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L'arrêt de la cour internationale de justice du 10 octobre 2002 portant règlement de différend frontalier sur la péninsule de Bakassi ( golfe de Guinée )

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par Albert BISSOHONG
Université de Kisangani RDC - Licence de droit, option: droit public 2008
  

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Les exceptions préliminaires

Il est évident que « procéduralement les objections adressées par l'Etat défendeur à la juridiction de la Cour s'expriment par voie « d'exceptions préliminaires » portant sur l'incompétence du juge, et sur l'irrecevabilité de la requête((*)58).

Le 13 Décembre 1995, le Nigeria soulève des exceptions préliminaires (au nombre de 8) à la compétence de la Cour et à la recevabilité de la requête du Cameroun. La procédure sur le fond est alors suspendue et le président de la Cour prescrit le dépôt par le Cameroun, le 15 Mai 1996 au plus tard, d'un exposé écrit contenant ses observations et conclusions sur ces exceptions préliminaires. Cet exposé écrit est déposé dans le délai ainsi fixé.

Le Cameroun, dans ses observations écrites sur les exceptions préliminaires du Nigeria et à l'audience publique du 11 Mars 1998, a prié la Cour de rejeter les exceptions préliminaires (soulevées par le Nigeria), ou à titre subsidiaire, de les joindre au fond, et de dire qu'elle a compétence pour traiter de l'affaire et que la requête est recevable. Ainsi, nous allons analyser minutieusement sur le plan juridique, les huit exceptions préliminaires du Nigeria.

Première exception

La Cour n'a pas compétence pour connaître de la requête du Cameroun. Dans cette perspective, le Nigeria expose qu'il avait accepté la juridiction obligatoire de la Cour par sa déclaration datée du 14 Août 1965.

Le Cameroun quant à lui, a accepté cette juridiction par la déclaration remise au secrétaire général des Nations Unies le 03 Mars 1994. Ce dernier a transmis copie de la déclaration Camerounaise aux parties au statut onze mois et demi plus tard. Le Nigeria indique qu'il n'avait donc aucun moyen de savoir et ne savait pas à la date d'introduction de la requête, soit le 29 mars 1994, que le Cameroun avait remis une déclaration. Le Cameroun aurait par suite « agi prématurément ».

En procédant de la sorte, le demandeur aurait violé son obligation d'agir de « bonne foi », abusé du système institué par l'Article 36, §2, du statut et méconnu la condition de réciprocité prévue par cet article ainsi que par la déclaration du Nigeria. La Cour ne serait par suite pas compétente pour connaître de la requête.

Le Cameroun considère au contraire que sa requête remplit toutes les conditions requises par le statut. Il rappelle que, dans l'affaire du « Droit de passage sur le territoire indien », la Cour a jugé que « le statut ne prescrit aucun délai entre le dépôt par un Etat d'une déclaration d'acceptation et d'une requête, et que le principe de réciprocité n'est pas affecté par un délai dans la réception par les parties au statut des copies de la déclaration »((*)59).

Le Cameroun souligne qu'il n'existe aucune raison de revenir sur ce précédent au risque d'ébranler le système de la juridiction obligatoire reposant sur la clause facultative. Il ajoute que la déclaration était en vigueur dès le 03 Mars 1994, du fait qu'à cette date, elle avait été enregistrée conformément à l'article 102 de la Charte des Nations Unies.

Le Cameroun expose qu'en tout état de cause, le Nigeria s'est comporté depuis l'ouverture de l'instance de manière telle qu'il doit être regardé comme ayant accepté la compétence de la Cour.

Le Nigeria fait valoir en réponse que « l'Affaire du droit de passage sur le territoire indien » correspondait à une première impression, que l'arrêt rendu alors est dépassé ; qu'il est resté isolé ; que le droit international, spécialement en ce qui concerne la bonne foi, a évolué depuis lors et que, conformément à l'article 59 du statut, ledit arrêt ne jouit de l'autorité de la chose jugée que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé.

Pour ces motifs, la solution retenue en 1957 ne devrait pas l'être en l'espèce. Le Nigeria s'oppose à l'argumentation tirée par le Cameroun de l'Article 102 de la Charte des Nations Unies. Il prétend aussi qu'en l'espèce, il n'a jamais accepté la compétence de la Cour et que de ce fait, il n'y a pas « forum prorogatum ». Le Cameroun conteste chacun des arguments.

La première exception préliminaire du Nigeria doit en conséquence être rejetée. La Cour n'aura par suite pas à examiner l'argumentation tirée par le Cameroun de l'article 102 de la Charte, ni les conclusions subsidiaires du Cameroun fondées sur le « forum prorogatum ». La Cour est en tout état de cause compétente pour connaître de la requête du Cameroun.

Deuxième exception

Le Nigeria expose qu'« Au moins 24 ans avant le dépôt de la requête, les Parties ont, au cours des contacts et des entretiens qu'elles ont eus régulièrement, accepté l'obligation de régler toutes les questions frontalières au moyen des mécanismes bilatéraux existants ». Selon le Nigeria, un accord implicite serait ainsi intervenu en vue de recourir exclusivement à ces mécanismes et de ne pas invoquer la compétence de la Cour.

A titre subsidiaire, le Nigeria soutient que la conduite du Cameroun a créé une situation d'« estoppel » qui lui interdirait de s'adresser à la Cour. Le Nigeria invoque enfin le principe de la « bonne foi » et la règle « pacta sunt servanda » à l'appui de son argumentation.

Le Cameroun expose que les organes bilatéraux qui ont traité de diverses difficultés frontalières apparues entre les deux pays n'ont eu qu'une existence intermittente et qu'aucun mécanisme institutionnel permanent n'a été mis sur pied. Il souligne en outre qu'aucun accord explicite ou implicite n`est intervenu entre les parties pour conférer une compétence exclusive à de tels organes.

Enfin, selon le Cameroun, les conditions fixées par la jurisprudence de la Cour pour qu'existe une situation d'estoppel ne seraient pas réunies en l'espèce. Dès lors, il n'y aurait pas lieu à l'application du principe de bonne foi et de la règle « pacta sunt servanda ».

La Cour rejette dans sa totalité la deuxième exception.

Troisième exception

A ce stade, le Nigeria soutient que le « règlement des différends frontaliers dans la région du lac Tchad relève de la compétence exclusive de la Commission du Bassin du Lac Tchad ».

A l'appui de cette argumentation, le Nigeria invoque à la fois les textes conventionnels régissant le statut de la Commission et la pratique des Etats membres.

Le Cameroun conteste cet argument. Et la Cour rejette cette troisième exception.

Quatrième exception

Le Nigeria expose que « la Cour ne devrait pas déterminer en l'espèce l'emplacement de la frontière dans le Lac Tchad dans la mesure où cette frontière constitue un tripoint dans le lac ou est constituée par celui-ci ».

Le Cameroun conteste cet argument. Et la Cour soutient que les intérêts juridiques du Tchad, en tant qu'Etat tiers non partie à l'instance, ne constituent pas l'objet de la décision à rendre sur le fond de la requête du Cameroun ; dès lors, l'absence du Tchad n'empêche nullement la Cour de se prononcer sur le tracé de la frontière entre le Cameroun et le Nigeria dans le Lac. Par voie de conséquence, la quatrième exception est rejetée.

Cinquième exception

Le Nigeria fait valoir qu'il n'existe pas de différend concernant « la délimitation de la frontière en tant que telle » sur toute la longueur entre le tripoint du Lac Tchad et la mer sous réserve, dans le lac Tchad de la question du titre sur Darak et sur des îles avoisinantes et sous réserve de la question du titre sur la péninsule de Bakassi.

En effet, la Cour rappelle qu'au sens admis de sa jurisprudence et celle de sa devancière, un différend est un désaccord sur un point de droit ou de fait, un conflit, une opposition de thèses juridiques ou d'intérêts entre des parties et que pour établir l'existence d'un différend, il faut démontrer que la réclamation de l'une des parties se heurte à l'opposition manifeste de l'autre ; et que, par ailleurs, l'existence d'un différend international demande à être établie objectivement. Sur la base de ces critères, il existe bel et bien des différends en ce qui concerne Darak et des îles avoisinantes, Tipsan ainsi que la presqu'île de Bakassi.

La Cour indique que le Nigeria est en droit de ne pas avancer au présent stade de la procédure, des arguments qu'il considère comme relevant du fond, mais en pareille circonstance, la Cour se trouve dans une situation telle qu'elle ne saurait se refuser à examiner les conclusions du Cameroun tendant à ce que sa frontière avec le Nigeria soit précisée définitivement du Lac Tchad à la mer par le motif qu'il n'existerait pas de différend entre les deux Etats. Par conséquent, la Cour rejette cette exception.

Sixième exception

Aucun élément ne permet au juge de décider que la responsabilité internationale du Nigeria est engagée à raison de prétendues incursions frontalières.

Selon le Nigeria, les conclusions du Cameroun ne satisfont pas aux exigences de l'article 38 du règlement de la Cour et des principes généraux du droit qui prescrivent que soient clairement présentés les faits sur les lesquels repose la requête du Cameroun, y compris les dates, les circonstances et les lieux précis des incursions et incidents allégués sur le territoire camerounais.

La Cour soutient que c'est au demandeur de subir les conséquences d'une requête qui ne contiendrait pas un exposé satisfaisant des faits et motifs sur lesquels repose sa demande. Et notre position rejoint celle de la Cour.

En conséquence, la Cour rejette la sixième exception.

Septième exception

Le Nigeria a soutenu qu'il n'existe pas de différend juridique concernant la délimitation de la frontière maritime entre les deux parties, qui se prêterait actuellement à une décision de la Cour. Le Nigeria déclare qu'il en est ainsi pour deux motifs :

- Il n'est pas possible de déterminer la frontière maritime avant de se prononcer sur le titre concernant la péninsule de Bakassi.

- Dans l'éventualité où une décision serait prise sur la question du titre concernant la presqu'île de Bakassi, les demandes concernant les questions de délimitation maritime n'en seraient pas moins irrecevables faute d'action antérieure suffisante des parties pour effectuer, sur un même pied d'égalité, une délimitation « par voie d'accord » conformément au droit international.

La Cour, par rapport au premier moyen (motif), reconnaît qu'il serait difficile, si non impossible de déterminer quelle est la délimitation de la frontière maritime entre les parties aussi longtemps que la question concernant Bakassi n'aura pas été réglée. Les deux questions étant soumises à la Cour, c'est à elle qu'il appartient de régler l'ordre dans lequel elle examinera ces questions, de telle sorte qu'elle puisse traiter au fond chacune d'entre elles. C'est là une question qui relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour et qui ne saurait fonder une exception préliminaire. Par voie de conséquence, le moyen doit être écarté.

Quant au second moyen du Nigeria, la Cour rappelle que lorsqu'elle traite des affaires qui sont portées devant elle, elle doit s'en tenir aux demandes précises qui lui sont soumises.

La Cour observe cependant qu'en l'espèce, elle n'a pas été saisie sur la base du paragraphe 1 de l'article 36 du statut. Elle a été saisie sur la base de déclarations faites en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du statut, déclarations qui ne contiennent aucune condition relative à des négociations préalables à mener dans un délai raisonnable.

Le second moyen ne peut être retenu. La Cour trouve en sus qu'au-delà du point G (voir point 3 des conclusions dans le mémoire du Cameroun), le différend entre les parties a été défini de manière suffisamment précise pour que la Cour puisse en être valablement saisie.

La Cour, par voie de conséquence, rejette la septième exception préliminaire.

Huitième exception

La question de la délimitation maritime met nécessairement en cause les droits et intérêts d'Etats tiers et que la demande correspondante est pour le motif irrecevable.

La Cour soutient que la question de savoir si ces Etats tiers décideront d'exercer leurs droits à intervention dans l'instance conformément au statut reste entière.

La Cour déclare que la 8e exception préliminaire n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, un caractère exclusivement préliminaire.

2.1.3. La recevabilité par la Cour Internationale de Justice

* ( 58) DAILLIER P., PELLET A., NGUYEN QUOC DINH, Op.Cit, p. 903.

* ( 59) Droit de passage sur le territoire indien, exceptions préliminaire, Arrêt, C.I.J recueil 1957, p. 147.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld