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L'intégration des médiums environnementaux dans la peinture contemporaine, une nouvelle écologie à  Kinshasa

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par Yves NGOY EBONDO
Académie des beaux- arts de Kinshasa - Licence 2013
  

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2.1.11. Sanguine

Depuis l'âge de pierre, les humains ont dessiné sur les murs à l'aide de pigments colorés. La sanguine, grâce à sa bonne prise sur les surfaces rugueuses, et surtout grâce à sa propriété de dilution, est, dès lors, employée comme couleur rouge.

On la retrouve sur les parois de tombeaux égyptiens, dans les fresques antiques de Pompéi et d'Herculanum et sur les murs des catacombes, tout comme dans la préparation des fresques de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance. Au 14e siècle, Cennini précise, « cette couleur est bonne sur le mur; employée à fresque, elle donne un ton cardinalesque ou violet et laqueux. Elle n'est pas bonne à employer autrement ni à encoller ».

Léonard, dans son Traité de la peinture, la conseille pour marquer les ombres du premier dessin sur la toile. Sur papier, la pierre rouge fait sa première apparition en France dans les portraits colorés de Jean Fouquet. Ce n'est finalement qu'au 16e siècle que Vasari, le premier, fait la distinction entre la craie rouge naturelle pour dessiner, autrement dit la sanguine, et les autres pigments minéraux de couleur rouge servant en peinture105(*)

La sanguine est une pierre naturelle composée d'un oxyde ferreux qui lui donne sa force chromatique. Comme il s'agit d'une matière « très forte et solide », pour pouvoir s'en servir comme d'une craie, elle doit contenir un certain degré d'argile. Bien que Vasari la dise d'origine allemande, l'Italie, l'Espagne, la France et les Flandres possèdent aussi leurs gisements. Dans son traité, Armenino indique que les artistes achètent la pierre mal dégrossie, puis enlèvent eux-mêmes la couche extérieure ainsi que toute masse dure pouvant nuire au dessin. Ils la coupent ensuite en petits blocs rectangulaires, au couteau ou à la scie, afin de l'introduire dans un porte-crayon et d'en effiler la pointe.

La teinte naturelle que procure la sanguine varie du rouge clair au rouge plus foncé pouvant tirer vers le brun ou le violet. Les dessinateurs de la Renaissance la préfèrent en rouge tendre, couleur chaude et vivante, préférence en vigueur jusqu'au 17e siècle. Il est aussi intéressant de constater que la sanguine humectée d'eau ou de salive immédiatement avant son utilisation donne une couleur plus fraîche et une ligne plus solide. L'hématite est utilisée en bâtonnet ou liquide, c'est-à-dire délayée dans l'eau pour le lavis .Enfin, comme il a déjà été mentionné, sa poussière ou son lavis remplace souvent la longue préparation à la poudre d'os dans les carnets de dessins faits à la plume.

Un élément nouveau que la sanguine apporte au dessin est la ligne de couleur. Avant elle, l'effet pictural que procure la couleur dépend soit de la préparation du support, soit du lavis juxtaposé aux traits. De plus, elle constitue un excellent moyen pour croquer les idées qui traversent l'esprit de l'artiste. Sa texture souple répond bien et rapidement à une simple variation de la pression exercée par la main, permettant ainsi d'ombrer largement, ou de noter avec exactitude certains détails plus délicats comme les plis d'un drapé, les traits d'un visage ou le contour d'une figure humaine.

La sanguine consent moins de variations tonales que la pierre noire mais, en revanche, offre un trait large et souple qui convient particulièrement aux dessins de petit format et au modelé limité. Il en est ainsi de l'étude de Michel-Ange pour La Sibylle libyenne qui, malgré qu'elle soit destinée à un ensemble monumental, demeure un dessin de dimension modeste traité à la façon d'un dessinateur qui comprend les limite de son matériau.

Les artistes de la Renaissance sont d'abord réticents à ce nouveau moyen technique qu'ils ne savent pas utiliser. Mais les possibilités qu'offre la sanguine, que ce ne soit que sur le plan des effets chromatiques, ont vite fait d'éliminer toute hésitation. Ainsi, à la fin du 15e siècle, la sanguine fait son apparition à Florence comme matériau indépendant pour le dessin. Grâce à elle, les études de nus, féminins surtout, adhèrent à une nouvelle sensibilité par le rendu velouté de la chair et les effets de lumière qui lui sont caractéristiques. Il est toutefois recommandé de faire un dessin préliminaire à la pointe d'argent, qui ne dépose aucune matière sur le papier non préparé; l'argent ne laissera qu'un mince sillon qui guidera l'artiste et sa pierre, évitant que les particules de cette dernière se brouillent avec le tracé préliminaire.106(*)

Il est probable que les artistes commencent par employer la sanguine comme instrument de dessin préliminaire pour la plume, comme ils le font déjà avec la pierre noire ou le fusain, mais se rendent rapidement compte que sa force chromatique fait ombrage au matériau principal et que l'effet obtenu avec la pierre rouge seule répond parfaitement à leurs exigences.

Ceux qui combinent tout de même la sanguine à une autre technique le font sciemment, comme Léonard de Vinci dans plusieurs de ses planches d'anatomie, ainsi que dans un Dessin pour le monument Trivulzio, où il reprend à la plume le mouvement exact du corps du cheval préalablement tracé à la sanguine, mais en modifie la position de la tête.

En fait, l'encre foncée est le seul moyen technique qui puisse surpasser le caractère puissant de la sanguine; elle permet d'appuyer la figure choisie et de laisser à l'arrière plan les repentirs. Le Corrège, par exemple, retrace à la plume, dans un mouvement rapide, certaines de ses études d'anges où demeurent, dans un amas flou, les traits à la sanguine dont il se sert à son avantage; les traits rouges ne sont pas indépendants de la luminosité de ces études, malgré leur rôle subalterne, et deviennent indispensables à la qualité tonale et chromatique du dessin107(*).

Au départ, il est possible de suivre l'évolution de la sanguine par les déplacements de Léonard de Vinci à travers l'Italie. Chastel écrit d'ailleurs que Léonard est peut-être l'inventeur du matériau; quoi qu'il en soit, il est sans contredit un de ses premiers adeptes, et son premier promoteur. C'est à Milan, où il séjourne de 1482 à 1499, qu'il a l'occasion d'utiliser la sanguine pour exécuter deux importantes commandes du duc Ludovic Sforza. En premier lieu, le duc lui demande de créer un monument équestre à son père, le condottiere François Sforza, puis, vers 1495, il commissionne le peintre florentin pour peindre La Cène au couvent des frères dominicains de Sainte-Marie-des-Grâces.

L'esquisse la plus élaborée de l'ensemble, à la sanguine, est « l'une des plus surprenantes de toutes les oeuvres qui nous restent de Léonard »108(*). Malgré son envergure, ce dessin révèle que l'artiste n'est pas encore tout à fait à l'aise avec le matériau. Clark précise que certaines parties du Christ sont le signe d'un manque de maturité et que l'ensemble des personnages a un aspect figé, presque sans vie. Ses études de têtes isolées nous prouvent toutefois qu'il considère la sanguine comme un instrument riche de potentiel graphique et de luminosité. Sur le plan du modelé, elle lui permet de tracer des contours énergiques et d'accentuer les traits du visage en dégradant les tons là où la peau est tendue ou qu'elle se plisse. Ainsi, Judas qui vient d'être accusé de trahison par Jésus, exprime de façon convaincante, c'est-à-dire par la tension de certains muscles et de profonds sillons dans le front et près des yeux, toute la surprise que l'événement lui crée.

Le retour à Florence de Léonard marque le début de l'effervescence du dessin à la sanguine. Dès 1503, il emploie la pierre seule dans des études de détails pour La Bataille d'Anghiari, comme dans une Tête de guerrier. Les avantages que l'on attribue au matériau, si on le compare à la pierre noire, ne font plus aucun doute : sa texture fine et velouté rend à merveille celle de la peau.

Raphaël est sans doute l'artiste qui utilise la sanguine avec la plus grande variété de styles. Au départ, sous l'influence de Léonard, le jeune peintre emploie l'instrument pour effectuer des dessins rapides, grâce à une manipulation semblable à celle de la pierre noire. C'est à cette époque qu'il exécute la série de Madones qui caractérisent sa période florentine. La sanguine est alors employée pour les primi pensieri dans lesquels les figures sont empreintes d'un mouvement créé par la rapidité du geste de l'artiste qui ne se préoccupe guère des repentirs. On constate également que la pierre rouge offre une douceur du trait que ne permet pas la plume car, bien souvent, le même motif ou un motif semblable est répété à la plume sur le même feuillet.

C'est toutefois à Rome que Raphaël découvre les multiples possibilités qu'offre le matériau. Sous l'influence de Michel-Ange, qui travaille à cette époque à la chapelle Sixtine, il élabore à la sanguine les études de figures pour les différents projets qui lui sont assignés. Cette pierre, si l'on emploie une variété plus dure, permet de produire des dessins aux formes anguleuses et au caractère sculptural. Par exemple, dans le dessin de La Sibylle de Cumes pour l'église Santa Maria della Pace (Vienne, Albertina), Raphaël rend les contours du personnage et les traits principaux du drapé par des lignes fermes, de même que les hachures parallèles et croisées qui rappellent la linéarité et la concision de la plume. Plus tard, vers 1515, l'artiste retourne à un dessin graphique qui, cette fois, imite plutôt la finesse de la pointe d'argent. Les ombres du modelé et les effets de lumière sont apposés avec soin à l'aide d'une sanguine bien taillée en pointe, ce qui donne comme résultat un dessin encore plus précis qu'au début de la décennie.

Les plans d'ombres et de lumière y sont clairement divisés. De plus, certaines études d'exécution rapide et spontanée, comme Un ange aux bras levés (Oxford, Asmolean Muséum), démontrent l'agilité de l'artiste : il balaie de sa craie la surface du support pour ce qui est du bas du corps et des ailes qui sont esquissées en quelques traits et il laisse apparents les repentirs, notamment pour ce qui est de la main et du bras droit109(*).

Le véritable successeur de Léonard de Vinci au titre de « maître de la sanguine » est Andrea Del Sarto qui adopte le matériau à partir d'environ 1511. Les influences du Sarto sont toutefois diverses. À ses débuts, il emprunte à Filipino Lippi une technique confuse et indisciplinée; puis, à la suite de son séjour dans l'atelier de Piero di Cosimo, il opte pour un style large et aisé auquel il ne reste qu'un mince rappel du souci du contour et du sfumato de Léonard. Le résultat obtenu par l'amalgame de ses caractéristiques est un dessin aéré où l'on sent que la main de l'artiste est libre de tout mouvement. C'est d'ailleurs dans l'atelier du Sarto, que Pontormo apprendra la technique en s'exerçant à copier des dessins de Michel-Ange. Elle lui permettra, plus tard, de modeler des formes agitées aux torsions étranges qui annoncent le premier maniérisme.

À Parme, la sanguine trouve un adepte en Antonio Allegri dit Le Corrège qui en fait son moyen d'expression favori. Considéré comme l'un des grands de la technique du clair-obscur, il parvient à rendre la douceur du modelé grâce à de longs traits fluides et un découpage exact des plans de lumière, qu'il raccorde par une transition subtile obtenue par le frottement de la pierre rouge. Le Corrège aime la couleur chaude de la sanguine et même dans ses primi pensieri repris à la plume, le rouge prédomine.

Ainsi, grâce à Léonard et à ceux qui lui succèdent, la sanguine devient, avant la fin du 16e siècle, un instrument de dessin haut en estime grâce à l'exactitude de sa ligne et le charme et l'harmonie des ombres qu'elle produit.

* 105 Jean RUDEL, op cit, p 128.

* 106 ibidem

* 107 Ibidem

* 108 http://archimede.bibl.ulaval.ca/archimede/fichiers/22586/ch06.html#ftn.d0e5623

* 109 Ibidem

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus