusieurs sons posés à la suite les uns des autres, par exemple Au clair de la lune joué à la flûte. L'harmonie consiste en une superposition de sons joués simultanément, tel que l'accompagnement au piano de Au clair de la lune. Evidemment que l'une n'empêche pas l'autre, et qu'inversement elles se complètent : Au clair de la lune joué à la flûte avec un accompagnement au piano. Quant à lui, le son est composé de plusieurs paramètres, les quatre principaux étant : la hauteur, le timbre, l'intensité et la durée. Cette dernière correspond à la structuration du son dans le temps, elle appartient par conséquent au temps musical, la durée d'un son étant elle-même composée de structures rythmiques (division du temps). En général, on distingue également une vitesse d'exécution d'une structure rythmique propre à chaque individu, ressenti d'une vitesse que l'on désigne par pulsation interne, d'une pulsation induite par l'extérieur, le tempo, proposé en musique par un compositeur, et imposé par une dynamique de groupe en musicothérapie.

a) Monsieur K.

L'espace : ainsi que signifié à maintes reprises, monsieur K. choisit le clavier et le piano pour s'exprimer musicalement. Il est sensible au son, et apprécie notamment celui de l'orgue pour l'aspect grandiose de sa spatialisation. De même, sa voix chantée lui convient lorsqu'elle est encore davantage spatialisée par un microphone. Il apprécie également que l'on puisse entendre sa prestation de loin et en augmente encore le volume sonore. Sa voix parlée est chevrotante, douce et basse, mais lorsqu'il joue du

piano, il se cantonne aux sons aigus et lorsqu'il chante, il porte sa voix encore plus haut et plus loin dans les airs, créant un autre son, comme pour compenser une fragilité naturelle. On relève également que le volume sonore engendré par l'accordéon est élevé lorsque monsieur K. en fait usage.

Le temps : décrit comme étant un patient calme, on relève que dans le cadre musicothérapeutique, monsieur K. explore brièvement le piano sur lequel il tapote et joue de l'accordéon en ouvrant et en fermant le soufflet avec force et vélocité. Il se peut que cette pulsation interne soit le reflet d'une anxiété et d'un stress ressentis. On remarque qu'un son produit lors d'improvisation ne dure jamais très longtemps, et qu'il s'avère sans structure rythmique et d'une pulsation interne rapide. L'improvisation ellemême est si succincte que seul un chaos rythmique semble régner. Ce processus fait appel à sa créativité, à son Soi musical qui s'avère confus dans l'espace et dans le temps. En revanche, lorsque monsieur K. chante, il respecte le tempo donné par la musique et se trouve être en rythme. Tout paraît alors à sa place, la mémoire du texte, la voix présentant une bonne intonation, le tempo respecté. Alors qu'en improvisation, on ne relève aucune structure faisant appel à un sens commun, (l'auditoire est perdu et ne comprend rien à l'expression de l'être musical de monsieur K.), on note qu'en chant, il n'y a que structure et ordre. Dans la première situation, c'est la musique qui est ellemême thérapeutique en temps qu'expression de soi sans contrainte extérieure, alors que dans la seconde situation, c'est le cadre normatif et structurant qui devient thérapeutique en permettant une expression musicale de soi organisée et cohérente pour tous.

b) Monsieur F.

L'espace : le son du piano semble le toucher particulièrement. Il en joue de manière mélodique, en déplaçant son doigt d'une touche à l'autre, et de manière harmonique, en recherchant à produire deux sons simultanés. Son excellente capacité d'écoute et de reconnaissance des sons lui permet d'améliorer ses relations aux autres en dialoguant avec eux. Il ne paraît pas être en recherche particulière de sons graves ou aigus mais semble viser à donner un sens musical à une suite de notes jouées. Il joue du piano au milieu du clavier et s'exprime dans des nuances feutrées. Sa voix chantée possède une

assez grande tessiture lui permettant d'entonner des chansons destinées aussi bien à des voix de ténors qu'à des voix de baryton. Naturellement, monsieur F. parle et chante doucement, de la même manière qu'il s'initie au piano. Il découvre le violon, dont les sons aigus lui permettent de se remémorer son grand-père. Le son fait ici office de mémoire, de moyen d'entrer en relation avec l'autre et de procédé pour donner un sens à des notes en créant une ligne mélodique.

Le temps : il semblerait que monsieur F. dialogue avec la musicothérapeute lors des premières séances. Un dialogue musical ne nécessite pas une perception commune d'une pulsation interne ou d'un tempo, inversement, il favorise l'émergence et l'expression d'un discours personnel en lien avec celui d'autrui. En effet, une phrase musicale (son et rythme) naît et le créateur attend une réponse, un écho à son discours. La pulsation interne, le tempo, la structure rythmique qui se présentent peuvent-être repris ou non par l'autre, selon ce qu'il est : conciliant ou rebelle, imitatif ou créatif, introverti ou extraverti, etc. Par contre, au sein d'une collectivité, la contrainte d'une pulsation rythmique commune existe, c'est le tempo, ainsi que déjà explicité auparavant. On note que lorsque monsieur F. intègre un groupe, il présente des difficultés à rejoindre le tempo et ne tient pas compte des silences et des temps d'arrêt. Il s'isole et ne perçoit que sa propre ligne rythmique. Au fil du temps, il semble acquérir cette notion du temps commune au groupe, et s'en sert pour entrer en contact avec les autres participants. Il s'avère alors capable de reproduire des structures rythmiques assez élaborées, à condition de les avoir entendues au préalable plusieurs fois et de s'être exercé par imitation.

c) Monsieur N.

L'espace : il choisit une petite guitare, avec peu de résonnance, pour initier ses séances aux sons doux et exotiques du ukulélé. Il en joue immédiatement de manière harmonique et développe par la suite l'aspect mélodique et sonore ainsi que rythmique de son jeu musical. On remarque que lorsqu'il ressent atteindre ses limites, lors d'une période difficile, il décide de changer d'instrument, et que mis à part cet événement, on

ne relève rien quant à une perception de l'espace qui serait altérée par des périodes d'hallucinations auditives.

Le temps : on remarque qu'une pulsation interne rapide marque une certaine nervosité. Ses mains et ses jambes tremblent, il est replié sur lui et souffre de l'image qu'il pense donner de lui-même lors de représentations publiques. Son initiation au rythme musical se fait par l'intermédiaire du djembé avec lequel il développe des structures rythmiques lui permettant d'accompagner la chorale. Il insuffle un tempo à l'ensemble vocal, lequel s'anime au son du djembé. Au fur et à mesure d'essai et d'accompagnement rythmique, monsieur M. progresse et prend confiance en lui.

4.2.4. Tableau récapitulatif

Il semble intéressant de collecter globalement et de manière différente les informations révélées précédemment. Le tableau ci-dessous reflète les principaux éléments mentionnés. Il s'agit de l'âge du patient, important quant à ses possibilités de progression, du type de schizophrénie afin de s'en remémorer les principaux syndromes, de la médication plus ou moins lourde, engendrant en sus des symptômes de la maladie des effets secondaires, du type d'hallucinations touchant les sens, ainsi que des éléments musicaux relevés lors des paragraphes ci-dessus : perception sonore de soi et d'autrui, improvisation, avec un lien entre le créativité et l'émergence de l'improvisation, l'espace musical et le temps musical en musicothérapie.

Tableau récapitulatif des séances de musicothérapie

 

Monsieur K.

Monsieur F.

Année de naissance

1950

1964

Type de schizophrénie

Résiduelle

Hébéphrénique ou désorganisée

Médication

conséquente

conséquente

Type d'hallucinations

Auditives non avérées mais mentionnées par le patient Observées en séance

Auditives et visuelles avérées et mentionnées par le patient Observées en séance

Perception sonore de soi

oui

oui

Perception sonore d'autrui

Pas immédiatement

Par alternance

Improvisation et émergence de la créativité

Formes

Spontanée et de forme chaotique

Spontanée sous forme de

dialogue

Type de séance

En individuel

En individuel et en groupe

Evolution

Aucune

En cours

Cela

révèle

un (e) :

Expression de

soiExpression de ses sentiments

Moyen d'entrer en relation Ouverture à l'autre

Espace musical

Instruments principaux

Claviers et voix

Piano et voix

Spatialisation

oui

oui

Hauteur

Sons aigüs

Sons médiums

Intensité

Forte < Fortissimo

Mezzo Forte < Forte

Forte > Piano

Mélodie

Voix : ouiInstruments : non

Voix : ouiInstruments : oui

Harmonie

non

oui

Temps musical

Pulsation interne

Excessivement rapide

Normale

Tempo

Non

Oui, après un travail

Structures rythmiques

Simple

Elaborées à la suite d'exercices et par imitation

66

Monsieur N.

1976

Paranoïde

relativement légère

Auditives avérées mais non mentionnées par le patient Observées en séance

oui

oui

À la suite d'un apprentissage

En groupe

En cours

Affirmation de

soiDéveloppement de la créativité

Ukulélé et djembé

oui

Toute la palette

Pianissimo < Forte

oui, en second

oui, en premier

Rapide

Oui, de manière innée

Elaborées de manière relativement naturelle

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984