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La défense des intérêts américains en Iran par le discours idéaliste, de 1945 à  1954

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par Mickaël, Milad Jokar
Université Caen Basse Normandie - Master 2011
  

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b) Coup d`État, rhétorique idéaliste et défense des intérêts américains

Un document du département d`État américain classé information de sécurité top secrète datant de mars 1953 explique les précautions que les États-Unis et le Royaume Uni devraient prendre après le coup d`État. La partie « public » du chapitre « Psychological

206 Comme l`explique Patrick Charaudeau (Voir chapitre 2).

207 Churchill, Winston S. and Dwight D. Eisenhower, The Churchill-Eisenhower Correspondence, 1953-1955, edited by Peter G. Boyle, Chapel Hill, NC: University of North Carolina Press, 1990

208 Stephen Kinzer, op. cit., p.150.

209 Ibid. p4. L`auteur explique : Truman, however, sympathized viscerally with nationalist movements like the one Mossadegh led. He had nothing but contempt for oldstyle imperialists like those who ran Anglo-Iranian. Besides, the CIA had never overthrown a government, and Truman did not wish to set the precedent.?

Measures » de ce document qui a pour problématique « quelles mesures le gouvernement des États-Unis devrait-il prendre pour soutenir le gouvernement successeur ? », explique :

1. It would be literally fatal to any non-(communist) successor to Mossadeq if the Iranian public gained an impression that the new premier was a foreign tool?. The U.S. Government should confine any comment upon a change in government in Iran to a repetition of our traditional unwillingness to interfere in the internal affairs of a free country and our willingness to work with the government in power. The U.K Government should give no indication that it considers a successor to Mossadeq to be ready to serve U.K interests or that the British had a hand in bringing him to power. Naturally, there should be no expression of regret that Mossadeq has departed from the political scene. 210

Le premier point prend en considération l`opinion publique iranienne. Il explique que le public iranien ne doit pas avoir « l`impression que le nouveau premier ministre est un « outil étranger » ». Si le nouveau premier ministre Fazlollah Zahedi avait été perçu comme un outil servant les intérêts américains, les valeurs américaines auraient été sérieusement remises en question par le peuple iranien. Ceci aurait mis en danger les intérêts américains étant donné que des soupçons auraient créé un nouveau gouvernement instable avec un risque considérable de rejet des États-Unis en faveur d`un régime se rapprochant du communisme. Du point de vue de l`opinion publique américaine, la défense des intérêts américains -- par rapport aux critères géostratégiques et économiques -- aurait été immédiatement remise en cause sans la stratégie discursive idéaliste. Elle aurait certainement été critiquée de politique impérialiste par le peuple américain qui aurait probablement remis en question la politique étrangère de sa nation, son respect des principes idéalistes, et ses valeurs.

Pour cela, le mémorandum mentionne que le gouvernement américain devrait continuer d`employer un discours idéaliste avec les « traditionnelles réticences à s'immiscer dans les affaires intérieures d'un pays libre ». Il préconise également de ne pas exprimer le rôle du gouvernement britannique dans le changement de régime ni ses intérêts. La logique de cette stratégie discursive est de dissimuler le rôle de l`intervention externe et il est expliqué que le président américain et le premier ministre britannique ne devraient pas exprimer de regret quant au départ de Mossadegh.

Le deuxième point concerne directement les mesures à prendre concernant la résolution du problème de l`industrie pétrolière iranienne :

210 State Department, "Measures which the United States Government Might Take in Support of a Successor Government to Mossadeq," Top Secret Memorandum, March 1953. Source: National Archives and Records Administration (NARA), Record Group 59, Records of the Officer-incharge of Iranian Affairs, 1946-1954, Lot 57D529, Box 40, Folder: Policy. Voir le document en annexe n°12.

2. The U.S. Government should avoid any statement that the oil question is involved in a change of government in Iran. It is important that neither the U.S. not the U.K. Governments should rejoice publicly over expectations of a more reasonable Iranian attitude toward solution of the oil problem.211

Pour satisfaire l`opinion publique (iranienne, américaine, britannique et internationale), le département d`État énonce dans ce deuxième point que le gouvernement américain doit éviter tout commentaire sur le rapport entre le changement de gouvernement iranien et son pétrole. Pour défendre leurs intérêts, le discours américain et britannique ne doit pas exprimer de réjouissance en public concernant le changement d`attitude de l`Iran envers la résolution du conflit sur le pétrole.

Le troisième point de ce mémorandum sollicite l`apport du discours idéaliste dans la défense des intérêts américains. Il est mentionné :

3. To show that the U.S. is not antagonistic to the successor government, an official comment could be made that we are, as always, interested in helping any free country to build its strength against communist inversion and will work with the present government of Iran to that end, if so requested by the Iranians.212

La rhétorique idéaliste sert toujours d`outil pour mettre en avant la bataille idéologique puisque ce document stipule qu`un officiel pourrait faire un commentaire expliquant que les États-Unis ont « comme toujours, pour intérêt d`aider tout pays libre à s`affirmer contre une inversion communiste et travailleront avec le gouvernement actuel d`Iran à cette fin, si tel est la requête des Iraniens ». Cette stratégie discursive est idéaliste, elle affirme le soutien américain pour les peuples libres et présente le respect de la souveraineté des Iraniens. Le département d`Etat insiste sur le fait que le gouvernement doit annoncer que la priorité des États-Unis est de protéger ses intérêts en renforçant son rempart contre le communisme plutôt que d`évoquer un changement de gouvernement en Iran.

Ce document montre bien à quel point le discours idéaliste est un instrument indispensable dans la défense des intérêts américains. En effet, il montre que le discours américain doit évoquer l`aide des États-Unis aux « pays libres » et le désire de travailler avec les « gouvernements au pouvoir » sans interagir dans les affaires internes. La cohérence discursive met donc en avant les valeurs traditionnelles des États-Unis et l`on

211 Ibid.

212 Ibid. D`autres mesures préconisaient la circonspection de la part des officiels de l`ambassade américaine en Iran ou encore la visite en Iran du secrétaire d`Etat John Foster Dulles seulement dans le cadre d`une visite dans le Moyen-Orient. (Parties 4 et 5 du chapitre « Psychological Measures ».)

peut remarquer ici que le département de la défense prête une attention particulière à la rhétorique qui doit être employée vis-à-vis de l`opinion publique.

Contrairement à l`administration Truman, qui se servait du discours idéaliste afin de justifier sa politique de soft power, l`administration Eisenhower utilisait cette stratégie discursive dans le but de dissimuler sa politique de hard power. Le changement de stratégie politique modifie donc le discours. Celui-ci est maintenant un outil qui sert à défendre les intérêts américains ; intérêts défendu désormais par une politique coercitive.

Lors d`une conférence donnée le 4 aoüt à Seattle213, soit quelques jours avant le coup d`État qui renversa Mossadegh le 19 aoüt, le président Eisenhower respectait les mesures énoncées par le département d`État. Il annonçait que « les peuples libres restant en Asie étaient ceux du subcontinent indien, incluant le gouvernement du Pakistan, et qu`il fallait les protéger de la domination du Kremlin car cette partie du globe se trouvait en difficulté à l`Est mais également à l`Ouest. » Il expliquait ensuite que l`Inde était « encerclé de ce côté par l`empire Communiste » et que « l`Iran, à sa gauche, est dans une position de faiblesse ». La rhétorique idéaliste associait toujours l`Iran au spectre du communisme sans évoquer la crise anglo-britannique. Ceci avait pour effet de jouer facilement sur les craintes puisque le premier ministre iranien était très peu connu des Américains et même des gouverneurs à qui le discours était adressé.214 Il continuait de décrire l`effet domino en expliquant que « l`avancée de Mossadegh vers une suppression de son parlement était soutenu et qu`il était bien évidemment soutenu dans cette avancé par le parti Tudeh, qui est le parti communiste en Iran. »215 Il étayait en disant que cette fragilité pouvait mettre les intérêts américains en Asie en danger et qu`il fallait donc, tout comme les français, bloquer la chute de la ligne qui s`étend de l`Indonésie à l`Iran pour le bien du monde libre.216

Eisenhower suivait les directives du mémorandum de son département d`Etat. En effet, il ne mentionna pas les intérêts économiques américains vis-à-vis du pétrole iranien. Il

213 Voir le discours du président Eisenhower prononcé le 4 août 1953, Remarks at the Governor's Conference, Seattle, Washington, Public Papers of the Presidents of the United States, Dwight D. Eisenhower, 1953, Washington, U.S. Government Printing Office, 1960, p.536

214 Eisenhower expliquait lui-même dans ce discours les problèmes de repères des américains : You find it again described as a war between the communists and the other elements in southeast Asia. But you have a confused idea of where it is located--Laos, or Cambodia, or Siam, or any of the other countries that are involved. You don't know, really, why we are so concerned with the far-off southeast corner of Asia.? Ibid.

215 Ibid. «Now, India is surrounded on that side by the Communist empire. Iran on its left is in a weakened condition. I believe I read in the paper this morning that Mossadegh's move toward getting rid of his parliament has been supported and of course he was in that move supported by the Tudeh, which is the Communist Party of Iran.?

216 Ibid.

s`en tenait au discours traditionnel des États-Unis. Bien que le ton employé par le président républicain fût plus réaliste que celui de son prédécesseur démocrate,217 son discours continuait de mettre en avant une bataille idéologique (intérêts américains menacés par le spectre du communisme). Toutefois, contrairement à Truman, la stratégie discursive d`Eisenhower présentait à l`auditoire américain l`Iran de Mossadegh comme étant un danger pour l`intérêt national des États-Unis. Cela préparait l`opinion publique à un changement de politique vis-à-vis de l`Iran. Le discours permettait en quelque sorte de justifier un tel changement.

Ce changement de stratégie s`exprimait à travers le discours public de l`administration Eisenhower. Il s`exprimait également dans les échanges entre le président américain et le premier ministre iranien. L`intérêt national des États-Unis était toujours d`assurer du pétrole iranien dans le marché mondial. Cependant, le moyen de réaliser cet objectif était différent. L`administration Eisenhower affichait ce changement dans une lettre adressée à Mossadegh. Cette lettre date du 9 juillet 1953, soit deux jours avant que le président Eisenhower signe l`autorisation du coup d`État (Churchill l`ayant signé le 1er juillet)218 et environ un mois avant le coup d`État qui eut lieu du 15 au 19 août.

The failure of Iran and of the United Kingdom to reach an agreement with regard to compensation has handicapped the Government of the United States in its efforts to help Iran. There is a strong feeling in the United States, even among American citizens most sympathetic to Iran and friendly to the Iranian people, that it would not be fair to the American taxpayers for the United States Government to extend any considerable amount of economic aid to Iran so long as Iran could have access to funds derived from the sale of its oil and oil products if a reasonable agreement were reached with regard to compensation whereby the large-scale marketing of Iranian oil would be resumed. Similarly, many American citizens would be deeply opposed to the

217 Ibid. Eisenhower disait dans ce discours : So, when the United States votes $400 million to help that war, we are not voting for a giveaway program. We are voting for the cheapest way that we can to prevent the occurrence of something that would be of the most terrible significance for the United States of America--our security, our power and ability to get certain things we need from the riches of the Indonesian territory, and from southeast Asia.?

218Arindrajit Dube, Ethan Kaplan and Suresh Naidu, Coups, Corporations, and Classified Information, UC Berkeley; IIES, Stockholm University; Harvard University, 19 septembre 2008 - p.35 The Truman administration had attempted to broker a deal between the British and the Iranian government. With the advent of the Eisenhower administration, however, the U.S. government's interesting in overthrowing Mossadegh increased. In late 1952, the British MI6 found an ear receptive to the idea of overthrowing Mossadegh in Allen Dulles, and final coup plans were jointly approved by the CIA and MI6 on June 18, 1953. Churchill approved the coup plan on July 1, 1953, with Eisenhower's endorsement following 10 days later.?

http://emlab.berkeley.edu/users/webfac/bardhan/e271_f08/suresh.pdf (6 juin 2011)

purchase by the United States Government of Iranian oil in the absence of an oil settlement.219

Bien qu`empruntant un ton diplomatique, le message du président Eisenhower est clair. Son message montre une rupture et, comme l`explique Stephen Kinzer, l`instabilité grandissante des l`investiture du président républicain en janvier 1953 montre bien que le processus de renversement de Mossadegh était dors et déjà lancé.220 Cette lettre du président Eisenhower met en avant les intérêts du peuple américain en insistant sur le fait qu`un accord devait être trouvé afin que les États-Unis puissent acheter le pétrole iranien alors sous embargo britannique. Elle exprime une friction dans les rapports entre les deux pays sans pour autant apporter de solution au premier ministre Mohammad Mossadegh. Il n`y a pas non plus de perspective de résolution de la crise et Eisenhower parle d`un « échec de l`Iran et de la Grande-Bretagne pour trouver un accord ». L`administration américaine considère que cet « échec [...] handicape le gouvernement des États-Unis dans ses efforts pour aider l`Iran». Ainsi, Eisenhower s`exprime au nom du peuple américain et de ses contribuables afin de faire connaitre son refus d`acheter le pétrole iranien mais également le refus d`accorder plus d`aide au gouvernement jugé instable de Mossadegh. La réponse d`Eisenhower ne fait aucune allusion au parti Tudeh ni à un rapprochement de l`Iran vers l`Union Soviétique ce qui montre que la position géostratégique de l`Iran ne faisait donc pas parti de la cohérence discursive du président républicain vis-à-vis de son destinataire. Cette position est seulement exprimée dans le discours public -- à travers la stratégie discursive idéaliste et la rhétorique supernation -- afin de persuader l`opinion américaine.

Comme évoqué précédemment, l`intérêt principal des États-Unis, et surtout en ce début de Guerre froide, était la défense du système économique de marché mondiale et de libre échange. La stratégie de défense de l`intérêt américain de l`administration Eisenhower a utilisé le choc de la crise d`Abadan de manière à produire un changement considérablement bénéfique aux États-Unis et à ses compagnies. En effet, d`un point de vue économique, l`accord de consortium international, qui se finalisa un an après le coup d`État, mettait en place cinq compagnies américaines qui détenaient 40% des parts de la National Iranian Oil Company (NIOC). L`Anglo-Iranian -- qui deviendra British Petroleum -- détenait 40% et le reste était distribué à la Royal Dutch/Shell et à la

219 Exchange of Messages Between the President and Prime Minister Mossadegh on the Oil Situation and the Problem of Aid to Iran, 9 juillet 1953 (document annexe n°13).

220 Stephen Kinzer, op. cit., p.150.

Compagnie Française de Pétroles221. Le coup d`Etat a favorisé l`expansion du système économique américain et l`implantation de son système de libre marché sur la principale ressource naturelle iranienne. Toutefois, cet objectif a été réalisé de manière coercitive (hard power), contrairement à la voie diplomatique privilégiée par Truman (soft power). Ceci a changé la donne en Iran puisque le Shah détenait un pouvoir qui allait s`accroitre au fil des années.

Un an plus tard, le 5 aoüt 1954 (jour de l`accord entre le gouvernement iranien et les compagnies pétrolières), le président Eisenhower envoyait un message au Shah pour lui exprimer sa gratitude ainsi que son désire de voir « l`Iran prospérer dans la famille des nations libres ».222 La résolution de la crise a contribué à une importante augmentation de l`assistance militaire américaine à l`Iran. De 1949 à 1952, le total des aides américaines s`élevait à $16,7 millions tandis que l`aide militaire apportée dans la période 1953-61 se chiffrée à $436 millions. L`augmentation de l`aide économique fut encore plus importante. Elle passa de $16,5 millions dans la période 1949-52 à $611 millions pour la période 1953-61.223 Avec l`aide des États-Unis, le nouveau premier ministre Zahedi avait pris les mesures nécessaires concernant les trois principaux problèmes de l`Iran : 1) trouver un accord sur le règlement de la crise, 2) redresser la situation économique du pays alors en faillite et, 3) mettre un terme aux activités clandestines du parti Tudeh.224

Le 11 août 1954, soit une semaine après le règlement du conflit, un journaliste demandait à Eisenhower si les États-Unis se dirigeaient vers la guerre ou vers la paix. Le président répondait :

I think the best thing we could do would be to go back and review for a second. A year ago last January we were fighting in Korea and in Indochina. We were faced in Iran with a situation that was highly dangerous to the world. Mossadegh was using his power, and the party-I don't know exactly how you pronounce it, but the Communist Party, Tudeh I guess--that party

221 Stephen Kinzer, op. cit., pp.195-196.

Amin Saikal précise que les 40% de part des compagnies étaient divisées en part de 8% entre Standard Oil of New Jersey, Standard Oil of California, Texaco, Mobil et Gulf, British Petroleum possédait 40%, Anglo-Dutch Shell 14% et la Compagnie Française des Pétroles 6%. Amin Saikal, Islam and the West, P.54

L`Iran bénéficiait d`un revenu de £150 millions pour les trois premieres années. Communiqué conjoint du gouvernement iranien et du consortium pétrolier datant du 5 août 1954. Department of State, American Foreign Policy, Basic Documents, 1950-1955, Volume II, p.2274 (voir document annexe n° 14)

222 Ibid. (voir document annexe n° 14)

223 Rouhollah K. Ramazani, op. cit., p.286.

224 Kristen Blake, op. cit., p.96. (Voir également page 96 pour le développement de la gestion du gouvernement face au parti Tudeh).

was using their power to lead Iran further and further away from the Western World. It looked almost as if a break was imminent from day to day.225

Eisenhower mentionnait la protection du monde et le danger que représentait Mossadegh à cause de l`éloignement de l`Iran avec le « Monde Occidental " en faveur du communisme. Cette conférence de presse est la première dans laquelle le président républicain traite de l`Iran depuis le 4 aoüt 1953 (soit onze jours avant le début de l`opération AJAX). Il reprend les mêmes consignes que préconisait le mémorandum du secrétariat d`État américain. En effet, il n`exprime pas de regret quant au départ de Mohammad Mossadegh de la scene politique, il n`évoque pas l`intervention dans les affaires internes de l`Iran, il n`exprime pas de réjouissance quant aux accords pétroliers établis sous forme de consortium international, et il met en avant l`intérêt américain au maintien de la stabilité du « monde libre " face à la menace communiste.226

La rhétorique du président est vague et s`accorde avec ce que le public américain souhaite entendre dans ce contexte de Guerre froide, c'est-à-dire une Amérique qui se protège du communisme. Une fois encore, la rhétorique présidentielle met en avant des bases idéologiques afin de rester dans une représentation de la politique étrangère américaine qui ne perturbe pas la compréhension du public américain. Eisenhower utilise les procédés rhétoriques de « singularisation » et d` «essentialisation ". « Singularisation " puisque le président américain évite de multiplier les idées -- ceci dans le but de ne pas désorienter l`auditoire. Sa réponse reste centrée sur la victoire du « monde occidentale " contre le communisme en Iran. Enfin, « essentialisation " puisque toute la dimension idéologique et stratégique est « contenue, ramassée et condensée en une notion qui existerait en soi " : le « parti communiste ". Eisenhower ne prête pas vraiment attention au nom du parti communiste iranien (le parti Tudeh) car ce qui doit résonner avant tout dans l`intellect du public est « le communisme " sous sa forme nominalisée.

Cet épisode démontre le double discours mis en place par Washington lors de cette crise majeure. Cet écart entre l`intérêt national « réel » et l`intérêt national « exprimé " s`est considérablement amplifié lors de la présidence de Dwight Eisenhower. En effet, contrairement à Truman, le président républicain -- déjà conscient de l`éventualité d`un

225 Conférence de presse du 11 août 1954 http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=9977 (6 juin 2011)

226 Op Cit. State Department, "Measures which the United States Government Might Take in Support of a Successor Government to Mossadeq," Top Secret Memorandum, March 1953. Source: National Archives and Records Administration (NARA), Record Group 59, Records of the Officer-incharge of Iranian Affairs, 1946-1954, Lot 57D529, Box 40, Folder: Policy. Voir annexe n°12.

coup d`Etat pour renverser Mossadegh -- insistait moins sur la rhétorique idéaliste concernant la controverse anglo-iranienne. D`une part, le discours public se concentrait sur l`expression d`un conflit idéologique : le communisme contre l`économie de marché. D`autre part, l`opinion publique américaine n`était pas au fait des « intérêts réels » ni de la manière de les défendre. Il y avait donc une volonté politique de formuler la crise de la nationalisation de l`AIOC (et le renversement de Mossadegh) en termes de Guerre froide et d`endiguement de l`Union Soviétique. L`objectif était de rester dans la continuité de la stratégie globale de politique étrangère américaine. Toutefois, cet objectif était poursuivi de manière différente (soft power pour Truman contre hard power pour Eisenhower) et le discours permettait d`indiquer ce changement. Bien qu`il y ait eu un changement de rhétorique, le discours idéaliste est resté un outil important de la défense des intérêts américains puisqu`elle a permis de justifier la politique réaliste des États-Unis en Iran.

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