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La preuve du contrat électronique

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par Florent SUXE
Université Jean Monnet Paris XI - Master 2 droit des contrats 2012
  

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Chapitre 2 Les remèdes à l'imperfection intrinsèque de
l'écrit électronique

Il est vrai, le système probatoire français règlement et hiérarchise les modes de preuves. Ainsi les sujets de droit ne sont parfois pas totalement libres de la manière dont ils prouvent leurs droits et obligations.

Néanmoins, la loi tente ça et là d'assouplir la tâche des parties en admettant plusieurs remèdes à l'imperfection de l'écrit. Qu'il soit directs (section I) ou indirects (section II), ces remèdes tendent à libéraliser le régime probatoire français en permettant aux parties de se prévaloir d'un écrit électronique non conforme aux exigences des articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil.

Section 1 : Les remèdes directs à l'imperfection de l'écrit
électronique

Tout d'abord, les articles 1347 et suivants du code civil organisent les exceptions aux règles découlant du système de preuve légale. Ainsi, la loi reconnaît tantôt aux parties la possibilité de fournir un commencement de preuve par écrit. Tantôt, elle les autorise même à fournir le moyen de preuve de leur choix sous réserve de démontrer l'impossibilité d'établir une preuve par écrit (I).

En second lieu, le régime probatoire français n'est pas d'ordre public. Ainsi, les parties peuvent souverainement se libérer des contraintes inhérentes à l'obligation de prouver littéralement par l'intermédiaire d'une convention de preuve (II)

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§1 La consolidation de l'écrit électronique imparfait par l'existence d'autres
moyens de preuve

La jurisprudence s'est efforcée d'adopter, depuis les années 1970, une conception extensive des exceptions à l'obligation de prouver littéralement consacrées au fur et à mesure par le législateur. Ce phénomène est d'ailleurs décrit par certains auteurs comme la preuve de ce que, au-delà du formalisme probatoire véhiculé par la lettre du Code civil, la conviction du juge est devenue toute puissante même en matières d'actes juridiques61.

Aussi ces exceptions sont elles utiles pour les parties à un contrat électronique dont le montant dépasse le seuil de 1500 euros à compter duquel elles sont tenues de fournir une preuve par écrit à l'appui de leur prétentions.

En premier lieu, l'article 1347 du Code civil permet aux parties de consolider une preuve écrite imparfaite en établissant un commencement de preuve par écrit. Il s'agit de « tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué ».

Ce texte est tout à fait transposable au cas de l'écrit électronique imparfait. En effet, il n'apparaît pas absurde, par exemple, que des parties échangent plusieurs informations par la voie postale traditionnelle après avoir conclu leur contrat par voie électronique.

Ainsi, un simple courrier envoyé par le défendeur et faisant mention du contrat serait à même de constituer un commencement de preuve par écrit. Par conséquent, il aurait pour effet de consolider l'écrit électronique imparfait et éviterait au demandeur d'être débouté au seul motif qu'il n'est pas parvenu à établir une preuve recevable du contrat qu'il a allégué.

Qui plus est, il n'apparaît pas nécessaire que le commencement de preuve par écrit soit établi sur support papier, ainsi il pourrait tout aussi bien s'agir d'un courriel faisant état d'une réclamation en rapport au contrat conclu.

En second lieu, l'article 1348 alinéa 2 du code civil autorise le demandeur à fournir une copie de l'acte original lorsque celui-ci ou le dépositaire n'a pas « conservé le titre original et présente une copie qui en est la reproduction non seulement fidèle mais aussi durable ». Cette

61 X. Lagarde, « Vérité et légitimité », et Philippe Théry, « Les finalités du droit de la preuve en Droit privé », in Droits, 1996, n° 23, p. 31 et s. et p. 41 et s. ; E. Jeuland, « Nouvelles technologies et procès civil- Rapport général pour les pays de Droit civil », 17 septembre 2007, in XIIIe congrès mondial de droit processuel, Bahia, Brésil.

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disposition est essentielle en matière d'acte électronique dans la mesure où elle peut notamment être d'un grand secours lorsque les données informatiques ont étés perdues à la suite d'opérations de transfert ou encore par suite de l'altération du matériel informatique sur lequel était stocké l'acte.

Pour autant, ce texte n'apparaît pas d'une grande utilité pour les parties à un contrat électronique dont la preuve est imparfaite. D'une part, on peut douter de la capacité de la copie à constituer une reproduction fidèle et durable de l'original tant le risque est grand que le contenu ait subi une altération lors des opérations de manipulation.

D'autre part, le texte a pour objet de remédier aux inconvénients liés à la perte de l'original en autorisant un demandeur à fournir une simple copie. Il ne s'agit pas de lui permettre de passer outre les exigences des articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil dès lors qu'il détient une copie de l'original imparfait. On ne voit donc pas en réalité pourquoi on pourrait admettre qu'une copie soit recevable alors même qu'elle est la reproduction fidèle et durable d'un écrit électronique irrégulier au sens des articles 1316-1 et 1316-462.

Enfin, la question se pose de déterminer quel service l'article 1348 alinéa 1er pourrait offrir au demandeur lorsqu'il ne dispose que d'un écrit électronique imparfait. En effet, la disposition autorise le demandeur à fournir une preuve par tous moyens alors même qu'il est en principe tenu de fournir une preuve par écrit lorsqu'il n'a « pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique, soit a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d'un cas fortuit ou d'une force majeure ».

En théorie, cette disposition est intéressante à deux égards. Dans un premier temps, l'idée d'impossibilité matérielle d'établir une preuve littérale par voie électronique ne paraît pas absurde. Le demandeur peut à ce propos se prévaloir du haut degré d'exigence de la législation en vigueur pour démontrer l'impossibilité technique, en l'état actuel des sciences, de pouvoir établir un écrit électronique conforme aux exigences légales63.

Cette théorie demeure toutefois un peu spéculative dans la mesure où sa réception par le juge tendrait à faire échec aux exigences des articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil. En effet, l'impossibilité matérielle prise en compte par l'article 1348 du Code civil est ponctuelle et ne peut pas tenir à une impossibilité générale de se conformer aux exigences de la preuve par écrit.

62 Voir en comparaison l'arrêt du rendu par la Cour de Cassation le 4 décembre 2008 par lequel elle soumet la copie électronique d'un document papier aux exigences de l'article 1316-1 du Code civil. Cass.Civ 2ème, 4 déc 2008, Bull. Civ. II, n° 259, Comm. Comm. Elect. Fev 2009. n° 19. E.A Caprioli

63 A.penneau, « la forme et la preuve du contrat électronique », in L'acquis communautaire, le contrat électronique, J. Rochfeld, Coll Etudes juridiques, édition 2010.

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Cependant, on peut plus légitimement admettre que le demandeur puisse plaider la défaillance technologique lorsque par exemple, il a été impossible aux parties de mettre en oeuvre un procédé de signature électronique sécurisé à la suite d'un problème informatique.

En second lieu, l'impossibilité d'établir une preuve littérale peut se présenter sous la forme d'un empêchement de nature morale. Cette exception pourrait notamment être admise sur le fondement d'une jurisprudence de la Cour de cassation ayant considéré que l'impossibilité d'établir un écrit pouvait résulter d'un usage de ne pas signer un acte64.

D'ailleurs, cette opinion est confortée par une partie de la doctrine considérant que « cette jurisprudence pourrait être utilisée en vue d'une libération prétorienne de la signature électronique du carcan probatoire dans lequel la loi du 13 mars 2000 l'a enfermée »65.

Il s'agirait de démontrer que les acteurs du commerce électronique ont toujours fait abstraction des exigences propres à la preuve littérale de sorte que s'est forgé au fur et à mesure du temps un usage né de cette pratique de ne pas signer les actes. Cet usage serait si ancré qu'il expliquerait une impossibilité morale pour les parties de mettre en oeuvre un procédé de signature électronique fiable, et par hypothèse, justifierait une exception pour les parties à l'obligation de signer. Cependant cette démarche est très incertaine.

Tout d'abord, elle ne serait pas en parfaite adéquation avec la théorie des sources du droit selon laquelle un usage a normalement pour fonction de suppléer la loi car c'est la solution inverse qui serait consacrée, la loi devenant supplétive à l'usage créé par la pratique.66

Cela dit, la seule constatation qu'il s'agirait d'un usage contra legem ne suffirait pas à pouvoir l'écarter dès lors que d'une part, nombreux sont les cas dans lesquels notre Droit accorde une portée à un usage contraire à la loi67 et que d'autre part, le régime légal probatoire est seulement supplétif de volontés68.

En second lieu, la primauté d'un usage sur la loi est en principe très ponctuelle. En effet,

64 Cass. Civ 1ère, 18 juin 1963, Bull. Civ. I, n° 324 ; Cass. Civ 1ère, 15 avr. 1980, Bull civ. I, n° 113, p. 93.

65 A.Penneau, « Forme et preuve du contrat électronique », in l'acquis communautaire ,le contrat électronique, Judith rochfeld. coll études juridiques, économica 2010 ; Avis partagé explicitement par P-Y Gauthier et X. Linant de Bellefonds, « De l'écrit électronique et des signatures qui s'y rattachent », JCP G 2000, I, 236. Implicitement par , L. Grynbaum, obs. Sous Cass. Com., 4 Oct. 2005, Comm. Comm. Electr. mars 2006, p. 35

66 Escarra, « De la valeur de l'usage commercial », in Annales de droit commercial, 1910, p. ; M. Pedamon, « Y'a-t-il lieu de distinguer les usages et les coutumes en droit commercial, RTD com. 1959, p. 335 ; J. Bourcourechlief, « Usages commerciaux, usages professionnel, élaboration et formulation », in Dix ans de droit de l'entreprise, Libraires techniques, 1978.

67 Par exemple le mécanise de la solidarité passive entre des débiteurs dans actes de commerce.

68 C.Cass, Civ 1ère 8 Novembre 1989, Bull. Civ. I, n° 342, JCP G 1990, II, 21576, note G Virassamy, D. 1990, p. 369, note ch. Gavalda, D. 1990, somm., p. 327, obs. J. Huet

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elle ne concerne en général que certains milieux professionnels69. Or, il s'agirait dans cette hypothèse d'étendre cette primauté à tout le domaine des contrats électroniques, l'usage étant né de la pratique de l'ensemble des acteurs du commerce électronique.

Également, l'origine conventionnelle de l'usage de ne pas signer est très discutable en matière de commerce électronique de sorte qu'il est difficile de pouvoir parler d'usage au sens strict du terme.

Les usages contra legem sont généralement reconnus parce qu'il trouvent leur source dans un consensus au sein des acteurs de la profession. Or, l'existence d'un tel consensus est très douteuse entre les acteurs du commerce électronique dans la mesure où les relations nouées ne sont pas exclusivement professionnelles. L'usage de ne pas signer est plutôt commandé par la seule initiative des cybercommerçants.

Enfin, la consécration d'un tel usage ferait sortir le juge de sa fonction juridictionnelle traditionnelle, laquelle contraint le juge à appliquer la loi, à en compléter les lacunes mais lui interdit en tout état de cause de s'arroger le droit de la contredire.

En revanche tel n'est pas le cas des parties qui peuvent souverainement écarter la loi en choisissant expressément les moyens de prouver leurs droits et obligations par l'intermédiaire d'un convention de preuve.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle