WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Savoirs et savoir- faire locaux face aux politiques agraires: diagnostic d'un système agraire dans un village Khamou ou du Nord Laos

( Télécharger le fichier original )
par Pierre- Yves Heurtier
Université Aix-Marseille 1 - Master 2 anthropologie sociale et culturelle 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

3.6. Localisation sociale au village :

Les foyers sont installés sur 1km dans le creux d'un vallon et sur ses versants boisés ou essartés.

Les familles sont réparties dans 89 foyers divisés en 3 grands ensembles d'habitations, tous situés proche de la piste.

Arrivant du Sud, le premier ensemble de foyers est regroupé près de l'infirmerie et du dortoir de l'école en amont ainsi que de l'école et du chaman en aval. Le chef du village, Monsieur Paeng et Monsieur Thon y vivent avec leur famille. Trois points d'eaux, deux commerces et la maison du village utilisée pour les réunions villageoises, sont installés dans la zone. Le groupe ethnique Khamou y compose la très large majorité. Cette zone est la plus importante du village, concentrant la majorité des infrastructures et des personnalités importantes du village (le chamane, le chef du village, les infirmières, deux institutrices et un instituteur, Monsieur Paeng). La partie aval de cette zone est le lieu de fondation du village, très exactement l'emplacement du foyer du chamane. Il semble le lieu important du village se soit donc légèrement déplacé en amont, se rapprochant ainsi de la piste sans s'éloigner de son origine.

Dans le second ensemble de foyers, une plus importante partie des habitants sont d'origines akha et pala. Les Khamou sont toutefois toujours majoritaires. Dans cet ensemble, il n'y a pas de foyers éloignés de la piste ni amont ni en aval. Un seul point d'eau est utilisable.

Dans le troisième ensemble de foyers se situe le marché et trois épiceries, dont la principale du village. Deux points d'eaux ont été installé. Plusieurs dizaines d'habitations forment un quartier à l'écart de la route.

La séparation entre les 3 ensembles se fait par la présence unique des greniers à riz au bord de la piste sur plus de 200 m. Ces greniers sont construits à l'écart des habitations pour éviter qu'ils ne prennent feux en cas d'incendies des foyers.

Les espaces entre les ensembles d'habitations peuvent atteindre 200 m, mais il s'agit ici encore

114 « beaucoup de poussière ».

non d'une volonté délibérée des habitants mais d'une obligation géographique. La topographie de ces espaces ne permet pas de construire de foyers. Les versants sont trop pentus et friables. Seuls des greniers à riz et des enclos à cochons et poules sont installés.

3.7. Langues :

A Bouamphanh, 5 langues sont parlées dont 4 appartenant aux groupes ethniques. La plus utilisée est la langue nationale, le lao115, que partage tous les groupes minoritaires et plus particulièrement les Taï dam et Taï deng qui l'utilise traditionnellement. La seconde langue majoritaire du village est le khamou Ou, légèrement différente du khamou rook parlé dans la province de Luang Nam Tha. Arrivent ensuite des langues des groupes ethniques minoritaires au village : le phounoy, le akha et le pala.

Bouamphanh, chef lieu du canton numéro 7 est marqué par son caractère pluriethnique. Bien que 80 % environ de la population soit de culture khamou ou, presque 20 % de la population rassemble les Akkha, Phounoy, Taï dam et Taï deng et Pala. Pour chaque ethnie, la connaissance des langues étrangères, utilisées pourtant dans un même village, est significative des rapports ethniques.

Il a été noté que les Akha parlent plus fréquemment khamou et lao que ne parlent akha les Khamou et les Lao. Pour autant, certains villageois khamou connaissent quelques mots de vocabulaire akha qui amusent la galerie Khamou.

Les Phounoy ont par contre beaucoup moins de connaissances de la langue khamou. Ils utilisent uniquement le lao comme langue étrangère à la leur.

Ainsi, les Phounoy utilisent fréquemment la langue lao et très peu les autres langues ethniques lorsqu'ils discutent avec leurs voisins.

Les Khamou utilisent le lao plus fréquemment que le khamou lorsqu'ils discutent avec d'autres groupes ethniques que les Khamou.

Les Akha manient plus souvent le lao que le khamou ou le akha lorsqu'ils rencontrent des groupes ethniques différents du leur.

Les Lao-Taï usent plus du lao que du khamou pour discuter avec les autres groupes ethniques.

Les Akha nomment d'abord les ethnies voisines par le auto-nominations propres de chaque ethnies voisines. Pour parler d'une personne du groupe ethnique Khamou, ils diront d'abord qu'il est Khamou puis qu'il est Lao Theung.

Les Khamou , Phounoi, Taï dam, Taï deng et lao utilisent d'abord le terme générique Lao Soung puis Ko ou Iko116 pour les désigner. Ils font d'abord référence à l'appartenance laotienne (<< Lao soung ») avant d'appeler les Akkha par les termes Ko ou Iko que les Akha n'utilisent jamais.

Les Lao utilisent aussi très souvent en premier terme de désinence : << Lao theung » pour
désigner les Khamou. Les autres groupes ethniques appartenant officiellement au groupe Lao-

115 Langue appartenant à la famille linguistique thai-kaday.

116 Ko, Iko ou Kha sont d'anciens termes désignant les << esclaves » sous le royaume du Lane Xang puis sous les régimes coloniaux. Ces termes ont désormais la connotation de << minorité d'altitude » ou d'une personne en étant un des membres : Iko.

Theung sont donc souvent assimilés aux Khamou.

Nous pouvons ainsi percevoir avec l'utilisation des langues étrangères pour chaque ethnie et avec les termes utilisés pour présenter les ethnies voisines, comment se jouent les rapports à la nation et au pouvoir. Les Akha, plus isolés, moins aider par les O.N.G. et le gouvernement, n'ont pas été laocisé comme ont pu l'être les ethnies vivant en aval. Ils sont rester très respectueux des auto- nominations qu'ont choisi les ethnies voisines.

Les Khamou et Phounoi, Taï dam et Taï deng, laocisés, respectent beaucoup moins les termes que choisissent les ethnies voisines pour se singulariser. Ils font souvent référence à l'appartenance laotienne de leurs voisins avant leur appartenance ethnique.

Les instituteurs khamou, les infirmières, le chef du village et les personnes qui travaillent ou ont travaillé en dehors du village, utilisent souvent la classification Lao loum, Lao theung, Lao soung pour ranger les ethnies minoritaires nationales. Cette classification arbitraire du gouvernement laotien tente de ranger les ethnies par lieux d'origines géographiques117. Cette classification ne rend pas compte des différences culturelles entre toutes les ethnies rangées dans la même appellation. Les villageois se trompent d'ailleurs souvent en affirmant << Il parle lao soung >> pour présenter une personne akha. Cette normalisation de ces appellations crée peu à peu une incompréhension entre les communautés, une homogénéisation des particularismes. La langue lao soung n'existe pas puisque la catégorie Lao soung regroupe différents groupes ethniques parlant différentes langues. Lorsqu'une personne dit d'une autre qu'elle parle lao soung, elle veut souvent dire qu'elle parle akha car les Akha sont les représentants communément acceptés des Lao soung, comme le sont les Khamou pour les Lao theung.

Les singularités sont pourtant recherchées par toutes les ethnies. Chacun se nommera devant les autres ethnies, avec son appartenance ethnique avant l'appartenance nationale (<< je suis Khamou, Lao theung >>, << Je suis Phounoy >>...). Mais les ethnies laocisées présenteront leurs voisins d'abord par leurs références laotienne puis ethnique. Sa propre singularité par rapport à celle des autres est plus développé chez les ethnies laocisées. Viendrait elle d'un sentiment de supériorité ou d'une tendance forte chez certains groupes ethniques à vouloir gommer les singularités quand d'autres ethnies la recherche ?

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery