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Droit de la condition des étrangers les limites du droit applicable au regroupement familial

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par Dominique Arnaud Christ DINGHAT
Université Bourgogne - Master 2 2010
  

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Chapitre II : Le contrôle par les juridictions françaises du droit au regroupement familial

Le droit des étrangers étant un « droit transversal », le juge judiciaire se voit de temps à autre, être invité à se prononcer sur différentes questions, notamment en droit de la famille.

Plus généralement, le droit des étrangers pénètre bon nombre de règles civiles, commerciales et répressives dont l'application relève de la compétence du juge judiciaire. A ce titre, ce dernier est parfois amené à confronter la police des étrangers aux droits fondamentaux garantis par plusieurs instruments internationaux auxquels la France est partie. Nous pouvons alors nous demander dans quelle mesure le contrôle dit de « conventionnalité »192 a orienté, depuis la loi du 24 août 1993 la jurisprudence de la Cour de cassation en ce domaine, et ce notamment, sur celui du regroupement familial.

Les occasions pratiques d'exercer ce contrôle de conventionnalité dépendent de la compétence du juge judiciaire en droit des étrangers. Or, en dehors même du contentieux de la nationalité, un nombre assez important de questions intéressant la condition des étrangers lui incombe. Certes, lorsqu'il s'agit de remettre en cause la présence de l'étranger du territoire national, le juge judiciaire est incompétent pour apprécier la régularité de la mesure administrative d'éloignement, de même pour un refus d'accéder à la demande de regroupement familial. Toutefois, aux termes de l'article 66 de la Constitution, il est amené, en tant que gardien des libertés individuelles, à contrôler les modalités d'exécution de l'acte tandis que le juge répressif peut éloigner durablement l'étranger en lui infligeant une peine d'interdiction du territoire.

Mais, le rôle du juge judiciaire ne s'arrête pas là. Les litiges privées constituent en effet autant d'occasions pour les étrangers de revendiquer la jouissance des mêmes droits que les français. Il appartient dès lors au juge judiciaire de vérifier si le refus opposé à l'étranger de bénéficier de tel ou tel droit est légitime et proportionné, contentieux qui s'amplifie de nos jours, en particulier c'est le bénéfice de la solidarité nationale qui est refusé aux étrangers ou à leurs enfants mineurs.

Quant à la Cour de cassation, de 1993 à 2005, elle a d'abord estimé que l'ensemble des stipulations de la Convention internationale sur les droits de l'enfant ne créaient d'obligations qu'à la

192 Admis devant les juridictions judiciaires depuis le célèbre arrêt Jacques Vabre, Civ. 1Ere, 24 mai 1975, D. 1975, Jur. 497, concl. A. TOUFFAIT.

charge des États parties et ne pouvaient donc être invoquées directement devant les juridictions par des particuliers193. Puis, dans un revirement de jurisprudence intervenu à l'occasion de deux décisions du 18 mai 2005, elle a reconnu l'applicabilité directe de l'article 3.1 de la Convention internationale sur les droits de l'enfant et de l'article 12.2 relatif à la possibilité pour l'enfant d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant194.

Depuis, la référence à la Convention sur les droits de l'enfant est devenue la règle dans certains contentieux notamment en cas d'application de la Kafala , c'est à dire l'adoption sans création d'un lien de filiation195.

En droit interne, contrairement au droit européen des droits de l'homme, est consacré un droit au regroupement familial. Facteur d'intégration196, le droit au regroupement familial a été consacré en droit interne en 1976. Par l'adoption du décret du 29 avril 1976197, le gouvernement français a institué un droit au profit des membres de la famille des étrangers titulaires d'un titre de séjour. L'admission et le séjour sur le territoire français ne pouvaient être refusées que pour l'un des six motifs exhaustivement énumérés. En 1980, le regroupement familial a été consacré par le législateur198. En 1993, les dispositions relevant jusqu'alors du règlement ont été insérées dans l'ordonnance du 2 novembre 1945199 dont les règles ont fait l'objet d'une codification à partir de

193 Civ. 1Ere, 10 mars 1993, S. Le Jeune c. Mme Sorel

194 Civ. 1Ere 18 mai 2005, Enfant Chloé X, arrêt n° 20613.

195 La kafala est une institution prévue notamment à l'article 46 du Code de la famille algérien, selon lequel une « personne s'engage à s'occuper bénévolement d'un autre » . Il s'agit d'un recueil d'enfant sans création de lien de filiation. Le problème en France est de savoir si un enfant algérien doit se contenter de cette institution, ou s'il a droit à une adoption au sens du droit français selon l'arrêt de la Cour de cassation , 1ere civ. 10 octobre 2006, enfant Hichem X . « L'article 46 du Code de la famille algérien autorise la Kafala, mais prohibe l'adoption ; attendu qu'en assimilant la Kafala à l'adoption simple pour considérer que la loi algérienne autorise l'adoption simple, alors que la Kafala ne crée aucun lien de filiation entre l'enfant et les personnes qui le prennent en charge, contrairement à l'adoption simple qui crée ce lien de filiation entre l'enfant et ses adoptants, l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse paraît entaché d'une erreur de droit » arrêt n°1486

La Cour de cassation refuse ainsi, de faire jouer l'ordre public à l'égard de la loi algérienne car cette dernière est conforme aux articles 20 et 21 de la Convention sur les droits de l'enfant.

196 Dans la circulaire du 28 février 2000 abrogée, « le regroupement familial est confirmé comme un facteur fondamental d'intégration » (Circulaire DPM/DM2-3/2000/114 et NOR/INT/D/00/00048 du 28 février 2000 relative au regroupement familial, p. 9). Dans la circulaire NOR/INT/D/05/00097/C du 31 octobre 2005 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le regroupement familial est également considéré comme un moyen de garantir « une bonne intégration de l'étranger qui souhaite rejoindre son conjoint en situations régulière », p. 6, point 2.2. Rappr. de la circulaire NOR/INT/D/02/00215/C du 19 décembre 2002 relative aux conditions d'application de la loi n°98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, p. 11, point 2.2.4.

197 Décret n°76-383 du 29 avril 1976 relatif aux conditions d'entrée et de séjour en France des membres des familles des étrangers autorisés à résider en France (JORF, 2 mai 1976, p. 2628) modifié par le décret n°84-1080 du 4 décembre 1984 (JORF, 5 décembre 1984, p. 3733).

198 Cf. l'article 2 de la loi n° 80-9 du 10 janvier 1980 relative à la prévention de l'immigration clandestine et portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers et portant création de l'Office national d'immigration (dite loi Bonnet), JORF, 11 janvier 1980, p. 71.

199 Voir les anciens articles 29 et suivants de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

2005. En le rattachant au droit de mener une vie familiale normale, tel qu'il est énoncé par la Constitution française, la Conseil d'État puis le Conseil constitutionnel ont respectivement reconnu que le droit au regroupement familial était un principe général du droit (Section 2) et un principe à valeur constitutionnelle (Section 1) .

Section 1 : Le regroupement familial : un principe à valeur constitutionnelle

Selon le Conseil constitutionnel, le droit de mener une vie familiale normale au sens du dixième alinéa du Préambule de la constitution de 1946, implique la faculté pour les étrangers en situation régulière de faire venir en France leur conjoint et les enfants mineurs, sous réserve des restrictions tenant à la sauvegarde de l'ordre public et à la protection de la santé publique. En 1993, dans une décision qui fonde le « statut constitutionnel » des étrangers200, le Conseil constitutionnel pose le principe en vertu duquel « si le législateur peut prendre à l'égard des étrangers des dispositions spécifiques, il lui appartient de respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République » ainsi que le droit d 'asile garanti par l'alinéa 4 du Préambule de 1946.

Dans le même temps, il constate que « aucun principe ni aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national » et que « les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par les mesures de police administrative conférant à l'autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques »201. Comme l'avait fait quinze ans plutôt le Conseil d'État, le Conseil constitutionnel a fondé le droit au regroupement familial du conjoint et des enfants de l'étranger régulièrement établi en France sur le droit de mener une vie familiale au sens du Préambule de la Constitution de 1946.

Aussi, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 novembre 2003202 en application du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, a affirmé que: « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; « qu'il résulte de cette disposition que les étrangers dont la résidence en France est stable et régulière ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale », la Conseil constitutionnel ajoute que

200 B. GENEVOIS, « Un statut constitutionnel pour les étrangers », cité par S. SLAMA, « Immigration et Libertés », Pouvoirs 2009, p. 31.

201 Cons. constit. n°93-325, DC du 13 août 1993, in S. SLAMA « immigration et Libertés », Pouvoirs 2009 p. 31.

202 Cons. constit. Déc n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003

« aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu et de séjour sur le territoire national; qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre la sauvegarde de l'ordre public qui est un objectif de valeur constitutionnelle et les exigences du droit de mener une vie familiale normale ». Il en a été de même dans sa décision du 15 décembre 2005203, et du 15 novembre 2007204 sur la loi relative à la maîtrise de l'immigration, l'intégration et l'asile.

L'absence de référence à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne manifeste ni une défiance à l'égard du texte européen, ni une préférence nationale. N'étant pas le juge de la « conventionnalité » des lois, le Conseil constitutionnel ne peut pas fonder son raisonnement sur le droit au respect de la vie familiale au sens de l'article 8 de la Convention européenne. Néanmoins, il ne fait pas de doute que le droit à mener une vie familiale normale, constitutionnellement garanti et le droit au respect de la vie familiale conventionnellement garanti renvoient au même concept et reposent sur des préoccupations du même ordre. Le regroupement familial apparaît ainsi, comme un droit induit par le respect de la vie familiale des étrangers.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld