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Le marché des restes humains. Etude sur le fétichisme politique à  Libreville

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par Lionel Cédrick IKOGOU-RENAMY
Université Omar Bongo Libreville - Maà®trise en sociologie de la connaissance 2008
  

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Conclusion de la première partie

A la lumière de ce qui précède, notre objectif ici n'est pas de faire un exposé exhaustif sur le culte des ancêtres dans ses tenants et ses aboutissants, seulement regarder des aspects importants et nécessaires à sa compréhension et à son étude. Par ailleurs, cet exposé nous permet de voir que le culte des ancêtres demeure un culte prédominant dans les sociétés traditionnelles gabonaises ; et dont les reliques jouent un rôle de premier choix. L'exemple des crânes humains en est la parfaite illustration puisqu'ils « étaient, en effet, le siège ou le réceptacle de la capacité d'action de l'individu ».178

En nous focalisant sur les reliques et le culte des ancêtres, nous avons voulu, par là, choisir de revisiter l'époque coloniale, sinon l'époque précoloniale, pour comprendre d'une part les fondements du pouvoir de certains individus, en l'occurrence les chefs de familles, de clans, de lignages etc., en relation étroite avec le sacré, le religieux. Mais surtout, de voir que cette période précoloniale et coloniale nous révèle la « domination du religieux, du sacré sur la société toute entière [...] L'arrivée des occidentaux au XVème siècle va changer la société gabonaise ».179 Il s'agit ici de voir l'influence de la période coloniale sur la société lignagère gabonaise ; qui subit surtout la domination du pouvoir religieux, donc du christianisme ; par la criminalisation des reliques et l'ordonnancement de la destruction des autels reliquaires en collaboration avec l'administration coloniale de l'époque.

D'où la désorganisation de la logique de la reproduction familiale et collective ; mieux encore, « la loi coloniale provoqua donc une extrême fragilisation de la reproduction sociale basée sur le deuil et la collecte des reliques ».180 En somme, « les transformations progressives des relations entre sphère spirituelle et reproduction lignagère, inaugurées localement

178 Pierre ALEXANDRE et Jacques BINET, Le groupe dit pahouin (Fang-Boulou-Béti), op.cit., p.111.

179 Davy Willis KOUMBI-OVENGA, op.cit., p.82.

180 Florence BERNAULT, Economie de la mort et reproduction sociale au Gabon, in Mama Africa : Hommage à Catherine COQUERY-VIDROVITCH, edited by Odile GOERG et Issiaka MANDE, Paris, l'Harmattan, 2005, p.8.

par la compétition coloniale autour de la mort, du corps et du sacré »181 ont conduit à une reformulation du sacré, donc à une crise de celui-ci induite par l'arrivée de l'administration coloniale et tous ses corollaires ; crise du sacré qui se poursuit encore de nos jour au Gabon.

En résumé de cette première partie, le chapitre premier nous a permis de revisiter le rapport entre la période coloniale et la question relative aux reliques. Le second chapitre quant à lui, s'est efforcé de nous présenter le rôle joué par les reliques dans les sociétés traditionnelles gabonaises et enfin, le dernier chapitre se focalise sur cette longue crise du sacré. Ce dernier chapitre nous permet d'entrevoir quelques éléments capables de nous renseigner, autant que faire ce peu, pour comprendre la situation actuelle du sacré au Gabon dans toute sa complexité, à l'arrivée de la colonisation.

181Florence BERNAULT, Economie de la mort et reproduction sociale au Gabon, ibid., p.8.


Introduction de la deuxième partie

« L'imaginaire (...) éclaire le phénomène politique ; sans doute du dedans parce qu'il en est constitutif... »182 De plus, « Le sociologue a la particularité, qui n'a rien d'un privilège, d'être celui qui a pour tâche de dire les choses du monde social, et de les dire autant que possible, comme elles sont : rien que de normal, de trivial même, en cela ».183 Par ailleurs, « le sociologue n'observe pas la réalité sociale, mais des pratiques [...] Entre lui et son objet d'étude s'interpose un ensemble d'interprétations et d'interventions ».184

Si nous avons choisi ce sujet, ce n'est pas pour faire l'apologie de la sorcellerie, précisément du fétichisme, mais plutôt pour tenter d'expliquer son mécanisme de fonctionnement et ses interprétations au Gabon durant certaines périodes. Car le fétichisme est périodique, c'est-à-dire qu'il se manifeste qu'en périodes électorales, lors des nominations, ou au sortir de celles-ci et a des manifestations diverses. Au Gabon en général, à Libreville en particulier, le constat que nous impose l'observation de la réalité montre que les parents découvrent le plus souvent que les tombes de leurs défunts sont toujours profanées. Cette pratique prend de l'ampleur à Libreville et fait la « une » des journaux185 chaque année et ce, en périodes d'avant et / ou après les élections politiques.186

En effet, il ne se passe plus une fête de Toussaint sans que les parents, quand ceux-ci se rendent dans les différents cimetières de Libreville187, pour l'assainissement des tombes, constatent ce phénomène. Par ailleurs, il n'est plus rare d'entendre, en ville comme en banlieue, que la profanation des tombes à Libreville est l'apanage des hommes politiques actuels (les députés, les sénateurs, les ministres, les maires etc.) moyennant de fortes sommes d'argent, parce qu'ils seraient à la

182 Georges BALANDIER, Le pouvoir sur scènes, Paris, Balland, 1992, p.14.

183 Claude JAVEAU, Leçons de sociologie, Paris, coll. Armand Colin, 1997, p.5 citant Pierre BOURDIEU.

184 Alain TOURAINE, Pour la Sociologie, Paris, coll. Points, éd. du Seuil, 1974, p.25.

185 Cf. l'Union du 10 Octobre2006, page 6 ; rubrique Société et Culture ; du 13 et 14 Novembre 2004, rubrique Société et Culture ; du 26 Avril 2007, rubrique Société et Culture ; p.7 et de Gabonews du 05 Novembre 2006.

186 Les Législatives, les Locales, les Présidentielles et les Sénatoriales.

187 Lalala, Mindoubé et Plaine Niger, pour ne citer que ceux là.

recherche du pouvoir économique, politique et social. A ce propos, « aussi bien pendant les périodes électorales qu'entre deux élections, des témoignages de familles, des observations que l'on peut faire ainsi que des articles de presse permettent de se rendre compte de la réalité de ces « crimes » ou « sacrifices rituels ». Des noms des commanditaires et des exécutants sont cités et l'on évoque toujours soit par allusions, soit ouvertement des hommes politiques, dont certains sont directement proches des hauts lieux du pouvoir ».188

Autre fait que nous pouvons signaler, c'est que tous les cimetières de Libreville sont des sites qui présentent cette caractéristique de ne pas être sécurisés. En témoigne, l'absence de clôtures, d'éclairage, de gardiennage et les hautes herbes, l'insalubrité et leurs localisations géographiques (hors de la ville c'est-à-dire en banlieue.) peuvent être retenus comme facteurs rendant compte de ce phénomène.

Ce qui a donc pour conséquence le fait que « de jour comme de nuit, les cimetières sont visités. Les ossements humains foisonnent »189 d'une part ; d'autre part, il est indéniable que « l'impact des forces occultes sur la politique nationale est devenu plus manifeste au cours des décennies ».190

A cela, une des interrogations que nous pouvons poser est celle de savoir si au Gabon, le fétichisme politique n'est pas le langage du politique lors des consultations électorales ? En étudiant les profanations des tombes dans les cimetières de Libreville, il s'agit aussi de visiter la politique d'urbanisation et de l'habitat à Libreville ; d'autant plus que nous assistons depuis plus de vingt ans à une occupation anarchique de l'espace urbain par la population librevilloise. D'où, on observe une population qui a des difficultés à se loger convenablement. Elle se voit ainsi contrainte de construire ses habitations soit aux abords ou à l'intérieur des cimetières.

Tel est donc le cas par exemple du cimetière d'Ambowè. Les populations, faute de terrains viabilisés s'y sont installées ; ce que nous

188 Joseph TONDA, Fétichisme politique, fétichisme de la marchandise, op.cit., p.3, citant le Missamu n°226 du 2 avril 2001, la Griffe n°412 du 3 janvier 2001 ou encore, lire aussi le n°409 du 6 décembre 2000.

189 Ibid., p.4.

190 Peter GESCHIERE, Sorcellerie et politique en Afrique. La viande des autres, Paris, Karthala, (coll. « Les Afriques »), 1995, p.23.

avons appelé des « profanations indirectes » en ce sens qu'elles ne rendent pas compte du fétichisme politique. A Ambowè, « la vie a repris le dessus sur la mort ».

Cette situation d'occupation anarchique de l'espace urbain avait déjà été évoquée par Fortes Anne Marie DOS SANTOS191 qui, en 1988, posait ce problème d'aménagement urbain des cimetières à Libreville qui ne suivait pas l'évolution rapide de la population. « On comprend alors les problèmes titanesques du Ministère du Plan et de l'Urbanisme pour mettre en application leur projet de développement harmonieux de Libreville »192 ; car Libreville n'a pas de plan d'urbanisme.

Tout au long de cette deuxième partie, nous tenterons de voir successivement au chapitre IV ; les élections politiques à Libreville et les profanations des tombes, au chapitre V, le cimetière de Mindoubé ; théâtre des profanations des tombes et enfin, le chapitre VI portera essentiellement sur la violence en postcolonie gabonaise.

191 Fortes Anne Marie DOS SANTOS, Les cimetières à Libreville face à la croissance spatiale urbaine, Libreville, UOB/FLSH, Mémoire de Maîtrise en Géographie urbaine, 1988, 82 p.

192 Ibid., p.31.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon