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L'intégration des médiums environnementaux dans la peinture contemporaine, une nouvelle écologie à  Kinshasa

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par Yves NGOY EBONDO
Académie des beaux- arts de Kinshasa - Licence 2013
  

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1.1.4.5. La Terre en danger

Comme le suggère McKibben, le mouvement écologique est encore hanté, dans les buts qu'il se fixe, par l'image de la terre photographiée depuis Apollo, et décrite par l'astronaute William Anders comme « une boule de sapin de Noël fragile, bleue-verte, que nous devrions manipuler avec beaucoup de soin ». Cette image de la fragilité est tout naturellement devenue l'icône du mouvement Earth Day, qui s'est donné pour mandat la survie de la planète dans son existence biophysique nue, avant et au-delà de toute frontière nationale. Image forte et totale de la maison commune de l'humanité (oikos), elle vient s'ajouter à la pléthore de diagrammes écologiques apparus à la même période, qui décrivent le « déséquilibre » menaçant ce que l'équipe Limits to Growth appelle le « modèle mondial » de la circulation en boucle des ressources et de la population43(*). Elle a suscité de nombreux échos enthousiastes dans le champ artistique, notamment de la part de Gyorgy Kepes qui, dans un essai intitulé « Art and Ecological Consciousness » (1972), formule l'impératif suivant : « Une homéostasie écologique à échelle mondiale est maintenant nécessaire à notre survie.

L'imagination créative, la sensibilité artistique font partie des outils de base, autorégulés et collectifs, qui nous aideront tous à comprendre et rejeter ce qui est toxique pour découvrir ce qui est important dans notre vie.44(*) »

Kepes cite de manière explicite l'image évoquée par Anders de la « boule de sapin de Noël fragile » et juge nécessaire une nouvelle « conscience écologique », tentant ainsi une synthèse entre connaissance scientifique et identification esthétique, dans le but de redonner à un monde de plus en plus malade et désorienté des structures organiques.

À quelques exceptions près, sur les vingt dernières années, l'art soi-disant « écologique » est demeuré à l'intérieur du champ dépolitisé et organiciste délimité par des personnalités telles Kepes, qui ont surtout abordé les questions d'architecture paysagiste, de pollution des systèmes écologiques non humains, et de phénoménologie de la nature. Certains artistes ont accompli des gestes symboliques spectaculaires à l'attention des médias, comme Joseph Beuys avec ses 3 000 arbres plantés pour l'exposition Documenta 3 en 1983, ou encore Buster Simpson et son lâcher de pilules géantes d'antiacide au-dessus de rivières polluées.

Dans cette veine, l'oeuvre conçue par Christo pour la couverture du numéro spécial du magazine Time en 1989, sur laquelle la « personnalité de l'année » est remplacée par la « planète de l'année », représente sans doute le point culminant en matière de volontarisme écologique à grande échelle. Au lieu d'un visage humain, la couverture montre un globe biophysique surdimensionné enveloppé dans du plastique, attaché tant bien que mal avec des cordes, et accompagné de la légende « Endangered Earth ».

Cette figure anthropomorphisée d'un globe vivant, quelque part entre suffocation et sauvetage, reprend presque mot à mot le rapport Brundtland de la commission des Nations unies pour l'environnement et le développement, best-seller en 1987 sous le titre Our Common Future.

L'introduction de ce rapport, intitulée « From One Earth to One World », commence ainsi:

« Au milieu du XXe siècle, nous avons pour la première fois vu notre planète depuis l'espace... [Nous sommes] en mesure d'envisager et d'étudier la planète comme un organisme dont la santé dépend de celle des parties qui la composent, et capables de réconcilier les activités humaines avec les lois naturelles, tout en prospérant. Au cours de ce processus, nos héritages culturels et spirituels viendront renforcer nos intérêts économiques et nos impératifs de survie45(*). »

Évoquant la perspective de l'astronaute-dieu et les outils de diagnostic dont dispose l'écologie, les auteurs d'Our Common Future sont les premiers à avoir formalisé le principe de « développement durable », selon lequel on doit « s'efforcer de satisfaire les besoins et les aspirations du présent sans compromettre les chances de satisfaire à ceux des générations futures. » Écartant toute idée d'un développement irrégulier au cours de l'histoire, ils avancent le postulat d'une dialectique essentielle de « l'homme et de la biosphère » qui se déploierait au fil du temps, voyant dans le monde un objet de ce que Wolfgang Sachs appelle « la gestion écocratique », qui aurait pour mandat indéfectible « la survie de la planète46(*) ».

En 1992, le Sommet de la Terre, dans la lignée du rapport Brundtland, élève officiellement la notion de « développement durable » au rang d'idéal devant guider l'économie mondiale de l'après-guerre froide, et s'efforce d'inclure dans l'élaboration d'accords internationaux les organisations non gouvernementales (ONG) en tant que voix légitime de la « société civile ». Si les ONG prennent en effet une part visible et inédite au fonctionnement interne du sommet, nombreuses sont celles qui en profitent pour aller au-delà du rôle qu'elles étaient censées jouer. Une coalition d'organisations des pays du Nord et du Sud, la première de son genre, organise un contre-sommet indépendant, posant de la sorte les fondations de ce qui serait plus tard connu sous le nom de Global Justice Movement. Ces organisations dénoncent alors le fait que le Sommet de la Terre n'a pas abordé la question du déséquilibre mondial du pouvoir entre les pays du G7 et le monde post-colonial, qu'il considère la pauvreté et la surpopulation (plutôt que les modèles de production et de consommation des pays du Nord) comme les causes premières de la dégradation de l'environnement, et estime que les activités des entreprises et leur croissance sont le mécanisme fondamental du bien-être mondial et doivent, pour cette raison, être soutenues.

Ainsi, au lieu de se contenter d'un rôle de consultants au sein d'un processus politique international, ces ONG revendiquent un espace indépendant depuis lequel elles demanderaient des comptes aux acteurs gouvernementaux et économiques, tout en mettant en question les fondements des notions d'« environnement » et de « durabilité » précisément invoquées par ces derniers pour justifier leurs actions.

Ce déplacement de fonctions et de fondements est alors mis en scène à travers une intervention organisée par Greenpeace à l'attention des médias, au cours de laquelle des militants lâchent au-dessus du Pain de sucre de Rio une immense bannière représentant la célèbre icône du globe évoquée par Our Common Future, à ceci près que ce dernier est tourné de manière à donner plus de place à l'hémisphère sud et arbore en anglais ainsi qu'en portugais le mot « vendu ». Cette intervention, prolongement des tactiques audacieuses utilisées par Greenpeace pour « témoigner », rompt de cette manière avec la standardisation iconique de la Terre, faisant de celle-ci un espace d'antagonisme tout en la maintenant comme échelle indispensable à l'imagination et à l'action.

De façon schématique, on peut voir dans l'apparition de cette bannière le signe d'un nouvel horizon de « l'art écologique » pour les dix années à venir au lieu de remettre l'humanité en contact avec les lois naturelles et les schémas organiques, l'impératif artistique serait maintenant de s'attaquer de toutes les manières possibles aux mouvements de déplacement et de réarticulation de l'écologie dans la perspective de l'aspiration générale aux droits démocratiques et à la justice sociale.47(*)

* 43 Donella H. MEADOWS et al., The Limits to Growth, New York, Universe, 1972.

* 44« Art and Ecological Consciousness », Gyorgy Kepes (ed.), Arts of the Environment, New York, George Braziller, 1972, p. 15.

* 45 World Commission on Environment and Development, Our Common Future, Oxford University Press, 1987, p.1.

* 46 Wolfgang Sachs, « Environment », dans Sachs (ed.), The Development Dictionary: A Guide to Knowledge as Power, London, Zed, 1992, p. 33.

* 47 http://www.edenlivres.fr/o/16/p/7767?l=fr&r=http://www.pol-editeur.com

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein