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La protection de la santé comme limite à  la liberté d'entreprendre

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par Thomas BERTRAND
Université Montesquieu Bordeaux 4 - Master 2 droit de la coopération économique et des affaires internationales 2012
  

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SECOND CHAPITRE
LA LIMITATION DU COMMERCE DE BIENS DANS LE CONTEXTE DE LA
LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES :
L'EXEMPLE DES PRODUITS DESTINÉS À LA SANTÉ DES PERSONNES

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Le marché intérieur, mis en oeuvre par la libre circulation des marchandises, est, au même titre qu'un acquis social pour un salarié, un acquis économique pour une entreprise ou un professionnel. La libre circulation est devenue la référence, le principe fondamental en matière de commerce de biens au sein du marché intérieur. De ce constat, sans pour autant confondre liberté d'entreprendre et libre circulation des marchandises, toute atteinte à la libre circulation est susceptible de constituer une limite au libre exercice d'une activité économique, composante de la liberté d'entreprendre. Ainsi, lorsqu'un Etat prend une mesure protectrice de la santé ayant pour effet de restreindre la libre circulation des marchandises, il limite le champ spatial d'application de la liberté d'entreprendre des acteurs économiques.

Par ailleurs, si l'harmonisation communautaire de certains secteurs économiques impose entre autres des contraintes normatives aux entreprises dans l'exercice de leurs activités économiques, elle permet, in fine, de faciliter la libre circulation des marchandises. En effet, les normes contraignantes deviennent les mêmes d'un Etat membre à l'autre, et même si l'adaptation des entreprises à ces normes peut rendre plus difficile dans un premier temps l'exercice de leurs activités économiques, elles facilitent dans un second temps l'extension du champ spatial de leurs activités dans toute l'Union européenne. Ainsi, les entreprises n'auront plus à se soucier d'adapter leurs normes en fonction de l'Etat dans lequel elles exportent.

Nous verrons donc en premier lieu que la libre circulation des marchandises a pu être restreinte par des exigences de protection de la santé qui vont ainsi limiter la liberté d'entreprendre des acteurs économiques (section 1). En second lieu, nous verrons que les règlementations issues de procédés d'harmonisations communautaires encadrant le commerce de biens de santé destinés à l'homme imposent des contraintes aux acteurs économiques ayant pour effet de limiter leur liberté d'entreprendre (section 2).

Nota bene. Nous ne traiterons pas, avec regrets, des importations parallèles de médicaments et des règles spécifiques applicables aux autorisations de mise sur le marché de médicaments génériques, la démonstration en deviendrait trop longue.

Section 1. La protection de la santé comme motif effectif de dérogation à la libre circulation des marchandises

Comme nous le disions précédemment, l'Union européenne interdit les mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives à l'importation et à l'exportation de marchandises.220 Cette notion de mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives a été définie par la jurisprudence de la Cour de Justice, il s'agit de « toute réglementation commerciale des Etats membres susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intracommunautaire. »221 La Cour précisera que cette entrave peut résulter d'une action ou d'une inaction d'un Etat.222

Cette règle a toutefois été assouplie par la jurisprudence Cassis de Dijon de la Cour de Justice223 ainsi que par l'article 36 TFUE et l'application du principe de précaution. Ainsi, les Etats membres, sous certaines conditions, ont la possibilité d'édicter des mesures dérogeant au principe de libre circulation des marchandises. De plus, ces mesures peuvent porter sur un objectif de protection de la santé. Nous verrons ainsi quels sont les fondements jurisprudentiels et textuels de ces dérogations (I) et nous en donnerons quelque illustrations en nous référant à la jurisprudence de la Cour de Justice (II).

I - Les fondements des dérogations générales à l'interdiction de mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives

D'une part, nous évoquerons les exigences impératives d'intérêt général (A) et d'autre part, nous évoquerons les dérogations issues de l'article 36 TFUE et le principe de précaution(B).

A - Les exigences impératives d'intérêt général issues de la jurisprudence de la Cour de Justice

Dans sa jurisprudence Cassis de Dijon, la Cour de Justice énonce qu'en l'absence de réglementation commune sur la commercialisation et la production d'un bien, chaque Etat membre est compétent pour réglementer ces éléments sur son territoire. La Cour précise que le champ d'application d'une telle réglementation ne peut être étendu des produits nationaux

220 Cf. supra : Prolégomènes, section 1, IV, B.

221 CJCE, 11 juillet, 1974, Dassonville

222 CJCE, 9 décembre 1997, Commission c/ France [« Guerre des fraises »]

223 CJCE, 20 février 1979, Rewe c/ Bundesmonopolverwaltung für Branntwein [Cassis de Dijon]

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aux produits importés d'autres Etats membres qu'en considération d'une exigence impérative d'intérêt général tenant notamment à l'efficacité des contrôles fiscaux, la protection de la santé publique, la loyauté des transactions commerciales et la défense des consommateurs. A défaut d'une exigence impérative, tout produit ou toute marchandise légalement produit et commercialisé dans un Etat membre doit pouvoir être introduit dans tout autre Etat membre ; c'est le principe de reconnaissance mutuelle. Derrière ce principe, l'idée sous-jacente est la confiance mutuelle entre Etats membres : à partir du moment où un produit est légalement commercialisé dans un Etat membre (il a donc passé les contrôles), il ne peut pas faire l'objet d'un autre contrôle dans un autre Etat membre. Avec ce principe, on présume que toutes les normes et contrôles ayant lieu dans l'Union européenne sont équivalents. C'est une révolution car il ne serait plus nécessaire d'établir de règlementations communes dans ce contexte.

Ainsi, au nom de la protection de la santé, les Etats membres peuvent individuellement restreindre la libre circulation des marchandises en imposant leurs règlementations nationales aux entreprises des Etats tiers, relativisant ainsi leur liberté d'entreprendre. A titre d'illustration, prenons comme exemple une entreprise qui commercialise des produits dans un Etat en respectant la réglementation nationale. Si cette entreprise, au nom de sa liberté d'entreprendre et de la libre circulation des marchandises, souhaite exporter ses produits vers un autre Etat membre mais que ce dernier pratique une réglementation plus contraignante, elle devra s'y soumettre. Le respect d'une réglementation différente de celle de son Etat d'origine peut avoir des conséquences économiques si lourdes pour l'entreprise qu'elle pourrait renoncer à exporter ses produits ; ce qui, dans le cadre du marché intérieur et donc de la libre circulation des marchandises, limite l'exercice de son activité économique. Il faut bien garder à l'esprit que dans le cadre du marché intérieur, la libre circulation est aujourd'hui le principe et l'invocation d`exigences impératives l'exception.

Quelles sont les conditions pour que les Etats puissent invoquer les exigences impératives ? Tout d'abord, l'Etat doit apporter la preuve que sa réglementation poursuit un objectif légitime (comme par exemple la protection de la santé) et qu'il y a un défaut d'harmonisation communautaire complète.

Ensuite, il faut que la mesure soit indistinctement applicable aux produits nationaux et aux produits importés (interdiction des discriminations).

Enfin, il faut que la mesure respecte le principe de proportionnalité, qui se caractérise par trois éléments. Premièrement, la nécessité : il faut qu'il y ait une relation étroite de cause à effet

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entre la réglementation protectrice et l'intérêt général que l'Etat veut protéger. Deuxièmement, la proportionnalité au sens strict : les atteintes à la libre circulation ne doivent pas être excessives. Troisièmement, la substitution ou entrave minimale : une mesure nationale doit toujours être la moins nocive possible pour atteindre la protection recherchée.

En complément des exigences impératives, le Traité apporte un deuxième fondement aux dérogations à l'interdiction des mesures d'effet équivalant.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote