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L'arrêt de la cour internationale de justice du 10 octobre 2002 portant règlement de différend frontalier sur la péninsule de Bakassi ( golfe de Guinée )

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par Albert BISSOHONG
Université de Kisangani RDC - Licence de droit, option: droit public 2008
  

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Fonction contentieuse de la Cour Internationale de Justice

Seuls les Etats ont qualité pour agir dans le cadre de la compétence contentieuse. L'article 34, §1 du statut est catégorique : « seuls les Etats ont qualité pour se présenter devant la Cour ».

En principe, la Cour n'est ouverte qu'aux Etats qui sont parties au statut. Il s'agit, en premier lieu, de tous les membres de l'organisation des Nations Unies, qui sont automatiquement parties au statut puisque celui-ci est annexé à la charte. Ce sont en outre les Etats non membres qui, conformément à l'article 93, §2 de la charte des Nations Unies sont devenus parties au statut en acceptant les conditions fixées cas par cas par l'Assemblée Générale bien entendu sur recommandation du conseil de sécurité.

Mais l'article 35, §2 dispose : « Les conditions auxquelles elle est ouverte aux autres Etats sont sous réserve des dispositions particulières des traités en vigueur, réglées par le Conseil de Sécurité et, dans tous les cas, sans qu'il puisse en résulter pour les parties aucune inégalité devant la Cour.

Que remarque-t-on ? L'article 35, §2 du statut prévoit par dérogation au principe précédent la possibilité pour les autres Etats qui ne sont pas parties au statut d'accéder à la Cour aux conditions fixées par le conseil de sécurité ; ce dernier doit veiller à ce que l'égalité des parties au litige soit assurée((*)16).

Il convient de savoir que l'exclusion des personnes privées ne signifie pas que les litiges portés devant la Cour ne concernent jamais les particuliers. Par contre, de nombreuses affaires jugées par la Cour Permanente de Justice Internationale puis par la Cour Internationale de Justice, en matière de responsabilité internationale résultent de la mise en oeuvre de la protection diplomatique par des Etats qui ont pris fait et cause pour leurs ressortissants et ont défendu leurs intérêts.

En effet, l'article 34, §1 du statut de la Cour interdit aux organisations internationales d'apparaître en position de demandeur ou de défendeur devant la Cour Internationale de Justice. Cependant, les paragraphes 2 et 3 de cet article prévoient la possibilité d'une collaboration entre elle et la Cour. La Cour peut, notamment, leur demander des renseignements relatifs aux affaires qu'elle examine. Les organisations peuvent même de leur propre initiative, adresser des informations à la cour.

Si l'instruction d'une affaire contentieuse conduit la Cour à interpréter l'acte constitutif d'une organisation ou d'une convention conclue en vertu de cet acte, le greffier de la Cour Internationale de Justice doit en aviser l'organisation concernée et lui communiquer la procédure écrite pour lui permettre de prendre position.((*)17)

Ni en 1921 ni en 1945, les Etats n'ont voulu limiter leur souveraineté en créant une juridiction obligatoire de règlement des conflits. La Cour Internationale de justice n'est compétente que lorsque les parties se soumettent à sa juridiction. Il y a trois moyens d'y parvenir :

- Les deux parties concluent un compromis, convenant de soumettre leur différend à la Cour. Ce mode de saisine se rapproche assez du compromis d'arbitrage.

- Certains traités ou conventions comportent des clauses compromissoires énonçant que les litiges concernant l'interprétation ou l'application du traité devront être soumis à la Cour Internationale de Justice. Exemple : le traité liant les Etats-Unis et le Nicaragua, ce qui a donné la célèbre décision Nicaragua contre Etats-Unis de 1986 (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci).

- Un Etat peut souscrire à une déclaration facultative de juridiction obligatoire (Article 36-2 du statut de la Cour Internationale de Justice).

Cette déclaration peut se faire purement et simplement sous condition de réciprocité ou pour un délai de réciprocité. Des réserves (excluant certains domaines de litiges) sont également possibles. Fin 1999, seuls 58 Etats sur 185 ont souscrit à une telle déclaration.

La France, après avoir accepté la juridiction obligatoire en 1966 (assortie d'une réserve concernant la défense nationale, en particulier le nucléaire), a abrogé sa déclaration en 1973. La Cour Internationale de Justice a la compétence de sa compétence : si un Etat soulève une exception préliminaire à l'examen du litige par la Cour, il appartient à celle-ci de juger si elle est compétente ou non.

C'est ce qu'elle a fait dans une série d'arrêts de décembre 2004 opposant la Serbie-Monténégro aux puissances qui l'avaient bombardée en 1999 : confirmant un premier arrêt rendu à cette date par lequel la République Fédérale de Yougoslavie demandait que des mesures conservatoires soient prises pour interrompre les bombardements contre son territoire, la Cour a estimé qu'elle n'était pas compétente pour se prononcer sur la question de la licéité de l'usage de la force contre la Serbie-Monténégro au motif principal que ce pays n'était pas membre de l'organisation des Nations Unies à la date où il a formé le recours.

Une fois rendue, la décision est obligatoire pour les parties (Article 59 du statut, Article 94 de la charte des Nations Unies).

En cas de non-exécution par l'une des parties, le conseil de sécurité peut être saisi par l'autre partie.

La Cour Internationale de Justice est l'organe judiciaire principal des Nations Unies (article 92 de la charte des Nations Unies). C'est une juridiction permanente siégeant à la Haye.

La fonction de la cour est de dire le droit quand un litige réel et concret se pose (affaire du Cameroun septentrional). La C.I.J. est juge de sa propre compétence (article 36 du statut). Elle se prononce sur les exceptions préliminaires. Elle indique les mesures conservatoires qui doivent être prises en cas d'imminence d'un préjudice irréparable ou d'un risque d'aggravation du différend.

Elle peut rejeter la demande de mesures conservatoires.

L'arrêt est rendu à la majorité des membres et la voix du président est prépondérante en cas d'égalité (article 55 du statut de la C.I.J). Il est obligatoire et a donc l'autorité de la chose jugée pour les parties au litige. Il est définitif et insusceptible de recours. La révision n'est possible qu'en cas de découverte d'un fait de nature à exercer une influence décisive sur le jugement, fait inconnu au moment du premier jugement par la partie qui demande la révision.

Quant aux règles de fonds, la demande n'est recevable que si :

- Les recours internes sont épuisés dans le cas de la protection diplomatique.

- Il existe un différend justiciable.

- Il y a qualité et intérêt à agir des parties.

Le jugement se fait en fonction du droit International mais l'appel au droit interne est possible.

Le principe qui fonde la compétence de la Cour c'est le consentement de l'Etat. Seuls les Etats ont la qualité de se présenter devant la Cour Internationale de Justice : les organisations internationales et les particuliers sont donc exclus (article 34 du statut de la C.I.J).

Que dès lors comprendre du principe de juridiction facultative ?

On entend par là que, à la différence de la situation des particuliers devant les tribunaux internes, les Etats ne sont soumis à la juridiction de la Cour pour un litige donné que pour autant qu'ils y consentent.

Dès lors que les Etats y consentent, la C.I.J. est compétente. L'expression du consentement doit être claire et la C.I.J. examine les actes et comportements qui expriment ce consentement. La compétence de la C.I.J. s'étend à toutes les questions que les parties lui soumettent (article 36 du statut de la C.I.J.).

La nécessité d'un consentement des Etats parties pour que la Cour puisse exercer sa compétence contentieuse est rappelée systématiquement en termes catégoriques par les deux Cours : « La juridiction de la Cour dépend de la volonté des parties »((*)18). « La Cour ne peut exercer sa juridiction à l'égard d'un Etat si ce n'est avec le consentement de ce dernier »((*)19). En principe, il n'y a pas de difficulté lorsque la Cour est saisie par une initiative commune des parties. Par contre, la Cour doit procéder à un examen plus attentif si le fondement de la saisine réside dans une série d'actes et de comportements, c'est-à-dire lorsque l'une des parties s'abstient de comparaître ou de faire valoir ses moyens (affaire du plateau continental de la mer Egée, compétence, Rec. 1978, p.9 ; arrêt du 30 juin 1995, Timor oriental, Portugal contre Australie, §26).

Dans le cadre de la juridiction facultative, la Cour est saisie en règle générale par voie de compromis, document où s'exprime le consentement des parties. Puisque la C.I.J. est une institution permanente, le compromis n'a pas à fixer la composition du tribunal ni sa procédure. La différence avec les compromis arbitraux est en principe très nette sous cet angle.((*)20)

Cependant, la faculté offerte aux parties, par les articles 26 et 31 du statut de la Cour de participer à la détermination des membres d'une chambre spécialisée, ainsi que de suggérer à cette chambre certains éléments de la procédure rapproche à cet effet égard le compromis juridictionnel du compromis arbitral (voir le compromis du 29 Mars 1979 entre les Etats-Unis et le Canada dans l'affaire de la délitation de la frontière maritime dans la région du Golfe du Maine, Rec. 1984, p.252 et S., celui du 16 septembre 1983 entre la Haute-volta et le Mali dans l'affaire du différend frontalier, Rec. 1986, p. 558, ou encore celui du 24 Mai 1986 entre El Salvador et le Honduras dans l'affaire du différend frontalier terrestre, insulaire et maritime, Rec. 1992, p. 356 ; voir aussi L. Marion((*)21)).

Comme un compromis d'arbitrage, le compromis juridictionnel doit comporter, outre l'expression de l'accord des parties pour saisir la Cour, la définition de l'objet du litige et les questions posées aux juges. Les Etats intéressés procèdent librement à cette détermination. Peu importe que le différend puisse être plutôt qualifié de différend politique ou de différend juridique.

L'article 36, §1 du statut prévoit en effet que « la compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus dans la charte des Nations Unies ou dans les traités et conventions en vigueur. » Et la Cour Permanente de Justice Internationale a confirmé qu' «il n'y a aucun différend que les Etats admis à ester devant la Cour ne puissent lui soumettre »((*)22).  

La compétence de la cour est liée par ces indications à condition qu'elles ne contredisent pas les limites naturelles de la fonction juridictionnelle. Les parties peuvent-elles également apporter des précisions quant au droit applicable, au risque de contredire les directives du statut de la cour ? La cour l'admet tout en se réservant d'assurer la compatibilité sur ce point entre le compromis et l'article 38 de son statut (C.I.J, affaire du plateau continental, Tunisie-Libye, Rec. 1982, p. 37).

Selon une juridiction constante, la volonté d'un Etat de soumettre un différend à la cour peut résulter non seulement d'une déclaration expresse contenue dans un compromis formel préalable, mais aussi de tout « acte concluant », en particulier du comportement de l'Etat défendeur postérieurement à la saisine de la Cour((*)23).

Aussi est-il légitime d'envisager une extension de la compétence de la cour, compétence qui, contestable en l'absence de compromis, ne le serait plus en raison de faits postérieurs à l'ouverture du procès (« forum prorogatum »). Ainsi dans le cas où un Etat porterait directement un différend devant la cour celle-ci s'estimerait valablement saisie si l'autre Etat acceptait de se présenter à l'instance (hypothèse vérifiée dans l'affaire du Détroit de Corfou, précitée) ou s'il participait effectivement à la discussion en déposant ses propres conclusions ou en n'émettant pas d'objection contre une future décision au fond (C.P.J.I, affaire des concessions Mavrommatis à Jérusalem, série A, n°5, p. 27-28 ; C.I.J., arrêt du 11 juillet 1996, affaire de l'application de la convention sur le génocide, §40). De telles attitudes sont considérées par la Cour comme des manifestations d'une acceptation tacite de sa compétence, sur laquelle la partie défenderesse n'est plus en droit de revenir en vertu du principe de bonne foi ou de l'estoppel((*)24).

La compétence de la Cour Internationale de Justice est obligatoire quand elle est prévue par un traité ou un acte unilatéral d'un Etat qui reconnaît sa compétence facultative (article 36 du statut de la C.I.J.) ; par des clauses conventionnelles spéciales de juridiction obligatoire (Exemple : C.I.J., affaire de Téhéran, Etats-Unis contre Iran, 1980 : Les Etats-Unis soumettent le litige à la C.I.J. sur le fondement de la convention de Vienne (1961 et 1963) ; par des Traités généraux relatifs au règlement des différends (Exemple : convention européenne de règlement pacifique des différends de 1957).

La juridiction obligatoire de la C.I.J est de plein droit sans convention spéciale sur tout différend d'ordre juridique international dès lors que les Etats en litige ont adressé leur déclaration d'acceptation au secrétaire général des Nations Unies qui l'envoie aux autres Etats. Cette déclaration peut être retirée à tout moment (Exemples : La France retire cette clause en 1974 pour éviter la juridiction de la C.I.J sur les essais nucléaires ; les Etats-Unis de même en 1985 après l'affaire du Nicaragua).

Exceptions qui limitent sa compétence :

· Réserves : Les déclarations d'acceptation sont souvent accompagnées de réserves. Elles limitent le champ d'application de la C.I.J soit dans la durée, soit sur des catégories de différends, soit un retrait avec un court préavis (Exemple : avec la déclaration américaine du 14 Août 1946, le sénateur CONNELI énonçait une réserve automatique dans certains conflits déterminés où les Etats-Unis exercent leur compétence nationale).

· Réciprocité : L'Etat défendeur peut émettre des réserves supplémentaires de même nature que le plaignant qui émet certaines réserves (Exemple : C.I.J, Affaire des emprunts Norvégiens, 6 juillet 1957, Norvège C/France : Norvège est fondée dans les mêmes conditions que la France à exclure la compétence de la C.I.J.).

Exception : Juridiction « obligatoire » : il s'agit en réalité d'un cas particulier du consentement des Etats au règlement juridictionnel des différends. Ce consentement reste nécessaire, mais il ne porte plus sur un différend né. L'engagement de se soumettre à la juridiction de la cour porte sur des différends éventuels, plus ou moins définis à l'avance. La juridiction de la cour est « obligatoire » parce que l'accord des parties est contenu, à l'avance, dans un acte juridique contraignant.

Cette obligation résulte, selon le cas, soit d'un consentement conventionnel, donc mutuel, soit de la rencontre de deux consentements unilatéraux.

Quant aux accords attributifs de compétence, comme pour l'arbitrage, on observe dans la pratique des engagements conventionnels de portée variable :

- Les engagements spéciaux sont inclus dans une clause spéciale de règlement juridictionnel contenue dans un traité dont l'objet principal n'est pas le règlement des différends ; ils  visent les différends pouvant naître de l'application ou de l'interprétation de ce traité : voir les clauses et protocoles de signature facultative de certaines conventions de codification((*)25). La cour vient d'avoir l'occasion de préciser que de tels engagements ne doivent pas être interprétés extensivement((*)26).

Pour tous les traités antérieurs à 1945, qui prévoyait la compétence de la C.P.J.I., l'article 37 du statut de la C.I.J. prévoit que celle-ci se substitue à sa devancière dans les rapports entre Etats parties à ces traités et à son statut.

- Les engagements généraux figurent dans les traités, bilatéraux ou multilatéraux, consacrés principalement au règlement pacifique des différends et cohabitent, le plus souvent avec des engagements d'arbitrage. L'engagement de juridiction obligatoire porte alors exclusivement sur des différends qualifiés de « juridiques » (Acte général d'arbitrage de 1928 pour autant qu'il serait jugé encore opposable, Pacte de Bogota de 1948, Convention européenne de 1957 pour le règlement pacifique des différends). Le juge comme l'arbitre ayant la « compétence de la compétence », il appartient à la C.I.J. de trancher toute contestation sur la portée de l'accord ou de la clause qui lui attribuent juridiction.

« Dans le cadre de sa fonction contentieuse, seuls les Etats pouvant se présenter devant la cour, ni les particuliers, ni les organisations internationales ne pouvant agir directement. Mais une fois encore, les Etats ne sont soumis à cette juridiction que s'ils l'ont accepté. L'acceptation a lieu soit après la naissance du différend par le biais d'un compromis juridictionnel, soit avant si l'Etat a signé la clause facultative de juridiction obligatoire (article 36, §2) : clause à laquelle l'Etat est libre d'adhérer, mais qui le soumet obligatoirement à la juridiction de la cour s'il l'a fait. Comme dans le cas de l'arbitrage, la cour a la compétence de sa compétence, en revanche la procédure n'est pas définie par les Etats, mais par le statut de la cour. Elle se déroule en deux phases : la première phase est écrite avec l'envoi de mémoires et contre-mémoires, puis la seconde est orale avec audition des experts, avocats, ... La cour ne peut statuer ex aequo et bono c'est-à-dire en équité que sur accord des parties, et si elle l'estime nécessaire, elle peut édicter des mesures conservatoires. L'arrêt rendu par la cour a l'effet relatif de la chose jugée et il est obligatoire et définitif pour les parties. »((*)27).

La clause d'option ou la clause facultative de juridiction obligatoire de la Cour est offerte aux Etats par l'article 36, §2 de son statut, reproduction fidèle de la clause correspondante du statut de la Cour Permanente de Justice Internationale qui dispose : « Les Etats parties au présent statut pourront, à n'importe quel moment, déclarer reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale à l'égard de tout autre Etat acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends d'ordre juridique ayant pour objet :

a) l'interprétation d'un traité ; b) tout point de droit international ; c) la réalité de tout fait qui, s'il était établi, constituerait la violation d'un engagement international ; d) la nature ou l'étendue de la réparation due pour la rupture d'un engagement international ».

Pour souscrire à la « clause facultative de juridiction obligatoire », il suffit que l'Etat soit partie au statut de la Cour et adresse une déclaration d'acceptation, comme nous l'avions dit précédemment, au secrétaire général des Nations Unies qui en transmettra copie aux autres parties au statut et au greffier de la Cour((*)28).

Dans l'affaire des « Activités militaires, contre le Nicaragua », la C.I.J. a estimé qu'il ne convenait pas de faire preuve d'un formalisme excessif sur l'expression du consentement. En l'espèce, l'instrument de ratification du statut de la C.P.J.I. par le Nicaragua, condition nécessaire à la prise d'effet d'une déclaration d'acceptation de la juridiction datant de 1929, n'avait pas été reçu. La C.I.J. a considéré que le consentement à être lié par cette déclaration résultait d'un certain nombre d'indices formels non contredits par des objections de l'Etat concerné (Rec. 1984, p. 413). Il est vrai que certains de ces indices émanaient des services de la Cour ou du secrétariat de l'O.N.U.

Il convient de savoir que les déclarations d'acceptation de la juridiction de la C.PJ.I., peuvent en vertu de l'article 36, §5 du statut de la C.I.J., s'appliquer à celle-ci lorsque leur durée l'autorise et que l'Etat auteur de la déclaration est devenu immédiatement partie au statut de la C.I.J.((*)29)

« A la veille de la seconde guerre mondiale, cinquante-quatre des cinquante-neuf Etats parties au statut de la C.P.J.I. avaient accepté la clause d'option. En 1993, 56 sur les 185 Etats parties avaient fait cette déclaration. Aucun Etat n'avait jamais souscrit à cette clause ; depuis 1991, l'attitude de plusieurs Etats d'Europe centrale s'est inversée. Après les dénonciations de la France en 1974 (après l'ordonnance du 22 juin 1973 dans l'affaire des essais nucléaires), des Etats-Unis en 1985 (après l'arrêt du 26 novembre 1984 dans l'affaire des activités militaires au Nicaragua), seul, parmi les membres permanents du conseil de sécurité, le Royaume-Uni demeure lié par l'article 36, §2. »((*)30)

Cependant, en vertu du principe de réciprocité, lorsque la Cour est saisie par une requête unilatérale fondée sur l'article 36, §2, la juridiction de la Cour n'est établie que si les deux Etats sont également liés par leur déclaration d'acceptation. Toute défection réduit donc de façon très sensible le champ de la juridiction obligatoire. De très nombreux Etats ont accompagné leur déclaration d'acceptation de « réserves ». Ces dernières tendent à limiter le champ d'application de l'engagement dans le temps et d'un point de vue matériel.

Dans la pratique, l'effet limitatif des réserves est multiplié par le jeu du principe de réciprocité, qui autorisera l'Etat défendeur à invoquer à son profit les réserves contenues dans la déclaration d'acceptation de l'Etat demandeur.

Les réserves sont des actes unilatéraux émanant des Etats qui indiquent par là le degré et la portée de leur engagement, c'est-à-dire qu'il interprète ou au besoin indique de ne pas admettre telle ou telle disposition d'un traité((*)31).

« Un Etat peut estimer au cours du processus de conclusion d'un traité que certaines dispositions du texte ne lui conviennent pas, bien qu'il approuve la plupart du dispositif de l'accord. Il peut alors, soit ne pas devenir partie au traité dans son ensemble, soit faire une déclaration unilatérale en vue d'exclure de son engagement ces dispositions. On dit alors que l'Etat, tout en devenant partie au Traité, formule des réserves ».((*)32)

Le consentement à être lié à un Traité multilatéral peut être limité par des réserves.

· Limites de l'action de la Cour Internationale de Justice

· Confinement aux conflits limités et marginaux :

Depuis 1945, la C.I.J. est restée impuissante en ce qui concerne les conflits majeurs entre Etats et par conséquent politiquement plus sensibles, faute de saisine volontaire par les Etats. Son action a donc été limitée aux conflits marginaux. La C.I.J. a même eu un rôle dissuasif, une fois saisie, amenant les Etats à s'entendre directement entre eux : ce fut le cas pour l'« Affaire relative à certaines terres à phosphate à Nauru (1993), » opposant Nauru à l'Australie qui vit finalement le désistement à l'instance des deux parties. Durant les années 1970, beaucoup d'Etats ont même refusé de comparaître devant la C.I.J. ; d'autres ont retiré leur déclaration facultative de juridiction obligatoire après des décisions leur ayant été défavorables((*)33).

La C.I.J. s'est même autolimitée pour ne pas se discréditer dans le cas de certaines affaires sensibles. Ainsi, elle a refusé de statuer au fond pour essais nucléaires (Australie c. France et Nouvelle Zélande c. France, 1986) et Sud-Ouest africain (Ethiopie C. Afrique du Sud et Libéria C. Afrique du sud, 1966). Devant le refus de comparution, elle a souvent adopté une position de retrait : elle jugeait qu'il n'y avait alors pas compétence, ou que l'affaire était devenue de fait sans objet.

· Concurrence d'autres modes de règlement pacifique des différends :

La C.I.J. n'est pas le seul moyen de règlement pacifique des différends mis à la disposition des Etats. L'article 33 de la charte de Nations Unies en précise un certain nombre :

« Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix ».

La multiplication des instances judiciaires internationales vient également limiter le champ d'action de la C.I.J. On peut citer le Tribunal International du Droit de la Mer, né de la convention de Montego Bay de 1982, qui empiète directement sur les compétences de la C.I.J. en matière de délimitation maritime.

Donc, conformément à l'article 36 §1, la Cour a la compétence sur toutes les affaires que les parties lui soumettront ainsi que sur tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les conventions ou Traités en vigueur pourvu que ces affaires soient d'ordre international et actuelles, enfin portent sur une question juridique.

* ( 16) Voir sa résolution du 15 octobre 1946 dans l'affaire du Détroit de Corfou.

* ( 17) DAILLIER P., PELLET A., NGUYEN QUOC DINH, Droit International Public, 7e éd., L.G.D.J., Paris, 2002, pp. 894-895.

* ( 18) C.P.J.I., affaire des Droits des minorités en Hauts-silésie, série A, n°15, p. 22 ; usine de chorzow, arrêt sur le fond, série A, n°17, pp. 37-38

* ( 19) C.I.J., affaire de l'or monétaire pris à Rome en 1943, Rec. 1954, p. 32.

* ( 20) DAILLIER P., PELLET A., NGUYEN QUOC DINH, op.cit, p. 895.

* ( 21) MARION L., « La saisine de la C.I.J par voie de compromis », R.G.D.I.P. 1995, pp. 257-300

* ( 22) Arrêt du 26 Avril 1928, affaire des Droits des minorités en Haute-silésie (école minoritaires).

* ( 23) C.P.J.I., affaire des Droits de minorités, précité, série A, n°15, p.24 ; C.I.J., 25 Mars 1948, affaire du Détroit de confou, Rec. 1947-1948, p.28 ; 22 juillet 1952, affaire de l'Anglo-Iranian Oil Cy, Rec. 1952, p. 114.

* ( 24) DAILLIER., PELLET A., NGUYEN QUOC DINH, op.cit., p. 896.

* ( 25) Protocole aux conventions de Genève de 1958 sur le droit de la mer, article 66 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.

* ( 26) Ordonnance du 10 juillet 2002, affaire des activités armées sur le territoire du Congo, R.D Congo contre Rwanda : l'article 65 de la convention de 1969 sur le droit des traités n'est pas un fondement suffisant pour imposer le règlement juridictionnel de différends portant sur d'autres traités.

* ( 27) Catherine ROCHE, op.cit, p. 101.

* ( 28) Article 36, §4 du statut de la C.I.J.

* ( 29) C.I.J, affaire précitée des activités militaires au Nicaragua, Rec. 1984, p. 408.

* ( 30) DAILLIER P., PELLET A., NGUYEN QUOC DINH, Op.Cit, p. 899.

* ( 31) BISSOHONG ALBERT et al, Les Réserves aux Traités relatifs aux droits de l'homme, séminaire inédit, 1ere Licence, Droit Public, Université de Kisangani, 2008, p. 3.

* ( 32) Catherine ROCHE, op.cit, p. 20.

* ( 33) France en 1974 après essais nucléaire et Etats-Unis en 1986 après activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci.

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