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Le texte promotionnel culturel

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par David LEGOUPIL
Université Paris V René Descartes - Master pro 2 expertise en sémiologie et communication 2007
  

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2. Un stagiaire qui doit s'approprier un genre et un savoir-faire rédactionnel

Pour Jean-Michel Adam, tout genre est prescriptif dans le sens où «le locuteur [...] reçoit outre les formes prescriptives de la langue commune, les formes non-moins prescriptives de l'énoncé, c'est-à-dire les genres du discours.» [...] Les genres du discours, comparés aux formes de la langue, sont beaucoup plus changeantes, souples, mais pour l'individu parlant, ils n'en ont pas moins une valeur normative: ils lui sont donnés, ce n'est pas lui qui les crée. C'est pourquoi l'énoncé dans sa singularité, en dépit de son individualité et de sa créativité, ne saurait être considéré comme une combinaison absolument libre des formes de langue»12(*). Ainsi, le genre pratiqué dans les plaquettes de l'ODC m'a été « donné » et c'est à l'intérieur de ce cadre que j'ai pu « créer » mes textes. A l'ODC, ce cadre, cette prescription générique, cette norme n'est pas définie et aucun conseil ne m'a été donné. La seule règle, explicitée par Pierrick suite à une de mes questions, étant celle du nombre de signes impartis, identique à celui de la Saison précédente : un maximum de 1500 signes pour le « tout public », de 750 pour le « jeune public ». Ainsi c'est intuitivement et surtout par imprégnation (en lisant et relisant avant et pendant la phase de rédaction les textes des Saisons antérieures et principalement ceux de 2006-07) que j'ai assimilé les formes prescriptives du genre. Alors, comme tout rédacteur se saisissant d'un genre, j'ai été pris, comme l'écrit encore Jean-Michel Adam, entre deux principes [qui] prévalent dans le rapport entre texte singulier et genre: un « principe centripète d'identité (vers le passé, la répétition, la reproduction et gouverné par des règles) » et « un principe centrifuge de différence (vers le futur, l'innovation et le déplacement ou la variation des règles) »13(*).

Replongeant, avec le recul, dans le laboratoire de l'écriture, je me limiterai, sans gloser davantage cet équilibre entre répétition et innovation, modèle et originalité, ( équilibre « classique », puisque ce fut, notamment, l'une des questions centrales, en littérature, à partir de la Renaissance) à quelques remarques techniques au sujet de l'évolution de mon travail rédactionnel qui m'a occupé environ deux mois.

Du point de vue de la préparation, j'ai pu remarquer, au fil des jours, que les notes manuscrites prises consciencieusement à partir de dossiers de presse étaient de moins en moins nombreuses ; que les éléments importants, d'abord surlignés, ne l'étaient ensuite plus nécessairement et que, finalement, ces notes, que j'ai pourtant continuées de prendre jusqu'à la fin de mon travail rédactionnel, étaient à peine relues. A ceci, deux explications : d'abord, le fait que l'exercice ayant un caractère répétitif, l'expérience et la confiance afférente s'acquièrent très rapidement et que l'assurance que prodigue les sources (en plus de leur intérêt objectif de base informative), auxquelles on se raccroche au tout début, laisse vite la place à une compréhension générale du sujet, au repérage intuitif de ses faits saillants (thème principal, personnages, événements) et de la tonalité du spectacle (festif, comique, absurde, poétique, « social », etc.). Ensuite, le fait que, dans mon cas ( contrairement aux autres rédacteurs qui devaient conjointement assurer leurs missions de programmateurs ou de directeurs), l'écriture suive immédiatement la lecture du dossier de presse et sa prise de notes, l'a grandement facilitée comme si elle en découlait, naturellement, par imprégnation.

Il est intéressant de noter que le même phénomène ou plutôt la même « technique intuitive » (même si ces deux mots paraissent antithétiques) a opéré également lorsque mon travail préparatoire ne s'est pas seulement appuyé sur une source papier mais a consisté en une interview. En effet, par une après-midi de printemps ensoleillée, j'ai joué avec plaisir à l'apprenti reporter en rendant visite au sculpteur Fabienne Hanteville, chez elle, à l'atelier (une jolie longère percheronne). Autour des oeuvres (puis d'un café...), nous avons conversé avec Fabienne (que j'avais précédemment rencontrée et ... tutoyée au bout d'un quart d'heure) et j'ai pris quelques notes pour, finalement, là encore, ne presque rien garder de ce qui avait été dit, sinon une anecdote qui m'a servi de point de départ (un jour, artiste fauchée, elle a ramené du sud de la France jusqu'en en région parisienne un bloc de marbre ... dans son sac à dos - annexe n° 19) et les traits marquants de sa personnalité, qu'un dossier de presse ne m'aurait certainement pas permis de connaître (très grande simplicité, timidité, moments de découragements et volonté farouche de continuer à créer en dépit des difficultés matérielles).

Ainsi, on pourrait recourir, au sujet de la préparation de ces textes, aux images de l'entonnoir ou du tamis. Un somme parfois conséquente d'informations « se dépose » sur le bloc-notes (souvent sous la forme de syntagmes nominaux) - ou est simplement captée par la conscience, avant qu'un tri, plus ou moins intuitif, ne se fasse et ne la réduise à quelques détails qui vont servir de squelette au texte.

Du point de vue de l'écriture, la contrainte, sous la forme d'un nombre de signes donnés ( que j'ai d'abord, écrivant à la main, comptés sur les doigts avant d'écrire directement sur Word et d'en découvrir le programme «statistique»...), s'est avérée un exercice de style intellectuellement stimulant et ludique. Ce mode d'écriture, auquel le master prépare bien car se situant dans le droit fil des ateliers d'H. Le Tellier, est à la fois une règle du jeu et une «ascèse». Une gageure, certes sympathique à relever, mais qui permet aussi, parce que produisant des textes allant à l'essentiel, une communication plus impactante.

Toutefois, la rédaction n'a pas toujours était aussi facile que ce que les lignes qui précèdent laissent entendre. Ainsi des variations de rythme et de « productivité » ont marqué cette courte expérience ; d'abord en raison de la densité ou de la pauvreté du matériau, qu'il s'agisse de la manifestation en elle-même (certains spectacles, à l'argument assez creux, inspirent peu) ou de son dossier de presse, composé parfois d'un unique article extrait de la presse régionale qui permet difficilement de se faire son idée ou, au contraire, d'une documentation fournie de plusieurs dizaines de pages, parfois très riches voire érudites et qui nécessitent donc un important temps de lecture. Mais ces variations de rythme et de « productivité » ont aussi parfois été fonction d'une certaine inhibition du rédacteur face à son sujet ou, au contraire, d'une forme de décontraction. On pourrait dans mon cas parler de « la lenteur de la pierre » lorsqu'il m'a fallu écrire sur le sculpteur à envergure internationale Denis Monfleur (au moins 10 jours, sans n'être certes pressé par aucune autre tâche à ce moment-là - annexe n° 18) et de « l'enthousiasme  du jeune public » puisqu'il m'est arrivé de composer 3 voire 4 textes en une journée.

Ces variations psychologiques, bien connues, se manifestant par des blocages (la fameuse hantise de la page blanche) ou au contraire par des phases d'écriture euphorique, s'expliquent, à mon avis, principalement par l'importance que l'on accorde à la manifestation culturelle que l'on a la charge de promouvoir et par la prise en compte du destinataire, ce qui ne préjuge en rien de la qualité du texte. L'exposition de Denis Monfleur au château de Carrouges étant prestigieuse, le public visé étant plutôt élitiste ou du moins averti, j'ai certainement émotionnellement surinvesti l'écriture de ce texte dont j'ai rédigé plusieurs versions, toutes soumises à Madame Gasnier. Doutant de chaque détail mais me complaisant paradoxalement aussi du résultat, j'ai relu ces deux textes pendant toute la durée mon stage, en ne cessant de modifier un mot ou une virgule ! A l'inverse, certains textes jeune public ont été écrits en toute spontanéité et m'ont immédiatement satisfaits.

Terminons ce rapide parcours sur « mon petit laboratoire interne d'écriture» par une remarque sur l'usage du stylo et du clavier. La rédaction, dans son évolution, a suivi un mouvement similaire au travail de préparation. Si, en début de stage, j'ai écrit, à la main, une version intégrale et biffée de mes textes avant de les saisir, je suis ensuite passé (assez rapidement) à une rédaction directe sur Word, n'utilisant en général le stylo que pour l'amorce (phrase initiale) ou le réutilisant, en cours de rédaction, pour faire sauter des résistances et ce (sans que je me l'explique) presque toujours avec un effet bénéfique immédiat.

* 12 ADAM Jean-Michel, 1999 : Linguistique textuelle, Des genres de discours aux textes, Paris, Nathan université.

* 13 Idem

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore