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La preuve du contrat électronique

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par Florent SUXE
Université Jean Monnet Paris XI - Master 2 droit des contrats 2012
  

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§2 La reconnaissance de l'écrit électronique par la volonté des parties

La rigidité du système légal probatoire peu adaptée à la prise en compte des nouveaux supports de conclusion et d'exécution des contrats a fait réagir la pratique. En effet, il n'est pas rare de voir les parties tromper l'incertitude en s'accordant sur les moyens de prouver leurs droits et obligations.

C'est ainsi que, conscientes des failles qui fragilisent leurs moyens de preuve, elles stipulent une clause réputant efficace tel ou tel procédé de preuve.

Cette pratique avait été entérinée par la jurisprudence sous l'empire du régime antérieur à la loi du 13 Mars 2000. Si la Cour de Cassation avait très tôt admis la pratique des conventions

69 Cass. Civ 1ère, 15 avr. 1980, Bull civ. I, n° 113, p. 93. Dans cet arrêt, l'usage concerne le milieu des éleveurs de chevaux.

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de preuves70, elle n'avait pas pour autant admis de manière générale leur validité de principe ni déclaré expressément -c'est pourtant un pré-requis- le caractère supplétif du régime légal probatoire. Il fallu attendre que se présente au juge du Droit la célèbre affaire Crédicas71.

Ainsi, la Cour de Cassation avait du se prononcer sur deux jugements rendus dans les mêmes termes et par le même tribunal. Les faits y étaient identiques : Un établissement de crédit demandait le paiement d'une créance de remboursement qu'elle détenait contre l'un de ses clients qui avait contracté un achat à l'aide de sa carte de crédit. L'établissement fournissait notamment à l'appui de sa demande plusieurs écritures électroniques établissant l'existence de ce paiement, et par hypothèse, celle de sa créance de remboursement envers le client.

Le tribunal ayant rejeté le moyen de preuve en énonçant que « la simple production de documents dactylographié et [...] d'une machine dont elle a la libre et entière disposition, est inopérante à constituer la preuve de l'engagement de rembourser... », la Cour de Cassation a cassé ces décisions au visa des articles 1341 et 1134 du Code Civil en considérant « qu'en statuant ainsi, alors que l'établissement de crédit invoquait l'existence, dans le contrat, d'une clause déterminant le procédé de preuve de l'ordre de paiement et que, pour les droits dont les parties ont la libre disposition, ces conventions relatives à la preuve sont licites, le Tribunal a violé les textes susvisés ; »

Le juge du Droit donnait ainsi raison à la doctrine moderne qui considérait -à la différence de la doctrine classique incarnée par Ihering- que lorsque les intérêts que poursuivaient les parties étaient purement privés -ce qui rejoint la notion de disponibilité des droits-, on devait leur reconnaître une liberté totale dans la preuve de leurs droits, l'article 1341 étant parfaitement optionnel72.

Qui plus est, la jurisprudence venait d'admettre que les conventions de preuve emportaient deux grandes conséquences. En premier lieu, ces conventions restreignaient la liberté des parties en admettant limitativement le ou les moyens de prouver leurs droits et obligations. Ainsi, elles ne pouvaient produire à l'appui de leurs demande un autre procédé de preuve et s'interdisaient par la même occasion à contester ce moyen de preuve.

En second lieu, ces conventions privaient le juge du pouvoir de dénier au procédé de preuve choisi la valeur probante que les parties avaient voulu lui conférer.

70 Voir par éxemple Cass.Civ, 23 novembre 1891 ; Cass.Civ, 20 Mars 1896

71 Voir note précitée 46

72 Planiol et Ripert, Traité pratique de droit civil, t.VII, par Gabolde, n° 1422 et 1428 et s. ; J.Guestin, Traité de droit civil, t. 1, 2e éd., 1983, par J.Gesthin et G.Goubeaux, n° 584, p. 491.

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L'effet de ces conventions devenait pour le moins radical et garantissait aux parties l'efficacité de leurs moyens de preuve.

La jurisprudence n'ayant pas limité -outre la condition de disponibilité des droits- le champ d'application de la règle qu'elle venait de poser, il y a tout lieu de penser qu'elle s'applique au-delà du paiement électronique, à la preuve du contrat électronique. Ainsi, il est loisible aux parties de décider que les e-mails échangés pourront être invoqués sans pouvoir être contestés.

Néanmoins, si la convention est établie électroniquement et par hypothèse, contenue dans l'instrumentum constatant le contrat électronique- les conditions générales de ventes mises en ligne par exemple-, il y a tout lieu de penser qu'elle sera inutile.

En effet, la convention de preuve ne peut être affranchie de l'article 1341 du Code civil et devra donc être prouvée dans les conditions légales applicables au contrat auquel elle se rapporte.

Si son objet est d'admettre un instrumentum électronique ne répondant pas aux conditions des articles 1341, 1316-1 et 1316-4 du Code civil, elle doit être contenue dans un autre instrumentum satisfaisant aux conditions légales, à défaut, la preuve de la convention est irrecevable et ne peut dès lors produire effet.

Ainsi, lorsque la demande dépasse 1500 euros et qu'elle est faite à l'encontre d'un particulier, la convention de preuve ne sera efficace que si elle est établie sur un support papier comportant une signature manuscrite. En dehors de ces cas, la preuve étant libre, elle peut être établie électroniquement.

Au surplus, depuis que la loi du 13 mars 2000 a introduit l'écrit électronique dans le régime légal probatoire en consacrant d'une part le principe d'équivalence de l'écrit électronique et de l'écrit papier et en déterminant d'autre part les conditions de cette équivalence, on peut s'interroger sur la pérennité de la jurisprudence Crédicas.

En effet, le législateur n'a réglementé que les conventions de preuve -sans reconnaître leur validité de principe- ayant pour objet de régler un conflit de preuves et on peut se demander si le silence sur les autres conventions doit s'interpréter comme un rejet de la jurisprudence Crédicas.

A priori, on peut penser le contraire. Plusieurs fondements peuvent démontrer la pérennité de cette solution.

Tout d'abord, il appartient à la jurisprudence de combler les lacunes de la loi, c'est à cette

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dernière qu'il appartient de révoquer les jurisprudences dont elle ne se satisfait pas.73 On ne peut raisonnablement déduire de telles révocations du silence du législateur et en l'espèce le rejet de la jurisprudence Crédicas en raison du silence de la loi du 13 mars 2000.

En second lieu, de telles conventions de preuve peuvent être admises sur le fondement du principe de la liberté contractuelle. Dès lors que le législateur a reconnu aux parties le pouvoir de régler leurs conflits de preuve en vertu de l'article 1316-2 du Code civil, ne leur a t-il pas plus largement reconnu le pouvoir d'élaborer leur propre régime probatoire en dérogeant au régime légal ?

Cependant, il importe de prendre en compte les dispositions protectrices du consommateur dont l'objet est d'éviter le détournement des conventions de preuve. Ainsi, l'article

R 132 12° du Code de la consommation74 présume comme abusives et de manière irréfragable les clauses qui pour objet ou effet d'imposer au non-professionnel ou au consommateur la charge de la preuve, qui, en vertu du droit applicable, devrait incomber normalement au professionnel.

Or, dans bien des cas, les cyber-commerçants insèrent dans leurs conditions générales des stipulations de preuve qui prévoient que seules seront opposables entre les parties les données unilatéralement conservées par le professionnel.

Ces clauses reportent indiscutablement sur les épaules du consommateur la charge d'une preuve que le Droit commun ne lui imposerait pas : elles l'obligent à démontrer la fausseté de la preuve rapportée par le professionnel et doivent dont être réputées non écrites.

Enfin, la loi tend dans d'autres cas à accueillir indirectement un écrit électronique imparfait. En effet, d'une part, rien ne contraint les parties à soulever les vices entachant la régularité de la preuve de leur contrat. D'autre part, le Code civil et le Code de commerce ont consacré dans certaines conditions le principe de liberté de la preuve, de sorte que les parties ne sont pas tenues de fournir un acte électronique répondant aux conditions de l'article 1316-1 et 1316-4 du Code civil.

73 Jean-Etienne-Marie Portalis, discours préliminaire sur le projet de code civil présenté le 1er pluviose de l'an IX

74 Décret n° 2009-302 du 18 mars 2009, JORF 20 mars 2009, p. 5030

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote