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Le texte promotionnel culturel

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par David LEGOUPIL
Université Paris V René Descartes - Master pro 2 expertise en sémiologie et communication 2007
  

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1. Variété des énonciateurs et des domaines artistiques: des ethos différents

Habituellement, à l'ODC chaque programmateur est aussi le rédacteur des textes faisant la promotion des manifestations qu'il choisit. Ces manifestations sont très variées, l'ODC étant un organisme culturel généraliste devant, autant que possible, proposer pour le département des événements couvrant tout le champ des aspects culturels. Les spectacles sont «mis en texte» (pour reprendre l'expression de Sophie Moirand5(*)) avec des ethos spécifiques qui dépendent à la fois de la «position» qu'occupe le programmateur et des domaines artistiques concernés.

Ici la question de l'énonciation est prépondérante. En effet, «selon ma place, mon statut, le lieu, l'interlocuteur, je ne m'exprime pas de la même façon6(*)». Celui qui écrit (plus encore, sans doute, que celui qui «dit» dans une conversation courante, parce que le scripteur a la possibilité de peser ses mots, de se corriger, bref, de livrer une version «lisse», maîtrisée de son propos) donne de lui, à travers son discours, une image spécifique et cherche, par son texte, à valoriser sa « face positive ». Cette mise en scène de soi correspond, selon Dominique Mainguenau (reprenant la « théorie des faces » de P. Brown, S. Levinson et E. Goffman), à la «façade sociale»7(*) du locuteur, c'est-à-dire à l'image valorisante qu'il s'efforce de présenter à l'extérieur.

Les programmateurs-rédacteurs de l'ODC ont des âges, des parcours, des motivations qui diffèrent mais qui établissent des profils d'énonciateurs que je vais essayer de présenter rapidement, tout en ayant bien conscience de la très grande subjectivité de l'exercice et de son caractère assez peu universitaire8(*). Pour éviter une trop grande dérive, nous choisissons de travailler ici encore sous l'égide de Sophie Moirand pour qui les énoncés découlent du «langage intérieur» du scripteur qui les produit, langage intérieur nourri par une « norme », en grande partie subjective et non-conscientisée, variable selon la culture et le vécu du scripteur9(*).

Ainsi, même si les textes de la plaquette sont rarement signés, Martine Gasnier, lorsqu'elle promeut une exposition d'art contemporain ou un concert de musique classique, «parle» en tant que directrice et garante de l'institution, en tant aussi que Docteur en histoire du Droit. De ce fait, le registre de langue qu'elle utilise tend vers un certain académisme, un certain maintien qui n'exclut ni l'humour ni la profondeur et trouve un équilibre entre recherche stylistique et simplicité. De plus, les domaines artistiques dont elle a la charge (qui induisent évidemment des «lieux» - un type de salle avec un public qui adopte un comportement adapté, «normé», à l'endroit et à la manifestation) requièrent traditionnellement, d'un côté, un registre sérieux (la musique classique au Château de Carrouges), de l'autre, un registre intellectuel et analytique (l'art contemporain), registres qui ne sont jamais convoqués par Martine Gasnier sans le souci constant de s'adresser au plus grand nombre.

Vincent Roche qui s'occupe de la chanson, du théâtre et des danses urbaines adopte un style plus direct, un niveau de langue (vocabulaire, références et structures de phrases) sans doute moins littéraire, avec une volonté de très grande proximité avec son lecteur qu'il considère toujours comme un spectateur. Cet ethos s'explique par la nature des domaines dont il est responsable (plus populaires et moins élitistes) mais aussi par sa position: à 26 ans, il est le plus jeune des programmateurs et a été précisément engagé dans une volonté de modernisation de l'ODC, tant en ce qui concerne la programmation elle-même que sa communication. De plus, il est aussi «homme de terrain», étant, par exemple, très présent dans les salles aux côtés des intermittents pendant Le Printemps de la chanson qu'il organise.

Enfin Jacques Lécuyer, dont le style allie notamment la simplicité et le sens de la formule, l'humour et le sens du détail, «parle» en tant que professeur de Lettres, spécialiste du théâtre (il est dans ce domaine le programmateur des villes de Domfront et de L'Aigle) et en qualité de programmateur fin connaisseur du «jeune public». J'ajouterais (mais est-ce un trait significatif pour définir son ethos ?) que Jacques était étudiant (en province) en mai 68.

Trois ethos différents, donc, auxquels s'est ajouté le mien dont, indirectement, j'ai commencé à brosser le contour: celui d'un stagiaire, par nature en quête de reconnaissance et désirant faire ses preuves et qui, plus spécialement, compte tenu notamment de son parcours universitaire et professionnel, entretient avec l'écrit un rapport chargé d'affects et tend même (bien que le mot soit un peut fort) à le sacraliser.

Notons que ces ethos sont, comme on l'a annoncé, plastiques, adaptables car fortement influencés par le domaine artistique sur lequel porte le discours. Dominique Maingueneau, dans ses commentaires sur l'ethos du Guide du routard10(*) remarque que les textes y adoptent un style qui ressortit à la fois à l'écrit et à l'oral avec certaines interventions du locuteur qui semblent « parlées ». Selon lui, cette forme non-pédante, cette « scénographie » de la décontraction se justifie par le lectorat du Guide du routard, composé de voyageurs relativement peu fortunés, jeunes, curieux et itinérants ou qui, plus âgés et vivant plus confortablement, souhaitent continuer de voyager comme ils le faisaient auparavant. Dominique Mainguenau analyse cependant que la contrainte imposée par le nom de catégorie, «guide», pousse aussi le locuteur à « respecter le contrat générique, à élaborer des textes informatifs »11(*). De là un compromis instable, entre les attentes informatives et didactiques que suppose un guide et le rejet des « formes trop voyantes de didacticité ».

Les textes de l'ODC sont eux aussi soumis à ce genre de tensions, entre exigence d'informations, didacticité et volonté de capter l'attention du destinataire. Ainsi les textes « jeune public » que j'ai rédigés, même s'ils ne s'adressent pas en premier lieu aux enfants mais à leurs parents ou éducateurs, vont, tout en informant, chercher à susciter un désir en adoptant souvent un ethos décontracté, familier, comme s'il s'adressait aux enfants eux-mêmes, parfois sur le mode d'une histoire que l'on raconte. De même, l'ethos décontracté, décrit par Dominique Mainguenau, se retrouve dans certains textes écrits par Vincent pour promouvoir des concerts de rock ou de chansons françaises souhaitant ainsi se conformer aux attentes, manières d'être et de parler supposées du public se rendant à ce type de manifestation. A l'inverse, le texte que j'ai écrit sur l'exposition du sculpteur contemporain Denis Monfleur, inspiré notamment par les analyses du critique d'art de Télérama Olivier Céna, multiplie les signes d'érudition, de conceptualisation, de « didacticité » et ne cherche pas à rendre populaire une exposition que, de fait, mon texte (de manière plus ou moins bien assumée) semble destiner à un public averti. La démarche est autre lorsque Martine ou Jacques endossent pour des expositions, des concerts de musique classique ou des pièces du répertoire, un ethos plus pédagogue ou ludique afin d'amener un public large vers des événements culturels réputés exigeants.

* 5 MOIRAND Sophie, 1990, Une grammaire des textes et des dialogues, Paris, Hachette.

* 6 Idem.

* 7 MAINGUENEAU Dominique, 2005, Analyser les textes de communication, coll. Lettres Sup., Paris, Armand Colin, p. 24.

* 8 L'intention ici n'est pas dans la démonstration. Il s'agit de poser quelques premiers jalons sur la question de l'énonciation. Les ethos se dégageront, je crois, plus clairement, à travers l'étude précise des textes.

* 9 MOIRAND Sophie, 1990, «Se mettre dans son texte: les évaluations des critiques de presse», chapitre 4 d'Une grammaire des textes et des dialogues, Paris, Hachette.

* 10 MAIGUENEAU (2005). Op. cit.

* 11 Idem, p. 200.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote