WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les mots du sida à  Libreville: métaphores postcoloniales et hétérotopies

( Télécharger le fichier original )
par Yannick ALEKA ILOUGOU
Université Omar Bongo - Master 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

3) Le Mbumba

Le Mbumba n'est pas une initiation. Nous la classons dans les différentes formes de pratiques ésotérique sorcellaires indigène. Le Mbumba est une forme de réceptacle mystique qui a des vertus de nuire à des individus. « L'attaque de sorcellerie, elle, met en forme le malheur qui se répète et qui atteint par hasard les personnes et les biens d'un ménage ensorcelé166». Mais qu'est-ce qu'il y a de plus précis que la description d'un enquêté sur la question ? Pour ce faire, nous restituons les propos de Papa Aspro167 au sujet du Mbumba.

Enoncé n°6 :

« Le Mbumba c'est beaucoup de chose mais qui se résument en une seul, la marmite nocturne. La marmite nocturne c'est ce qu'on appelle Mbumba. Dès qu'on parle de marmite nocturne on voit déjà le serpent. Dans la marmite il y a des choses qui rendent la marmite dangereuse. La marmite là est d'abord en terre cuite et elle reste généralement au plafond ou sous le lit. C'est pas comme les gens qui déterrent168 qui disent que c'est dans le sol qu'on enterre ça, c'est faux ! Il y a la tête de serpent169 et sa peau, le miroir, le crane d'un homme avec les dents170, le tibia ou l'avant bras humain, la main d'Ikanda (Potto de Bosman171), la main du gorille, une chaîne, un cadenas, une plume de perroquet. D'autres ethnies mettent à l'intérieur un petit cercueil ( les fangs). Bon tu cherches à savoir comment sa fonctionne ? Bon la marmite nocturne c'est la où on prépare les personnes que l'on a choisi pour être mangé dans la nuit. Le tibia ou l'avant bras c'est le fantôme qui frappe ou qui espionne

165 Jeanne FAVRET-SAADA, Les mots, la mort, les sorts, Paris, Gallimard, coll « Folio/ Essais », 1977, P 29.

166 Jeanne FAVRET-SAADA, Les mots, la mort, les sorts, Paris, Gallimard, coll « Folio/ Essais », 1977, P 20.

167 Papa Aspro, niveau d'étude primaire, Bwitiste, ancien militaire, Pounou / massango.

168 Il y a un débat entre les nganga qui déterrent les fétiches et ce qui ne le font pas. Certains disent que c'est de la mystification, que ce qu'il déterre c'est des choses plantées auparavant ou tout simplement un tour de passe-passe : de la prestidigitation. Car dans la sorcellerie, il y a des lieux consacrés pour mettre certains reliques surtout la marmite nocturne. Ces endroits sont : Le plafond de maison, les cuisines indigènes, sous les lits. Une marmite nocturne se met dans un lieu oü l'on peut se réunir aussi bien physiquement et invisiblement. Car il faut avoir les capacités de se dédoubler spirituellement pour se retrouver dans ces lieux pour décider des victimes à proposer.

169 Le python est généralement le plus utilisé car c'est le roi des serpents donc, il est, pour eux, le chef des serpents mystiques.

170 Dans les pratiques sorcellaires le crâne qui a des dents est un crâne funeste qui n'a qu'un seul appétit mangé, tué.

171 Potto de Bosman du nom scientifique Perodictitus potto.

l'individu choisi172. Le serpent c'est celui qui enlasse la proie, qui la capture et fait en sorte que où qu'il soit l'individu est tracé. Généralement mystiquement la marmite nocturne est entourée par le python. Le miroir c'est pour observer et voir tout les mouvements des personnes qui sont choisis pour être préparer mystiquement173 . Le crâne est celui qui possède174 et qui doit manger pour donner ensuite le bonheur à ceux qui font partie de la tontine mystique175. La main d'Ikanda176, est mise pour tenir la personne que l'on a choisi afin qu'elle ne s'échappe pas. La main du gorille à la même fonction que celle de l'Ikanda. En fait si on n'a pas une on prend l'autre, ou bien les deux. La chaîne représente le corps du serpent et ce qui va attacher l'individu mystiquement. Le cadenas sert pour bloquer, attacher toute sorte de projet pour se faire délivrer ou toute sorte de chose qui va à l'encontre des paroles ou des idées de la confrérie177. La plume de perroquet représente la langue du serpent, le venin. C'est lui qui fait vivre la marmite. Sans lui rien ne peut se faire. C'est le coeur de la marmite.»

Nous avons complété ces données par l'entretien d'un autre Bwitiste nommé Papa Maboule178. Et voici le contenu de son exposé.

Enoncé n°7 :

« Tu connais le Pitsia Ngondet ?! C'est le monde de la nuit, le monde du vampire, le pitsia ngondet. Dans ce monde là, petit, tout est possible Mangongo179! Tu vois pour tuer un homme les sorciers ont mis en place de nombreuse techniques. Mais il faut que tu saches que toutes ses techniques ont une seul base : la marmite nocturne. Bon les spécialistes de cette technique se sont les mwiénès et les akèlès. (...) Chaque ethnie à sa spécialité. Les pounou c'est le ditingou (fantôme), les massangos, les simba, les tsogos, les pouvis c'est les makouangous du mwiri. Les Mvoungou c'est le fusil nocturne et les fang c'est les makagha et le kôhng Les mwiénès utilisent le boa tandis que les akèlès utilisent le caïman (ngando). Dans la marmite celui qui avale et envoute la personne c'est le serpent ou le boa. Le boa

172 Généralement les maladies tels que l'hypertension ou l'AVC sont les nouvelles maladies mystiques que les sorciers ont trouvé pour atteindre un individu selon les propos de Papa Aspro. Le sorcier envoi par l'entremise du tibia le fantôme (donc la personne a qui appartenait le tibia ou l'avant bras) pour frapper la personne choisi. Il le frappe généralement derrière la nuque. Voilà pourquoi certaines personnes qui meurent de l'AVC déclarent généralement qu'il ressente comme un coup reçu et une douleur vive a cet endroit précis de la tête.

173 Voilà pourquoi selon Papa Aspro, le sorcier voit tout ce que nous faisons. Il a un espèce d'écran qui est comme une télévision mystique. Et cette télévision dans la réamlité est un miroir. Bon dans une autre dimension, c'est l'eau du cadavre mélangée avec certains organes humains et certaines plantes qu'ils utilisent pour voir chaque mouvement des individus. Ils gardent cette décoction dans une cuvette blanche.

174 C'est généralement le crâne d'un ancien membre de la confrérie sorcellaire qui est sollicité pour être introduit dans la marmite.

175 La tontine mystique est un terme importé par les camerounais pour décrire le fiat que les sacrifices sont rotatifs.

176 L'Ikanda est une bête qui a la faculté d'avoir une saisie ferme sur les objets.

177 Le cadenas en question est représenté selon Aspro par la présence du noeud que l'on fait sur le malade lors de la coupure de corde.

178 Papa Maboule, masculin, niveau d'étude primaire, Bwitiste, sans, Massango

179 Expression des initiés du mwiri. Pour assermenter les propos. Il frappe avec vigueur sur ses scarifications aux bras gauche.

58

paralyse la personne alors que le caïman le fait pourrir ou gonfler. Pour atteindre la personne on utilise son corps. Ces cheveux, ses ongles, sa photo, ses bijoux, ses habits, ses slips, ses empruntes, son ombre, le placenta, les ombrils, les serviettes hygiéniques, le prépuce, les cahiers, les bics. A partir de ça mon petit, il tamise et tripote180 les articles181et la personne et dedans (rire) !Mais tout cela c'est le mbumba. Car nous quand on consulte on voit le serpent. Le serpent n'est jamais seul il est toujours accompagné du fantôme ( tibia, avant-bras et le crane). L'autre nom du Mbumba c'est la marmite nocturne. C'est le serpent qui chasse et qui tue ! Tu as compris (rire) ! (...) Bon quand la personne est atteinte par le serpent de la marmite nocturne, elle maigri, jusqu'à avoir la peau sur les os. Le serpent lui suce le sang. Elle s'étouffe très souvent, des vertiges, des diarhées, des boutons qui sortent sur le corps. Elle n'arrive plus à marcher. Elle voit les fantômes, les revenants (la personne dont le crâne est dans la marmite). C'est comme le Sida. C'est un Sida du Pitsia ngondet. Le monde de la nuit, tout est possible, Le noir est fort Mangongo !!! »

C'est long propos nous renseigne sur de nombreux points. Le premier nous renseigne sur la composition du Mbumba. Tandis que le second nous donne plus ou moins une idée sur le rapport entre le Mbumba, le serpent mystique est le Sida. Au préalable, il est utile de présenter déjà différents symptômes que décrit Julie BONHOMME dans le cas du Mbumba. « Fatigue, perte d'appétit, maux de reins, sensation d'étouffement, palpitations, tension, grossesses difficiles ou faiblesse sexuelle, sont les symptômes manifestes du nungu (chez les mitsogo) ou Mbumba (dans le groupe mèryè)182 ». Mais ce qui suit est tout aussi une description utile car il nous donne une autre signification du Mbumba. « Serpent invisible associé à l'arc-en-ciel qui étouffe et avale progressivement sa victime tout en lui suçant le sang jusqu'à la mort. Ce serpent constricteur, souvent désigné par le terme figure de « corde », est l'allié invisible d'un sorcier qui s'empare par son intermédiaire de la force vitale de sa victime (...). Cette thématique sorcellaire du ligotage et de l'étouffement constitue une métaphore pertinente pour ces nombreux patients qui se sentent perpétuellement entravés et enfermés dans une vie malheureuse183». Donc le Mbumba est aussi un arc-en-ciel, un serpent, une marmite nocturne. Ce qui veut dire comme il le précise que c'est ici différentes expressions sont considérées comme différentes formes d'infortune. Nous ne sommes pas loin de ce que Luc de HEUSCH a décrit. « Mbumba est donc en cause dans tout les cas d'infortune oü la prospérité est menacée184».

Nous retenons essentiellement que le Sida est une infortune. En cela, « ce que nous appelons « maladie » n'a d'existence que par rapport au patient et à sa culture185». Le Sida se conçoit comme une attaque en sorcellerie. Et la proximité des symptômes du Sida et ce du

180 Il passe a l'expérience

181 C'est tout ce qui est en rapport avec la marmite nocturne, c'est-à-dire crâne, tibia, serpent, etc.

182 Julien BONHOMME, Le miroir et le crâne. Parcours initiatique au Bwete missoko (Gabon), Paris , CNRS, 2006, p 98.

183 Julien BONHOMME, Op cit, p 99.

184 Luc de HEUSCH, «Considérations sur le symbolisme des religions bantoues », L'homme, Paris, EHESS, n°184, 2007, P 180.

185 Jacques RUFFIE et Jean-Charles SOURNIA, Les épidémies dans l'histoire de l'homme. De la peste au Sida, Paris, Flammarion, 1995, P 15.

Mbumba met la comparaison entre une maladie étiologique biomédicale (Sida) et des maladies coptées par les représentations indigènes imaginaires. Le Mbumba est une forme de « virus traditionnel » qui donne plusieurs maladies dont le Sida est l'une des dernières formes la plus récente. Il y a une appropriation du Sida biomédical par la médecine ésotérique indigène. Nous retenons également que le Sida Mbumba se transmet mystiquement par la puissance des objets mortifères qui se retrouvent dans la marmite nocturne ou l'arc-en-ciel. Le Pitsia ngondet est ce lieu hétérotopique où tout est possible même contracter le virus du Sida. Le Mbumba est un serpent du Pitsia ngondet qui est là pour tuer par des maladies biomédicales. La transmission du Sida est coptée et travestie dans l'imaginaire par la morsure du serpent, du Mbumba ou de l'arc-en-ciel. Et en cela le venin du Mbumba peut être assimilé au virus du Sida du point de vue symbolique.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera