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Conversion des lieux de culte à  Alger du XVIIIème au XXème siècle. Cas de la mosquée/ cathédrale Ketchaoua

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par Samir NEDJARI
Université Paris I Panthéon- Sorbonne - Master recherche patrimoine et conservation- restauration 2012
  

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D- Réception des conversions et transmission du patrimoine religieux :

Dans cette partie, et à travers l'exemple de la mosquée/ cathédrale Ketchaoua, j'essayerai d'analyser l'impact des conversions des lieux de culte dans le processus de transmission patrimoniale de ces lieux. Dans ce sens, l'évolution de l'édifice cas d'étude à travers les différents épisodes de son histoire constitue sa transmission ; Ainsi, nous avons l'objet crée en un temps T --et cela avant 1612102- qu'est la mosquée Ketchaoua, et l'objet actuel qu'on peut visiter dans la basse casbah d'Alger qu'est aussi la mosquée Ketchaoua.

On peut traiter la transmission de cet édifice comme une évolution d'un même objet dans le
temps, ou comme plusieurs objets qui ont existé à des époques différentes ; La deuxième
méthode semble la plus appropriée puisque l'édifice a changé plusieurs fois et de plusieurs

102 Date à laquelle un acte de cadi signale l'existence de la mosquée Ketchaoua.

façon, et ces changement ont impliqué autant son aspect architecturale en tant que bâtiment que sa fonction en tant que lieu de culte, et ça dépasse même le changement de fonction qui renvoie à l'usage du lieu, à son statut ou rang, puisque on ne peut considérer les qualificatifs mosquée, église et cathédrale comme de simple fonctions d'usage, ces qualificatifs renvoient à des valeurs symboliques et spirituelles qui se destine à une communauté religieuse bien précise.

Le changement de l'objet architectural est un changement visible, perceptible à travers les plans, les images, les descriptions et à travers les traces sur le corps du bâtiment ; par contre le changement de la confession d'un lieu de culte est un changement intelligible, un changement de concept, quand on parle de conversion d'une mosquée à une église ou vice-versa, il ne s'agit pas d'un simple changement d'usage, puisque cet édifice qui était attribué à une communauté religieuse est dorénavant attribué à une autre, et change de ce fait de nature, même si son usage reste un usage cultuel.

La réception étant la finalité de toute transmission peut servir d'appréciation de ce processus de transmission, c'est dans ce sens que j'ai essayé d'examiner la réception de transformations majeures qu'a subit la mosquée/cathédrale de Ketchaoua, que ce soit sur son corps de bâti ou sur sa nature ; et cela à travers les sources qui m'ont été accessibles et à travers une enquête par questionnaires réalisé à Alger en mois de février 2012, une enquête qui n'est surement pas représentative de par le nombre limités des participants, mais que j'ai choisi de mettre en annexe comme information supplémentaire pour le lecteur.

1- Transmission de l'objet architectural :

La mosquée Ketchaoua a été construite avant 1612, à cette époque il ne s'agissait pas de la grande mosquée qu'on décrit au XIXème siècle, mais d'une mosquée de taille inferieur construite par les tribus présentent dans la région et auquel l'arrivé des turcs dans le pays en 1515 a donné plus d'importance, avant d'être totalement reconstruite dans dimensions beaucoup plus importante en 1794 par l'autorité Ottomane en place à savoir le Dey103, c'était une des mosquée qui appartenait au beylik d'Alger.

103 MARÇAIS Georges, Manuel d'art musulman : L'Architecture (Tunisie, Algérie, Maroc, Espagne, Sicile), Vol II, Chap.7-9, Ed Picard, Paris, 1926-1927.

a- 1794 : a date de 1794 est une date importante dans l'évolution de l'objet architectural de l'édifice, et bien qu'on n'ait pas de plan précis de la construction qui existait avant cette date, à travers les descriptions on peut parler de deux objets architecturaux :

-La mosquée Ketchaoua d'avant 1794 qui était une mosquée parmi d'autres, construite dans des proportions communes et permettant au fidèles d'accomplir les prières.

-La grande mosquée de Ketchaoua édifié sous le règne du Dey Hassan Pacha en 1794 (Figures.1, 2 et 3), et là le lieu de culte acquiert tout une autre dimension, désormais monument de la ville, ses proportions, son architecture et son décor sont venté dans les récits historiques de cette période, on parle d'une mosquée construite « avec une beauté sans pareille»104, d'un « intérieur fort coquet et élégant»105(Figure.12), et les historiens d'art et de l'architecture donne des descriptions assez détaillé de cette édifice (voir chapitre II) qui constituait un des chef d'oeuvre de l'architecture Ottomane en Algérie.

D'un simple lieu d'accomplissement des prières, la nouvelle mosquée Ketchaoua devenait l'une des grandes mosquées de la ville, une curiosité architecturale et artistique, et un symbole de la puissance du beylik d'Alger. Si on prend comme échelle, le système de valeur d'Aloïs Riegl106, la valeur d'ancienneté de l'édifice est considérablement diminuée, sa valeur commémorative, sa valeur historique et sa valeur artistique sont amplifiées ainsi que la valeur d'usage et la valeur de nouveauté. Au vu de cette analyse, on constate que l'édifice acquiert ses principales valeurs en 1794, à la suite de la métamorphose que subit son architecture.

b- 1845 : La mosquée de Ketchaoua garde le même aspect architecturale de 1794 à 1845, date à laquelle sont entamés les travaux de transformation -dite de restauration-, pour adapter l'édifice à son nouvel statut de cathédrale de la ville d'Alger. La mosquée convertit en 1832 au culte catholique -suite à la conquête française de l'Algérie en 1830- devenait la cathédrale Saint-Philippe, mais malgré quelques aménagements, l'édifice garda son cachet architectural jusqu'au début des travaux de transformation.

104 Inscription à l'intérieur de la mosquée, dans Klein.H. Op.cit.

105 Descriptions d'Albert DEVOULX, responsable des Domaines, dans KOUMAS Ahmed, Op.cit.

106 RIEGL Alois, le culte modern des monuments, traduit par Daniel WIECZOREK, Seuil, Paris, 1984.

Ces travaux qui ont fait de la salle de prière de l'ancienne mosquée le choeur de l'église (Figure.13), et ont ajouté des extensions à l'édifice, du côté Est par un prolongement et une entrée avec un grand escalier (Figure.14), et du côté Ouest par l'aménagement de l'abside.

En parallèle de la réalisation des extensions, le choeur qui occupait le bâtiment de l'ancienne mosquée a été profondément remanié, en fait une comparaison entre l'état actuel de l'édifice et les relevées de l'ancienne mosquée, laisse penser à des opérations de destruction/reconstruction par partie, qui ont touchées même les éléments porteurs de l'ancienne mosquée, « Elle fut presque entièrement démolie et reconstruite, puis considérablement agrandie »107.Et c'est pourquoi à part quelques éléments réutilisés - essentiellement des colonnes et des chapiteaux- dans la réalisation de la nouvelle cathédrale, les traces de l'ancien édifice construit en 1794 sont indiscernables à l'oeil nu.

Les interventions sur l'édifice se sont succédées jusqu'à la fin du XIXème siècle, ou la cathédrale prend son aspect architectural définitif à travers le traitement de sa façade par l'architecte A.Ballu.

Le résultat architectural de cette transformation qui a duré plus d'un demi-siècle n'a gardé que de rares point commun avec l'édifice de 1794, sa superficie a été multiplié par quatre, le coté de l'entrée principale a été changer, le volume architectural s'est métamorphosé en un nouveau bâtiment de style hybride, associant les références romano-byzantine à l'architecture arabo-islamique. Architecturalement, on peut parler de deux bâtiments distincts, qui n'ont en commun que l'assiette de l'ancienne mosquée occupée par le choeur de l'église, et quelques alignements de l'arcature des nefs sur les anciennes travées d'arcs de la mosquée.

Juste quelques années après la fin des travaux de transformation, le nouveau bâtiment est classé monument historique en 1908 par les autorités française en Algérie, ce qui implique qu'il appartenait désormais officiellement au patrimoine culturel ; ce qui conduit à la question sur la ou les valeurs de cet objet architectural à la fin des travaux de transformation, et encore une fois suivant le système de valeurs établie par Aloïs Riegl, la valeur d'ancienneté à encore une fois considérablement diminuée, les valeurs historiques et commémoratives de l'édifice ont changé de nature ainsi que la valeur d'usage, la valeur artistique en plus d'avoir changé de nature, puisque il s'agit d'une nouvelle architecture etd'un tout nouveau traitement de l'espace, il parait que cette valeur ait diminuer après la transformation architecturale, puisque la nouvelle apparence de l'édifice n'a pas fait l'unanimité et qu'en parallele des louanges, des

107 KLEIN.H, Op.cit.

approbations de l'architecture de 1794, le résultat final de la transformation entamé en 1845 a reçu beaucoup de critiques, en raison de son style architectural traité de style bâtard, et que l'édifice n'était pas « un palais digne du chef de la religion»108.

Architecturalement, l'édifice de la fin du XIXème siècle est pratiquement une nouvelle réalisation architecturale par rapport au bâtiment d'avant 1845, cette période de transformation a constitué un changement intégrale de l'objet architectural.

Actuellement, et après sa reconversion en mosquée en 1962, l'édifice n'a pas subi de changement architecturaux majeurs, ainsi, on peut dire qu'il s'agit du méme objet architecturale, qui a acquis plus de valeur d'ancienneté et de valeur historique.

La mosquée/cathédrale de Ketchaoua a subi plusieurs transformations majeures de son architecture notamment en 1794 et en 1845, ces transformations qu'on peut assimiler à des destructions/reconstructions ont modifié profondément l'architecture du bâtiment, au point qu'on peut parler d'au moins trois objets architecturaux qui se sont succédés sur ce terrain du XVIème siècle à nos jours.

108 VIGOUREUX, CAILLAT, « Alger, projet d'une nouvelle ville », Alger, 1858, dans OULEBSIR Nabila, op.cit.

Figure 12 : La mosquée Ketchaoua avant sa conversion en 1832, d'Après une lithographie de Lessore et Wyld. Source : MARÇAIS Georges, Manuel d'art musulman : L'Architecture (Tunisie, Algérie, Maroc, Espagne, Sicile), Vol VII, Ed Picard, Paris, 1926-1927.

Figure 13 : Cathédrale Saint-Philippe, Alger, 1860-1920.

Source: Library of Congress Prints and Photographs Division Washington, D.C. 20540 USA, circa 1860-1920.

Figure 14 : Cathédrale Saint-Philippe, Alger.

Source : http://diaressaada.alger.free.fr/i2-mes voyages 05 07/15-rue-d-isly2/057b-lyre 1000.jpg

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery