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La presse écrite au Cameroun à  l'ère des revendications d'indépendance:approche historique

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par Alain ASSOMO
Université de Yaoundé II Cameroun - Master II recherche en sciences de l'information et de la communication 2010
  

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II-2- Le souci des promoteurs de satisfaire et de conserver une clientèle anti- indépendantiste

Ce paragraphe est une interprétation de l'analyse des thèmes des journaux édités par les hommes d'affaires. Ladite analyse indique que les journaux publiés par les hommes d'affaires étaient dans leur contenu portés à satisfaire leur lectorat constitué de ressortissants d'origine française. Or précisément, ces hommes d'affaires cherchaient prioritairement à vendre leurs journaux. L'adage « le client est roi » laissant indiquer que la satisfaction du client est le maître-mot du producteur ou du vendeur va donc s'appliquer pour ces organes de presse dont les promoteurs vont s'atteler à ne publier que les nouvelles qui intéressent leurs clients c'est-à-dire les Français qui vivaient au Cameroun. Ce qui laisse donc indiquer que si ces clients étaient anti-indépendantistes, cela contraignaient les hommes d'affaires à ne pas publier dans leurs organes de presse les nouvelles liées aux réclamations de souveraineté du Cameroun.

Le journal L'Éveil du Cameroun a été fondé en 1927 c'est-à-dire que son existence date de la période d'avant la Seconde Guerre mondiale. Ce qui revient à dire qu'il existe au Cameroun avant les revendications d'indépendance qui, elles commencent à prendre une grande ampleur avec la création le 10 avril 1948 de l'UPC. De sa création en 1927 jusqu'à sa mise en vente le 31 mars 1955, L'Éveil du Cameroun n'a donc pas changé sa ligne éditoriale malgré un contexte sociopolitique marqué par la décolonisation et rythmé par des revendications d'indépendance formulées par les nationalistes. Le journal est donc resté fidèle à son contenu éditorial c'est-à-dire un journal destiné uniquement à une clientèle composé d'Européens ou au mieux de ressortissants d'origine française vivant au Cameroun. Ce qui explique que ses thèmes soient plus portés soit vers l'actualité française soit vers les activités des autorités coloniales.

Entre 1946 et 1955, année de la mise en vente du journal, le Cameroun a été secoué par une vague de manifestations de réclamation de l'indépendance. Tous ces événements de portée majeure pour les nationalistes ont été ignorés par L'Éveil du Cameroun. Cette publication, par souci de fidélisation et de conservation de son lectorat constitué de ressortissants d'origine française n'a donc pas voulu s'attaquer aux intérêts de ceux-ci ni blesser leur sensibilité anti-indépendantiste. C'est ainsi que le 17 décembre 1952, le même jour que M. Um Nyobé est intervenu devant la 7ème session de l'Assemblée générale de l'ONU pour réclamer l'indépendance du Cameroun, les autorités coloniales françaises ont dépêché deux hommes politiques pour aller contredire les propos du Secrétaire général de l'UPC. Il s'agit respectivement de MM. Okala Charles, Président du Parti Socialiste Camerounais et Alexandre Douala Manga Bell, député à l'Assemblée nationale française (Ferdinand Chinji-Kouleu, 2006 :91). Seulement, dans son traitement de l'information, L'Éveil du Cameroun a ignoré l'intervention du Secrétaire général de l'UPC et publié seulement le fait concernant les prises de parole des deux envoyés de la France (L'Éveil du Cameroun No 1278 du 19 décembre 1952 :1). Ce fait est suffisamment révélateur de ce que cet organe de presse n'entendait pas publier des nouvelles qui n'étaient pas du goût de sa clientèle constituée de colons français vivant au Cameroun. Le journal préférait conserver ses clients qui auraient pu s'offusquer de le voir s'intéresser aux activités des nationalistes dont ils étaient idéologiquement opposés.

Pour ce qui est de La presse du Cameroun, cette publication est éditée par le groupe de Breteuil qui appartient à M. Charles de Breteuil, un homme d'affaires français qui possède une importante chaîne de journaux en Afrique .Selon André-Jean Tudesq et Serges Nédélec (1998 :84) :

« Le Comte Charles de Breteuil en tournée au Sénégal pour la prospection minière dans les années 1930, s'étonna de l'absence de quotidiens à Dakar. En 1933 il lança l'hebdomadaire Paris-Dakar qui devient en 1935 le 1er quotidien d'Afrique noire francophone. La chaîne se développa : Paris-Tara (1936) à Madagascar, Abidjan -Matin (1954) en Côte d'Ivoire, Paris-Congo (1938) au Congo et La presse du Cameroun (1955) au Cameroun). ».

Le promoteur de La presse du Cameroun était donc un homme d'affaires dont la préoccupation était de vendre son journal. Le souci de satisfaire et de conserver sa clientèle apparaît donc comme ayant été son principal souci. Or cette clientèle était composée de colons français vivant au Cameroun. Ce qui est normal puisque la vocation d'un homme d'affaires est de maximiser ses ventes et de faire des profits.

Que ce soit M. Charles Lalanne, fondateur de L'Éveil du Cameroun ou M. Charles de Breteuil éditeur de La presse du Cameroun, ces hommes d'affaires avaient pour principaux clients de leurs publications, des colons français qu'ils tenaient à satisfaire et à conserver. Cette satisfaction consistait donc pour ces opérateurs économiques à publier dans leurs journaux les nouvelles qui intéressaient cette clientèle et qui ne blessaient pas leur sensibilité. Pendant la période des revendications de souveraineté, les colons français, principaux clients de ces publications se sont montrés opposés à l'indépendance du Cameroun. En 1945, ils ont d'ailleurs fondé une association, l'ASCOCAM, pour s'opposer à toute possibilité d'ouverture en vue d'une émancipation des Camerounais. Pour Daniel Abwa (« Les questions d'indépendance et de réunification » in www.ambafrance-cm.org) évoquant les revendications de l'indépendance et de la réunification du Cameroun:

« Elles furent posées par l'UPC, Union des Populations du Cameroun, premier parti indigène nationaliste créé le 10 avril 1948. Une telle évolution ne plut pas à tout le monde. Les colons français furent les premiers à manifester leur mécontentement par rapport aux conclusions de Brazzaville. Le 15 avril 1945 à Yaoundé, ils créèrent l'Association des Colons du Cameroun, ASCOCAM. Cette association organisa à Douala le 5 septembre 1945 les États Généraux de la colonisation française dont la principale conclusion était de s'opposer à l'application des résolutions de Brazzaville... ».

Les clients de ces journaux fondés par les hommes d'affaires étaient donc anti-indépendantistes. Or précisément ces promoteurs d'organes de presse voulaient satisfaire et conserver cette clientèle. Ce qui va donc les contraindre à ne pas publier les faits d'actualité liés aux réclamations de souveraineté formulées par les nationalistes. Pendant la période de décolonisation, Les hommes d'affaires voulaient donc conserver leurs clients  c'est-à-dire un lectorat constitué des Français qui vivaient au Cameroun et qui d'ailleurs possédaient un pouvoir d'achat important par rapport aux nationalistes. D'où leur silence sur les sujets concernant les manifestations de réclamation de l'indépendance. Les opérateurs économiques entendaient faire prospérer leurs affaires cela passait par la fidélisation voire la conservation des acheteurs de leurs journaux qui étaient des Français, par ailleurs anti-indépendantistes.

On peut ainsi dire que le la satisfaction et la conservation d'une clientèle constituée de Français opposés aux réclamations de souveraineté est une contrainte d'ordre économique imposée à ces propriétaire de journaux. Ce qui montre donc pourquoi les nouvelles liées aux réclamations d'autodétermination des Camerounais n'étaient pas relayées par les journaux qui appartenaient aux hommes d'affaires. La raison, en effet est qu'ils voulaient conserver leur clientèle qui était par ailleurs idéologiquement opposée aux nationalistes qui revendiquaient l'indépendance du pays.

Donc, une autre raison déterminante de la non-publication par les organes de presse des faits d'actualité liés aux réclamations de souveraineté est le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur clientèle d'origine française.

En conclusion, cette section a permis d'analyser les thèmes développés par les journaux dont les promoteurs étaient des hommes d'affaires. Il a ainsi été montré que ces organes de presse étaient destinés de par leur contenu à une clientèle constituée de colons ; ceci est perceptible à travers la prépondérance dans leurs colonnes des thèmes liés à l'actualité politique de la française et aux activités des autorités coloniales. Des thèmes qui n'intéressaient que les Français vivant au Cameroun. L'interprétation qui s'en est suivi indique que si ces publications ignoraient les faits d'actualité liés aux revendications d'indépendance, c'est parce que leurs promoteurs étaient soumis à une contrainte économique, celle de chercher à satisfaire et à conserver une clientèle anti-indépendantiste. Donc, une autre cause de la non-publication par les organes de presse des faits liés aux revendications d'autonomie complète du Cameroun est le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur clientèle.

En somme, ce chapitre a amené à procéder à la confrontation des sources ayant fourni des informations sur l'attitude des autorités coloniales après les dénonciations contenues dans les journaux édités par les nationalistes et à analyser les organes de presse publiés par les hommes d'affaires. Nous avons pu, après confrontation de sources découvrir que les journaux fondés par les nationalistes ont connu de fortes pressions de l'administration coloniale suite à leurs écrits pour dénoncer la présence française dans le pays. Ces pressions sont perceptibles à travers l'interdiction temporaire de La voix du Cameroun par l'administration coloniale entre mai 1950 et janvier 1952 et par la saisie du numéro 33 du journal Kamerun mon pays. Ces pressions ont empêché à ces journaux de publier les nouvelles de l'actualité liées aux revendications indépendantistes. Ce qui nous a indiqué que les pressions des autorités coloniales sur les organes de presse édités par les nationalistes constituent l'une des raisons de la non-publication par les organes de presse des faits liés aux réclamations de l'indépendance. Aussi, dans l'analyse des thèmes développés dans les colonnes des publications éditées par les hommes d'affaires installés au Cameroun, il a été vu que ces opérateurs économiques dans le contenu de leurs support cherchaient à satisfaire une clientèle constituée de colons Français vivant au Cameroun .Ce souci de satisfaire ladite clientèle est perceptible à travers la prépondérance des thèmes liés à la politique française et aux activités des autorités coloniales. L'opposition affichée par cette clientèle aux revendications de l'indépendance a donc indiqué que le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver une clientèle anti-indépendantiste pour leurs journaux constituait une contrainte économique subie par cette catégorie de publications. Les pressions de l'administration sur les journaux fondés par les nationalistes et le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver une clientèle anti-indépendantiste sont donc autant de contraintes subies par les journaux pendant la période de décolonisation. Ces deux types de contraintes montrent ainsi que parmi les raisons déterminantes du silence des organes de presse sur les faits liés aux revendications indépendantistes il y a les pressions de l'administration coloniale sur les publications fondées par les nationalistes et le souci des hommes d'affaire qui éditaient les journaux de satisfaire et de conserver leur clientèle.

En définitive, cette troisième partie centrée sur les analyses et les interprétations des informations présentées dans la deuxième partie devait donc amener à découvrir les causes du silence observé par les journaux sur les faits d'actualité liés aux revendications d'indépendance. Après analyses, confrontations de sources et interprétations, nous avons pu découvrir que, de manière générale, si les organes de presse ne publiaient pas les faits concernant les réclamations d'indépendance c'est à cause de leur soutien aux actions de leurs propriétaires qui étaient anti-indépendantistes notamment l'administration coloniale et les hommes politiques français vivant au Cameroun et aussi en raison de multiples contraintes. Ces contraintes sont liées aux pressions de l'administration coloniale sur les journaux publiés par les nationalistes et au souci des hommes d'affaires qui éditaient les journaux de satisfaire et de conserver leur clientèle anti-indépendantiste.

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