WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le texte promotionnel culturel

( Télécharger le fichier original )
par David LEGOUPIL
Université Paris V René Descartes - Master pro 2 expertise en sémiologie et communication 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

13. Quand la comparaison s'appuie sur un effet de dévalorisation

Dans les deux cas précités, l'éloge passe par une comparaison qui est à la fois gratifiante pour l'artiste promu et dévalorisante (implicitement dans le premier cas, explicitement dans le second) pour les artistes à qui on les compare. Ainsi il est intéressant de noter que le compliment formulé soit par un superlatif relatif (« Une des comédiennes les plus douées de sa génération ») soit par une comparaison-référence méliorative (« Il y a du Brassens. Du Fersen. ») est renforcé par un jugement plus ou moins vindicatif à l'encontre des membres de ce que Sophie Moirand appelle les « sous-catégories »65(*), ici celles des comédiennes d'expérience et des jeunes auteurs-compositeurs. Cette « négativité » dans le jugement ( au service, certes, d'une évaluation qui se veut prioritairement positive) tire ces deux TPC de Vincent du côté de la critique puisqu'elle témoigne d'une certaine liberté de ton qui semblent les affranchir de leur vocation promotionnelle. Notons, cependant, que l'allusion, plus ou moins acerbe, n'est pas nominale, contrairement à ce qu'elle pourrait être dans une critique journalistique et que la publicité recourt également, en France, à ce type de jugement négatif vis-à-vis d'un concurrence toujours laissée, réglementation oblige, dans l'indétermination et l'anonymat.

14. Evaluatif comparatif et « univers partagé »

On trouve dans les textes de Vincent d'autres évaluatifs de comparaison qui situent l'artiste promu dans l' « univers partagé » du rédacteur et du lecteur.

« C'est un immense plaisir d'accueillir cette année l'un des plus grands pianistes du tango argentin : Juan Carlos Caceres » (Vincent, Juan Carlos Caceres, t. p., p. 15)

« Flavio Boltro est sans conteste l'un des plus grands trompettistes européens actuels. » (Vincent, Flavio Boltro & Frank Woeste, t. p., p. 12)

Il s'agit encore de superlatifs relatifs qui expriment un point de vue positif par rapport à une catégorie artistique (celle des pianistes de tango et celle des trompettistes européens de jazz), cette fois, sans être doublés par un jugement explicitement négatif à l'encontre des autres membres de la catégorie.

Cette technique combine deux types d' « arguments » si on l'analyse au moyen de la classification de Philippe Breton66(*) : d'abord, l'argument dit de « cadrage » avec à la fois la « définition-présentation » d'une catégorie artistique et la « dissociation », l'artiste promu étant extrait de l'ensemble ; ensuite, l' « argument d'autorité » puisque cette dissociation s'opère dans le sens d'une hiérarchisation qui suppose un jugement émanant d'un locuteur qui tire sa légitimité de sa « compétence ».67(*)

Sous la plume de Jacques, l'évaluatif de comparaison insiste sur le caractère consensuel de la réception du spectacle. Pour cela, il recourt à un comparatif d'égalité et manie l'implicite :

« [Neapolis Ensemble] obtient toujours de grands succès aussi bien auprès du public que de la critique ». (Jacques, Neapolis ensemble, t. p., p. 14)

Ainsi l'ensemble vocal italien est présenté comme susceptible de plaire au grand public (supposé indifférent aux jugements de la critique culturelle journalistique) comme au spectateur plus averti (qui, lui, suivrait son avis).

La comparaison dans les TPC peut évidemment être construite sans le recours à une tournure comparative graduable (comparatif de supériorité, d'infériorité ou d'égalité). Le rapprochement entre deux artistes, deux spectacles, deux catégories ou sous-catégories esthétiques, peut être réalisé sur le mode de l'allusion à un artiste-référence ou par une simple comparaison:

« Le cuivre conquérant de cet italien de Paris fait des étincelles dans une esthétique « Miles Davis » sous vitamines C. » (Vincent, Flavio Boltro & Franck Woeste, t. p., p. 12)

« Les frères Léon, comme les petits héros de la série anglaise L'autobus à impériale (so seventies !), ont cette chance. » (David, L'araignée du soir, j. p., annexe n° 10)

« Agnès Limbos, extraordinaire comédienne souvent comparée à Raymond Devos pour son goût des mots et de l'absurde, adapte très librement la figure du Vilain petit canard chère à Andersen » (David, Dégage, petit ! j. p., annexe n°3)

Dans la première de ces trois citations, les guillemets semblent utilisées pour justifier la licence de l'emploi adjectivé du nom propre Miles Davis, servant ici à caractériser l' « esthétique » de Flavio Boltro. Ainsi « Miles Davis » n'est plus seulement un musicien mais un genre, une catégorie du jazz. De manière plus classique, les deux autres comparaisons usent d'un outil établissant le lien entre le comparé et le comparant . La préposition « comme » ou la tournure adjectivale « comparée à » permet, tout à la fois, d'introduire une comparaison qui décrit le spectacle ou l'artiste dont il est question (univers de l'absurde et jeux de mots pour Limbos / Devos, gamins intrépides et bric-à-brac favorisant l'imaginaire pour Les Frères Léon / L'autobus à impériale) et, dans le même temps, valorise ce spectacle ou cet artiste, si l'on suppose acquis l' « univers partagé » entre le rédacteur et le lecteur. Cet « univers partagé » est affaire de connaissance mais aussi de goût. La stratégie comporte donc un risque. En l'occurrence, si le rapprochement entre Agnès Limbos et l'univers de Raymond Devos (mentionné dans le dossier de presse que j'avais à ma disposition) est peu sujet à caution en matière d'adhésion (Devos est connu du grand public et généralement apprécié des amateurs d'humour), j'ai hésité à recourir à la comparaison entre Les Frères Léon et la série anglaise L'autobus à impériale qui m'a pourtant également été « soufflée » par le dossier de presse. Hésitation parce que la référence, parlant, peut-être, à une génération restreinte de téléspectateurs (les enfants des années 70 et du début des années 80), pouvait ne pas être comprise par tous. Finalement, le plaisir nostalgique du rédacteur l'a emporté, le choix de la comparaison se justifiant aussi par la prise en compte, peut-être erronée, du destinataire. En effet, le poster jeune public, avant d'être éventuellement vu et lu par les enfants et leur famille, a eu, pour premier destinataire, les enseignants du primaire que j'ai spontanément projetés, au moment de l'écriture, comme des gens de ma génération pouvant apprécier la référence. Or, avec le recul, je devine que certains (parmi les plus âgés mais aussi parmi les plus jeunes...) n'ont pu la comprendre. Ainsi l'« argument de communauté » peut toucher un public ciblé voire très ciblé et ne pas s'adresser au plus grand nombre. S'il a peu d'incidence dans une communication à portée et à budget limités comme celle de l'ODC, on peut dire que le choix d'une communication « communautaire » est, cependant, toujours une prise de risque.

* 65 MOIRAND Sophie (1990), op. cit.

* 66 BRETON Philippe (2001), op. cit.

* 67 Il est intéressant de remarquer ici que la question de la légitimité n'est pas seulement théorique mais que ce commentaire fait écho à certains échanges dont j'ai pu être témoin durant le stage. En effet, certaines communes partenaires (peu nombreuses) contestent les choix de l'ODC et proposent parfois d'autres artistes. Cette remise en cause, venant souvent d'élus n'ayant aucune compétence dans le domaine culturel et veillant surtout à contenter leurs électeurs par des spectacles grand public, parfois de piètre qualité, est mal vécue par les programmateurs. C'est ainsi que dans l'édito de la directrice Martine Gasnier, on a pu lire cette petite mise au point rappelant la légitimité de l'ODC en matière de programmation: «  Depuis trois décennies, l'Office départemental de la culture oeuvre au développement de l'Orne et poursuit la voie qu'il s'est tracée, soucieux d'offrir aux habitants, toutes générations confondues, des moments artistiques de qualité au travers de saisons, de festivals mais aussi d'expositions d'art contemporains programmés avec l'exigence qui doit prévaloir lors de choix opérés par des professionnels dont la mission est indissociable du respect du public. » -c'est nous qui surlignons.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand