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La santé communautaire dans la région des savanes, Togo. Une étude de cas sur les commissions santé dans les districts sanitaires de Kpendjal, Tandjouaré et Tône

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par Alexander Doyle
Université libre de Bruxelles - Master en sciences de la population et du développement 2012
  

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1.1.4. La motivation

Plusieurs formes de motivation peuvent être mises en avant. Tout d'abord, le suivi est une forme de reconnaissance morale et psychologique pour l'ensemble des efforts encourus par les agents sanitaires. Des formations leur permettent de remettre leurs connaissances à jour et les stimulent longuement. L'apport d'outils et de matériels paraît hautement bénéfique. Mais malgré tous ces moyens, la motivation principale reste l'argent, et cette technique n'a pas encore été en tout point utilisée à ce jour. Cependant, « cela conduit à introduire, au sein d'une organisation publique, une logique de type marchand en jouant de la demande du consommateur comme incitatrice de l'offre » 156 . Mais suivant « l'idéal-type de la bureaucratie »157 de Weber, la dimension financière est un facteur qui doit être intégré au sein de ce processus, agissant comme signe de reconnaissance quant aux actions entreprises.

En théorie, les membres des diverses CS interrogés sont sensibles à l'amélioration de la santé dans leurs villages. Ils ont conscience de la situation à laquelle ils sont confrontés et aimeraient développer nombre d'outils pour contrer cette précarité sanitaire. Ils veulent faire face à tous les problèmes ambiants et estiment que c'est leur devoir d'agir. Ils ont bien conscience de la tâche qui leur incombe et de l'importance de se mobiliser pour trouver des solutions envisageables, indépendamment d'une motivation financière. « Parce que comme dit le proverbe, un seul bras ne peut pas entourer le baobab » [Président de la CS de Bougou, Tône]. Les CS semblent avoir bien compris la pertinence de leurs activités et ne paraissent pas forcément attendre une aide extérieure pour se stimuler.

« De mon côté, je suis là pour aider la population, je suis là pour aider les gens. Il ne faut pas attendre quelque chose pour faire ton travail, il faut faire, c'est la bénédiction que Dieu va te donner. Si tu dis que tu attends quelque chose, le travail ne se fera jamais. (É) Franchement

156 Médard, J.-F., op. cit., p. 41.

157 http://pedagogie2.ac-reunion.fr/ses/textes/Weber/burau.htm (page consultée le 27/07/2013).

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ce qui m'a motivé c'est pour aider nos parents à se sortir des malheurs » [Membre de la CS de Bogou, Tandjouaré].

Mais n'y a-t-il là que le bien-être de la communauté ? N'y a-t-il aucun autre type de motivation à mentionner ? Nous observerons à ce propos, une forme de réutilisation de leur statut à des fins plus personnelles (ce point précis sera abordé dans la section III. 2.4. Utilisation de leur statut).

Toutefois, dans notre cadre précis, un des plus gros problèmes relatifs au fonctionnement même des CS se situe aux fondements même de leur création. Lors de l'élaboration du projet, aucune motivation financière ni matérielle n'a été prévue à leur égard. En d'autres termes, après la mise en place des CS et l'attribution des rôles de chacun, en dehors d'un suivi plus ou moins soutenu dans un premier temps, peu d'outils ou de motivations concrètes leur ont été apportés.

Les contraintes à leur égard ne sont pas très élevées car « ils se sacrifient déjà » [Employé de 3ASC]. C'est donc pour cette raison que l'on ne peut pas établir de « critères de performances » les concernant. Donc s'il n'y a pas de motivation, ils risquent de ne pas effectuer correctement leur travail. Il est difficile d'évaluer leur apport en tant que tel, aucun résultat ne peut être validé, mais aucune sanction non plus n'est émise à leur égard. De ce fait, tout continue à être reprogrammé comme avant, jusqu'à l'arrêt des financements. Il s'agit donc d'un cercle vicieux que seule une motivation plus conséquente pourrait rompre. La productivité de leurs activités s'en verrait tout de suite améliorée.

Cette motivation est intimement liée aux initiatives entreprises par 3ASC. Sans l'appui de ses agents de terrain, les CS ne semblent pas consentir à des efforts soutenus. Dans de nombreux cas, il est à constater un problème d'initiative, de leadership et de responsabilisation rendant toute forme de réalisation difficile et soumise à une lenteur indescriptible. « L'idée de responsabilité (accountability) du personnel recouvre deux dimensions : la responsabilité vis-à-vis des autorités (par le haut), la responsabilité vis-à-vis du public, c'est à dire par le bas, auxquelles pourraient être ajoutée la responsabilisation morale vis-à-vis de sa conscience, c'est à dire la responsabilisation du dedans »158.

Par ailleurs, nous avons été amené à constater un réel problème d'absentéisme, dû notamment à la multiplicité des activités et fonctions des membres des CS - en dehors du cadre strict de cet organe.

158 Médard, J.-F., op. cit., p. 38.

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De façon générale, les CS semblent être motivées par la simple conviction que la « santé communautaire » est bénéfique. Néanmoins, de nombreux témoignages laissent entendre qu'elles ne se sentent pas suffisamment récompensées pour les efforts fournis. Tout ce qu'elles entreprennent comme actions, c'est au nom de la population, mais leurs membres en tant qu'individus, se sentent délaissés ; ils estiment que personne ne vient les soutenir concrètement dans leurs démarches, « pour eux, qui se sacrifie ? » [Employé de 3ASC].

- Le Ç Poug'ri » ;

Le « Poug'ri » est un terme communément utilisé dans le langage vernaculaire pour désigner une contribution reversée lors d'un événement ou d'une célébration. Il est perçu comme une assistance et tend à avoir une connotation péjorative. Il s'agira d'un acte infime qui sera destiné à alléger les dépenses de la personne concernée.

Dans ce cadre précis, ce terme a fait l'objet d'un transfert de langage pour signifier une motivation financière. En réalité, le « Poug'ri » fait référence aux « primes de déplacement » attribuées aux ASC. Elles consistent en une remise financière purement symbolique mais qui suffit à motiver à l'élaboration d'une tâche. Aussi, elle donne le sentiment à ses auteurs que le travail a été remarqué, pris en compte, qu'il fait l'objet d'un suivi et d'un encadrement et de ce fait, n'est pas passé inaperçu. « C'est juste pour les encourager » [Employé de 3ASC].

En juin 2012, une nouvelle attribution fut assignée au CS par 3ASC : « le suivi des ASC ». Il s'agit d'un programme spécifique. Sur la base d'une grille d'analyse constituée de « critères de performances », les CS avaient pour objectif d'évaluer elles-mêmes le travail effectué par les ASC. Concrètement, elles sont chargées d'assister les ASC, de consulter leurs cahiers de charges et de les superviser sur des thèmes comme la couverture vaccinale, les accouchements assistés et la sensibilisation par rapport aux CPN. Au cas où l'ASC faillit à ses obligations, la CS en vigueur a pour mission de l'interpeller et de le rappeler à l'ordre, suivant le contrat préétabli. Ensuite, elles ont pour obligation de valider les données récoltées par l'ASC, en collaboration avec le RFS, afin de vérifier son travail, avant que tous ces éléments ne soient collectés par 3ASC. Si les CS mènent à bien leur travail, une somme de 1000 FCFA (1,5 €) par mois leur sera remise. L'inconvénient est que l'observation en question dépend de l'accomplissement du travail par les ASC en premier lieu, faute de quoi, il ne pourra y avoir de récompense. En outre, dans le cas où des problèmes de communication ou d'harmonisation surviennent entre les ASC et les CS, ces derniers ne pourront les évaluer suivant les attentes qui leurs ont été formulées. De ce fait, nombre de rapports d'ASC semblent ne pas être remis aux CS dans les temps, ce qui rend leur tâche d'autant plus difficile.

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« Les ASC ne nous donnent pas complètement les rapports qu'il faut, donc c'est difficile de faire le travail correctement. Par exemple, nous n'avions pas les fiches à notre niveau à temps. Sauf qu'une première fois, qu'il a envoyé les fiches et les ASC ont refusé de remplir les fiches et de donner les rapports parce qu'on ne leurs a pas donné leur prime, leur poug'ri » [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].

Tout cet ensemble montre bien la dynamique bureaucratique actuelle : seuls les résultats sont récompensés. De plus, les CS sont d'une certaine façon victimes de la non-motivation des ASC. Il faut que les efforts fournis de part et d'autre soient distincts et n'influent en aucune manière sur l'autre type d'acteur.

Dans les faits, il a fallu six mois avant que le « Poug'ri » ne se concrétise en acte. Ce n'est que fin décembre 2012 que les membres des CS ont été conviés à se présenter au bureau de 3ASC pour récupérer leur dû. Notons que certaines aires sanitaires se trouvent à plus de 60 km de distance de Dapaong. Rien que pour le trajet aller-retour 2000 FCFA (3 €) - sur une moyenne de 4 litres/100- seront nécessaires en carburant. De plus, étant donné que l'ensemble des rapports des ASC n'a été soumis à une vérification que jusqu'à septembre 2012, les CS ne recevront que trois mois de récompenses, soit 3000 FCFA (4,5€). Bien que ce genre de récompense soit extrêmement minime, il demeure un appât. Une certaine dépense en temps, énergie et carburant est investie pour récolter un montant aussi dérisoire.

Dans tous les cas, il s'agit d'une responsabilité supplémentaire qui s'additionne à toutes les tâches - bénévoles - attribués aux CS lors de leur création. Mais, la présidente de la CS de Nanergou, Tône, tient à valoriser une certaine philosophie qui règne parmi les membres des CS :

« Faites le travail, et vous allez voir qu'est-ce qu'on va vous donner à la fin. N'attendez pas qu'on vous remette l'argent d'abord avant de faire le travail ». [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].

Mais les CS sont-elles vraiment compétentes pour effectuer ce travail supplémentaire ? Cette tâche n'est-elle pas de trop au regard de l'ensemble des activités qu'elles doivent effectuer et peinent déjà à entreprendre ?

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci