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L'enquête des juridictions pénales internationales.

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par José Tasoki Manzele
Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Docteur en droit 2011
  

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Section III. Les obligations du Procureur pendant l'enquête

Pendant l'enquête le Procureur est soumis à plusieurs obligations, au nombre desquelles nous pouvons citer l'obligation de non-divulgation des preuves recueillies qui permet au Procureur d'en assurer la confidentialité (§1), l'obligation de communication des pièces du dossier répressif à toutes les parties au procès (§2), l'obligation de protection des victimes et témoins qui interviennent à l'enquête (§3) et l'obligation de motiver les décisions prises dans le cadre de son enquête (§4).

Paragraphe I. L'obligation de non-divulgation des éléments de preuve

La non-divulgation assure la confidentialité et le secret.- En règle générale, l'obligation de non-divulgation participe de l'idée du secret de l'enquête, qui signifie qu'en procédure pénale toute personne qui concourt à l'enquête est tenue de ne pas communiquer aux tiers des renseignements provenant de la procédure en cours. L'obligation de non-divulgation permet ainsi d'assurer d'une part la sauvegarde du respect de l'intégrité morale et la vie privée de toute personne présumée innocente et, d'autre part, l'efficacité dans la conduite de l'enquête par la protection et la conservation de toutes les informations et éléments de preuves recueillis au cours de cette étape de procédure pénale444(*).

La non-divulgation et les Procureurs internationaux.- Comme en droit interne, l'obligation de non-divulgation des éléments de preuve recueillis pendant l'enquête s'impose aussi aux Procureurs internationaux dans le cadre de leurs enquêtes. C'est ainsi que l'article 41 du Règlement de procédure et de preuve des juridictions ad hoc et la règle 10 du Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale rendent les Procureurs internationaux responsables de la conservation, la garde et la sécurité (ou la sûreté) des informations et des pièces matérielles recueillies au cours de l'enquête445(*). Il s'agit d'une obligation qui s'étend sur une période que le Procureur détermine en fonction du résultat recherché. Néanmoins, l'article 41 du Règlement de procédure et de preuve des juridictions ad hoc précise que les informations recueillies par le Procureur pendant l'enquête sont conservées jusqu'à ce qu'elles soient soumises comme éléments de preuve devant le Tribunal.

Il résulte donc de cette première considération que l'obligation de non-divulgation assure la confidentialité des éléments de preuve recueillis pendant l'enquête. Elle peut porter sur l'identité des victimes et témoins à une procédure446(*), les pièces à convictions, les documents et écritures, ou tout acte généralement quelconque que le Procureur accomplit pendant l'enquête, notamment l'acte d'accusation447(*), les pièces qui y sont jointes ou le mandat d'arrêt décerné contre la personne recherchée448(*). Le Procureur de la Cour pénale internationale en a admis la pertinence, en indiquant dans un rapport adressé au Conseil de sécurité qu'il a « (...) [l'] obligation de s'assurer que les éléments de preuve sont recueillis et traités de manière confidentielle conformément au Statut de Rome et au Règlement de procédure et de preuve (...) »449(*).

De l'obligation de non-divulgation à celle de divulgation.- Si, telle que posée, l'obligation de non-divulgation s'impose aux Procureurs internationaux, il n'en demeure pas moins que cette obligation n'est pas absolue. D'une part, nous admettons que les tiers450(*) sont tenus à l'écart de la procédure pénale, en tout cas en instance d'enquête. Cela entraîne qu'à leur égard, le Procureur est tenu de ne divulguer aucun élément de preuve qu'il a recueilli pendant l'enquête. D'autre part, en ce qui concerne la partie accusée, la rigueur de cette obligation de non-divulgation devient tempérée. Car l'obligation de non-divulgation ne peut pas empêcher l'accusé d'exercer son droit fondamental d'être informé de charges criminelles qui pèsent sur sa personne451(*). Le principe du procès équitable exigerait en effet que toutes les pièces et éléments de preuve pertinents et essentiels qui fondent les accusations du Procureur soient communiqués à la personne accusée de manière à lui permettre substantiellement de préparer en bonne et due forme sa défense452(*). L'information dont la personne accusée a besoin dans le cadre de l'enquête est celle qui porte sur les charges que le Procureur a retenues contre elle. Il s'ensuit qu'avant de procéder à l'interrogatoire de la personne accusée, le Procureur doit lui dire les raisons qui font croire qu'elle a commis un crime de la compétence du juge international453(*). Dans le même esprit, du moment que la personne poursuivie a acquis le statut d'accusé, le Procureur lui communique toutes les pièces qui fondent l'accusation454(*). Nous passons donc du principe de non-divulgation qui gouverne la procédure d'enquête à l'exception de divulgation des éléments de preuve recueillis pendant l'enquête. Dans le cadre du procès équitable, l'exception à l'obligation de non-divulgation devient elle-même une obligation qui s'impose aux Procureurs internationaux et qui se traduit par l'obligation de communication des pièces du dossier répressif à la personne accusée.

* 444 BOSLY Henri et VANDERMEERSCH Damien, op. cit., pp. 261 et 262.

* 445 Voir aussi CRYER Robert et al., op. cit., p. 367.

* 446 Art. 69 (A), Règlement de procédure et de preuve des juridictions ad hoc; art. 68, Statut de Rome ; T.P.I.Y., 1ère Inst., IT-95-5/18-PT, le Procureur c/ Radovan KARADZIC, Décision relative à la requête aux fins de non divulgation présentée par l'accusation, 2 septembre 2008.

* 447 Art. 53 (B), Règlement de procédure et de preuve des juridictions ad hoc : « Lorsqu'il confirme un acte d'accusation, le juge peut, après avis du Procureur, ordonner sa non-divulgation au public jusqu'à sa signification à l'accusé ou, en cas de jonction d'instances, à tous les accusés ».

* 448 T.P.I.Y., Juge de permanence, IT-95-5/18-I, le Procureur c/ Radovan KARADZIC, Ordonnance levant la confidentialité de l'acte d'accusation modifié, des mandats d'arrêt et de l'ordonnance de non divulgation, 11 octobre 2002.

* 449 C.P.I., 3ème rapport du Procureur au Conseil de sécurité des Nations Unies en application de la résolution 1593 (2005), 14 juin 2006.

* 450 Il s'agit de tiers complètement tiers ou vraiment tiers (penitus extranei), c'est-à-dire des personnes qui ne sont pas parties au procès pénal international (art. 2, Règlement de procédure et de preuve des juridictions ad hoc). Voir La ROSA Anne-Marie, « Les tiers devant les juridictions pénales internationales », RUIZ FABRI Hélène et SOREL Jean-Marc (dir.), Le tiers à l'instance devant les juridictions internationales, Paris, Pedone, 2005, p. 169.

* 451 Art. 55, § 2 (a), Statut de Rome.

* 452 ZAPPALA Salvatore, «Rights of Persons during an Investigation», CASSESE Antonio, GAETA Paola & JONES John R.W.D. (eds), op. cit., p. 1198.

* 453 Art. 55, § 2 (a), Statut de Rome.

* 454 Voir infra, p. 238.

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