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Les lanceurs d'alerte français, une espèce protégée ?

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par Julia Le Floc'h - Abdou
Paris X Ouest - Nanterre La Défense - Master II Droit pénal et Sciences criminelles 2015
  

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2 - L'alerte sous le prisme de la dénonciation calomnieuse

Les lanceurs d'alerte de mauvaise foi sont passibles de poursuites au titre de la dénonciation calomnieuse. La dénonciation calomnieuse revient à dénoncer sciemment un fait que l'on sait totalement ou partiellement inexact à des autorités susceptibles de prendre des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires. Elle est réprimée à l'article 226-10 du Code pénal et est caractérisée par plusieurs éléments.

)268.

La dénonciation, fait par quiconque, doit être spontanée et dirigée contre une personne déterminée (même si elle n'est pas nommément désignée). Elle doit porter sur un fait totalement ou partiellement inexact pouvant entraîner une sanction contre l'auteur présumé des faits reprochés. Le destinataire de la dénonciation doit être une personne investie d'un pouvoir de sanction (magistrat, officiers de police, huissiers, préfets, etc.) ou qualifiée pour s'adresser à une autorité qui a un pouvoir de sanction (médecin, assistante sociale, etc.

Le délit de dénonciation calomnieuse exige, pour être établi, que les faits dénoncés aient été préalablement déclarés faux par une autorité compétente. Donc, la fausseté du fait dénoncé résulte de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée.

En cas d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu rendu faute de charges suffisantes, le tribunal, saisi des poursuites contre le dénonciateur, appréciera la pertinence des accusations portées par celui-ci. Si les faits dénoncés n'ont donné lieu à aucune poursuite pénale, il incombe à la partie poursuivante la charge de la preuve de la fausseté des faits dénoncés269.

Le délit de dénonciation calomnieuse est caractérisé seulement si le dénonciateur a agi de mauvaise foi, en ayant conscience pleinement de la fausseté des faits dénoncés.

La bonne foi des lanceurs d'alerte a ainsi une place prééminente et est présumée en matière de lancement d'alerte270. Selon Serge Slama, lorsqu'un lanceur d'alerte est de bonne foi c'est qu'il dénonce « avec la conviction que l'information qu'il divulgue est authentique »271.

268 L'affaire Clearstream II débute lorsque Jean-Louis Gergorin dénonce au juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke (qui instruit sur les frégates de Taiwan) des dissimulations d'opérations financières illégales d'hommes politiques. Il sera poursuivi pour dénonciation calomnieuse lorsqu'au cours de son instruction Van Ruymbeke établira que les divulgations sont inexactes. Et ce malgré une bonne foi difficilement contestable. Voir : JR. VIALLET, Manipulations, une histoire française, produit par Christophe Nick, film documentaire, collection documentaire en 6 volets, diffusé sur France 3, le 11 nov. 2011 (312 mn)

269 T. Corr Versailles, 24 avril 2003 : Gaz. Pal. 2004. 1. Somm. 1302

270 Les récentes lois françaises en matière de protection des lanceurs d'alerte ont introduit la présomption de bonne foi.

271 S. SLAMA, « Le lanceur d'alerte, une nouvelle figure du droit public ? », Revue AJDA n°39, Dossier Les lanceurs d'alerte, 24 novembre 2014, p. 2229-2261

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La bonne ou mauvaise foi sera librement appréciée par les juges, qui vont appréhender les mobiles réels du lanceur d'alerte. Si elle est constatée, le dénonciateur pourra échapper à des poursuites puisque l'élément moral de la dénonciation calomnieuse ne sera pas caractérisé.

À ce stade, la bonne foi n'est pas étudiée sous l'aune du droit de la presse (donc sans qu'il ne soit question d'une dénonciation publique). En effet, cette notion existe également comme moyen de défense face à une poursuite pour diffamation.

Malgré tout, une passerelle existe entre ces deux moyens de défense. Les juges se prononçant sur la bonne foi d'un individu poursuivi pour dénonciation calomnieuse n'hésiteront pas à piocher dans les critères de la bonne foi permettant d'échapper à une condamnation pour diffamation.

En conséquence, la dénonciation calomnieuse se différencie de la diffamation. Si comme cette dernière elle porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée, la dénonciation calomnieuse est de surcroît de nature à entraîner des sanctions et n'a nul besoin d'être diffusée médiatiquement.

Des poursuites pour dénonciation calomnieuse sont régulièrement intentées contre des individus qui alertent des autorités272.

272 Catherine Bonnet, pédopsychiatre, a, entre 1996-1997, signalé aux autorités judiciaires des abus sexuels sur des enfants filmés par un de leurs parents (pour être enregistrés et exploités sur Internet). Suite à cette dénonciation, des pères et une mère vont porter plainte pour dénonciation calomnieuse au Conseil départemental de l'ordre des médecins. La justice donne raison aux plaignants et Catherine Bonnet est sévèrement sanctionnée.

En décembre 1998, le Conseil départemental de l'Ordre des médecins la condamne à trois fois trois ans d'interdiction d'exercer. En appel, ces condamnations tombent à quinze jours d'interdiction d'exercer et à deux blâmes.

Suite à ces sanctions, les patients vont se faire plus rares et, dès 1999, Catherine Bonnet a dû fermer son cabinet et s'exiler en Angleterre pour retrouver un emploi. En 2006, la Commission d'enquête de l'Association mondiale de psychiatrie (WPA) confirme la valeur de son travail et Catherine Bonnet est réhabilitée par l'Ordre des médecins. Le 22 mars 2014, elle est nommée par le Vatican avec sept autres experts pour créer la toute nouvelle commission d'experts pour la protection des enfants dans les institutions de l'Église catholique. Depuis cette histoire, elle se bat pour que les médecins puissent signaler les violences sexuelles envers les enfants en toute sécurité, sans risquer de perdre leur cabinet et leur droit d'exercer.

Cette affaire est complexe puisque la loi du 2 février 1981 (loi n°81-82 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes) a précisé l'obligation de dénonciation de sévices ou de privations infligées à un mineur de quinze ans aux autorités administratives ou judiciaires. Le médecin pouvant enfin s'adresser directement au procureur de la République ou au juge des enfants. Le médecin a donc le droit de signaler des sévices sur enfants aux autorités judiciaires, médicales ou administratives (art. 226-14 du Code Pénal), mais il reste libre de s'en tenir au respect du secret professionnel (art. 226-13 du Code pénal) y compris pour la dénonciation de ces sévices (art. 434-3 Code pénal). Pour remédier à ces difficultés, le Parlement a introduit une protection disciplinaire pour le médecin qui signale (loi n°2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance).

Certains auteurs ont relevé que ce droit d'alerte donné aux médecins n'a pas été source de grandes controverses (W. BOURDON, Petit manuel de désobéissance citoyenne, Editions JC Lattès, p. 88-217). À l'aune de l'affaire Bonnet, certaines questions peuvent être relevées.

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