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La problématique de la gestion post conflit au Niger. Analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants Touaregs

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par Abdoul Karim SAIDOU
Université de Ouagadougou (Burkina Faso) - Diplôme d'études approfondies en droit public et science politique 2009
  

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B. Les relations avec les autres institutions

Dans le cadre de l'exécution de la politique de réinsertion des ex-combattants, le HCRP entretient de relations fonctionnelles avec plusieurs institutions et ministères concernés. L'organisation de l'institution sur le modèle des ministères ne donne à celle-ci aucune prééminence sur ces derniers. Elle suggère plutôt des rapports de pure coopération. Mais malgré l'absence de pouvoir hiérarchique sur le plan institutionnel, le HCRP dispose de certains atouts qui lui confèrent un pouvoir d'influence sur les ministères.

Au lendemain des Accords de Paix, les mécanismes interministériels ad hoc mis en place plaçaient le HCRP au coeur du processus de paix. En matière de réinsertion des ex-combattants, le HCRP présidait le Comité Spécial de Paix (CSP) en 1995 et la Commission chargée de l'intégration et de la réinsertion socio-économique des ex-combattants mise en place en 1997. Il était également représenté dans tous les autres mécanismes mis en place à cet effet. A partir de la Flamme de la Paix, ces mécanismes ont disparu.

Le HCRP est resté ainsi la seule institution compétente en matière de suivi de la politique de réinsertion des ex-combattants. Les rapports que l'institution entretient avec les autres ministères portent essentiellement sur le traitement des ex-combattants bénéficiaires de l'intégration. Le HCRP est seul à détenir les données relatives aux Fronts et Mouvements, notamment l'identité des ex-combattants, leur structure d'appartenance, leurs attentes en matière de réinsertion etc.

Ainsi, s'agissant des ex-combattants à réintégrer dans leurs corps d'origine (Société d'Etat, Fonction Publique, etc.), c'est le HCRP qui certifie à travers des correspondances officielles que les concernés sont effectivement ex-combattants et soumet leurs dossiers à l'institution concernée. Il en est de même pour les intégrations où, en fonction des besoins exprimés par les différentes institutions, le HCRP introduit les dossiers de recrutement des ex-combattants. Si le traitement de ces cas s'est passé sans heurt, certaines questions assez complexes ont entraîné des incompréhensions entre le HCRP et certaines structures. Et avec les conflits de compétence ainsi générés, chaque institution déploie ses ressources politiques pour s'affirmer et défendre ses principes.

Plusieurs cas permettent d'illustrer cette réalité. On peut citer celui des « transferts de grades » au sein des Forces de Défense et de Sécurité (FDS). Il s'agit des grades d'officiers ou sous-officiers alloués à chaque structure en fonction de son quota. Et il arrive que ces postes soient vacants en cas, par exemple, de démission ou de révocation du candidat au grade désigné par sa structure et remplissant les critères d'admission.

Dans ces cas, les responsables de la structure concernée sollicitent la médiation du HCRP pour obtenir le transfert du grade en question au profit d'un autre ex-combattant qu'elle aura désigné. Il existe un deuxième type de transfert de grade qui se passe d'un corps à un autre. Par exemple, le transfert d'un grade de lieutenant de la Gendarmerie Nationale au FNIS, ou vice-versa. C'est ainsi qu'en 2007, un ex-combattant de la Milice Arabe devant bénéficier d'un poste d'officier dans la Gendarmerie Nationale « s'est vu refusé cette faveur par suite d'indiscipline lors d'un stage

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de formation d'officier »1. La Milice Arabe avait sollicité que ledit poste, « étant un acquis », soit transféré dans le corps des FNIS au profit d'un autre ex-combattant de la Milice intégré dans ce corps.

Sur ces questions délicates qui dérogent aux normes établies, les ministères concernés résistent en faisant valoir les textes en vigueur. C'est le cas en février 2000, d'un ex-combattant dont le HCRP a demandé l'inscription au Lycée kassai de Niamey. Le Ministère de l'Education Nationale rejeta la demande en faisant valoir que l'intéressé, ayant déjà redoublé une fois, ne peut plus s'inscrire dans un lycée public conformément aux textes en vigueur2.

Souvent, face aux résistances des ministères, le HCRP fait intervenir un de ses atouts majeurs à savoir, son rattachement à la Présidence de la République. C'est ainsi qu'en 2007, deux officiers intégrés l'un dans les FAN et l'autre dans la Gendarmerie Nationale ayant tous les deux écopé de sanctions dans leurs corps respectifs, ont demandé l'intervention du HCRP pour obtenir une «grâce »3. L'institution adressa une « demande de grâce » « à titre humanitaire » directement au Chef de l'Etat. Une telle démarche ne serait certainement pas recevable au Ministère de la Défense Nationale ou à l'Etat-major des FAN.

En réalité, lorsque les problèmes touchent aux FDS, les chances sont toujours minces que le Chef de l'Etat intervienne. Militaire lui-même, le président Mamadou Tandja s'est montré très réticent sur ces questions, et en cela, moins entreprenant que son prédécesseur Ibrahim Baré Mainassara que les ex-combattants regrettent beaucoup d'ailleurs. Il est très difficile pour le Chef de l'État de braver le règlement militaire dans un pays où l'armée continue à jouer un rôle politique important.

Une autre forme d'intervention du HCRP pour les ex-combattants a consisté à plaider en leur faveur pour l'obtention de certaines prestations. Par exemple, à maintes reprises, le HCRP écrit au Ministère du Tourisme pour solliciter la délivrance au profit d'un ex-combattant d'une autorisation de création d'agence de voyage dans la région d'Agadez. C'est le cas aussi des demandes de port d'armes à feu. Suite à la réunion du Comité de Pilotage des 22 et 23 avril 1998, il fut décidé de permettre aux ex-combattants, selon des conditions pré cises4, de porter des armes à feu.A cet effet, le HCRP a introduit toutes les demandes de port d'arme des candidats auprès du Ministère de l'Intérieur.

Ces différentes interventions du HCRP pour régler certaines difficultés nées de la réinsertion s'expliquent par le fait que les autres institutions ignorent dans leur logique la politique de deux poids deux mesures issue des Accords de Paix. Pour utiliser le langage systémique, on dira que ces institutions sont des entités autoréférentielles (N. Luhmann) qui rejettent toute demande étrangère aux normes du système. Pour le Ministère de la Défense par exemple, le cas d'un ex-combattant sanctionné selon les textes en vigueur dans les FAN n'est pas un problème politique, voire une menace pour le processus de paix. Il s'agit plutôt d'un cas d'indiscipline ordinaire qui

1 Ce sont les termes utilisés par le HCRP dans sa lettre adressée au Chef de l'État à cet effet.

2 MEN, Lettre N°0342/MEN/DESG du 9 mars 2000.

3 Le premier relevant de la Gendarmerie Nationale a écopé de « 60 jours d'arrêt de rigueur et 6 mois de mise en non activité » ; le deuxième est sous-officier des FAN et a écopé « de 60 jours d'arrêt de rigueur suivi d'un an de mise en non activité avec effacement au tableau d'avancement».

4 Il s'agit de « trois autorisations de port d'armes par Front, Mouvement ou ComitéCes autorisations seront délivrées par le Ministère de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire à titre provisoire pour une durée d'une année et concerneront uniquement les armes de poing (PA » in HCRP, Procès-verbal du Comité Technique de la réunion préparatoire du Comité de Pilotage, 6 janvier 1998, p. 5.

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doit être traité conformément aux textes en vigueur. Cette réaction institutionnelle contraste avec la logique du HCRP qui se charge de traduire ces problèmes dans un langage politique, condition indispensable pour leur admission dans l'agenda institutionnel.

Une autre illustration est celle de quatre (4) ex-combattants inscrits à l'Université de Niamey. Ces derniers avaient sollicité l'intervention du HCRP afin de s'inscrire à l'Université de Ouagadougou au Burkina Faso en bénéficiant du statut de réfugiés politiques. Le Haut Commissaire adressa une lettre à la Présidence de la dite Université pour introduire leur candidature. Ces étudiants se plaignaient de l'instabilité qui paralyse les années universitaires à Niamey. Il est bien clair qu'une telle demande serait bloquée par les gate keepers (filtres) du « système » du Ministère de l'Enseignement supérieur.

En général, les rapports entre le HCRP et les autres institutions de l'Etat n'ont pas été influencés outre mesure par l'inégalité consacrée par l'organisation institutionnelle. Même si le HCRP, en tant que prolongement de la Présidence de la République, bénéficie d'une autorité supérieure sur certaines institutions, l'expérience a montré que chaque institution déploie des mécanismes de résistances en faisant valoir les textes qui la régissent. L'analyse des relations de pouvoir entre les ex-combattants confirme aussi la capacité des acteurs à résister aux inégalités induites par les institutions.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius