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L'intégration des médiums environnementaux dans la peinture contemporaine, une nouvelle écologie à  Kinshasa

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par Yves NGOY EBONDO
Académie des beaux- arts de Kinshasa - Licence 2013
  

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3.6. Emergence d'une nouvelle vision dans l'art de peindre kinois

Aucune audace n'a autant ébranlé les assises conceptuelles de la plastique congolaise que la révolte ayant marqué la fin du XXe siècle à Kinshasa. Au point de faire penser au phénomène « Dada172(*) » ou de faire parler de « mauvais art173(*) » ou encore de faire reconnaître « une nouvelle philosophie de l'art174(*) ». Partagée par toute une génération de jeunes artistes indépendants ou en formation, cette révolte fut cristallisée et portée sur la place publique en juin 1996 par « le Groupe exhibition libre », devenu « le Groupe des libristes » en octobre 1997.

Le concept « librisme » a été forgé par le jeune Francis Mampuya, à l'époque, étudiant à l'Académie des Beaux- Arts, pour désigner le combat délibéré que ses collègues et lui-même ont engagé contre l'enfermement dans les conventions artistiques scolaires et en faveur de l'éclosion des expressions libres.

Dans les années 1970 au cours desquelles I'AICA faisait ses premières rencontres avec l'Afrique, la section congolaise a eu beaucoup de mal à faire partager ce genre de combat. L'appel lancé par la jeune section en 1972 pour la création d'un groupe de recherches artistiques, fut tout simplement boudé par les artistes académiciens, dont la devise était « A bas la pensée vive la pratique ! ». Mais la poursuite des débats amorcés au troisième Congrès Extraordinaire de l'AICA et ayant en 1973 taxé l'art congolais de 50 ans de retard par rapport à celui de l'Occident, donnant naissance en 1974 au « Groupe des avant-gardistes congolais » (Zaïrois à l'époque). Ce groupe s'assigna comme objectif de renouveler l'art congolais moderne avec les ressources esthétiques ancestrales. Il en résulta deux tendances majeures que nous avons baptisées respectivement « Néonégrisme » et « Néorupestrisme »175(*).

La première tendance regroupe les artistes tels que les céramistes Bamba Ndombasi et Mokengo Kwekwe, les peintres Mayemba Ma Nkakasa, Mavinga Ma Nkondonguala, le sculpteur Tamba Ndembe. La seconde tendance a pour chef de file le peintre Kamba Luesa. La démarche des avant-gardistes connut une certaine constance durant une année, période au cours de laquelle des rencontres conviviales animées par des échanges critiques furent organisées avec les membres de l'AICA/ Congo (Zaïre à l'époque). Mais le divorce ne tarda à venir. En effet, le clientélisme récupéra les artistes en 1975. L'avant-gardisme congolais s'essouffla soit en érigeant des nouveaux ghettos esthétiques soit en redonnant force et vigueur aux recettes de l'art occidental du XIXe siècle finissant.

Les tenants de cet art ont une prédilection pour la recherche des «attitudes artistiques", fort prisées par les férus des « Beaux-arts ». Leur esthétique affiche généralement des visages humains impassibles, la beauté plastique prenant le dessus sur le thème littéraire. Il s'agit donc d'un art de contemplation évasive. Cet art contraste avec la peinture populaire contemporaine.176(*)

La peinture populaire contemporaine est le produit de la culture urbaine. Ses origines lointaines remontent cependant à la fin du XIXe siècle, aux fresques historiées qui revêtaient les cases rurales en pisé, dont les scènes représentaient le regard des villageois sur l'intrusion de la civilisation coloniale. A l'instar de leurs prédécesseurs, les peintres populaires contemporains développent un discours dans lequel l'ingéniosité du langage est mise au service de la communication sociale. La majorité des peintres est autodidacte et pratique un réalisme approximatif et ingénu.

Certains peintres sont toutefois parvenus à une bonne maîtrise du dessin et évoluent dans l'hyperréalisme. Longtemps considéré comme un art mineur, la peinture populaire contemporaine du Congo a connu son tournant décisif à partir de 1978. Cette année-là, le Congrès International des Africanistes (CIAF) organisa à Kinshasa un colloque sur le thème "La dépendance de l'Afrique et les moyens d'y remédier", avec le concours de la Section congolaise de l'AICA. Les assises du CIAF furent soutenues par la première exposition officielle de la peinture populaire du Congo. Tenue à l'Académie des Beaux-arts, cette exposition révéla aux visiteurs un univers pictural procédant d'un modèle culturel différent. L'on y trouve conjuguées avec vitalité les ressources des différents arts aussi bien visuels que littéraires.177(*)

L'attrait de la peinture populaire conduit certains jeunes académiciens à s'y convertir pour se libérer de l'assujettissement scolaire. Aussi, l'on retrouve aujourd'hui des anciens de l'Académie tels que Chéri Chérin, Alpha et Mbikulu dans l'univers des Chéri Samba, Bodo, Shula, Sim Simaro, Chéri Benga, etc.

Quant à la relève des avant-gardistes, elle est prise depuis 1992 par les ateliers Botembe où évoluent aussi les artistes Dikisongele, Malambu et Matemo. Enseignant à l'Académie de Beaux-arts, Botembe prit une sorte de congé sabbatique en 1996 pour se consacrer à ses recherches sur l'art traditionnel africain. L'artiste va au-delà des préoccupations de ses prédécesseurs. En effet, tandis que les avant-gardistes se limitaient à un remodelage de la plastique ancestrale Botembe se force d'en percevoir le symbolisme. Il exploite les symboles africains pour ce projet un nouveau langage qui mérite l'appellation « néonégrisme symboliste ». L'artiste lui-même se réclame du « transymbolisme africain ».

Ce concept est encore sujet à controverse. Mais la démarche artistique de l'artiste a des mérites réels. Reste que Botembe reconsidère le fonctionnement décoratif du tableau pour le rendre apte à initier le public aux arcanes de la sagesse ancestrale ainsi encodée. Reste aussi que l'artiste résiste au piège d'un nouvel académisme178(*).

Par rapport aux expériences des avant-gardistes et des ateliers Botembe, le groupe des « libristes », dernier-né des groupes kinois d'artistes académiciens en rupture de ban, voire de banc, a inauguré, pour l'art congolais contemporain, l'ère de la déstructuration radicale de l'art d'Académie (à ne pas réduire à l'art académique). Germain Kapend, Francis Mampuya et Eddy Masumbuku, fondateurs du groupe, furent considérés comme des « étudiants rebelles ». En dépit de son rejet par les milieux académiques, le collectif ne tarda pas à s'élargir avec d'autres adeptes du « librisme », notamment, les étudiants Olivier Matuti, Jean-Pierre Katembue, Désiré Kayamba et Nganga Puati, tout comme, l'artiste indépendant André Lukifimpa, un des précurseurs de l'état d'esprit « libristes » qui rejoignit cet ensemble en l'an 2000179(*).

Les « libristes » n'appartiennent pas à une école mais plutôt à un collectif cohérent mais non « aliénant ». Ils ont tous reçu l'enseignement de l'Académie des Beaux-arts de Kinshasa. Exception faite de Lukifimpa dont la révolte est ultérieure à « sa sortie de l'Alma Mater » en 1986, c'est au cours de leur cursus « académique » que ces plasticiens ont pris de la distance par rapport aux savoirs et aux pratiques « non déviantes » et qu'ils ont élaboré leur combat plastique.

L'engagement constant des libristes à prendre le train des mutations artistiques contemporaines a nourri et continue de nourrir une réflexion au sein de l'Espace Akhenaton. Ce « chantier de création » au coeur de Kinshasa offre aux libristes depuis 1997 un lieu de débat, critique mais libre et propice au cheminement de leur démarche créative. Celle-ci a introduit dans l'art congolais entre autres les concepts de récupération, performance, objets usuels, installation,

peinture-sculpture, art minimal, art brut... Avec la collaboration de la Halle de la Gombe (Centre Culturel Français) et du Centre Wallonie-Bruxelles, l'Espace Akhenaton a livré cette nouvelle plastique congolaise au public. Il a consacré son festival monographique Emergence 2001-2002 à Mampuya, Kapend, Masumbuku et Katembue qui furent à tour de rôle présentés dans les installations de la Halle de la Gombe tandis que la rubrique « coup de coeur » du Centre Wallonie- Bruxelles accueillait Lukifimpa dans la salle Magritte.

La présente communication voudrait proposer ce qu'il conviendrait de noter comme le premier moment de l'art congolais du XXIe siècle naissant.

Nous sommes conscients des risques de ce genre d'exercice mais nous laissons le soin du jugement péremptoire à l'histoire. Pour illustrer notre propos, nous avons jeté notre dévolu sur cinq artistes que nous avons eu le privilège de présenter au public de Kinshasa dans le cadre de nos activités d'animation culturelle en faveur de la jeune création « libristes »180(*).

3.6.1. Cinq figures marquantes

3.6.1.1. Germain Kapend

Séquences d'un sommeil cauchemardesque ! Les tableaux de Kapend en donnent l'apparence. Prenez garde, il ne s'agit nullement d'un art psychédélique.

Kapend a intégré l'Académie des Beaux-arts de Kinshasa en 1988, date où débute sa « rébellion » libristes. Elle trouve toute sa force en 1996 avec la création du groupe « Exhibition libre » où l'artiste se forge un langage particulier combinant connaissances scientifiques et constructions plastiques issues du surréalisme, constellé d'équations et de diverses formules scientifiques surgissant tout droit de l'inconscient.181(*)

La clé ? Dans un laboratoire médical, Kapend eut, un jour, l'oeil rivé sur le foyer d'un microscope pour la première fois. L'univers cellulaire ! Quel foisonnement de vie, quel grouillement ! Mais quel ordre aussi ! Peut-être l'anatomie humaine, animale, végétale, minérale, stellaire, sont-elles toutes mathématiques ! Par contre, quelle confusion dans la société des hommes, en dépit de l'essor scientifique et technologique ! Où conduisent les lumières de la science moderne ? Les mathématiques, la chimie, la biologie... ? Conquête de l'espace, conquête de puissance, conquête de la femme, conquête... toujours conquête... Kapend s'insurge, la dérive du génie scientifique a engendré la déshumanisation de l'homme contemporain passé maître dans l'art de destruction.

L'art de Kapend est un art très urbain. Palettes de feu et palettes bleues constituent des ensembles alternatifs. Folie de la ville, délire du citadin, qui peut faire penser à l'art du « graffiti » né à New York au milieu des années 1970. Les corps sont parés de mille artifices qui pénètrent la chair et l'âme, tatouages faits de formules mathématiques, scarifications diaboliques.

Dans de nombreuses oeuvres, des éclats de miroirs greffés invitent le spectateur à pénétrer les tableaux. Les formes inachevées le convient à participer à l'acte créateur, à parachever mentalement les anatomies. L'artiste dépose, sur quelques toiles, les traces de son propre corps cheveux, barbe... signes d'une introspection, d'une prise de conscience par rapport à l'existence. Démarche que l'artiste appelle « maïshisme ». Ce terme dérive de « maïsha » qui veut dire vie, existence en swahili, une langue largement parlée à Lubumbashi où le peintre est né le 30 novembre 1964.

On discerne, dans les peintures, les signes de reconnaissance d'une véritable « culture urbaine africaine » qui ne ménage ni ses ancêtres ni ses croyances ancestrales. On ne sait où regarder. Comme au coeur de la jungle urbaine, on loupe toujours quelque chose, on ne peut voir ni être partout. Comment accrocher ou orienter le regard ? Peut-être avec ces quelques artifices langagiers gros plan, surimpression, rotation voire torsion corporelle à 180°, qui impriment à nombre de toiles une perspective multipolaire. Pouvoir de séduction, invitation à la fête, cauchemar apocalyptique, une sorte de débauche de "raisonnée", celle de l'amour de l'autre et de l'espoir de voir un jour la science « s'humaniser »182(*).

* 172 Critique Bemba Lu-Babata, avis sur l'exposition de Mampuya, CCF, 13 mars 2001.

* 173Adiste LEMA KUSA, professeur à l'Académie des Beaux-arts, intervention lors de la conférence « Librisme animée par Célestin Badibanga, Paul Nzita, Désiré Kalumba et les Libristes, Académie des Beaux-arts. » 16 juillet 2001.

* 174 MUDIJI Abbé (philosophe d'art), « Avis sur l'exposition de Mampuya », CCF, 13 mars 2001.

* 175 Célestin BADIBANGA NE MWINE, Emergence d'une nouvelle plastique congolaise, Dakar - art, minorités, majorités, juillet 2003

* 176 ibidem.

* 177 ibidem.

* 178 ibidem.

* 179 ibidem.

* 180 IBIDEM.

* 181 Exposition : Emergence de l'Espace Akhenaton, collaboration Halle de la Gombe du 3 au 13 avril2001.

* 182 IBIDEM.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote