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Peuples autochtones et droit au développement au Cameroun. Cas des pygmées Baka de l'est

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par Marielle KOLOKOSSO
Université catholique d'Afrique Centrale Yaoundé - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2010
  

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V. REVUE DE LITTERATURE

La question des peuples autochtones et de leur développement a fait couler beaucoup d'encre, mais dans le cadre de ce travail, il sera retenu quelques auteurs dont les écrits sont marquants et bénéfiques pour la compréhension de ce sujet.

Dans son ouvrage intitulé Pygmée Baka : le droit à la différence, au quatrième Chapitre, le Pr Sévérin Cécile ABEGA montre que l'Etat a le souci d'intégration des pygmées pour les rendre autonomes et responsables. Cela passe par les trois secteurs que sont l'agriculture, la santé et l'école. L'Etat ne perd pas de vue dans ces actions que les citoyens sont égaux en devoirs et en droits, mais peu de moyens sont dégagés. L'Etat reste donc pour le Baka une présence externe dans la mesure où il n'y reconnait pas sa place. Son rapport à cet organe est dramatique, parfois même violent. A la limite, l'Etat devient un organe parasitaire parce qu'il prend et ne semble pas donner, parce qu'il exige, s'impose, accapare sans retour perceptible12(*).

C'est dire que, malgré les actions que l'Etat entreprend dans le souci d'intégration et de développement des populations autochtones, il demeure toujours un étranger pour elles. Cela donne l'impression que les agents étatiques viennent imposer leur système de vie.

Cette analyse est d'une grande importance pour cette étude parce qu'elle permet de mettre en exergue une des raisons pour lesquelles les pygmées, malgré les actions entreprises pour promouvoir leur développement, se retrouvent toujours comptés parmi les plus pauvres et ne sortent pas de leur vie précaire. Pour pallier cette difficulté, le Pr. ABEGA propose l'instauration du dialogue pour résoudre ce problème. L'auteur ne s'est pas appesanti, mais il est perçu que même entre les pygmées et les autres acteurs du développement, il existe aussi des incompréhensions. Ce qui amène à penser que quelque soit l'acteur engagé dans le processus de développement, c'est au niveau de la mise en oeuvre des Programmes que se situe le problème. Cela présente des axes pour analyser le développement des baka de l'est et propose à cette étude des perspectives pour améliorer les pratiques de développement.

Cet auteur malgré son analyse, n'a pas fait ressortir l'aspect juridique, c'est-à-dire qu'il a présenté les faits sans interroger les textes à propos. Mais, il s'est contenté de l'aspect sociologique, lacune que cette étude se propose de combler.

Dans son article13(*), Gertrude KANA BELLA défend l'idée selon laquelle imposer un mode de vie à l'instar de l'agriculture aux pygmées Baka les contraint à abandonner leurs traditions, en ce qu'elles ont de valable et de précieux. Ainsi, il n'est pas mauvais de vouloir développer et intégrer les Baka, mais cela exige beaucoup de « tact, de respect pour ce peuple, et beaucoup de patience pour chercher avec eux, ce qu'ils pensent être bon pour eux ».

L'article de KANA BELLA promeut la préservation des droits spécifiques des peuples autochtones. Elle montre que les pygmées ne doivent pas subir leurs changements, mais doivent y participer en guidant les acteurs sur leurs choix. Car, comme le précise encore l'auteur, « on ne peut pas inconsidérément faire passer un peuple d'un style de vie à un autre sans risque de le détruire »14(*). Cela voudrait vraisemblablement dire que l'on ne peut pas imposer aux pygmées une vie moderne et citadine, sans courir le risque qu'ils soient complètement détruits.

Toutefois, l'auteur n'a pas poussé son analyse pour démontrer comment les actions entreprises contribuent à la destruction de la culture pygmée, quelles sont ces actions et quel est leur impact dans la vie culturelle des peuples pygmées. De plus, l'auteur prétend adresser son propos aux églises, à ceux qui se sont donné pour mission d'évangéliser les pygmées. Or, ce ne sont pas ces missionnaires qui imposent principalement aux pygmées l'agriculture ou autre mode de vie sédentaire. C'est donc pour cette raison qu'il aurait fallu impliquer les autres acteurs tels que l'Etat et les Organisations Non Gouvernementales, en faisant ressortir leurs responsabilités. Enfin, le titre de l'article parle de « Justice », mais il n'est pas fait mention une seule fois du lien entre la nécessité de respecter les particularités des Baka et la justice.

Cet article s'est contenté de survoler la question des spécificités sans la creuser, mais, il garde néanmoins une grande importance, car l'auteur a côtoyé les pygmées quotidiennement et apporte des conseils sur la manière de contribuer à leur intégration et leur développement. C'est ainsi qu'elle apprend qu'il est important de se munir de patience et de promouvoir le dialogue avec les autochtones dans le processus de leur intégration et de leur développement. Cela permettra de proposer des perspectives satisfaisantes aux acteurs du développement des pygmées baka.

Pour Patrice BIGOMBE LOGO15(*), les pygmées se modernisent petit à petit, tant sur les plans social et politique, que culturel et économique, et leur vie oscille aujourd'hui entre la tradition et la modernité. Cette adoption de nouveaux modes de vie qui cohabitent avec les modes de vie traditionnels a été favorisée par le processus de sédentarisation amorcé vers la fin du XIXe siècle, ainsi que par le développement des relations avec le monde extérieur. Ainsi pour l'Etat camerounais, l'accès au développement et à la modernisation passe obligatoirement par la sédentarisation des populations pygmées.

Toutefois, l'auteur affirme que « le trouble a gagné les sociétés pygmées plus que jamais obligées de s'ajuster aux exigences de la modernité »16(*). C'est dire que, cette modernité que l'on croit bénéfique pour les pygmées contribue fortement à les déstabiliser. La problématique de la préservation de l'identité ressort ici. Car, le développement propre aux peuples autochtones implique que l'on change leurs modes de vie, tout en préservant leur identité.

A ce problème, l'auteur propose une solution. En effet, il suggère aux pygmées de reprendre l'essentiel de leurs structures traditionnelles dans les formes modernes, afin de pouvoir conserver leur identité. Mais, s'ils choisissent en revanche de se sédentariser et de pratiquer l'agriculture en se coupant totalement de leur éco-culture, qu'ils le veuillent ou non, ils perdront leur identité culturelle. Car, comme le défend E. DOUNIAS et A. FROMENT dans une étude réalisée sur la sédentarisation des pygmées17(*), cette dernière engendre un certain nombre de conséquences néfastes pour ces populations habituées au nomadisme. Elle compromet leur état de santé en favorisant la propagation d'agents pathogènes et en les exposant à de nouvelles maladies, elle cause de nouveaux troubles sociaux tels que l'alcoolisme, le tabagisme, le stress, la dépression et le SIDA.

Cette étude présente les inconvénients de la sédentarisation et du développement des pygmées, mais ne donne pas des pistes de solutions pour réussir à assurer le développement des pygmées, tout en préservant leurs spécificités et en évitant de les sédentariser. Car la transformation des modes de vie des pygmées « demeure incontournable et peut être nécessaire pour la survie des pygmées »18(*). Il ne faudrait pas penser un temps soit peu à ne pas développer les pygmées mais, il faudrait plutôt trouver des stratégies pour y arriver sans les compromettre. Et cela passe au préalable par une analyse minutieuse de leurs droits.

Pour ne pas perdre leur identité, Michael SINGLETON défend qu'il convient de réserver aux pygmées le droit de décider de leur avenir. Il affirme à cet effet que « Ce que les pygmées vont devenir dépend à la fois de ce qu'ils seront en mesure de décider eux-mêmes et de ce que les systèmes d'autres acteurs sociaux leur permettront de déterminer (...) Il est peu probable, et même à la limite, peu souhaitable, qu'ils se maintiennent tels qu'ils sont devenus aujourd'hui. Même si on arrivait à préserver la forêt et à faire d'eux les gestionnaires attitrés de celle-ci, de quel droit pourrait-on les empêcher de s'approprier, par exemple, un outillage performant si tel est le désir manifeste de certains ? (...) On ne sauvegarde pas des peuples comme on préserve des monuments. On peut classer des bâtiments ; pas des cultures. »19(*)

Ainsi, les pygmées doivent donner leur point de vue sur ce qui constitue pour eux les priorités en matière de développement. C'est à eux de décider des aspects que doivent toucher les changements de leurs modes de vie. Par ailleurs, l'auteur met en exergue le rôle des acteurs sociaux. Ces derniers ont le devoir d'agir comme appui des pygmées dans la détermination de leurs changements. Il est bien à préciser qu'en aucun cas, les acteurs sociaux n'ont à décider à la place des pygmées. Ils doivent plutôt les aider dans leurs choix et les accompagner dans la mise en oeuvre de ceux-ci.

Cela suggère que dans le souci d'éviter les écarts et les abus, il convient de déterminer des principes auxquels devraient se conformer toutes les stratégies de développement mises en place par les acteurs sociaux au profit des peuples autochtones. Ces principes seront mis en exergue par l'analyse des instruments relatifs au droit au développement et aux droits des peuples autochtones, que cette étude se propose de mener.

Le Professeur Sévérin Cécile ABEGA20(*) précise que, en dehors des initiatives engagées au lendemain de l'indépendance à travers le projet d'appui à l'intégration socio-économique des Pygmées et celles plus récentes du programme national de développement participatif et du programme sectoriel forêts-environnement, des cadeaux offerts lors des fêtes nationales et de fin d'année et des visites conjoncturelles du CERAC21(*) et de Synergies Africaines22(*), aucun programme ni projet de développement n'a été initié par le Gouvernement en faveur des pygmées. Les déclarations d'intention sont nombreuses et généreuses, l'auto congratulation des responsables administratifs incessante et redondante, mais, l'on ne voit pas ces prises de position vertueuses prendre la forme de réalisations concrètes. C'est montrer à quel point la question de la protection des peuples autochtones est de plus en plus préoccupante au Cameroun. Car, ces faits établissent clairement qu'il n'existe aucune politique publique spécifique pour le développement des Pygmées au Cameroun. Plutôt, la protection passe par des actions ponctuelles.

Ces éclaircissements prodigués par S.C. ABEGA sont d'un apport considérable pour ce travail, car ceux-ci décrivent succinctement comment est organisée la protection des peuples autochtones au Cameroun et la place qui est réservée au développement. Ainsi, l'on peut supposer que c'est ce déficit de politique publique spécifique aux peuples pygmées qui cause une réelle entorse à la mise en oeuvre des programmes de développement au Cameroun. Car, celle-ci est effectuée de manière ponctuelle et à « l'aveuglette », sans véritables principes qui la sous tendent.

* 12 S. C. ABEGA, Pygmées baka : le droit à la différence, Yaoundé : Ed. INADES Formation Cameroun, 1988, p.72

* 13 G. KANA BELLA, « justice pour le peuple BAKA du Cameroun », in Telema, n°82, avril-juin 1995, pp 79-83 

* 14 Idem, p 80

* 15 P. BIGOMBE LOGO, « Cameroun : pygmées, Etat et développement. L'incontournable ajustement à la modernité », in L'Afrique politique, 1998, pp. 225-270.

* 16 Idem, p. 267.

* 17 E. DOUNIAS, A. FROMENT, « Lorsque les chasseurs-cueilleurs deviennent sédentaires : les conséquences pour le régime alimentaire et la santé », in Unasylva 224, vol. 57, 2006, pp.26-33.

* 18 P. BIGOMBE LOGO, « Cameroun : pygmées, Etat et développement. L'incontournable ajustement à la modernité », in L'Afrique politique, op.cit, p.268.

* 19 M. SINGLETON, « Identité culturelle », in Vivant Univers, pp. 35-36

* 20 S.C. ABEGA, « Marginaux ou marginalisés ? le cas des Pygmées Baka » in La marginalisation des pygmées d'Afrique centrale, AFREDIT, 30 septembre 2006, 275p.

* 21 Le CERAC est le Cercle des amis du Cameroun. C'est une association qui regroupe les épouses des membres du Gouvernement, des Ambassadeurs et des personnalités de la République. Elle est présidée par Mme Chantal BIYA. Elle a assisté les populations Baka dans l'établissement des cartes nationales d'identité à la veille de l'élection présidentielle du 11 octobre 2004.

* 22 L'association Synergies Africaines contre les souffrances et les maladies oeuvre pour le développement des populations vulnérables. Elle offre régulièrement des dons aux populations Baka de la province de l'Est.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille